La vie de Sainte d'Hildegarde.

22/03/2020


Sainte Hildegarde de Bingen, Abbesse Bénédictine (1098-1179). Fête le 17 Septembre.

Mardi 17 Septembre 2019 : Fête de Sainte Hildegarde de Bingen, Abbesse Bénédictine, Mystique et Docteur de l'Église (1098-1179).

Sainte Hildegarde de Bingen († 1179) a été proclamée le Dimanche 07 Octobre 2012, Docteur de l'Église.


Abbesse Bénédictine à Bingen, 35ème Docteur de l'Église (+ 1179).

Elle était d'une noble famille germanique. Très jeune, on la confie au couvent de Disibodenberg, un Monastère double, sur les bords du Rhin, où Moines et Moniales chantent la louange divine en des bâtiments mitoyens.
Devenue Abbesse, elle s'en va fonder une autre communauté à Bingen puis une à Eibingen. Elle voyage, va où on l'appelle, prêche dans les Cathédrales et les Couvents, correspond avec toutes les têtes couronnées, les pontifes de son temps, Saint Bernard et bien d'autres.

Elle plaide pour une réforme radicale de l'Église. Depuis sa petite enfance, elle est favorisée de visions exceptionnelles. Par obéissance, elle les couchera sur le papier. Ses récits apocalyptiques (au sens littéral de dévoilement des fins dernières) donnent de l'univers une vision étonnante de modernité où la science actuelle peut se reconnaître (création continue, énergie cachée dans la matière, magnétisme) mais qui peut aussi apaiser la soif actuelle de nos contemporains tentés par le "Nouvel Age". ("Le monde ne reste jamais dans un seul état", écrit-elle.) L'essentiel de sa pensée réside dans le combat entre Le Christ et le prince de ce monde, au cœur d'un cosmos conçu comme une symphonie invisible. Dante lui emprunta sa vision de la Trinité.

Dimanche 7 octobre 2012 - Messe pour l'ouverture du Synode des Évêques et proclamation comme "Docteur de l'Église" de saint Jean D'Avila et sainte Hildegarde de Bingen.
"Ces deux grands témoins de la Foi vécurent à des époques et dans des contextes culturels très différents. Hildegarde, une Bénédictine vivant en plein Moyen Age allemand, fut un vrai maître de théologie versée dans les sciences naturelles et la musique. Prêtre de la Renaissance espagnole, Jean prit part au renouveau culturel et religieux d'une Église et d'une société parvenues au seuil des temps modernes".

Leur sainteté de vie et la profondeur de leur doctrine disent leur actualité. La grâce de L'Esprit les projeta dans une expérience de plus profonde compréhension de la Révélation, et leur permit de dialoguer intelligemment avec le monde dans lequel l'Église agissait".
Puis le Pape a indiqué que ces deux figures de saints Docteurs revêtent de l'importance à la veille de l'Année de la Foi et en vue de la nouvelle évangélisation, à laquelle est consacrée la prochaine assise synodale. "Aujourd'hui encore, dans leurs enseignements, l'Esprit du Ressuscité résonne et éclaire le chemin vers la Vérité qui rend libre et donne son plein sens à nos vies". (source: VISnews)

Le 1er Septembre 2010, le Saint Père a consacré sa catéchèse à Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179), autrement appelée la "prophétesse rhénane".
Avant de présenter la figure de la Sainte, le Pape a évoqué la Lettre apostolique de Jean-Paul II Mulieris Dignitatem, publiée en 1988 et qui traitait du "rôle précieux que les femmes ont accompli et accomplissent dans la vie de l'Église" et qui exprimait le remerciement de l'Église "pour toutes les manifestations du génie féminin au cours de l'histoire...

Même au cours de ces siècles d'histoire que nous avons coutume d'appeler Moyen Age, certaines figures féminines se détachent par la sainteté de leur vie et la richesse de leur enseignement", comme Hildegarde de Bingen, issue d'une famille noble et nombreuse qui décida de la consacrer au service de Dieu.
Après avoir reçu une bonne formation humaine et chrétienne de Jutta de Spanheim, Hildegarde entra au Monastère Bénédictin du Disibodenberg et reçut le voile des mains de l'Évêque Othon de Bamberg.
En 1136, elle fut élue supérieure et poursuivit son devoir "en faisant fructifier ses dons de femme cultivée, spirituellement élevée et capable de gérer avec compétence l'organisation de la vie de clôture", a ajouté le Pape.

Peu après, face aux nombreuses vocations, Hildegarde fonda un autre couvent à Bingen, dédié à Saint Rupert, où elle passa le reste de sa vie. "Le style avec lequel elle exerçait son ministère d'autorité est exemplaire pour toute Communauté Religieuse: elle suscitait une émulation dans la pratique du bien".

La Sainte commença à décrire ses visions Mystiques alors qu'elle était supérieure du Disibodengerg à son conseiller spirituel, le moine Volmar, et à son secrétaire, Richard. "Comme cela arrive toujours dans la vie des vrais Mystiques, Hildegarde voulut aussi se soumettre à l'autorité de personnes sages pour discerner l'origine de ses visions craignant qu'elle ne fussent le fruit d'illusions et qu'elles ne proviennent pas de Dieu".

Elle parla à ce sujet avec Saint Bernard de Clairvaux qui la tranquillisa et l'encouragea. Puis, en 1147, elle reçut surtout l'approbation du Pape Eugène III qui, lors du synode de Trèves, lut un texte d'Hildegarde que lui avait présenté l'Archevêque de Mayence.
"Le Pape autorisa la Mystique à écrire ses visions et à en parler en public. A compter de ce moment-là, le prestige spirituel de Hildegarde s'en trouva grandi, au point que ses contemporains lui attribuèrent le titre de prophétesse rhénane", a ajouté Benoît XVI.

"Voilà le signe d'une authentique expérience de L'Esprit-Saint, source de tout charisme: la personne dépositaire de dons surnaturels ne s'en vante jamais, ne les montre pas et surtout fait preuve d'une obéissance totale envers l'autorité ecclésiastique. Chaque don donné par L'Esprit-Saint est destiné, en fait, à l'édification de l'Église, et l'Église, par ses pasteurs, en reconnaît l'authenticité", a conclu le Saint-Père. (source: VIS 20100901 490)


Le 8 Septembre 2010, Benoît XVI a poursuivi son évocation de Sainte Hildegarde, Bénédictine allemande du XII siècle, "qui se distingua par sa sainteté de vie et sa sagesse spirituelle". Rappelant les visions de cette Mystique, il a en souligné la dimension théologique.
Elles "se référaient aux principaux évènements de l'histoire du Salut et utilisaient un langage largement poétique et symbolique. Dans son oeuvre majeure sur la connaissance de la vie, Hildegarde de Bingen a résumé ce processus en trente cinq visions, de la création à la fin des temps...

