Suite de la vie de Sainte Catherine Emmerich "Apôtre de l'église".

LIVRE TROISIÈME

CATHERINE APÔTRE DE L'EGLISE

PAR SES DONS INTELLECTUELS

Chapitre 1

Le don de contemplation

Nous avons vu que la modeste vierge, Catherine Emmerich, était appelée par Dieu, à rendre témoignage de la Rédemption de Jésus Christ devant le monde entier. Elle devait de même prouver par les dons et les grâces dont Dieu l'avait comblée, les opérations merveilleuses du Saint-Esprit dans l'Eglise. Nous savons que Catherine possédait dès sa jeunesse, le don de contemplation à un degré extraordinaire. Une lumière surnaturelle et intérieure lui fit voir et approfondir toute science humaine, le passé et l'avenir, et même les choses célestes.

Ce don admirable conféré très rarement aux hommes, n'a jamais été prêté à un mortel à un si haut degré qu'à Catherine ; elle en fut informée par une révélation particulière. Nous apprendrons les effets merveilleux de ce don, et les oeuvres suprêmes que Dieu y a produites pour son Eglise.

Ce don est comme un supplément à la vertu de Foi qui tend à fortifier celle-ci, soit en celui qui possède ce don, soit en ceux qui l'admirent en la personne du contemplateur. Telle est la doctrine de l'Eglise.

Dès sa première jeunesse, Catherine considérait la foi comme condition indispensable de toutes les autres grâces. Bien qu'elle fût accoutumée dès son enfance, à se trouver en la compagnie de son ange gardien visible à ses yeux, et à recevoir de lui des lumières et des éclaircissements de toutes sortes, elle ne connaissait pas cependant de joie plus grande, que de se faire instruire par ses parents dans les vérités de la foi. Et pendant toute sa vie miraculeuse, la foi était la règle qui dirigeait ses actions. "Je n'ai jamais cru en fait de choses spirituelles, que ce que Dieu nous révèle et ce que l'Eglise nous impose de croire. Et je n'ai jamais donné la même appréciation à mes visions, qu'aux dogmes de l'Église. " Ce sont ceux-ci qu'elle opposait aux discours contre la foi et la discipline de l'Église ; mais jamais elle n'alléguait ses visions. "Tout ce qui est érigé par l'Église, disait-elle, provient du Saint-Esprit; elle n'a établi aucune fête, aucune dévotion, aucun dogme qui ne soient vrais et nécessaires. " A la prétendue science si fade et si creuse, très à la mode à cette époque, qui voulait réprouver les saints usages, elle répondait : "Si l'Église est vraie, tout en elle est vrai ; rien n'est une cérémonie accidentelle, tout est substance et efficacité en symbole. "

Certes, elle fut honorée souvent par l'apparition de son divin Époux, de la très Sainte Vierge, de son ange et de beaucoup de saints, de sorte qu'elle vivait, pour ainsi dire, au milieu des événements véridiques sur lesquels se basent les fêtes de l'Église. Et cependant, elle ne connaissait pas de plus grand bonheur ici-bas, que d'assister aux saints offices dans l'église et d'y célébrer les fêtes en communauté avec les autres. Quelle désolation n'était-ce pas pour elle, de se voir empêchée par la maladie d'y assister ! Tout ce qui se rapporte à la foi, le plus petit exercice, le moindre précepte lui était vénérable : aussi ne considérait-elle pas ses dons miraculeux comme preuves de la religion, mais bien le service ecclésiastique et la vie conforme à la foi.

Cette foi inébranlable, et la fidélité à vivre toujours du plus pur esprit de foi, nous démontrent la véracité de ses contemplations. Ce n'est que par obéissance à la volonté de Dieu qu'elle donna communication de ses visions. La Providence exigeait cette révélation pour réveiller par là la foi tiède des membres de l'Eglise, selon ces paroles du Seigneur: "Je vous donne ces visions pour montrer que je suis avec l'Eglise jusqu'à la consommation des siècles ; il faut les révéler pour l'intérêt du règne de Dieu."

Déjà, au jour de son baptême, le Saint-Esprit avait déposé le don de contemplation dans l'âme de Catherine. Mais ce qui la rendit merveilleusement apte à user de ce don divin, ce fut une angélique pureté de corps et d'âme si grande, qu'elle garda toujours intacte son innocence baptismale. Une observation surtout fait voir l'éclat de sa chasteté. Lorsque le vicaire général exprima sa surprise de ce qu'elle n'avait pas eu connaissance des signes gravés sur sa poitrine, elle répondit : "Je ressentais bien des douleurs, mais je n'ai jamais osé vérifier ce qui en était la cause. Je n'ai jamais regardé mon corps, je n'ai ,jamais pensé à lui. " Dans la même séance, elle pouvait affirmer à Overberg, qu'elle n'avait jamais ressenti en elle d'émotion déréglée. Elle avait alors plus de trente-huit ans.

Nous savons par quelles mortifications et quelles pénitences volontaires, cette pieuse vierge châtia ce corps que le Seigneur trouva digne de porter les empreintes de la Rédemption, et de pouvoir se passer entièrement de nourriture matérielle. En compensation de celle-ci, les souffrances d'expiation devinrent le pain quotidien de cette pure et forte vierge. Une telle vie lui facilita la tâche de garder intacte la grâce du baptême.

Le don de contemplation fut ensuite une récompense de ses douleurs continuelles. Des peines plus douloureuses que les précédentes, étaient réservées à Catherine pour les trois dernières années de sa vie, où Dieu daigna lui faire contempler et décrire la vie publique et la Passion du Christ. "Votre corps, lui dit le Seigneur, est comprimé et anéanti par la maladie et la souffrance, pour que l'âme puisse déployer une activité d'autant plus grande."

4 Sa conduite était celle d'une enfant de Dieu, simple et obéissante ; cette candeur lui prêtait un charme particulier de vérité et d'aménité. Dans ses visions, elle se sentait devenir semblable à une enfant. Elle questionna son ange gardien à ce propos et lui demanda d'où cela pouvait provenir, et l'ange lui répondit: "Si vous n'étiez pas en réalité une enfant, la contemplation vous serait impossible."

Le coeur pur et tendre de cette enfant de Dieu était l'organe de ses visions - l'intelligence n'en était pas l'origine. - Le Saint Esprit réside dans le coeur, et c'est de là qu'il guide les hommes par sa grâce ; la valeur de la créature aux yeux de Dieu dépend du coeur et non pas des capacités intellectuelles. Le coeur de Catherine recueillit miraculeusement toutes les impressions qui lui vinrent de la part de Dieu, des anges et des saints. Dans son coeur elle entendait la voix de son ange ; c'est là aussi qu'elle entendait les supplications de ceux qui imploraient son secours dans les maladies, à l'heure de la mort, du danger, de la détresse, de l'abandon. Dieu voulait qu'elle les aidât tous par ses prières et ses souffrances, même si ces personnes désolées et affligées se trouvaient séparées d'elles par des distances énormes et par des océans. Son coeur comprenait les pensées et les sentiments des hommes qui l'approchaient, comme aussi les pensées et les sentiments de ceux qui imploraient de loin. Ce coeur enfin était en même temps le foyer d'obéissance parfaite envers Dieu, quand il lui plut de l'appeler à prouver par des actes d'expiation et de pénitence, son amour pour lui et sa charité envers le prochain.

De tout temps Catherine possédait le don de contemplation tant à l'état ordinaire qu'à l'état d'extase. Elle fut souvent troublée dans l'accomplissement de ses travaux, par des visions et des images spirituelles. Celles-ci se produisaient plus particulièrement, lorsque Catherine se livrait à des lectures de piété, à des entretiens édifiants et à la prière.

Dans l'état d'extase, c'est-à-dire quand elle était enlevée du monde matériel dans des régions supérieures, elle perdait l'usage de ses sens et elle était insensible à toute influence extérieure. Son corps paraissait alors raide et sans vie. Sa figure habituellement assombrie par la douleur, prenait une expression ravissante de contentement céleste. Son âme était attirée vers Dieu : elle contemplait, elle adorait ou elle priait

pour l'Eglise et pour les pécheurs. Cette force spirituelle soulevait souvent le corps de Catherine : ainsi suspendue en l'air, elle offrait un aspect saisissant. Souvent son corps prenait dans les extases la forme d'une croix : les pieds se croisaient l'un sur l'autre, et les bras s'étendaient comme s'ils avaient été cloués à une croix invisible. Devant sortir de l'extase sur l'ordre de son confesseur, elle s'écria quelquefois : "Ah ! délivez-moi ! je suis attachée !" Durant la contemplation des objets relatifs à la foi, elle exhalait une sainte paix, tandis que les images du péché et des misères de son prochain, imprimaient sur ses traits des signes de douleur et de compassion.

Les relations avec Jésus son fiancé, avec la Sainte Vierge, les anges et les saints, avec les âmes des défunts, les personnes absentes ou éloignées, dont nous avons parlé plus haut, durèrent toute sa vie. Les discours des habitants du Ciel lui étaient parfaitement compréhensibles ; elle comprenait moins bien ceux des âmes du purgatoire. Sa vue intellectuelle était parfaite, celle de ses yeux physiques semblait voilée. "Je vois encore, dit-elle, bien des choses qui ne se laissent pas exprimer. " Saint Paul dit aussi : "Je connais un homme qui croit en Jésus Christ, qui fut ravi ; je sais que cet homme fut ravi dans le paradis ; (si ce fut avec son corps ou sans son corps, je n'en sais rien, Dieu le sait) ; et qu'il y entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme de rapporter." (2 cor. 12. 2)

Les chapitres suivants vont nous introduire dans les visions et la connaissance de l'âme de Catherine. Loin de confondre ou d'opprimer l'esprit de cette vierge, elles servaient toutes à augmenter sa perfection, à procurer la plus grande gloire de Dieu, a faire connaître la haute mission de l'apostolat de Catherine, à stimuler enfin l'édification générale des fidèles.

