Sacrement de l'Ordre. " Les ministre ordonnés".

01/01/2020


Les « ministres ordonnés » : l'évêque, le prêtre et le diacre


Du latin ordinatio : « action de mettre en ordre », « action d'orga­niser la distribution des charges », l'Ordination se déroule au cours d'une cérémonie solennelle qui confère le sacrement de l'ordre. L'acte essentiel de l'ordination épiscopale, presbytérale et diaconale est l'imposition des mains suivie de la prière consécratoire. Le caractère épiscopal est requis pour procéder validement à des ordinations.

L'épiskopos grec est un « surveillant » qui veille (skopéin) sur (épi) ceux dont il a la charge. Dans la primitive Église, les « épiscopes » sont les « anciens » (presbutéroi) à qui les apôtres confient la « sur­veillance » des communautés chrétiennes ; il semble qu'au début, cette charge ait été exercée collégialement par les « presbytres » : « Soyez attentifs à vous-mêmes, recommande saint Paul aux anciens d'Éphèse, et à tout le troupeau dont l'Esprit Saint vous a établis gardiens (épiskopous) pour paître l'Église de Dieu, qu'il s'est acquise par le sang de son propre Fils » (Ac 20, 28). Assez vite, un « épiscope » unique se voit attribuer la responsabilité de toute une église (1 Tm 3, 1-7 ; Tt 1,7-9), secondé par les presbytres (Tt 1, 5 ; 1 Tm 5, 17) et assisté par les diacres (1 Tm 3, 8-13).

L'évêque

L'évêque devient ainsi le signe et le garant de l'unité d'une église, le succes­seur de l'apôtre qui lui a imposé les mains (2 Tm 1, 6). Au tournant du deuxième siècle, saint Ignace d'Antioche a beaucoup souligné le rôle central de l'évêque, transparence du Père, du Christ et des apôtres ; le ministère épiscopal, qui s'adjoint l'assistance du presbytérium et le service des diacres, trouve dans la célébration liturgique de l'Eucharistie son expression la plus parfaite : « Ayez donc soin de ne participer qu'à une seule Eucharistie ; car il n'y a qu'une seule chair de notre Seigneur Jésus Christ et un seul calice pour nous unir à son sang, un seul autel, comme un seul évêque avec le presbytérium et les diacres, mes compagnons de service » (Philadelphiens, 4).

Très vite donc, la Tradition a reconnu dans la personne de l'évêque la présence privilégiée de Jésus Christ à son Église. Relié à tous les autres successeurs des apôtres et spécialement au successeur de Pierre à Rome, l'évêque a la plénitude de l'ordre sacré. Comme le Verbe incarné a été envoyé par le Père « non pour être servi, mais pour servir » (Mt 20, 28), ainsi l'évêque reçoit la mission de conti­nuer la Rédemption au service d'une église dont il devient responsable. Docteur, pasteur et grand prêtre, il est le signe efficace, le sacrement vivant, le critère, de l'union de son église à Jésus Christ. Le « service » épiscopal culmine dans la célébration solennelle de l'Eucharistie, car l'enseignement et le gouvernement du successeur des apôtres tendent au rassemblement du Peuple de Dieu dans le sacrement de l'unité.

La messe présidée par l'évêque, concélébrée avec ses prêtres, « servie » par les diacres, en présence du plus grand nombre de fidèles, est le sommet de la liturgie de l'Église, car elle rassemble toute la diversité de ses membres dans l'unité de la Trinité, grâce au sacrifice du Christ et au don de l'Esprit. Comme l'évêque ne saurait à lui seul rassembler toutes les commu­nautés de son diocèse, il s'assure la collaboration des prêtres, qu'il associe à son sacerdoce, et l'aide des diacres qui assurent l'évidence du côté « service » de sa mission (voir Diacre, Service).

On comprend qu'une vision « ascendante » du sacrement de l'ordre n'est pas juste : on ajouterait quelque chose à un diacre pour qu'il devienne prêtre, et quelque chose à un prêtre pour qu'il devienne évêque. La vision « descendante » doit être privilégiée : l'évêque seul a la plénitude de l'ordre ; le prêtre reçoit une participation à cette plénitude, dans la ligne du sacerdoce, et le diacre, dans la ligne du service.

Pour l'ordination épiscopale, la présence de trois évêques au moins est requise, en vue de signifier l'agrégation de l'élu au collège épiscopal, successeur du Collège apostolique. Le rite essentiel est l'imposition des mains par l'évêque consécrateur et par tous les évêques présents, suivie par la prière consécratoire dont la formule centrale, dite par tous les évêques, est la suivante : « Envoie main­tenant, Seigneur, sur ce prêtre, ton élu, la puissance qui vient de toi, l'Esprit souverain.

Tu l'as donné à Jésus Christ, ton Fils bien-aimé, et lui-même l'a transmis à ses apôtres qui ont fondé en tout lieu l'Église, comme ton sanctuaire, pour te rendre gloire et célébrer sans cesse ton nom ». On notera la manière dont la finalité liturgique du ministère épiscopal est marquée : rassembler l'Église pour qu'elle devienne le temple de la Gloire, résonnant de la louange divine cf. Ap 21). Les rites complémentaires de l'onction de la tête avec le saint chrême, de la remise de l'Évangile, de l'anneau et du bâton pastoral (voir Crosse), marquent clairement les rôles de l'évêque, chef, guide, époux et docteur de son église, en transparence du Christ.

Le prêtre

Du grec presbutéros qui, comme presbus ou presbutès, signifie « ancien », « ambassadeur ». Le terme de « prêtre » implique donc à la fois une respectabilité et une charge de médiation.