La partie centrale développe le thème du mariage Mystique entre Dieu et l'humanité réalisé dans l'incarnation". Puis le Saint-Père a souligné combien ces brèves observations montrent que "la théologie peut recevoir des femmes un apport spécifique.
Grâce à leur intelligence et à leur sensibilité, elles sont capables de parler de Dieu et des mystères de la Foi. J'encourage donc -a-t-il dit- toutes celles qui assument ce service à l'accomplir dans un profond esprit ecclésial, en alimentant leur réflexion à la prière et en tenant compte de la grande richesse peu explorée de la mystique médiévale, cette mystique lumineuse que Hildegarde de Bingen représente" parfaitement.

Les autres écrits de Sainte Hildegarde, comme le Livre des mérites de la vie ou le Livre des oeuvres divines, a poursuivi le Pape, développent aussi "la relation profonde existant entre Dieu et l'homme.
Le premier traité rappelle que la Création, tout ce dont l'homme est l'accomplissement, reçoit la vie de la Trinité". Le second, "généralement considéré comme son oeuvre majeure, décrit la Création dans sa relation à Dieu et à la centralité de l'homme, et dénote un fort christocentrisme de sa connaissance biblique et patristique".

Puis il a rappelé qu'Hildegarde s'intéressa aussi de médecine, de sciences naturelles et de musique. "Pour elle, la Création entière est une symphonie de L'Esprit". Sa renommé en faisait l'objet de nombreux conseils.
Des Religieux, des Évêques et des Abbés s'adressaient à elle, et nombre de ses réponses demeurent valables. Forte de son autorité spirituelle, elle voyagea beaucoup à la fin de sa vie.

Partout on l'écoutait "car on la considérait une messagère de Dieu. Elle rappelait Clergé et Communautés Monastiques à une vie conforme à leur vocation. Elle combattit de manière énergique le catharisme allemand...en appelant de ses voeux une réforme radicale de l'Église, principalement pour corriger les abus du Clergé auquel elle reprochait de vouloir renverser la nature même de l'Église.
Elle disait aux clercs qu'un véritable renouveau de la communauté ecclésiale ne dépend moins du changement des structures que d'un sincère esprit de Pénitence et de Conversion. Ce message ne doit pas être oublié", a conclu le Pape.
"Invoquons donc l'Esprit, afin qu'il suscite au sein de l'Église des femmes saintes et courageuses qui, en valorisant les dons reçus de Dieu, offrent une contribution particulière à la croissance spirituelle de nos communautés et de l'Église d'aujourd'hui". (source: VIS 20100908 500)

Au Monastère de Rupertsberg, près de Bingen en Hesse rhénane, en 1179, Sainte Hildegarde, vierge Moniale. Experte en sciences naturelles, en médecine et en musique, elle composa plusieurs ouvrages où elle décrivit religieusement les visions Mystiques qu'il lui fut donné de contempler.
Martyrologe romain.

Cette multitude des anges a une raison d'être qui est liée à Dieu plus qu'à l'homme et elle n'apparaît aux hommes que rarement. Certains anges, cependant, qui sont au service des hommes, se révèlent par des signes, quand il plait à Dieu.
Sainte Hildegarde - Le livre des œuvres Divines.


Sainte Hildegarde De Bingen
Abbesse
(1098-1179)

Hildegarde était d'une noble famille germanique. Elle naît en 1098 en Rhénanie, probablement à Bermersheim, près d'Alzey, et meurt en 1179, à l'âge de 81 ans.
Très jeune, on la confie au Couvent de Disibodenberg, un Monastère double, sur les bords du Rhin, où Moines et Moniales chantent la louange Divine en des bâtiments mitoyens.
Devenue Abbesse, elle s'en va fonder une autre Communauté à Bingen puis une à Eibingen.
Elle voyage, va où on l'appelle, prêche dans les Cathédrales et les Couvents, correspond avec toutes les têtes couronnées, les pontifes de son temps, Saint Bernard et bien d'autres. Elle plaide pour une réforme radicale de l'Église.
Depuis sa petite enfance, elle est favorisée de visions exceptionnelles. Par obéissance, elle les couchera sur le papier.
Ses récits apocalyptiques (au sens littéral de dévoilement des fins dernières) donnent de l'univers une vision étonnante de modernité où la science actuelle peut se reconnaître (création continue, énergie cachée dans la matière, magnétisme) mais qui peut aussi apaiser la soif actuelle de nos contemporains tentés par le « Nouvel Age ». « Le monde ne reste jamais dans un seul état », écrit-elle.
L'essentiel de sa pensée réside dans le combat entre Le Christ et le prince de ce monde, au cœur d'un cosmos conçu comme une symphonie invisible. Dante lui emprunta sa vision de la Trinité.
Le Pape Benoît XVI a proclamé, Dimanche 7 Octobre 2012, Sainte Hildegarde de Bingen et Saint Jean d'Avila (1499/1500-1569) Docteurs de l'Église.

Pour approfondir, lire les Catéchèses du Pape Benoît XVI :

>>> Sainte Hildegarde de Bingen (2)
[Allemand, Anglais, Croate, Espagnol, Français, Italien, Portugais]

Sainte Hildegarde de Bingen, représentée sur un retable avec dorures à l'intérieur du Rochuskapelle, une église de pèlerinage dédiée à Saint-Roch dans la ville de Bingen am Rhein, en Allemagne.


BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Palais pontifical de Castel Gandolfo
Mercredi 1er Septembre 2010


Sainte Hildegarde de Bingen

Chers frères et sœurs,

En 1988, à l'occasion de l'Année mariale, le Pape Saint Jean-Paul II a écrit une Lettre apostolique intitulée Mulieris dignitatem, traitant du rôle précieux que les femmes ont accompli et accomplissent dans la vie de l'Eglise.

«L'Église - y lit-on - rend grâce pour toutes les manifestations du génie féminin apparues au cours de l'histoire, dans tous les peuples et dans toutes les nations; elle rend grâce pour tous les charismes dont l'Esprit Saint a doté les femmes dans l'histoire du Peuple de Dieu, pour toutes les victoires remportées grâce à leur Foi, à leur Espérance et à leur Amour: elle rend grâce pour tous les fruits de la sainteté féminine» (n. 31).