Chapitre 2

L'année liturgique d'après ses visions

Catherine avait la vue interne de toute l'année liturgique d'après ses fêtes et les Temps qui la divisent. Pendant les fêtes, elle voyait les événements célèbres de la vie de Jésus, de sa sainte Mère et des saints. Durant le cours de l'année elle voyait toute l'histoire de notre Rédemption, avec les circonstances de lieu, de temps et de personnes qui y prirent part, le tout en parfait rapport avec la réalité.

Elle ne voyait pas seulement les faits, mais elle participait vivante à toutes ces actions. Ainsi le jour de Noël, elle se trouvait à la crèche, unissant ses adorations à celles des bergers ; à la fête de la Visitation elle allait avec Marie chez Elisabeth. Son regard pénétrait plus avant que celui d'un témoin oculaire des événements d'alors, car elle concevait en même temps les prophéties et les symboles de l'ancienne Loi. Avec cela, elle comprenait la signification mystique et historique qu'avaient eue les fêtes pendant la durée de l'ère chrétienne.

De cette manière elle voyait toute l'histoire de notre salut ; elle dépeint le paradis, le bonheur et la chute du premier homme. Ce qui offre un intérêt tout particulier c'est, à notre avis, son récit du développement des prophéties messianiques, de la bénédiction des patriarches, du sacrifice de Melchisédech, de l'Arche d'alliance, et enfin de la répétition si fréquemment renouvelée par Dieu de la promesse du Messie, depuis Adam jusqu'aux parents de la bénie Vierge Marie.

Lorsque le cours continu de l'année ramenait les fêtes de la Sainte Vierge, Catherine voyait apparaître à ses yeux toutes les figures et tous les symboles de la sainte Mère de Dieu : elle voyait se dérouler à ses yeux, la préparation de sa naissance et toute l'histoire de Joachim et d'Anne, ses illustres parents ; elle connaissait également l'histoire de saint Joseph, de saint Jean-Baptiste et de ses saints parents, ainsi que celle de plusieurs autres contemporains de la Mère de Dieu.

Elle pénétrait tous les secrets et tous les événements de la vie de Jésus, depuis sa Conception sainte jusqu'au jour de sa glorieuse Ascension : elle en rapporte des faits dont les Ecritures ne font point mention. Les descriptions de sa Conception mystérieuse, de l'Adoration des mages, de la Présentation au Temple, de Siméon et d'Anne, de la fuite en Egypte, du séjour à Nazareth, sont vraiment remarquables. Elle suivait son divin Maître dans sa vie publique, elle le suivait dans toutes les circonstances de sa Passion, elle voyait ses miracles et l'accompagnait partout, comme si elle avait vécu du temps de Jésus. Sur l'ordre de Dieu, elle a déposé par écrit, l'histoire de la Résurrection du Seigneur, de même que celle des actes des Apôtres jusqu'à l'Assomption de Marie.

Les connaissances admirables qu'elle révèle dans sa description des lieux où s'est déroulée la vie du Sauveur, en un mot de la topographie particulière de la Terre Sainte (cf. Préface de ce livre), comme aussi de la description des fêtes, des usages, des moeurs de ses habitants, prouvent la vérité interne des contemplations de Catherine. Elle comprend et dépeint tout avec une exactitude que la science profane n'a su encore atteindre.

- Maintenant comment célébrait-elle les fêtes de l'année ?

Elle contemplait d'abord les faits de l'histoire sacrée sur lesquels cette fête était fondée, puis elle voyait la célébration de cette même fête par l'Eglise triomphante devant le trône de Dieu. Toujours elle contemplait simultanément et la fête des hommes sur la terre et la fête des anges au Ciel. Ceux-ci suppléaient aux défauts et aux imperfections de la solennité terrestre, et ainsi toute la vénération due à Dieu par ses créatures, lui était rendue. Catherine assistait à ces fêtes dans toutes les contrées du monde, même dans celles où la foi était morte.

Dans ces dernières, elle voyait les mêmes chrétiens qui y vivaient et sacrifiaient autrefois, adorer le Seigneur, de manière qu'aucun des endroits, où jadis Dieu était adoré et révéré, ne fut perdu pour l'Eglise. Dans les pays catholiques, elle voyait les églises des monastères supprimés lui apparaître dans leur ancienne splendeur ; car, les membres, aujourd'hui dans la gloire, des communautés d'autrefois, y fêtent encore aujourd'hui la mémoire des inoubliables bienfaits de Dieu.

Chaque jour de fête, elle voyait en outre les opérations intérieures que la grâce produisait en elle-même, et dans le coeur des membres de l'Eglise en général. Ces grâces spéciales cependant doivent être implorées par chacun, et si quelqu'un ne le fait point, il contracte une négligence regrettable. Les âmes séparées de l'Église - c'est la soeur Emmerich qui parle - ne participent pas aux grâces procurées par les fêtes et les sacrements. Ceux qui vivent de bonne foi dans l'erreur, reçoivent une force spirituelle dans la réception de leur pain (note), non par le pain lui-même, mais par leur ardent désir du Christ.

note - Catherine parle ici de la prétendue communion (Abendmahl) des protestants - note de l'éditeur français de l'édition de 1894.

Nous ferons part de quelques-unes de ses contemplations pendant le cours de l'année ecclésiastique. En cueillant de l'esprit de Catherine ces belles roses de la célébration des fêtes, nous nous arrêterons cependant quelquefois, pour considérer et approfondir en même temps les épines douloureuses cachées sous ces roses, pour nous former une juste idée de cette vie aussi méritoire par les souffrances les plus rudes, qu'admirable par les grâces les plus merveilleuses de cette âme privilégiée.

L'Avent et Noël

Pendant l'Avent, Catherine accompagnait Joseph et Marie dans leur voyage à Bethléem. Ce temps excitait en elle tous les ans une sainte allégresse et, autant que ses maladies le permettaient, elle chantait même les cantiques propres au temps de l'Avent. En l'honneur de Jésus et de Marie, elle redoublait de zèle dans la confection de layettes, destinées à être données en cadeaux de Noël à des femmes pauvres.

La veille de Noël 1819, elle sentit des douleurs violentes dans toutes les plaies et tous les membres ; ses mains tremblèrent de douleur, mais elle supporta tout avec joie. Après avoir distribué ses ouvrages aux indigents, elle se prépara à déposer devant la crèche toutes les souffrances que Dieu lui fit voir visiblement sous forme de roses. Accompagnant Marie, elle dit: "Qui saurait concevoir la beauté, la chasteté, et la profondeur du coeur de Marie ! Elle sait tout, mais dans sa candeur, elle ne se doute pas de tant de merveilles. Elle baisse les yeux et, lorsqu'elle les relève, son regard pénètre les hommes comme un rayon, comme la vérité, comme une lumière resplendissante ! Cette force prend sa source dans l'innocence parfaite de la Vierge-Mère, qui n'aime que Dieu et n'aspire qu'à lui !"

Et la malade rayonnait de joie ; son esprit se vivifiait et s'abandonnait pleinement aux charmes de la grâce de la venue du Messie. Toute la nature, s'écriait-elle, est riante et ravie dans la joie et l'innocence. Tous les coeurs pieux sont enivrés de bonheur par la naissance du Rédempteur. Les pécheurs sont attendris, la contrition les ranime et leur espoir renaît. Les coeurs endurcis éprouvent une inquiétude, une confusion qu'ils ne sauraient s'expliquer. Dans tous se fait sentir un mouvement incompréhensible, c'est que le jour du salut est proche. L'âme de la plus pure des vierges est enivrée d'une sainte béatitude : elle adore le Sauveur qui se prépare à faire son entrée dans le monde.

Catherine nous décrit la naissance de Jésus Christ de la manière suivante

"Le soir, Marie dit à Joseph que dans la nuit suivante naîtrait l'Enfant qu'elle avait connu du Saint-Esprit. Joseph se mit en prières dans le vestibule de la caverne. Marie s'était agenouillée pour prier, revêtue d'une large robe blanche, la face tournée vers l'Orient... Soudain, la caverne fut remplie d'une lumière surnaturelle, Marie parut comme entourée de flammes, semblable au buisson-ardent que Dieu montra un jour à Moise. Vers minuit, elle fut ravie tout en priant : elle croisa les mains sur la poitrine et baissa les yeux. La splendeur qui l'entourait, augmenta ; je ne vis plus la voûte de la caverne : une voie lumineuse, remplie d'esprits célestes, s'élevait au-dessus de la Vierge jusqu'au ciel. Elle enfanta alors son divin Fils. Un petit enfant lumineux, plus brillant que la splendeur de la caverne, était couché sur une couverture aux genoux de sa mère. La nature jusqu'alors semblait se mouvoir, les pierres du sol et des cloisons paraissaient se remuer. Se réveillant de son extase, Marie appela Joseph, qui plein de dévotion, de joie et d'humilité, se prosterna la face contre terre. Marie lui montra le saint cadeau du Ciel et il prit l'Enfant dans ses bras. Ensuite, la Sainte Vierge enveloppa son nouveau-né dans une pièce d'étoffe rouge, et le coucha dans la crèche sous une couverture blanche. "

La visionnaire extatique décrit alors les apparitions des anges, l'adoration des bergers, les effets miraculeux qui se sont produits dans la nuit de Noël à divers endroits, par exemple le jaillissement d'une source d'huile à Rome.

Le soir de ce jour si béni pour la malade, de nouvelles souffrances l'accablèrent. Trois petites religieuses lui mirent une robe blanche, marquée d'un coeur rouge et bordée de roses. Elle devait la porter jusqu'au premier jour de l'an, sans la souiller de la moindre tache. Les épines des roses la blessèrent jusqu'au sang.

Elle eut à subir pendant ces jours des souffrances morales et physiques qui dépassent toute description. Un jour, sa figure en était toute décomposée et ses traits se tirèrent d'une manière effrayante. Pour l'encourager, Dieu lui montra les douleurs infinies que Marie subit dans la nuit de l'emprisonnement de Jésus. Le Sauveur lui dit : "Pouvez-vous demander plus que Marie, la plus sainte, la plus chérie de toutes les créatures ? Quelles douleurs souffrez-vous comparativement à elle ?"

- Puis il lui montra une infinité de misères, causées par le péché : des mourants non préparés à paraître devant le souverain Juge, les âmes du purgatoire, etc. Il lui prouva qu'un bien petit nombre d'âmes aimait la prière et la souffrance, et il ajouta : "Voulez-vous les aider, souffrez ! Comment la justice divine sera-t-elle autrement apaisée ?" Elle obtint le courage de souffrir avec allégresse.

A la fin de cette semaine de souffrances, bien des âmes, tirées par ses mérites des tortures du purgatoire, vinrent la remercier.

Dans la nuit du premier janvier 1820, les trois religieuses revinrent lui déclarer qu'elle avait gardé intacte la robe blanche : elles la lui ôtèrent, pour lui en mettre une de couleur grise, marquée d'une croix noire. Son Epoux céleste lui apparut et dit: "La robe grise est un habit de pénitence et d'abaissement. Vous devez prendre soin de ne pas déchirer le tissu de soie par des impatiences." En même temps, il lui ordonna de faire part de ses visions à son entourage, même si l'on s'en moquait

telle était la volonté divine, qui demandait cela pour le bien du monde. Sainte Thérèse la consola par la description de ses propres souffrances, la calma sur ses visions et l'exhorta à les communiquer au public.

Dans cette nuit ainsi que le lendemain, elle subit des tortures semblables à celles de Jésus Christ, dont les images réelles se présentèrent à son âme pour la consoler et la fortifier. Sur la tête, elle éprouva la réelle sensation de la couronne d'épines : aussi dut-elle tenir constamment la tête droite pour se garantir de la perforation des pointes. Elle sentit tout son corps flagellé et ses mains liées ; elle se sentit tiraillée et traînée par une corde qui l'entourait. Une sueur froide se montra sur son front où se peignait une angoisse douloureuse. Trois fois une tension violente étendit ses bras ; elle se sentit clouée en éprouvant les douleurs les plus véhémentes dans ses plaies. La tête retomba sur sa poitrine comme si la vie avait cessé en elle, et tous ses membres se raidirent comme dans un corps mort. Par le premier martyre mystique du crucifiement, elle délivra du purgatoire des âmes totalement abandonnées ; par le second elle secourut les malades impatients et ceux qui devaient mourir sans viatique ; la troisième souffrance fut pour l'Eglise, surtout pour celle d'Autriche, où elle vit les francs-maçons livrer l'école à l'incrédulité.

Pâques 1820

Catherine avait contemplé pendant tout le Carême la Passion de notre Seigneur ; elle avait souffert et prié pour la sainte Eglise et pour les âmes égarées auxquelles elle voulait mériter la rémission de leurs péchés. Voici comment on nous dépeint l'état de Catherine le jour de Pâques, dès le matin : La malade qui, hier encore, était véritablement l'image du malheur et de la tristesse, nous apparaît tout autre ce matin de la fête de Pâques ; on dirait que c'est elle qui est ressuscitée. Sa parole et son extérieur témoignaient en effet, un sentiment profond et une vive joie de la Résurrection du Sauveur, ce qui rendit ses traits et les mouvements de ses mains extrêmement nobles. La figure rayonnait d'une joie suprême au souvenir de la belle nuit du Samedi Saint, où elle avait entendu de sa chambre, les hymnes de joie chantées avec tant de foi et de piété, par tous les habitants de la ville parcourant les rues processionnellement. En esprit, elle s'était jointe à ce choeur joyeux.

En Westphalie, c'est un usage antique que, dans la nuit de Pâques, le curé enlève la croix du saint sépulcre et la porte trois fois autour de l'église. Les fidèles le suivent et chantent le cantique populaire en Allemagne : "Christus ist erstanden : Le Christ est ressuscité." A Dülmen, il y a une autre coutume toute particulière ; les rues sont illuminées pour le passage de la procession : le bourgmestre porte la croix, qu'il reçoit des mains du prêtre à la porte de l'église. Cet usage est de très ancienne date : il rappelle les ravages que fit autrefois la peste à Dülmen. Un jour en effet, tous les prêtres de la ville ayant succombé à cette épidémie, le maire saisit la croix et la porta par toute la ville, suivi de tous les habitants qui imploraient Dieu de faire cesser le fléau. La peste disparut dès lors. C'est en souvenir de cet événement, que le bourgmestre a conservé l'honneur de porter la croix dans la nuit de Pâques.

Catherine nous dépeint de la manière suivante la Résurrection de notre Seigneur

"L'âme très sainte de Jésus plana, dans une splendeur éblouissante, entre deux anges et tout entourée de corps lumineux. Elle descendit d'en haut par les rochers du sépulcre et s'unit à son corps sacré. Après cette union, je vis sortir du linceul ce corps vivant et lumineux de l'Homme-Dieu. Cet aspect me rappela Ève sortant du côté d'Adam. Tout m'apparaissait plein de lumière et comme en combustion. La terre trembla ; un ange descendit du ciel, rapide comme l'éclair, il recula la pierre du côté droit et s'y assit. Les gardes tombèrent à la renverse et privés de connaissance. Au moment de la descente de l'ange, je vis le Seigneur ressuscité, apparaître à sa sainte Mère au mont Calvaire. Il était extrêmement beau, sérieux et resplendissant. Il lui montra ses Plaies glorieuses, et lorsqu'elle se baissa pour embrasser ses pieds, il la prit par la main, la releva et disparut. "

Pentecôte 1820

Dans la semaine qui précéda la Pentecôte, les souffrances de Catherine atteignirent un si haut degré d'acuité, qu'elle faillit succomber, tant sa désolation intérieure fut grande. Elle ressentit les douleurs les plus violentes ; elle languit dans le désir de la sainte communion et son abandon spirituel la fit fondre en larmes. Sa tristesse fut causée par la misère du monde et par les oeuvres sataniques des humains, qui offensent Dieu dans ce temps si riche en grâces de doute sorte. Lorsque même le lendemain, elle ne put se nourrir du pain des anges, elle tomba en extase et poussa cette plainte amère : "Pourquoi, ô mon Jésus, ne me nourrissez-vous pas de votre chair précieuse ? Sans vous je meurs ; vous seul pouvez me secourir, si vous voulez donc que je vive, donnez-moi la vie !" Revenant à elle-même, elle dit: "Mon Maître m'a dit de voir ce que j'étais sans lui. "

Le lendemain, dimanche de la Pentecôte, Catherine qui la veille encore semblait mourante, eut l'air serein et fortifié ; elle parut même rajeunie et profondément heureuse. Voici comment elle nous fait part de ses impressions en ce jour de fête : "Je me trouvais avec les Apôtres au cénacle, lorsque je sentis tout à coup un rafraîchissement indéfinissable. Un flux luisant coula dans ma bouche ; mais je ne voyais pas la main qui me tendait cet aliment mystérieux. J'assistai alors à la descente du Saint-Esprit sur les disciples et à son arrivée sur la terre. IL enrichit de ses dons tous les coeurs qui sont désireux de le recevoir, pourvu qu'ils soient des vases purs. Je vis des communautés, des villes, des églises et des individus illuminés soudainement. Des âmes priant dans la solitude sont comblées de grâces et de lumières. Une allégresse inconnue, une confiance sans bornes, s'emparèrent de moi dans la certitude inébranlable où je fus alors, que malgré les tribulations croissantes de jour en jour, l'Église ne succomberait pas. Je vis en effet le Saint-Esprit susciter à cette Église des forces invincibles. Les tourments extérieurs de l'Église, provenant de la puissance mondaine, la préparent à l'accroissement de ses forces intérieures. Dans la Basilique de Saint-Pierre à Rome, j'assistai à une grande solennité

le Saint-Esprit descendait sur le Souverain Pontife et un grand nombre d'assistants. "

Elle prédit ailleurs encore à l'Église, une renaissance future qui s'est réalisée, en toute vérité, depuis 1837, d'une manière croissante jusqu'à nos jours.

D'après sa vision, l'effusion du Saint-Esprit se fit ainsi

"Un nuage étincelant de lumière, dont la clarté augmenta au milieu d'un bruit sourd, était suspendu sur la maison où notre Seigneur avait institué la Sainte Eucharistie. Vers trois heures du matin, des torrents d'une lumière blanche se croisèrent sept fois et s'abaissèrent sur la maison. Le point où les sept torrents se rencontrèrent, brilla des couleurs de l'arc-en-ciel : j'en vis sortir un corps rayonnant qui semblait avoir des ailes. Toute la maison était comme une mer de feu ; les assistants furent ravis et relevèrent involontairement leur face languissante. Tout à coup, des langues brûlantes s'introduisirent dans la bouche de chacun. Selon la diversité des personnes présentes, ce feu avait une force et une coloration différente. Tous furent émus et enivrés de joie et d'espérance. Ils entourèrent la Sainte Vierge, qui assistait à ce spectacle dans une sainte et silencieuse attitude. Les Apôtres s'embrassèrent mutuellement, les autres assistants firent de même.

Je vis alors les effets de l'effusion du Saint-Esprit dans les Apôtres, les disciples et les saints. Animés d'un nouveau courage, ils souffrirent héroïquement pour Jésus et sa sainte Église ; ils devinrent ainsi les intermédiaires qui firent descendre sur l'Église les mérites des souffrances expiatrices du Sauveur. Les martyrs furent le canal choisi par Dieu, pour conduire le sang précieux de Jésus dans des milliers de coeurs, pour laver leurs souillures. Non seulement pour leur vie temporelle, mais même dans la gloire céleste, leur mérite garde son efficacité pour l'Église, par l'intermédiaire de la célébration des fêtes, par la même foi vivante, par la prière, la dévotion et les bonnes oeuvres. C'est surtout aux fêtes des saints que ces grâces célestes sont distribuées à tous ceux qui les implorent. "

Fête de 1a Sainte Trinité

Catherine continue ainsi

"J'eus une vision de la Sainte Trinité. Sur un trône lumineux j'aperçus la figure d'un vieillard entouré de splendeur ; autour de son front rayonnait un feu indescriptiblement clair et sans couleur; une traînée lumineuse, faiblement colorée s'épanchait de sa bouche, tandis que le coeur répandait une lumière chromatique. Tous ces rayons formaient, en s'entrecroisant, une croix étincelante devant la poitrine du vieillard. Celui-ci semblait poser ses deux mains sur les bras de la croix. Des rayons innombrables dardés de cette croix sur les phalanges célestes et sur la terre, remplissaient et ranimaient tout. Plus bas à droite, je vis le trône de la très Sainte Vierge. Deux rayons de lumière partant de part et d'autre, établissaient une communication mutuelle entre le vieillard et Marie. Les anges tout radieux environnaient le trône. Au-dessus d'eux, vingt-quatre patriarches aux cheveux argentés, formaient la garde de la Sainte Trinité. Dans un espace sans limites, j'aperçus les choeurs des anges et des saints.