Egalement, au cours des siècles de l'histoire que nous appelons habituellement Moyen Age, diverses figures de femmes se distinguent par la sainteté de leur vie et la richesse de leur enseignement.

Aujourd'hui, je voudrais commencer à vous présenter l'une d'entre elles: Sainte Hildegarde de Bingen, qui a vécu en Allemagne au XIIe siècle.

Elle naquit en 1098 en Rhénanie, probablement à Bermersheim, près d'Alzey, et mourut en 1179, à l'âge de 81 ans, en dépit de ses conditions de santé depuis toujours fragiles. Hildegarde appartenait à une famille noble et nombreuse, et dès sa naissance, elle fut vouée par ses parents au service à Dieu.

A l'âge de huit ans, elle fut offerte à l'état Religieux (selon la Règle de Saint Benoît, chap. 59) et, afin de recevoir une formation humaine et chrétienne appropriée, elle fut confiée aux soins de la veuve consacrée Uda de Göllheim puis de Judith de Spanheim, qui s'était retirée en clôture dans le Monastère Bénédictin Saint-Disibod.

C'est ainsi que se forma un petit monastère féminin de clôture, qui suivait la Règle de Saint Benoît.

Hildegarde reçut le voile des mains de l'Évêque Othon de Bamberg et en 1136, à la mort de Mère Judith, devenue magistra (Prieure) de la Communauté, ses concours l'appelèrent à lui succéder.

Elle accomplit cette charge en mettant à profit ses dons de femme cultivée, spirituellement élevée et capable d'affronter avec compétence les aspects liés à l'organisation de la vie de clôture.

Quelques années plus tard, notamment en raison du nombre croissant de jeunes femmes qui frappaient à la porte du monastère, Hildegarde se sépara du Monastère masculin dominant de Saint-Disibod avec la Communauté à Bingen, dédiée à Saint Rupert, où elle passa le reste de sa vie.

Le style avec lequel elle exerçait le Ministère de l'autorité est exemplaire pour toute Communauté Religieuse: celui-ci suscitait une sainte émulation dans la pratique du bien, au point que, comme il ressort des témoignages de l'époque, la mère et les filles rivalisaient de zèle dans l'estime et le service réciproque.

Déjà au cours des années où elle était magistra du Monastère Saint-Disibod, Hildegarde avait commencé à dicter ses visions Mystiques, qu'elle avait depuis un certain temps, à son conseiller spirituel, le Moine Volmar, et à sa secrétaire, une consœur à laquelle elle était très attachée Richardis de Strade.

Comme cela est toujours le cas dans la vie des véritables Mystiques, Hildegarde voulut se soumettre aussi à l'autorité de personnes sages pour discerner l'origine de ses visions, craignant qu'elles soient le fruit d'illusions et qu'elles ne viennent pas de Dieu.

Elle s'adressa donc à la personne qui, à l'époque, bénéficiait de la plus haute estime dans l'Église: Saint Bernard de Clairvaux, dont j'ai déjà parlé dans certaines catéchèses.

Celui-ci rassura et encouragea Hildegarde.

Mais en 1147, elle reçut une autre approbation très importante. Le Pape Eugène III, qui présidait un synode à Trèves, lut un texte dicté par Hildegarde, qui lui avait été présenté par l'Archevêque Henri de Mayence.

Le Pape autorisa la Mystique à écrire ses visions et à parler en public. A partir de ce moment, le prestige spirituel d'Hildegarde grandit toujours davantage, d'autant plus que ses contemporains lui attribuèrent le titre de «prophétesse teutonique».

Tel est, chers amis, le sceau d'une expérience authentique de L'Esprit Saint, source de tout charisme: la personne dépositaire de dons surnaturels ne s'en vante jamais, ne les affiche pas, et surtout, fait preuve d'une obéissance totale à l'autorité ecclésiale.

En effet, chaque Don accordé par l'Esprit Saint est destiné à l'édification de l'Église, et l'Église, à travers ses pasteurs, en reconnaît l'authenticité.

Je parlerai encore une fois mercredi prochain de cette grande femme «prophétesse», qui nous parle avec une grande actualité aujourd'hui aussi, à travers sa capacité courageuse à discerner les signes des temps, son amour pour la création, sa médecine, sa poésie, sa musique, qui est aujourd'hui reconstruite, son Amour pour Le Christ et pour son Église, qui souffrait aussi en ce temps-là, blessée également à cette époque par les péchés des Prêtres et des laïcs, et d'autant plus aimée comme Corps du Christ.

Ainsi, Sainte Hilegarde nous parle-t-elle; nous l'évoquerons encore mercredi prochain. Merci pour votre attention.

* * *

Je salue avec joie les pèlerins francophones, en particulier l'aumônerie des jeunes travailleurs du Golfe de Saint Tropez.

À la suite de Sainte Hildegarde dont je parlerai plus amplement prochainement, puissiez-vous, chers frères et sœurs, vous laisser instruire par L'Esprit Saint.

Vous découvrirez alors les Dons que Le Seigneur vous fait pour le service de l'Église et du monde entier.

Bon pèlerinage à tous et bonne rentrée à ceux qui vont reprendre leur travail ou le chemin des études. Je pense particulièrement aux enfants et aux jeunes.


BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI
Mercredi 8 septembre 2010


Sainte Hildegarde (2)

Chers frères et sœurs,

Je voudrais aujourd'hui reprendre et poursuivre la réflexion sur Sainte Hildegarde de Bingen, figure importante de femme au Moyen âge, qui se distingua par sa sagesse spirituelle et la sainteté de sa vie.

Les visions Mystiques d'Hildegarde ressemblent à celles des prophètes de l'Ancien Testament: s'exprimant à travers les expressions culturelles et religieuses de son époque, elle interprétait à la Lumière de Dieu les Saintes Ecritures, les appliquant aux diverses circonstances de la vie.

Ainsi, tous ceux qui l'écoutaient se sentaient exhortés à pratiquer un style d'existence chrétienne cohérent et engagé.

Dans une lettre à Saint Bernard, la Mystique de Rhénanie confesse: «La vision envahit tout mon être: je ne vois plus avec les yeux du corps, mais elle m'apparaît dans l'esprit des mystères...
Je connais la signification profonde de ce qui est exposé dans le psautier, dans l'Évangile, et d'autres livres, qui m'apparaissent en vision. Celle-ci brûle comme une flamme dans ma poitrine et dans mon âme, et m'enseigne à comprendre en profondeur le texte» (Epitolarium pars prima I-XC: CCCM 91).