Tout est accompli par Jésus Christ, et par la croix du Fils, tout prend son chemin vers la lumière du Père. - La Mère de Dieu était entourée d'une phalange de saintes femmes. C'étaient des vierges qui portaient des couronnes et des sceptres. C'étaient les âmes qui avaient précédé ou suivi Marie dans son esprit d'humilité et de chasteté. Elles servaient Marie comme les vingt-quatre patriarches servaient la Sainte Trinité. - Cette scène dont l'ensemble s'harmonisait à merveille, ne se laisse comparer qu'à une belle symphonie musicale. Une procession solennelle de tous les élus se dirigea vers le trône de l'auguste mystère. Portant mes regards sur la terre, j'y remarquai des fêtes et des processions qui s'unissaient aux solennités célestes. Les fêtes d'ici-bas étaient bien pâles et bien imparfaites auprès de celles-là, mais elles avaient toujours un grand mérite devant Dieu.

Introduite parmi les élus, je vis en particulier la gloire céleste de saint Augustin. Il était assis sur un trône; des rayons lumineux s'échappèrent du siège de Dieu et tombèrent sur lui : il les répandit ensuite sur les saints qui l'entouraient et qui recevaient en même temps leur lumière immédiate de Dieu. Augustin était environné d'une multitude de prêtres et d'un grand nombre d'églises, toutes fondées par lui, et dispersées comme de petits nuages au firmament. Cette auréole était la figure de sa magnificence céleste. D'aperçus le même saint dans un jardin de délices qui était l'emblème de son secours perpétuel à l'Église militante. Là, il n'était pas assis comme sur un trône, mais il agissait: il distribuait aux vivants les fruits et les fleurs merveilleux qui représentaient les mérites et les actions de sa vie. "

La Fête-Dieu

Catherine décrit ensuite l'institution du Très Saint Sacrement

"Le Seigneur était assis au centre du côté long d'une table, instruisant ses disciples. Ensuite, il se leva avec les Apôtres, qui regardèrent leur Maître silencieusement, désireux de voir ce qui allait se passer. Il enleva l'assiette de pain et dirigea son regard vers le ciel. Il rompit le pain et le distribua à ses disciples. Puis il étendit la main en bénissant, tandis qu'une splendeur céleste s'échappait de sa bouche. Le pain prit une forme humaine lorsqu'il fut distribué aux Apôtres. Jésus présenta lui-même des parcelles à chacun, en commençant par sa sainte Mère qui s'était approchée de la table des Apôtres. Jésus prit aussi le calice, leva les yeux et l'ayant béni, il le donna à boire à tous. Pendant cette scène, sa main levée bénit les Apôtres qui reflétèrent tous une lumière éclatante ; le traître Judas seul demeurait obscur; tous les autres étaient émus et attendris. "

Ce même jour, Catherine eut une vision détaillée sur les mystères du Saint Sacrement et de la sainte Messe ; elle en vit les figures de l'Ancien Testament jusqu'à l'époque du christianisme. Elle vit la croix de Jésus Christ s'élever précisément au-dessus de la tombe d'Adam et d'Ève ; elle discourut sur toute l'histoire de la vénération de l'Eucharistie dans les temps chrétiens ; elle nous relate les circonstances dans lesquelles fut instituée la procession de la Fête-Dieu. Nous ne saurons jamais suffisamment apprécier le grand bonheur, dit-elle, de ce que tant de saintes messes sont célébrées ; car elles détournent de l'homme des dangers et des vicissitudes sans nombre. Il vaut mieux que les prêtres ne voient pas ce qu'ils font, car s'ils le voyaient, leur terreur les empêcherait de terminer le Saint Sacrifice. Les fruits que l'on retire de l'audition de la sainte Messe, sont supérieurs à tout bien terrestre ; loin de nuire au travail, cet exercice de piété accélère plutôt la besogne.

Un jour, dans une extase, elle fut transportée au milieu d'une procession, dont elle nous parle comme suit : "Des anges d'une gloire et d'une splendeur éblouissantes planaient autour du Très Saint Sacrement, qui se montra sous la forme d'un enfant lumineux au milieu d'un soleil de clarté. Ce que je vis, est inexprimable ; mais si les hommes portant ce trésor, l'avaient compris, ils se seraient prosternés à terre pour l'adorer, et la crainte et l'effroi les auraient paralysés. "

La fête des saints anges

"Sous la conduite de saint Michel, continue Catherine, nous entrâmes dans un monde splendide et merveilleux. Sous une coupole se trouvaient neuf anneaux lumineux représentant les neuf choeurs des anges, qui étaient présidés par les archanges Michel, Gabriel et Raphaël. Les deux derniers portaient de longs habits blancs. Saint Michel tenait dans une main la croix et une bannière avec l'image de l Agneau mystique, dans l'autre un glaive enflammé. Les Chérubins et les Séraphins entouraient en grand nombre le trône divin ;ils célébraient sans cesse la gloire de Dieu. Au-dessus de saint Michel, la Vierge Marie était assise sur un trône, environnée d'une multitude d'âmes pures, d'anges et de vierges.

Les anges suppléent à tout ce qui fait défaut au service de Dieu sur la terre. Admirable est surtout l'activité des anges gardiens pour les hommes ; ils sont les messagers dociles de Dieu, qui nous aident dans tous nos besoins, et portent au Ciel les supplications de leurs protégés. A sa naissance, chaque homme reçoit deux esprits, son bon ange et un esprit malin. Aussitôt que l'homme suit les insinuations du bon ange, le démon se retire, mais aussi l'ange gardien se retire à son tour, quand l'homme s'abandonne aux perfides conseils du tentateur. Souvent Dieu donne un ange d'un rang supérieur aux hommes appelés à une mission particulière, ou à une perfection spirituelle qui exige une direction spéciale. Moi-même, j'ai eu un autre guide en diverses occasions. Les anges ont aussi le devoir de veiller à la prospérité des champs, de protéger ou de défendre les villes et les nations, qu'ils abandonnent cependant quelquefois pour les punir. "

Pendant les temps d'insurrection et de guerre, Catherine voyait clairement l'activité des anges comme celle des démons parmi les humains.

Elle continue ensuite : "Les anges gardiens chassent les mauvais esprits et leurs convoitises au péché, en nous inspirant de bonnes pensées et de bons désirs. Les tentateurs des hommes sont les démons qui demeurent jusqu'au jugement dernier sur les planètes, pour être repoussés alors dans les abîmes de l'enfer. Ils visitent la terre pour infuser à l'homme des passions telles que l'opiniâtreté, la colère, l'étourderie, la débauche, pour lui inspirer des pensées et des désirs vicieux. De cette manière, ils détruisent dans l'âme les influences de la grâce, l'assoupissent dans les idées mondaines et attirent ses penchants vers la matière. L'homme qui se laisse prendre dans ces illusions, finit par le péché, tandis que l'humilité et la réception des sacrements amortissent les influences pernicieuses. La proximité de l'ange gardien fortifie et ranime notre faible nature. "

Le lecteur peut ici se rendre compte et juger combien ces contemplations de Catherine s'harmonisent bien avec l'expérience commune, qui constate que l'oisiveté et le manque de vigilance sur soi-même inclinent l'âme à suivre la voie du démon. Il faut donc que l'homme aspire dès son enfance à vaincre ces fortes émotions de l'âme, comme la mélancolie et l'irascibilité, la tristesse et la légèreté ; car le diable s'empare de ces sentiments pour émousser la volonté humaine et pour la faire tomber dans le péché, dont les faux charmes l'enjôlent et le captivent.

La Toussaint

"En ce jour, dit Catherine, je vis une multitude innombrable de saints, tous variés à l'infini, mais tous étaient semblables entre eux en ce qui concerne leur état d'âme, et les sentiments qui animaient leur coeur Ils jouissaient d'une vie d'allégresse et de béatitude indicible, se pénétrant et se reflétant les uns les autres. L'espace où ils séjournaient, ressemblait à un dôme infini, rempli de trônes, de jardins, de palais, d'arcs de triomphe enguirlandés et d'arbres magnifiques ; le tout était entrecoupé par des sentiers étincelants d'or et de pierres précieuses. Au milieu, dans un éclat de lumière, se trouvait le siège de la Divinité, autour duquel se groupaient les saints d'après leurs liaisons spirituelles.

Tous les prêtres réguliers se rangeaient d'après leur Ordre et étaient élevés plus ou moins selon leurs combats et leurs mérites personnels. Les martyrs se tenaient ensemble rangés d'après le degré de leur victoire. Les états qui n'avaient pas de consécration ecclésiastique sur la terre, étaient placés d'après leurs combats intérieurs. Ils étaient dispersés parmi les jardins et les habitations. Ces jardins étaient d'une magnificence indescriptible ; les arbres produisaient de petits fruits jaunes. Les membres des communautés religieuses portaient une auréole comme emblème de leur vocation; les Ordres se distinguaient par des trophées différents ; tous portaient des couronnes et des guirlandes de fleurs qui représentaient diverses contrées et divers Etats. Parmi eux, je vis un prêtre qui me dit: < Votre affaire est loin d'être terminée ! >

Je vis beaucoup de mes connaissances ainsi qu'une foule de soldats portant l'uniforme romain. Tous chantaient une suave mélodie et je me joignis à leurs chants. Abaissant les yeux sur la terre, je la vis flotter au milieu de l'océan comme une petite île ; autour de moi, l'espace était infini. Ah ! que la vie est courte et pourtant combien je puis gagner de mérites pour le Ciel ! Je n'ai nul droit de me plaindre. Oui, mon Dieu, j'accepte toutes les afflictions qu'il vous plaira de m'envoyer!"

Une autre fois elle connut la puissance de l'intercession des saints. "Je vois tous les saints d'après leur rang, dit-elle, et me trouve plus près de ceux que j'invoque ou dont je porte les reliques sur moi. Je vis la puissance des saints d'une manière miraculeuse. A ma demande ils s'adressèrent à la Sainte Trinité, qui les entoura de rayons lumineux. Puis ils secouèrent les arbres et les arbustes merveilleux; je moissonnais des fruits, de la rosée et du miel ; c'étaient les images attrayantes de leurs mérites. Les anges leur prêtaient leur concours. Rapides comme le vent, ils apportèrent la bénédiction sur la terre en augmentant encore les dons que les saints avaient obtenus. "Elle vit opérer ces grâces dans les humains ; plusieurs furent éclairés, émus et attendris, des souffrants furent soulagés ; dans les contrées lointaines, les paiens embrassèrent notre sainte foi qui se propagea merveilleusement; des âmes pieuses se rassemblèrent pour la prière commune. " Les saints aiment surtout, dit-elle, bénir les lieux où gisent leurs dépouilles mortelles. "

Elle nous rapporte aussi que les saints exercent un grand pouvoir sur les plantes, en les délivrant des influences nuisibles : elles reçoivent, lorsqu'on s'en sert sous l'invocation du nom des saints, des effets sanitaires contre les maladies. Les anges et les bons esprits répandent la rosée et la pluie sur la terre ; ils dispersent les nuages funestes et détournent l'influence des comètes dangereuses pour la terre. - Elle vit bien des maladies causées par des tempêtes ; mais d'après une révélation intérieure, la prière règne en dominatrice sur le monde atmosphérique.

Chapitre 3

De quelques autres visions de Catherine

Ajoutons encore quelques contemplations que Catherine avait des choses soit naturelles soit surnaturelles. Son esprit lucide savait approfondir le but et la fin des choses de la matière et des choses de l'esprit. Elle comprenait tout ce qu'il y a sur la terre, dans l'univers et dans le ciel ; elle concevait la signification et la vérité intrinsèque de tout ce qui existe, et nous trouvons dans ses écrits des appréciations sur les mystères et les vérités de notre foi, qui sont d'une profondeur et d'une justesse dignes d'un saint Augustin ou d'un saint Thomas. La même élévation d'esprit se manifeste dans ses renseignements sur l'histoire de l'humanité, sur la signification des fêtes, des usages et des cérémonies de l'Eglise. Admirons les opérations prodigieuses du Saint-Esprit dans son humble servante, dont les écrits prêtent à tous les lecteurs animés de bonne volonté, de la lumière pour leur intelligence, du zèle et de la vigueur pour leur volonté.

Ses oeuvres nous décrivent en outre l'activité des antagonistes de l'Église et de la foi : elle dépeint l'essence des hérésies anciennes et modernes, de la franc-maçonnerie, du faux magnétisme et montre leurs intentions hostiles à l'Église, d'une manière absolument conforme à la vérité et aux investigations de la science : ces détails ont à cause de cela un intérêt particulier pour les érudits.

Ses données historiques sur l'Ancien et sur le Nouveau Testament, sur les conditions particulières, les lieux saints, leurs habitants et coutumes, sur Jérusalem et le service du Temple dans ses moindres détails et sur la chronologie de notre ère, sont des chefs-d'oeuvre d'exactitude. Nous lui devons ensuite beaucoup d'autres relations qui sont devenues des points d'appui et des sources pour l'archéologie scientifique, comme l'ont reconnu publiquement de doctes savants.

Son don de discernement est bien fait pour exciter notre admiration : Catherine sait distinguer avec une certitude absolue l'utile du nuisible, le naturel du surnaturel, le bien du mal, le saint du profane, les choses bénites de celles qui ne le sont pas. Ce talent se manifestait durant l'extase comme dans l'état ordinaire.

Elle sondait l'essence de chaque objet jusqu'au plus intime, de sorte que le saint et le bien l'attiraient, tandis que le profane et le mal la rebutaient. La bénédiction d'un prêtre la soulageait et la réconfortait dans la maladie ; au contraire elle ressentait une horreur invincible des lieux où des crimes non expiés avaient été commis et où des sacrifices du paganisme avaient été offerts (dans son enfance elle avait souvent indiqué de ces endroits dans les champs de Coesfeld). - Elle voyait la malédiction reposer sur les biens mal acquis : les bonnes actions des ancêtres étaient récompensées dans les descendants ; au contraire ceux-ci portaient la peine des crimes non expiés de leurs aïeux.

Elle avait connaissance de l'état spirituel du prochain pendant la communion. Les effets de celle-ci se présentaient à sa vue spirituelle sous forme de rayons lumineux, qui entouraient ou fuyaient le communiant selon son état intérieur.

Elle dit de la prière: "Rien de tout ce qui se fait dans l'Église en union avec Jésus Christ, ne reste inefficace, toute bonne pensée, tout voeu sincère, toute oeuvre de charité porte ses fruits pour l'Église, et celui qui n'agit pour le salut de ses confrères que par la prière continue et fervente produit par cela seul un véritable apostolat. " Elle fut instruite que dans la prière une confiance forte et vivante unie à la simplicité chrétienne sont des gages sûrs d'être exaucé. Dieu lui fit voir les merveilles et les dons intellectuels que les âmes ferventes avaient obtenus par leurs oraisons.

Quant aux images miraculeuses, Dieu lui manifesta qu'elles étaient érigées comme des remparts solides contre la malice et

le péché : "Des rayons étincelants, mais invisibles partent de l'image vénérée et inondent de lumière le pèlerin en prières devant elle."

Il suffisait à Catherine de toucher un objet, tel que croix ou image, pour savoir s'il avait été bénit ou non. "Il faut, observe-t-elle, honorer ces objets et dans les tentations il faut les presser contre la poitrine. " Elle sentit même un jour qu'une petite image qui lui avait été présentée, avait touché une statue miraculeuse. Nous pourrions citer encore une multitude de faits semblables ; mais ce que nous avons rapporté jusqu'ici, nous suffit pour reconnaître que dans des cas nombreux, Catherine prouve incontestablement la divinité de l'Eglise et de toutes ses institutions.

Telle était donc la science surnaturelle de Catherine Emmerich ; mais outre cela ses connaissances naturelles atteignirent un degré inouï. Elle possédait non seulement toutes les connaissances élémentaires sans étude préalable et toutes les aptitudes requises à gagner sa vie, mais encore l'intelligence parfaite de la nature et la pénétration de toute autre science humaine.

Ecoutons-la se prononcer sur les astres : "Le soleil poursuit une voie elliptique ; il est dirigé par des esprits célestes. Il n'engendre pas lui-même la chaleur, mais la lumière et la chaleur naissent autour de lui ; il est blanc et agréable à voir, ses rayons sont composés de belles couleurs. La lune paraît très grande au pôle arctique où la terre est fortement aplatie. Elle contient de hautes montagnes et volcans, ainsi que des cavernes et des ravins ; sa température est froide ; le sol pierreux montre des formations de corail. Très rocheuse en général elle a peu de terrain mou : ce dernier est jaunâtre et produit des végétaux semblables à la pulpe, aux éponges et aux champignons. Les eaux fluant et refluant attirent les vapeurs de la terre et remplissent toutes les vallées et toutes les hauteurs de nuages ; c'est alors qu'elle influe fortement sur la terre ce qui rend les hommes mélancoliques. La chute de ces masses produit sur la terre les grands nuages qui se perdent d'ordinaire dans l'océan. La lumière de la lune est sombre et bleuâtre et ce n'est qu'à quelque distance de la planète qu'elle augmente en clarté. La lune a évidemment une cohérence intime avec la terre sur la nature de laquelle elle exerce une influence attractive et vexatoire. La lune, à cause de son calme enchanteur produit une influence suave sur les hommes, mais elle les excite aussi à la tristesse et à la rêverie. "Ni la lune ni les autres astres ne sont habités par des hommes. Mais il y réside des esprits déchus qui attendent le jugement dernier. Un grand nombre d'astres sont inhabités. "

Catherine décrit aussi le système solaire par rapport à notre planète terrestre. Elle indique de nouvelles sphères d'étoiles parmi les planètes. Sur celles-ci il y a des plantes semblables à celles de la lune ; on y voit et des eaux limpides et des eaux troubles. Sur chaque planète on trouve enfin quelque peu de métal. D'après la soeur Emmerich, les comètes sont remplies de poison. "Comme le feu fait monter la fumée, ainsi elles font partir cette traînée lumineuse qu'on leur remarque. Les tempêtes paralysent souvent leur mauvaise influence sur la terre. Les comètes sont habitées par des esprits courroucés. " La voie lactée se compose de nombreuses flaques d'eau, dispersées çà et là et limpides comme le cristal. Elle semble d'ailleurs affirmer toujours que toute l'atmosphère est entourée d'eau. Ce renseignement correspond aux assertions des Ecritures (cf. Gen. 1.7- Ps. CXLUIII. 4 - Dan. 3. 60 - Ps. CIII3).

"De tous les corps planant dans l'univers, aucun ne possède la dignité et la force créatrice de la terre ; celle-ci réunit en elle les qualités de tous les autres corps célestes. " Elle compare la diversité et le cours des astres à un ménage où Dieu préside, où rien ne manque et où chaque chose remplit sa fin.

A l'occasion de maladies pour lesquelles on la consulta, Catherine témoigne une connaissance réelle des herbes salutaires et d'autres remèdes naturels, ainsi que de leur usage en médecine. Ces indications s'accordent parfaitement avec la science. Elle désigna aussi quelques actions de la nature, qui sont d'ailleurs peut-être inconnues : Tels effets sont dus à l'influence nuisible de l'ombre du noyer, l'odeur du laurier préserve contre la foudre, etc. Son intelligence extraordinaire ne distingua pas seulement les plantes salubres des pernicieuses, mais encore l'importance et la signification spéciale de chaque plante : elle connut le monde végétal dans sa pureté originaire, avant la chute des habitants du paradis, et dans sa déchéance postérieure.