Les visions Mystiques d'Hildegarde sont riches de contenus théologiques. Elles font référence aux événements principaux de l'histoire du Salut, et adoptent un langage principalement poétique et symbolique.

Par exemple, dans son œuvre la plus célèbre, intitulée Scivias, c'est-à-dire «Connais les voies», elle résume en trente-cinq visions les événements de l'histoire du Salut, de la Création du monde à la fin des temps.

Avec les traits caractéristiques de la sensibilité féminine, Hildegarde, précisément dans la partie centrale de son œuvre, développe le thème du mariage Mystique entre Dieu et l'humanité réalisé dans l'Incarnation.

Sur l'arbre de La Croix s'accomplissent les Noces du Fils de Dieu avec l'Église, son épouse, emplie de grâce et rendue capable de donner à Dieu de nouveaux fils, dans l'Amour de L'Esprit Saint (cf. Visio tertia: PL 197, 453c).

A partir de ces brèves évocations, nous voyons déjà que la théologie peut également recevoir une contribution particulière des femmes, car elles sont capables de parler de Dieu et des mystères de la Foi à travers leur intelligence et leur sensibilité particulières.

J'encourage donc toutes celles qui accomplissent ce service à l'accomplir avec un profond esprit ecclésial, en nourrissant leur réflexion à la Prière et en puisant à la grande richesse, encore en partie inexplorée, de la tradition mystique médiévale, surtout celle représentée par des modèles lumineux, comme le fut précisément Hildegarde de Bingen.

La Mystique rhénane est aussi l'auteur d'autres écrits, dont deux particulièrement importants parce qu'ils témoignent, comme le Scivias, de ses visions Mystiques: ce sont le Liber vitae meritorum (Livre des mérites de la vie) et le Liber divinorum operum (Livre des œuvres divines), appelé aussi De operatione Dei.

Dans le premier est décrite une unique et vigoureuse vision de Dieu qui vivifie l'univers par sa force et sa Lumière.

Hildegarde souligne la profonde relation entre l'homme et Dieu et nous rappelle que toute la création, dont l'homme est le sommet, reçoit la vie de la Trinité.

Cet écrit est centré sur la relation entre les vertus et les vices, qui fait que l'être humain doit affronter chaque jour le défi des vices, qui l'éloignent dans son cheminement vers Dieu et les vertus, qui le favorisent.

L'invitation est de s'éloigner du mal pour glorifier Dieu et pour entrer, après une existence vertueuse, dans la vie «toute de joie».

Dans la seconde œuvre, considérée par beaucoup comme son chef-d'œuvre, elle décrit encore la création dans son rapport avec Dieu et la place centrale de l'homme, en manifestant un fort christocentrisme aux accents bibliques et patristiques.

La Sainte, qui présente cinq visions inspirées par le Prologue de l'Evangile de Saint Jean, rapporte les paroles que Le Fils adresse au Père: «Toute l'œuvre que tu as voulue et que tu m'as confiée, je l'ai menée à bien, et voici que je suis en Toi, et Toi en Moi, et que nous sommes Un» (Pars III, Visio X: PL 197, 1025a).

Dans d'autres écrits, enfin, Hildegarde manifeste la versatilité des intérêts et la vivacité culturelle des monastères féminins du Moyen âge, à contre-courant des préjugés qui pèsent encore sur l'époque.

Hildegarde s'occupa de médecine et de sciences naturelles, ainsi que de musique, étant doté de talent artistique.

Elle composa aussi des hymnes, des antiennes et des chants, réunis sous le titre de Symphonia Harmoniae Caelestium Revelationum (Symphonie de l'harmonie des révélations Célestes), qui étaient joyeusement interprétés dans ses Monastères, diffusant un climat de sérénité, et qui sont également parvenus jusqu'à nous.

Pour elle, la création tout entière est une symphonie de L'Esprit-Saint, qui est en soi joie et jubilation.

La popularité dont Hildegarde jouissait poussait de nombreuses personnes à l'interpeller. C'est pour cette raison que nous disposons d'un grand nombre de ses lettres.

Des Communautés Monastiques masculines et féminines, des Évêques et des Abbés s'adressaient à elle.

De nombreuses réponses restent valables également pour nous.
Par exemple, Hildegarde écrivit ce qui suit à une Communauté Religieuse féminine:

«La Vie spirituelle doit faire l'objet de beaucoup de dévouement. Au début, la fatigue est amère. Car elle exige la renonciation aux manifestations extérieures, au plaisir de la chair et à d'autres choses semblables.

Mais si elle se laisse fasciner par la sainteté, une âme sainte trouvera doux et plein d'amour le mépris même du monde.

Il suffit seulement, avec intelligence, de faire attention à ce que l'âme ne se fane pas» (E. Gronau, Hildegard. Vita di una donna profetica alle origini dell'età moderna, Milan 1996, p. 402).

Et lorsque l'empereur Frédéric Barberousse fut à l'origine d'un schisme ecclésial opposant trois antipapes au Pape légitime Alexandre III, Hildegarde, inspirée par ses visions, n'hésita pas à lui rappeler qu'il était lui aussi sujet au Jugement de Dieu.

Avec l'audace qui caractérise chaque prophète, elle écrivit à l'empereur ces mots de la part de Dieu:

«Attention, attention à cette mauvaise conduite des impies qui me méprisent! Prête-moi attention, ô roi, si tu veux vivre! Autrement mon épée te transpercera!» (ibid., p. 142).

Avec l'autorité spirituelle dont elle était dotée, au cours des dernières années de sa vie, Hildegarde se mit en voyage, malgré son âge avancé et les conditions difficiles des déplacements, pour parler de Dieu aux populations.

Tous l'écoutaient volontiers, même lorsqu'elle prenait un ton sévère: ils la considéraient comme une messagère envoyée par Dieu.

Elle rappelait surtout les Communautés Monastiques et le Clergé à une vie conforme à leur vocation.

De manière particulière, Hildegarde s'opposa au mouvement des cathares allemands. Ces derniers - littéralement cathares signifie «purs» - prônaient une réforme radicale de l'Église, en particulier pour combattre les abus du Clergé.