Elle avait la vue intime et des connaissances approfondies, même des moindres détails de tous les pays qu'elle vit dans ses visions. Son oeil voyait les villes et les villages avec tout ce qu'il y avait de remarquable. Elle pénétrait intimement dans l'histoire de la religion, des fêtes, des moeurs, des usages, et même des vêtements et des costumes des peuples. Les rapports qu'elle donne sur le genre humain et son développement après le Déluge, contiennent des données remarquables sur l'érection de la tour de Babel et la dispersion des hommes. Elle parle de l'Egypte, de sa chronologie et de son architecture. Elle discourt sur des personnages bibliques tels que Noé et Job avec une fidélité historique qu'on chercherait probablement en vain autre part. La Terre Sainte avec ses villes, ses villages et ses bourgs, Jérusalem avec sa cité de Sion, son Temple, son Cénacle, ses places et ses rues, tout cela lui est connu comme Flamsche et ses alentours. - Elle affiche les mêmes connaissances sur Rome et les autres villes où elle fut conduite en visions. Elle les dépeint toutes avec une justesse et une exactitude qui surpassent la science des explorateurs les plus instruits. Nous avons là une preuve incontestable de la vérité et de l'authenticité naturelle des contemplations religieuses, si fréquentes chez Catherine, et dont ces connaissances scientifiques n'étaient qu'un accessoire fortuit.

Une chose surtout nous est démontrée par ces faits : c'est que le bien le plus désirable du Ciel et de la terre est l'amour de Dieu. Ce Père miséricordieux donne quelquefois dans un moment à celui qui l'aime par-dessus toute chose, une érudition plus profonde que celle que donnerait toute une vie humaine écoulée dans l'étude la plus infatigable et la plus acharnée. Une âme privilégiée de la sorte, reçoit souvent déjà dans sa vie terrestre, des instructions sur les choses divines qu'il est impossible d'atteindre par l'étude continuelle et les recherches les plus minutieuses d'un génie observateur. Nous voyons par là jusqu'à quelle hauteur de pénétration Dieu daigne un jour élever l'âme glorifiée ! - Considérons en même temps la folie et la sottise de ces hommes qui, fiers de leurs connaissances forcément incomplètes, critiquent et désavouent l'Auteur de toute science, le Créateur de toute force naturelle, notre Dieu, la Vérité infinie et infaillible.

Chapitre 4

Son discernement des reliques

Chaque jour Catherine contemplait la vie d'un saint, tant dans ses combats sur la terre, que dans sa transfiguration au Ciel. Ces contemplations l'engageaient à imiter les vertus du saint et à souffrir sans plainte à son exemple. Nous avons entendu qu'elle jouit en diverses occasions de l'apparition personnelle des saints, qui lui apprenaient par leurs enseignements la manière la plus parfaite pour accomplir en toute chose la volonté divine.

Chaque fois qu'elle priait devant les reliques des saints,

elle jouissait de la vision intuitive du saint auquel ces reliques appartenaient. Pour elle ces Reliques étaient étincelantes de lumière ; en même temps une autre splendeur lui venait d'en Haut. C'était dans l'union de ces rayons lumineux que le saint se présentait à sa vue. A travers les reliques, elle remarquait en même temps le nom du saint, pour les hommes au-dessous des pieds, pour les femmes du côté droit. La différence de gloire était indiquée par des couleurs diverses, et par un éclat différent. La même chose se retrouve dans la pratique de l'Eglise. Celle-ci en effet symbolise la différence de la gloire par les diverses couleurs d'après la parole de l'Apôtre : "Le soleil a son éclat qui diffère de l'éclat de la lune, comme l'éclat de la lune diffère de l'éclat des étoiles ; et entre les étoiles l'une est plus éclatante que l'autre." (1 Cor. 15. 41)

A propos de la similitude entre la splendeur du saint et l'éclat de ses reliques, Catherine dit: "Il y a une merveilleuse corrélation entre l'âme et le corps, Pt cette corrélation existe au-delà de notre vie ; c'est pourquoi les saints peuvent influer immédiatement sur les fidèles par leurs reliques, toujours d'après la mesure de leur foi et de leur amour envers Dieu. " Le Seigneur fit voir à Catherine des hommes et surtout de simples paysans qui présentaient leurs hommages respectueux aux dépouilles des saints. Elle fut remplie de joie en apercevant son frère parmi ces âmes dévotes. En récompense de sa foi Dieu lui accorda la prospérité de ses champs. Catherine eut aussi la connaissance de l'existence d'une relation bienfaisante entre les bienheureux du Ciel et leur parenté sur la terre, lorsque celle-ci compte des membres vivants du corps de Jésus Christ. Et elle reconnut dans le souvenir soudain et vif des âmes défuntes, un effet de leur rapprochement de nous.

Le don de pouvoir discerner le naturel du surnaturel, le saint du profane s'appliquait aussi d'une manière spéciale à la distinction des reliques. Aussitôt qu'on approchait d'elle une véritable relique, elle en avait la compréhension. La regardant, elle la voyait luire et sentait s'exhaler de cette relique un suave parfum. Sans la moindre hésitation, elle savait désigner le saint auquel appartenait la relique. Ce saint en effet s'offrait à la vue de Catherine avec tout son extérieur, son histoire et toutes les particularités de sa vie. - Elle savait séparer d'une quantité de reliques celles qui appartenaient à un même corps, et alla jusqu'à savoir reconnaître à la dureté des os, le degré des vertus et surtout de la chasteté du saint.

Dans l'extase aussi bien qu'à l'état naturel Catherine avait ce don. Dieu l'avait douée de cette faculté d'une manière suprême, afin de procurer par son intermédiaire, le relèvement d'un culte qui était alors voué à l'oubli.

Par cette grâce, la soeur Emmerich était donc posée comme signe à son temps impie et énervé pour exciter non seulement les laïques, mais même bien des prêtres à la vénération des reliques et des sacrements. Lors de la suppression des églises et des couvents, beaucoup d'ecclésiastiques péchèrent par rapport à cette dévotion. Ils laissèrent tomber les reliques aux mains des profanes ou les rejetèrent comme objets sans valeur. Dans les églises il n'y avait plus de reliquaire pour les recevoir. La mission de Catherine dans cette affaire est définie par ces paroles de son ange : "Vous jouissez de la lumière qui sort des dépouilles des saints, pour tous les membres du corps de l'Eglise."

Dès que ce don de Catherine fut connu dans le monde, on soumit à sa décision des reliques de toute sorte : Overberg surtout et son confesseur lui en présentèrent. Grâce à ce don merveilleux de Catherine, beaucoup de chrétiens, à cette époque, se vouèrent avec un zèle nouveau, au culte et à la vénération des reliques des saints. Grâce à ces contemplations, l'histoire de bien des saints nous a été communiquée d'une manière à la fois exacte, attrayante et instructive.

Les martyrs la conduisent dans l'ancienne Rome. Elle nous décrit la distribution d'une maison romaine avec ses moeurs et sa vie ; elle s'arrête à la description des familles patriciennes, entre autres celle de sainte Agnès et de sainte Cécile ; elle dépeint le Colysée avec ses jeux cruels, ses bêtes féroces et ses scènes abominables. "Je passai par les Catacombes, dit-elle ; j'y venais avec plusieurs saints. Je vis des corridors, des chambres et des espaces circulaires ressemblant à des chapelles. Des niches carrées se trouvaient çà et là dans le mur. Tout à tour l'un ou l'autre de mes compagnons me dit: Regardez ici notre séjour pendant l'exil; c'est là que nous avons enseigné les fidèles, c'est là que nous avons célébré les saints mystères. Ils attirèrent mon attention sur les autels qui étaient des blocs quadrangulaires apposés au mur. Ils me dirent ensuite : "C'est là que nous avons vécu dans l'obscurité, dénués de toute splendeur; mais la lumière et la force de la foi étaient toujours avec nous. "

4 A la fête des saintes reliques, son ange la conduisit par toutes les contrées dans les endroits où l'on conserve des reliques dès les temps les plus reculés. Elle pénétra même là où elles étaient enfouies en terre ou dans les caves et les sacristies. "A Rome, à Cologne et à Aix-la-Chapelle, il y a des trésors immenses de reliques et on leur y témoigne la vénération qui leur est due. " Elle vit briller les reliques cachées et comprit qu'elles étaient un sujet de bénédiction pour les lieux où elles étaient conservées. Ces lieux furent protégés contre les maux qui affectaient d'autres endroits dépourvus de reliques. Elle prévit de plus la chute et le péril de certaines églises, sous lesquelles étaient enfouis des ossements outragés.

Pendant une extase lorsqu'un jour on lui présenta une parcelle de la Sainte Croix de notre Seigneur, elle la saisit en disant

"J'en possède une pareille, je la porte dans le coeur et sur la poitrine. (Elle portait toujours une parcelle de la Sainte Croix). Quel objet serait plus digne de ma vénération ! La Croix est l'instrument de notre salut ; la lance nous a procuré l'accès d'une source abondante d'amour, dans laquelle je viens de me plonger. " A l'offrande d'une relique qui d'après une pieuse tradition contenait du sang de Jésus Christ, elle dit: "Il s'y trouve véritablement du sang de notre Sauveur. Le sang essentiel de Jésus n'est pas resté sur la terre, mais seulement sa forme et sa couleur. J'ai vu les anges recueillir le sang qui coulait à terre pendant la Passion du Christ. Cette relique opère un effet différent de celui des saints membres ; elle m'attire puissamment et me fait languir après Jésus. Elle brille comme le soleil de midi. "

Souvent Overberg envoyait à Dülmen des petits paquets de reliques, qui en partie portaient le nom du saint. Le 8 janvier 1820 il remit au vicaire Niesing un vase en forme de tourelle, que le vicaire porta sous le bras, tout le long de la route de Munster à Dülmen. Bien qu'elle n'eût pas la moindre idée de l'intention d'Overberg, qui voulait lui envoyer ce vase, elle vit dans une extase que le prêtre portait tout le temps une flamme blanche sous le bras. Lorsqu'il s'approcha de la ville, elle discerna les reliques, que, le lendemain, Niesing lui apporta à sa grande joie. Elle raconte de ce fait: "Recevant les reliques d'Overberg, j'eus une vision ; je vis nos premiers évêques transporter solennellement ces reliques de Rome à Munster, où elles furent parées et distribuées avec le plus profond respect. Des femmes pieuses distinguées par leur vie pure et sainte, s'étaient réunies pour les envelopper. Des prêtres distribuaient les reliques. Celles-ci après avoir été décorées de broderies et de fleurs furent rangées en pyramides. La première exposition se fit en grandes solennités ; toute la ville en fut comblée de bonheur. Beaucoup de membres de saints furent enterrés dans l'église d'Ueberwaner (note).

note - Ueberwaner signifie outre-le fleuve (au-delà de l'eau). C'est le nom d'une des plus anciennes églises de Munster ; elle a été nommée ainsi parce qu'elle se trouve de l'autre côté de la rivière, par rapport à la partie la plus ancienne de la ville.

Plus tard je connus quelques pieux chanoines de la cathédrale qui avaient une grande vénération pour les reliques. A la suite d'un changement d'architecture dans cette église et de reconstruction des autels, toutes ces reliques ont été confondues. On trouva aussi les corps de plusieurs saints dont les membres furent mêlés aux autres reliques. Entre autres, on découvrit le corps d'une vierge dont je possède une parcelle. Mais les riches bénédictions répandues sur les hommes par ce culte des reliques, s'évanouirent par la profanation qui suivit bientôt. Ce fut la volonté divine qui livra ces dépouilles aux mains d'Overberg, qui, sans les connaître, leur avait cependant assigné une place. "

Elle nomma le vase qui contenait ces reliques "son église" et elle l'avait toujours près de son lit ; à présent il se trouve parmi les objets que l'on conserve, en souvenir d'elle, dans son ancienne demeure à Dülmen.

Chapitre 5

Catherine et les âmes du purgatoire

De même qu'avec l'Eglise triomphante, Catherine entretenait aussi des rapports avec l'Eglise souffrante du purgatoire. Par ses visions elle confirme admirablement l'union intime des saints au Ciel, des âmes des défunts et des pèlerins sur la terre ; elle confesse clairement cette communion des saints que nous reconnaissons dans le CREDO, cette communion dont Jésus Christ est la tête, le Sauveur et la fin suprême. Comme elle vérifie bien les paroles de l'Apôtre : "Or vous êtes le corps de Jésus Christ, et membres les uns des autres ; que tous les membres conspirent mutuellement à s'entraider les uns les autres ! Et si l'un des membres souffre, tous les autres souffrent avec lui ; ou si l'un des membres reçoit l'honneur, tous les autres s'en réjouissent avec lui." (1 Cor. 12. 25-27) Les événements de la vie extraordinaire de Catherine nous commentent d'une manière admirable le dogme, qui dit: Nous, pauvres pèlerins de cette terre, nous pouvons accomplir des oeuvres de satisfaction pour les âmes des trépassés ; mais la mort met fin à toute action méritoire, soit pour nous, soit pour les autres. Seulement les membres des trois Eglises peuvent implorer la Miséricorde divine l'une pour l'autre, en priant ceux-ci pour le salut de ceux-là.

On appelle d'ordinaire les âmes du purgatoire "pauvres" parce qu'elles sont incapables d'expier elles-mêmes leurs peines ; c'est pourquoi elles demandent instamment le secours de nos prières. Nos oeuvres de réparation et d'expiation nous acquièrent une double récompense, savoir celle du service de Dieu et celle de la charité envers le prochain. Par leur prière efficace d'ailleurs, ces âmes deviennent pour nous des intercesseurs puissants au Ciel. Tout coeur animé de foi et de dévotion aime son prochain et fait aussi pour cela des oeuvres expiatoires pour les âmes souffrantes. Et comme l'amour du prochain était pour ainsi dire la vie de Catherine, il est naturel que la dévotion aux âmes du purgatoire fût une des premières de son âme.

Dès sa plus tendre enfance elle prit en pitié leur entier délaissement et leur complet abandon. Les âmes des défunts étaient instruites par une révélation de la charité de Catherine à leur endroit ; c'est pourquoi elles lui apparaissaient souvent pour implorer son aide.

Pour enflammer davantage son zèle, son ange gardien conduisait la malade au purgatoire, surtout le jour de la Commémoration des morts. L'aspect saisissant de ce lieu de deuil et de misère l'excitait à de plus austères pénitences. C'est là qu'elle devait apprendre ce dont chaque âme manquait le plus, par exemple les saintes messes négligées, les pénitences non accomplies, les voeux inexécutés, la non-restitution du bien mal acquis. Elle reçut la mission d'exhorter les vivants à s'acquitter des obligations des membres défunts de leur famille. Il lui fut permis de consoler elle-même ces âmes abandonnées. Elle accuse la négligence ou l'omission des messes fondées comme un vol cruel fait aux pauvres les plus indigents.

La soeur Emmerich nous décrit le purgatoire comme un vaste empire de tristesse et de tourments. L'état des habitants de cet empire diffère selon la grandeur et le caractère de leur culpabilité.

Une obscurité profonde règne dans les parties extrêmes du purgatoire ; là des esprits malins ont accès : ils y bourrellent les âmes de remords, par des reproches incessants ; d'autres parties sont moins ténébreuses. Une partie des âmes sont incarcérées ; d'autres jouissent d'une liberté plus grande ; les unes sont condamnées à l'isolement, les autres vivent en société. D'après notre manière de concevoir, les punitions consistent et dans des souffrances extérieures et dans des souffrances spirituelles. Elle vit au purgatoire des endroits où les peines ne se distinguaient de celles de l'enfer que par la durée.

Les tourments extérieurs correspondent aux misères corporelles d'ici-bas. Elle vit des âmes flagellées, mises en pièces par des chiens, maltraitées par des ennemis, d'autres étaient mises aux fers, enfermées entre les murailles ; elle les vit subir la faim, la soif, la chaleur, le froid, l'angoisse et la désolation. Les douleurs spirituelles se rapportent au genre des péchés commis et consistent en peines de coeur et de conscience. La tiédeur et la paresse dans l'accomplissement des devoirs se transforment en regrets amers de la grâce et du temps perdus ; l'étourderie est punie par le sentiment d'entraves insupportables ; la conviction d'avoir mené une vie frivole et inutile, se change en désirs intenses, mais jamais accomplis ; ces âmes en effet ne peuvent rien gagner et sont condamnées à souffrir et à attendre dans une désolation douloureuse et une tristesse sans bornes. Leur situation déplorable explique le souhait ardent de secours et de délivrance qui les consume, et c'est pourquoi aussi l'Eglise met dans leur bouche les paroles de Job : "Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous du moins qui êtes mes amis, car la main du Seigneur m'a frappé."

Leur seule consolation est l'espoir d'être bientôt délivrées et en attendant cette heure, elles s'édifient mutuellement par la patience et la charité. Les unes participent aux différents maux des autres : elles se réjouissent de voir leurs confrères admis au Ciel ou de les voir soulagés par une diminution de leurs souffrances. Celles-ci d'ailleurs sont de différents degrés selon la durée de la purification, et les douleurs diminuent peu à peu d'intensité : elles échangent par exemple l'emprisonnement contre la société avec les autres, les ténèbres avec un endroit moins sombre. C'est ainsi qu'elles arrivent peu à peu dans les régions plus claires, où des anges descendent pour les rafraîchir.

Les âmes parvenues à ces degrés supérieurs de purification, obtiennent de Dieu la faveur de pouvoir apparaître aux âmes dans les degrés inférieurs et aux hommes pieux sur la terre. Elles engagent ceux-ci à mener une vie plus vertueuse et à secourir par leurs bonnes oeuvres les âmes des défunts et les pécheurs les plus endurcis. Elles les sollicitent à prier pour leur prochain et pour les besoins de l'Eglise.

Nous trouvons des exemples de ces apparitions dans la vie de Catherine: L'âme d'une mère implora Catherine de détourner sa fille de la voie du péché qu'elle suivait sur la terre. L'âme d'un époux la supplia de ramener à Dieu sa femme qui plaidait une cause injuste, et étourdissait sa conscience en se plongeant dans des plaisirs folâtres. Parmi ces apparitions nombreuses, citons encore celle de sa mère. Trois ans et demi après sa mort, la mère de Catherine lui apparut et la conduisit dans un lieu débordant de désolation : elle lui demanda ses prières pour les âmes qui y étaient retenues. Qui n'admirerait ici ces liens indissolubles de l'amour mutuel entre la mère et la fille, qui se rencontrent toutes deux dans l'amour surnaturel du prochain ?

Catherine ressentit une compassion d'autant plus vive pour les âmes du purgatoire, qu'elle savait celles-ci plus abandonnées ; et parmi celles-ci figuraient celles qui avaient le plus de péchés à expier.

Elle admire la Miséricorde inconcevable de Dieu à l'égard de chacun. Rien de ce qu'il y a de bon dans le coeur de l'homme sur la terre [Catherine parle ici de l'état de l'homme qui a préservé son âme du péché mortel, malgré une vie tiède et indifférente], ne sera perdu pour l'éternité ; mais toute action méritoire mène à la lumière céleste, tout péché aux ténèbres éternelles. Elle priait de préférence pour les âmes totalement oubliées. Elle intercédait aussi pour ceux dont les vertus avaient été vantées outre mesure, et auxquels les survivants ne croyaient pas devoir appliquer de mérites à cause de leur sainte vie. Elle voit en même temps que chaque louange outrée devient un sujet d'abaissement pour celui qui en est l'objet.

Les âmes des enfants non baptisés, celles des chrétiens séparés de l'Eglise, enfin celles des Juifs et des païens que Dieu daigne recevoir en paix à cause de leur vie morale, sont réunies dans un lieu particulier. Toutes cependant sont pauvres et délaissées ; car elles ne peuvent pas participer aux trésors de l'Eglise et aux grâces du Saint Sacrifice.