Elle leur reprocha sévèrement de vouloir renverser la nature même de l'Église, en leur rappelant qu'un véritable renouvellement de la communauté ecclésiale ne s'obtient pas tant avec le changement des structures, qu'avec un esprit de Pénitence sincère et un chemin actif de Conversion.

Il s'agit là d'un message que nous ne devrions jamais oublier. Invoquons toujours L'Esprit Saint afin qu'il suscite dans l'Église des femmes saintes et courageuses, comme Sainte Hildegarde de Bingen, qui, en valorisant les dons reçus par Dieu, apportent leur contribution précieuse et spécifique à la croissance spirituelle de nos communautés!

* * *

Je salue les pèlerins francophones présents particulièrement les pèlerins venus de Metz et de Saint Just d'Arbois.

Je ne désire pas oublier le Secrétaire et les membres de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe qui ont tenu à être présent ce matin, ainsi que des membres de l'association des retraités du Ministère des Affaires Etrangères.

Puissiez-vous à l'exemple de Sainte Hildegarde continuer à chercher Dieu! Bon pèlerinage à tous!


TOME I
TABLE DÉTAILLÉE
EPITRE AU COMTE DE JEAN
PREFACE DU TRADUCTEUR
PREFACE DE Ste HILDEGARDE
VISION PREMIÈRE :
VISION SECONDE :
VISION TROISIÈME :
VISION QUATRIÈME :
VISION CINQUIÈME :
VISION SIXIEME :

TOME II
TABLE DÉTAILLÉE

EPITRE DE L'EDITEUR
VISION PREMIÈRE :
VISION SECONDE :
VISION TROISIÈME :
VISION QUATRIÈME :
VISION CINQUIÈME :



Sainte Hildegarde de Bingen

> > > Prophéties


Lecture.
Ô feu de L'Esprit Paraclet, vie de la vie de toute créature, tu es saint, toi qui vivifies l'aspect des choses. Tu es saint, toi qui couvres de ton baume les fractures douloureuses, et saint toi qui bandes les plaies gangrenées.
Souffle de sainteté, feu d'amour, saveur de miel dans les cœurs et rafraîchissante rosée de nos âmes, parfum des vertus.
Fontaine d'infinie pureté où Dieu se laisse voir, soucieux de rassembler les étrangers et de chercher les égarés.
Protecteur de la vie, espérance de l'union de tous les hommes, creuset de la beauté, sauve tes créatures !
Par ta grâce courent les nuages, plane l'air, tandis que les pierres se couvrent d'humidité, que les eaux deviennent des ruisseaux et que la terre transpire la sève qui monte en toute végétation.
C'est toi encore qui ne cesses de guider les savants et qui les combles de joie quand tu leur inspires la connaissance.
Louange à toi, qui fais retentir la louange et facilites joyeusement la route : à toi l'espérance, l'honneur et la force.
Louange à toi qui nous donnes la lumière.
(Hildegarde de Bingen, Ô feu de l'Esprit Paraclet)

Prière
Dieu de Miséricorde, qui as donné à ta servante Hildegarde la grâce de te servir d'un cœur unifié et de t'aimer par-dessus toute chose : fais que, après avoir renouvelé par ce Sacrement notre Communion avec Toi, nous renoncions à tout ce qui nous entrave dans notre suite du Christ et qu'en croissant de gloire en gloire nous te ressemblions.

A MONSIEUR LE COMTE CHARLES-DIEUDONNE DEJEAN A MONSIEUR LE COMTE
CHARLES-DIEUDONNE DEJEAN

Nous n'avons plus de saints ! dit-on, de toutes parts. C'est vrai, si l'on veut parler de ces êtres supérieurs à leur temps, qui en imposent aux autres par l'éminence de leur vertu et la beauté de leur vie toute pleine de Dieu, comme Sainte Hildegarde, l'une de ces thaumaturges qui imprimèrent à leur siècle le sceau divin, pour indiquer aux âges futurs les desseins de Dieu sur les âmes, et dévoiler aux yeux des croyants émerveillés, quelques coins des mystères qui encerclent l'humanité de toutes parts ; parce que tout étant plein de Dieu, (in ipso vivimus movemur et sumus) et rien ne pouvant échapper à l'action divine : découvrir le mystère, par la révélation ou dans les manifestations de la créature, c'est pénétrer plus avant en Dieu même.

Il semble, en effet, qu'il n'y ait plus de ces grandes figures auréolées de sainteté ; et que Dieu ne se montre plus, comme au temps passé, à travers un rayon de sa gloire, aux yeux de quelques élus de l'Eglise militante, pour leur faire entrevoir les profondeurs de l'infini, leur entrouvrir les portes du ciel ou celles de l'abîme, et les forcer de révéler les splendeurs de leur vision béatifique.

Leur rôle est peut-être fini dans le monde, où leur nombre était grand jadis ; et comme ils ont suffisamment montré aux humains les volontés de l'Eternel, le doute n'étant plus permis, il ne leur reste plus désormais qu'à se conformer à ses lois.

Mais il y a encore au milieu de nous des âmes privilégiées dont l'existence, pour être moins éclatante, n'en est pas moins empreinte de l'action de Dieu, qui les réserve pour accomplir dans le silence l'oeuvre tracée par les grands saints, dont la vie est écrite dans les fastes de l'histoire.

Malgré votre humilité, et sans doute à cause d'elle, vous êtes de ce nombre, Monsieur le Comte... Bien rares ceux qui peuvent connaître l'étendue de votre piété et de votre dévouement à toutes les nobles causes! Mais n'est-il pas dit de Dieu, qu'il donne sa grâce aux humbles et qu'il la retire aux superbes ? Superbis resistit, humilibus autem dat gratiam.

C'est pourquoi, malgré mon insuffisance, ayant à découvrir aux yeux des croyants, les régions encore inexplorées des mystères divins manifestés à Ste Hildegarde, dans une langue plus accessible et plus familière que celle employée par la sainte, dont j'ai entrepris de traduire les visions un peu semblables au livre scellé des Ecritures, où seuls peuvent lire ceux qui ont reçu de Dieu la clef du mystère : il m'a semblé que je devais dédier mon labeur à un de ces hommes d'élite qui, vivant au milieu d'un siècle corrompu, ont conservé au coeur la foi des anciens temps, et s'efforcent d'en répandre le germe fécond et vivifiant. Seule votre modestie pourra m'en vouloir ;
mais ceux qui vous connaissent diront : que je ne pouvais faire meilleur choix.