Plus une âme est coupable, plus elle est séparée de la communion des saints ; plus il en coûte aussi à Catherine d'opérer en sa faveur. Dans ce cas elle sollicite un saint quelconque de l'accompagner au purgatoire, pour adoucir les peines d'une telle âme ; en même temps elle offre à Dieu le mérite de ce saint. Bien plus, souvent les élus du Ciel, hors d'état de pouvoir accomplir des oeuvres expiatrices pour les âmes du purgatoire, mais capables d'exciter les vivants à de telles actions, disposèrent le coeur de la religieuse à faire ce qui leur était impossible ; ils joignirent alors leurs prières aux supplications de Catherine.

Un jésuite jouissant de la béatitude céleste, auquel Catherine s'était autrefois confessée, la conduisit près de sa soeur au purgatoire : grâce à la prière fervente de Catherine, elle fut soulagée aussitôt. Une femme admise à la gloire éternelle lui apparut et la supplia de travailler à la conversion de son mari et de sa seconde femme qui vivaient tous deux dans le péché. Catherine entreprit cette oeuvre de charité et obtint la conversion demandée. Un enfant mort dans l'innocence de son baptême, se présenta à elle dans sa splendeur céleste en disant

"Je vous rends grâce de m'avoir obtenu le baptême ; sans vous je serais mort dans le péché et j'aurais été condamné comme les païens." Et en effet une femme accouchée avait demandé intérieurement l'intercession de Catherine. Celle-ci entendit cette voix et grâce à ses prières l'enfant déjà mourant put encore recevoir le baptême. Elle nous enseigne que ces enfants savent tout obtenir de Dieu au Ciel, mais qu'on néglige de les invoquer. Les enfants lui révélèrent aussi que Dieu était toujours prêt à empêcher les nouveau-nés de mourir sans baptême, mais que personne ne le priait pour cela. A cet égard Catherine eut à diverses reprises des visions qui prouvaient le succès de ses prières.

Dieu nous montre combien grande était la charité de Catherine, en permettant que même des âmes protestantes et juives implorassent son secours. L'âme d'une pauvre juive vint la supplier de l'accompagner dans le séjour de ses coreligionnaires. Dans cet endroit écarté, elle trouva les plus tristes calamités. Le fait de voir que beaucoup de ces âmes n'étaient pas perdues pour l'éternité, l'attendrit et elle leur parla du Messie. La plupart de ceux qu'elle voyait avaient été indigents dans leur vie. L'âme d'une Juive émut Catherine au point de l'intéresser aux Juifs vivants pour les amener à la vérité. Ainsi elle remua intérieurement une Juive de Coesfeld ; celle-ci avait commis maintes fautes durant sa vie et pour réparer ses torts, elle distribua des aumônes à de pauvres chrétiens. Cette aumône fut agréée pour l'expiation de ses péchés. Catherine produisit le même effet près d'une Juive de Dülmen. Il n'en fut pas de même auprès du rabbin : elle n'avait pas réussi à s'approcher de lui ; car il opposait un coeur endurci aux inspirations de la grâce. Dans une grande ville, elle émut beaucoup de Juifs pieux : ils firent une réunion dans laquelle ils formulèrent leur conviction de la venue du Messie. Au mont Sinaï elle avait su empêcher des Juifs de piller les pèlerins chrétiens. Elle réprimande le manque général de zèle pour la conversion des Juifs.

Catherine, il est vrai, ne se lassait pas d'opérer et de mériter pendant toute l'année pour les âmes des défunts ; mais cependant elle estimait le 2 novembre comme le jour spécial du pardon céleste. Ce jour-là, différents saints, entre autres saint Augustin enflammaient le zèle de Catherine à faire ouvrir le Ciel à beaucoup d'âmes souffrantes. A cette fin, elle se servait de la prière et de l'invocation des saints ; elle appliquait aux âmes des défunts, les mérites des élus, le fruit du sacrifice de la messe, de la sainte communion et des indulgences.

Les âmes souffrantes éprouvent une consolation toute particulière par le combat que nous livrons à nos passions et par la mortification de nos sens. On peut les secourir par la répression de la colère et de l'impatience, par l'exercice des vertus, l'oubli des injures, enfin par la bienveillance sincère envers le prochain. Ces exercices en effet font amende honorable pour les péchés d'omission en la pratique de ces vertus. L'ange de Catherine l'exhorta à supporter patiemment le chagrin, les misères et les tristesses si nombreuses dans les différentes phases de son existence, et elle offrit volontiers tout cela pour les âmes des défunts. Outre cela, elle demanda encore à Dieu des souffrances corporelles pour pouvoir ressembler à ces âmes. C'est ainsi que souvent elle se sentait enchaînée et hors d'état de se mouvoir ; tantôt elle était affectée d'une chaleur dévorante, tantôt elle ressentait les tourments d'une soif inaltérable. Pour expier les péchés des âmes du purgatoire, Dieu lui fit subir les peines et les obstacles d'un voyage à pied en lui opposant sur la route de l'eau, de la neige, des haies épineuses, etc. Enfin à part cela, elle offrait à Dieu toutes ses prières, toutes ses souffrances pour les pauvres âmes ; et celles-ci, à leur tour offraient à Dieu ses oeuvres de charité qui augmentaient par là de mérite en fructifiant non seulement pour les âmes, mais encore pour Catherine elle-même.

La sainte religieuse accomplissait des oeuvres particulières d'expiation que lui demandaient ces âmes, comme la réparation des négligences et des scandales. Une de ces âmes lui demanda de récolter des aumônes pour acheter un certain nombre de chemises qu'elle aurait à distribuer ensuite aux pauvres. Des prêtres la chargeaient de travailler dans la vigne entre des échalas pointus, pour expier leurs négligences. Elle exécuta cet ordre en joignant ces travaux d'esprit aux souffrances corporelles. "Ah ! qu'il est triste, soupirait son coeur, de voir accorder si peu d'importance au soulagement des âmes ; chaque oeuvre de propitiation, toute aumône, toute souffrance des soulagent à l'instant et les rendent si heureuses. Elles en témoignent la reconnaissance d'un homme mourant de soif, auquel on fait cadeau d'un verre d'eau fraîche. Les prêtres peuvent les secourir parla récitation du bréviaire, ainsi que parleur bénédiction sacerdotale. Cette dernière entre au purgatoire comme une rosée rafraîchissante. " Catherine demanda souvent pareille bénédiction à son confesseur.

Ce sont les anges qui font part aux âmes des oeuvres offertes pour elles sur la terre ; ce sont également les anges qui les introduisent dans les demeures célestes. Leur aspect si sombre devient alors de plus en plus clair et plus resplendissant, jusqu'à leur entrée dans la gloire éternelle. Catherine vit souvent cette introduction des âmes dans le Ciel ; c'était la récompense de ses sacrifices d'amour ; elle entendit souvent des voix célestes lui dire : "Nous te remercions, nous te remercions !"

C'est par le pôle nord que Catherine descendit au purgatoire. En société de son ange, elle voyagea d'abord vers l'est jusqu'au Gange, monta l'Himalaya, d'où son guide la conduisit vers l'ouest par le pays Duhemsid, dont les montagnes sont peuplées de singes. En descendant peu à peu, elle parvint dans un pays froid : c'est la demeure d'une race d'hommes à longue chevelure qui traversent la contrée avec des charrettes attelées de chiens ; des bêtes à fortes toisons, aux pieds courts et aux oreilles longues, leur fournissent des fourrures pour vêtements. Plus au nord il y a un pays plein de marais et de régions sauvages ; çà et là on y aperçoit encore des hommes misérables avec des nez étranges. Elle avance jusque dans une terre inhabitée, s'enfonce toujours davantage dans la sphère du brouillard et du froid et arrive enfin à une mer remplie de glaciers gigantesques. Les sommets vont en déclinant et le tour de la terre se restreint. Elle voit la terre en forme ovale allongée de l'occident à l'orient. A la fin elle gravit une couche épaisse de métal et le purgatoire s'offre à sa vue comme un demi-cercle noir.

C'est par la même route, que son ange la conduisit aux enfers. Elle descendit sous la terre au pôle nord, se dirigea vers le centre du globe et arriva au-dessous du purgatoire à l'endroit des abîmes du désespoir. Un jour, Catherine découragée de toutes ses douleurs, demanda à Dieu le répit d'un jour de calme ; car elle croyait son état semblable à celui de l'enfer. Son ange gardien la réprimanda de cette pensée et lui dit : "Pour vous empêcher désormais de comparer votre état à l'enfer, je vous montrerai celui-ci." Et voici ce qu'elle en dit: "Quand je pense à ce que j'ai vu, tout mon corps tressaille. Une nuit impénétrable enveloppe à jamais ce lieu où règnent d'indicibles tortures. "

La Soeur Emmerich reconnut aussi que certaines planètes étaient la demeure des anges déchus. Des esprits différents de ceux-ci demeuraient sur neuf étoiles qu'elle apercevait au milieu d'un anneau qui entourait la terre. Ce séjour était plus agréable ; il avait été accordé à ces habitants grâce à une sorte de contrition qu'ils avaient éprouvée lors de leur chute ; au Jugement dernier ils seront livrés à la damnation éternelle (note1) Des esprits analogues séjournent dans la lune et les comètes. Ce sont eux qui visitent la terre et excitent l'homme au péché (note2); ce sont ceux-là aussi qui tourmentent les âmes du purgatoire. Elle aperçut aussi beaucoup d'esprits malins causant la destruction de la terre. Elle affirme qu'un grand nombre d'âmes maudites séjournent dans des lieux solitaires, dans lesquels ils ont commis leurs forfaits. C'est là qu'elles doivent séjourner au milieu des tourments jusqu'à la fin des temps (note3).

1 - Leur contrition n'était donc qu'une attrition naturelle semblable à celle du traître Judas.

2 - cf. Eph. 2. 2 et 6. 12 où saint Paul dit, que nous avons à combattre contre les puissances de l'air.

3 - "Les âmes damnées, dit saint Augustin, n'apparaissent que rarement. Néanmoins on peut admettre qu'elles apparaissent quelquefois pour instruire et terrifier les vivants. On peut admettre ici une sorte de bilocation, car elles sont en même temps dans l'enfer et dans le lieu de leurs crimes."