D'ailleurs, la dédicace d'une oeuvre ne pourrait vous être honorable, que si elle était vraiment digne de vous et de la grandeur du sujet. Mais je n'ose espérer que celui qui a déjà parcouru, d'un oeil expérimenté dans la science des saints, tant d'oeuvres mystiques écrites par des plumes autrement autorisées que la mienne, pourra prendre goût à cette traduction un peu ingrate et diffuse, à cause de l'inexpérience du traducteur et de la basse latinité employée par la Sainte qui ignorait, dit-elle, le beau langage des hommes, et s'exprimait naïvement dans une langue inconnue d'elle, sur des sujets dépassant souvent la portée de l'intelligence humaine. J'eusse pu, toutefois, polir la phrase, mais la pensée n'y aurait sans doute rien gagné, et j'ai cru me rapprocher davantage de l'original, en dégageant fidèlement le sens littéral, comme on me l'avait demandé, sans me soucier de la forme.

Votre exquise urbanité, Monsieur le Comte, vous fera accueillir mon oeuvre avec quelque indulgence, vous souvenant que sous la rude écorce se trouve souvent un fruit savoureux et doux. Et, la grâce de Dieu aidant, vous pourrez assister à ce spectacle inouï d'un Dieu qui se manifeste, comme aux anciens prophètes, à une humble femme, dans des visions mystiques d'une étrange beauté, dans les horreurs du Sinaï ou les splendeurs du Thabor ; en attendant que vous puissiez jouir, non plus au figuré, per speculum et in enigmate, mais réellement, de la vision béatifique que Dieu prépare à ses saints, dans toute l'étendue de la gloire. 

PRÉFACE DU TRADUCTEUR

Nous voudrions voir des miracles ! s'exclament en ricanant les athées, lorsque nous les invitons à examiner attentivement avec nous, les fondements de notre croyance et la splendeur du dogme catholique, avant de nier effrontément ce qu'ils ignorent. Mais s'ils voyaient le miracle, ils nieraient encore, attribuant à des sortilèges, à la magie, à une vaine science, ce qu'ils ne pourraient expliquer ; car, l'essentiel n'est pas de voir le miracle, mais d'avoir une âme susceptible de le reconnaître et de le contempler lorsqu'il se présente à nos yeux : Or, il y a des âmes rebelles au miracle, qui est comme le rayonnement de la puissance et de la gloire de Dieu sur le monde ; de même qu'il y a des yeux incapables de voir la lumière du jour. Mais les aveugles de l'âme sont plus gravement atteints et mille fois plus nombreux que les autres: Oculos habent et non vident.

Nous voulons voir des miracles!
Et moi qui ne suis ni un illuminé, ni un visionnaire, mais un homme comme les autres, ayant, par la grâce de Dieu, conservé toutes mes facultés visuelles, malgré le contagieux aveuglement de tant d'hommes de mon pays et de ma génération, qui se complaisent dans l'erreur, je vais vous parler d'un miracle qui s'est perpétué, pendant près d'un demi-siècle, aux yeux des peuples étonnés, mais convaincus.

Et ce miracle avait pour sujet une humble femme, devenue l'habitacle de l'Esprit de lumière, qui répandait par elle, à travers le monde, les ondes fécondantes de la sagesse et de la charité divine ; une humble femme ignorante de la science des hommes, devenue soudain, comme malgré elle, un autre Moïse, pour convertir son peuple, gravir la montagne de Sion, converser avec les anges et Dieu lui-même ; et toujours sous l'inspiration divine, sonder le mystère, lire dans le livre scellé des Ecritures, parler une langue inconnue, écrire, sans lettres, des pages sublimes, s'entretenir, au nom de Dieu, avec les princes et les rois ; chasser le démon qui ne fuyait que devant elle, en frémissant, comme devant le chérubin de flammes ; guérir les malades qui, ayant foi en sa sainteté, l'invoquaient déjà comme une sainte, et éprouvaient, de près ou de loin, les merveilleux effets de sa protection et de leur confiance (1).

Voilà ce qu'il fut donné de voir aux hommes, en un temps où le ciel communiquait avec la terre couverte des asiles de la prière et de la vertu : Deliciae meae esse cum filiis hominum : Dieu faisant ses délices d'habiter parmi les enfants des hommes.

Voulez-vous savoir le secret de ce miracle perpétuel et vivant, (car on ne peut appeler d'un autre nom ce colloque incessant d'une âme, fille de Dieu, avec Dieu lui-même, dans le sommeil comme dans la veille, ces relations habituelles de la vierge Hildegarde avec les esprits de lumière, cette intuition constante des sphères infinies, malgré les secousses de la chair et du sang et les effrois d'une nature débile, qui ne pouvait supporter les contrecoups de cette vision, que par une intervention toute divine) ?

Le secret de ce miracle perpétuel était dans la pureté de cette âme, dans l'ardeur de sa foi, dans les extases de sa prière, dans les transports de son amour ; car Dieu se montre à ceux qui l'aiment : C'est Lui qui fait leur éducation, qui leur infuse sa science, qui les pénètre de sa grâce, et les transfigure à tel point, qu'il ne leur reste plus rien d'humain, que cette enveloppe fragile et périssable, qu'ils ont hâte de dépouiller pour se réfugier en Dieu.

Vous voudriez voir le miracle ! Mais le miracle est partout, il vous enserre de toutes parts, et vous ne le voyez pas ; car votre âme enfouie dans la matière dont elle se préoccupe exclusivement, ne voit rien de Dieu, dans le grand livre ouvert de la nature, où toutes les lettres sont gravées par lui, où il a écrit son nom à toutes les pages, où tout est plein de lui.

Vous voudriez voir le miracle ! Et vous ne connaissez pas un mot de la science des saints, vous n'avez jamais entr'ouvert le livre des Ecritures, vous ignorez la loi et vous méprisez le précepte, vous ne priez jamais, vous vous moquez de la vertu, vous ne pensez pas aux choses essentielles ; et, vous souciant fort peu de votre âme, vous suivez l'instinct de la bête.

On le vit jadis le miracle, dans cette belle et douce France où tout parle de Dieu. Et le grand peuple des Francs qui, à l'époque de Ste Hildegarde, accomplissait déjà les gestes de la divinité, (2) n'était pas seulement le témoin convaincu des miracles, mais dans l'élan de sa foi, il les multipliait lui-même autour de lui : Gesta Dei per Francos.

Et qu'est-ce donc que les gestes de Dieu, sinon des miracles ... à tel point que l'on aurait pu appeler ce pays aimé du ciel : La terre des miracles !

Questionnez l'univers : Il sait bien qui nous

sommes !

Si, vanter leurs aïeux, est l'orgueil des Français,
L'histoire est la matrice où se coulent les hommes :
Quand un nom est sans tache, on le garde à

jamais !


Mais on ne voit plus le miracle, dans ce même pays déshabitué des choses de Dieu : Un vent de malédiction a passé sur ce peuple ! L'honneur et le courage ont fait place à la veulerie et à la lâcheté !
Aujourd'hui tout s'affaisse,on n'ose plus marcher !
Les prophètes s'en vont, dédaigneux de prêcher
A cette foule abjecte et toujours implorante
De chimériques biens... pauvre bête ignorante
Qui va tête baissée où le veut son bourreau,
Comme vers l'abattoir le stupide troupeau !
« Ce qui frappe (s'écrie un des plus grands écrivains de notre temps... prophète, hélas ! méconnu, comme tous les prophètes) c'est le détachement de toutes les classes de ce Christ dont l'amour résuma, pendant tant de siècles, la vie Française. »
« Aujourd'hui, l'indifférence existe même chez beaucoup de ceux qui sont demeurés fidèles, en apparence, aux traditions des ancêtres, aux pratiques extérieures du culte.» (Drumont). Et l'on voit des patriciens et des patriciennes qui portent les plus beaux noms de France, illustrés jadis au service de Dieu et de la Patrie, se livrer à des oeuvres indignes, couvrir ces mêmes noms d'opprobre, étaler sans vergogne leur infamie, incapables qu'ils sont d'un mouvement d'indignation devant les attentats à la religion des ancêtres et au culte de la Patrie ! Ils préfèrent jouir de leur fortune, afficher un luxe inouï, organiser des fêtes mondaines ridicules ou scandaleuses, courir les théâtres où l'immoralité s'étale impudente, pendant que les courents se vident, que les temples se ferment, que les asiles de la vertu font place toujours à d'autres palais, à d'autres temples de la luxure et du lucre.

Mais pensez-vous que Dieu fasse en vain des

[miracles ?


Ceux qui firent jadis notre France si belle, étaient des hommes comme vous, portés au plaisir comme vous, avec des passions plus indomptables que les vôtres, puisqu'ils étaient plus grands que vous. Mais ils se dominaient quand même, parce que la foi animait tous leurs actes ; et ils accomplissaient des exploits si prodigieux, que nous vivons encore de leur gloire.
C'est nous les héritiers de toutes les victoires,
Dont les noms triomphants illustrent nos cités !
Mais sans répudier aucune de nos gloires,
A nous grandir encor nous sommes invités.
D'où vient donc qu'aujourd'hui vous n'éprouviez que des émotions factices pour les gestes de Dieu ; et que vous ne sachiez plus vous élever, par la grandeur morale, jusqu'à ces hauteurs incomparables où resplendirent d'une beauté sereine ces héros, ces héroïnes, dont on nous apprit à bégayer les noms avec amour, sur les genoux de nos mères, et que vous êtes incapables d'imiter aujourd'hui, parce qu'un souffle de folie et d'erreur a passé sur notre France, pour déraciner de vos coeurs les nobles vertus, les sentiments chevaleresques, l'amour de Dieu et l'esprit de sacrifice, qui firent le fond de notre race et l'imposèrent à l'admiration du monde ? - Il est temps de secouer notre torpeur, de renoncer à notre égoïsme, de renouer nos traditions héroïques, de revenir au culte de nos autels, de remettre à sa place (la première toujours et partout) ce Dieu qui fit la France grande et prospère, pour ressaisir le sens des miracles, voir de nouveau briller dans le ciel le signe rédempteur, écouter la parole des oracles, déchiffrer dans le livre de vie l'énigme du monde, converser avec nos saints et nos saintes, les donner comme modèles à nos fils, à nos filles ; si nous voulons redevenir la race forte et toute puissante qui nous valut la première place jadis.

C'est pourquoi il est bon de remonter dans le passé glorieux, d'étudier les belles figures extatiques que nous offrent les vies des saints, d'écouter les voix de l'au-delà, de lire dans notre langue si lumineuse, ces sublimes révélations qui nous montrent que Dieu, malgré notre petitesse, ne dédaignepas de converser avec les âmes croyantes, et de leur communiquer son esprit et sa sagesse. Mais pour entendre ces voix et comprendre ce langage, il faut ne pas être rebelles à la grâce et se retirer du tumulte du monde.

Plaise à Dieu que je n'aie pas été trop inférieur à ma tâche ! Si j'ai pu saisir le sens véritable de l'oracle divin, ce n'est pas à moi qu'en revient le mérite, mais à Celui d'où vient tout don parfait, à Sainte Hildegarde dont je suis le pâle interprète, et qui ne voulant pas que ses écrits soient défigurés par un profane, m'aura sans doute obtenu de Dieu la grâce de faire une traduction naïve de son oeuvre plus divine qu'humaine.

D'ailleurs, en fils dévoué de la Sainte Eglise catholique, apostolique et romaine, je me soumets à toutes ses décisions, en protestant de ma bonne foi, bien loin de vouloir affirmer quoi que ce soit de contraire à son dogme et à ses croyances.

En ce temps où l'erreur domine, je ne viens pas ajouter ma pierre à l'édifice de Satan, mais contribuer, pour ma faible part, à ruiner ses assises qui reposent sur le sable mouvant, jusqu'à ce que le souffle du ToutPuissant le renverse, de fond en comble, pour la confusion de Satan et de ses légions, et la victoire définitive de l'église de Dieu, basée sur la pierre angulaire, qui est le Christ Jésus, à qui soient honneur et gloire, dans les siècles des siècles.

R. CHAMONAL. 

Livre 1 Préface SAINTE HILDEGARDE

SCIVIAS
ou
LES TROIS LIVRES
DES
VISIONS ET RÉVÉLATIONS


LIVRE PREMIER

PRÉFACE

Voici qu'en la quarante-troisième année de ma course temporelle, comme, toute saisie de crainte, esclave de ma volonté hésitante, je tenais (mes regards) attachés à une céleste vision, je vis une grande splendeur ; et, dans cette splendeur, une voix qui venait du ciel me dit : O homme (femme) fragile, cendre de cendre, corruption (issue) de la corruption, dis et écris ce que tu vois et entends.

Mais, parce que tu es timide dans le langage, inhabile dans l'exposition, ignorante de la manière d'écrire ces choses, dis-les, écris-les, non d'après les règles de l'élocution humaine, l'intelligence de son invention et de la disposition qu'elle exige (1), mais, d'après ce que tu vois et entends dans les splendeurs célestes, dans les merveilles de Dieu, en le proférant, pour le faire entendre, comme l'auditeur qui perçoit les paroles de son maître les répète, selon l'accent de son langage, parce que lui-même le veut, le montre et l'enseigne.

Ainsi, toi-même, ô femme, dis ce que tu vois et entends ; et, écris-le, non selon toi, mais d'après la volonté de Celui qui sait, voit et dispose toutes choses dans le secret de ses mystères.

Et de nouveau, j'entendis une voix du ciel qui me disait :
Raconte-donc ces merveilles, écris ces choses ainsi apprises, et dis :
En l'année mille cent quarante-et-une de l'Incarnation du Fils de Dieu, Jésus-Christ, à l'âge de quarante-deux ans sept mois, une lumière de flammes d'un merveilleux éclat, venant du ciel entr'ouvert, pénétra mon cerveau, mon coeur et ma poitrine, comme une flamme qui ne brûle pas, mais échauffe, à la manière du soleil qui darde ses rayons sur la terre.

Et soudain, je savourais l'intelligence de l'exposition des livres des Psaumes, des Evangiles et des autres livres catholiques, de l'Ancien et du Nouveau Testament, sans entendre toutefois l'interprétation du texte, des paroles de ces livres, ni la division des syllabes, ni la connaissance des cas et des temps (2). Mais, dès mon enfance, de l'âge de cinq ans à l'époque où j'écris ces choses, d'une manière admirable, je sentais en moi, comme maintenant, la vertu des mystères, des secrètes et merveilleuses visions ; et cependant, je ne le manifestai à aucun homme, excepté à quelques rares religieux qui vivaient assujétis à la même règle que moi ; car, jusqu'au temps où Dieu voulut, par sa grâce, que ces visions fussent découvertes, je me cachai dans le silence. Mais les visions que je vis, ce ne fut pas en songe, ni dans le sommeil, ni dans (une espèce) de phrénésie ; je ne les vis pas des yeux charnels, je ne les entendis pas des oreilles extérieures de l'homme, et dans des lieux cachés ; mais je les contemplai, selon la volonté de Dieu, en pleine veille, à découvert, les considérant dans toute la clarté de l'esprit, des yeux et des oreilles de l'homme intérieur. Comment cela se fit ? Il est difficile à l'homme charnel de le découvrir. Mais, ayant passé le terme de la jeunesse, et étant arrivée à l'âge de la maturité, j'entendis une voix du ciel qui disait: « Je suis la lumière vivante qui éclaire les ténèbres : J'ai établi qui j'ai voulu, et je l'ai élevé merveilleusement, comme il m'a plu, dans les prodiges, au-dessus des anciens personnages qui apprirent de moi beaucoup de choses mystérieuses ; mais je l'ai terrassé, pour qu'il ne s'élevât pas dans l'exaltation de son esprit. Le monde aussi n'éprouva en lui, ni joie, ni délectation, ni souplesse dans les choses qui lui sont propres, parce que je le privai de l'audace nécessaire, et qu'il était timide et craintif dans ses oeuvres. Il souffrit dans les moelles et dans les veines de sa chair : son âme et ses sens, brisés par la douleur, il eut à supporter de grands tourments corporels, au point qu'il ne pût goûter aucune paix, mais qu'en toutes choses il dût s'estimer coupable. Car j'ai enclos les ruines de son coeur, de peur que son esprit ne s'élevât par la superbe et la vaine gloire, et pour qu'il éprouvât plus de crainte et de douleur en toutes ces choses, que de joie et d'orgueil. C'est pourquoi, dans mon amour, il considéra en son âme, qui pourrait lui découvrir la voie du salut. Il en trouva un, et l'aima, reconnaissant qu'il était fidèle, et lui ressemblait dans la part de l'oeuvre qui me regarde ; et, se l'attachant, il s'efforça avec lui, aidé en toutes choses par le secours d'en-haut, de révéler mes merveilles cachées. Et lui-même ne s'enfla pas d'orgueil, mais s'humilia devant lui avec des soupirs, dans la conviction de sa bassesse et dans l'effort de sa bonne volonté. Toi donc qui reçois ces choses, non dans l'inquiétude de la déception, mais dans la pureté d'intention, parce qu'elles sont dirigées vers la manifestation de choses mystérieuses, écris ce que tu vois et entends. »

Mais bien que je visse et j'entendisse ces choses, cependant, à cause de mon irrésolution, de la mauvaise opinion que j'avais (de moi-même), et de la diversité des paroles humaines, je refusai d'écrire, non par obstination, mais pour rester dans mon rôle d'humilité, jusqu'à ce que, par un châtiment divin, terrassée par la maladie, je gardai le lit. Alors, contrainte par de nombreuses infirmités, sur les engagements d'une noble fille de bonnes moeurs, et de l'homme que j'avais secrètement cherché et trouvé, je mis la main à la plume. Comme j'écrivais, comprenant, ainsi que je l'ai dit, la profondeur sublime de l'exposition des livres, je sentis renaître mes forces et je me relevai de maladie. Mais, c'est à peine si, en dix ans, je pus terminer cet ouvrage.

J'eus ces visions et j'entendis ces paroles, à l'époque d'Henri, archevêque de Mayence, de Conrad (3), roi des Romains, et de Cunon, Abbé du Mont,du Bienheureux Pontife Disibode, sous le pape Eugène (4).

Je dis et j'écrivis ces choses, non selon l'invention de mon coeur ou (sous l'inspiration) d'un autre homme, mais comme je les vis dans les sphères célestes, et comme je les entendis et perçus en vertu des secrets mystères divins. - Et de nouveau, j'entendis une voix du ciel qui me disait : Crie donc et écris ainsi.

(1) La voix céleste l'incite à raconter malgré son insuffisance, ce qu'elle voit et entend en faisant fi des règles du discours établies par l'homme. N. du Trad.
(2) Elle ne sait rien à la façon des hommes, d'ap les régles des règles des grammairiens et des rhéteurs, mais sa science est toute divine. N. du Trad.
(3) Conrad III (empereur). Croisade en Terre-Sainte. Mort en 1152.
(4) Eugène III (Pape), 1145-1153. Conciles de Reims et de Trèves. 

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