Dans le Nouveau Testament, il est difficile de distinguer les prêtres (presbu-téroi) des évêques (épiscopoi) ; des indices montrent cependant que, progressivement, l' « épiscope » se voit confier la charge de toute une église, secondé par un collège de « presbytres » (1 Tm 5, 17 ; Tt 1, 5). Dès le début du IIc siècle, la distinction hiérarchique entre évêques et prêtres est bien établie.

Le prêtre est un « ancien », c'est-à-dire un homme sage que l'évêque s'adjoint comme collabo­rateur dans l'exercice du sacerdoce ; pour comprendre le prêtre et sa mission, il faut donc partir de la charge de l'évêque à laquelle il participe dans la ligne du sacerdoce (voir Évêque, Ordre).

Comme Moïse s'était ménagé l'assistance d'anciens qui pourraient le seconder en sa charge de gouvernement du Peuple et de médiation (Ex 18, 21), anciens qui participent à son privilège d'intimité avec Dieu (Ex 24, 1.9) et reçoivent une « part » de son Esprit (Nb 11, 24-25), ainsi l'évêque associe-t-il à son sacerdoce « les hommes pleins de sagesse » qu'il choisit pour cela (voir la prière consécra-toire de l'ordination presbytérale) et à qui il impose les mains.

Le prêtre est donc l'aide ou le collaborateur du « grand prêtre » qu'est l'évêque ; là où il est envoyé par l'évêque, il est son repré­sentant (son « ambassadeur »), muni des pouvoirs qui lui permet­tent de seconder réellement le successeur des apôtres. Les prêtres exercent, comme l'évêque, et subordonnés à lui, la triple charge sacerdotale de pasteur, de docteuret de sanctificateur. « Participant, à leur niveau de ministère, de la charge de l'unique Médiateur qui est le Christ (1 Tm 2, 5), ils annoncent à tous la parole de Dieu.

Cependant, c'est dans le culte ou synaxe eucharistique que s'exerce par excellence leur charge sacrée : là, agissant en la personne du Christ et proclamant son mystère, ils joignent (conjungunt) les offrandes des fidèles au sacrifice de leur Chef, rendant et appli­quant, dans le sacrifice de la messe, jusqu'à ce que le Seigneur vienne (cf. 1 Co 11, 26), l'unique sacrifice du Nouveau Testament, celui du Christ s'offrant une fois pour toutes à son Père en victime immaculée (cf. He 9, 11-18) » (Vatican II, Constitution dogmatique sur l'Église, n° 28).

L'Eucharistie, célébrée au nom de l'évêque et en communion avec lui - communion singulièrement manifestée par la concélébration avec lui, comme lors de la « première messe », celle de l'ordina­tion -, est au centre de la vie et de la mission des prêtres, source et sommet de leur activité pastorale. C'est en vue de l'Eucharistie qu'ils baptisent, peuvent confirmer, bénissent les fidèles qui s'unis­sent en mariage, entendent leurs confessions et leur imposent les mains pour les soulager en leurs maladies.

Il n'y a guère que le sacrement de l'ordre qu'ils n'administrent pas, car seule la plénitude de l'ordre permet à l'évêque de conférer les ordres ; pour signifier cependant la communion dans le sacerdoce, tous les prêtres présents imposent les mains à l'ordinand, après l'évêque et avant la prière consécratoire. On sait que cette imposition des mains de l'évêque et cette prière consécratoire constituent la partie

essentielle de l'ordination presbytérale ; la vêture (étole et chasuble), l'onction des mains avec le saint chrême, et la remise de la patène avec le pain ainsi que du calice avec le vinreprésentent des rites complé­mentaires.

Le diacre

Du grec diakonos : « serviteur », diakonein voulant dire « servir ». Le diacre est le chrétien baptisé et confirmé qui a reçu, lors de son ordination diaconale, une participationsacramentelle à la mission de l'évêque, dans la ligne du service (diakonia). Tout chrétien est appelé à suivre le Christ, pour devenir, par grâce, ce que le Fils est par nature. Afin que nous puissions devenir fils, le Fils s'est fait Serviteur, réalisant notre salut par l'accomplissementde sa mission rédemptrice ; ainsi a-t-il « accompli » les Chants du Serviteur en Isaïe (42, 1-9 ; 49, 1-6 ; 50, 4-11 ; 52, 13 - 53, 12), particulièrement le dernier : le Chant du Serviteur souffrant.

En effet, « le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mt 20, 28). Tout chrétien, en tant que tel, doit être capable de « donner sa vie » pour le « service » de tous. Cependant, pour que le « service » rédempteur du Christ soit mieux assuré au bénéfice de tous, Jésus lui-même a pris soin de pourvoir son Église des ministres aptes à continuer sa mission : Pierre, les apôtres, leurs successeurs et leurs collaborateurs. Quand le pape signe « Serviteur des serviteurs de Dieu », ce n'est pas une simple clause de style : le véritable serviteur - le véritable « dia­cre » - dans l'Église, c'est l'évêque, secondé par ses prêtres dans le « service » royal des baptisés.

Toutefois, l'évêque et ceux qui participent à son sacerdoce ne peuvent être, dans l'exercice de leur ministère de prêtres, de pas­teurs et de docteurs, les signes suffisamment parlants du Christ-Serviteur : leur autorité risque d'occulter le côté « service » de leur charge. Le diacre sera donc destiné à devenir le signe sacramentel du Christ-Serviteur, l'évidence de tout le ministère sacré comme service. Au-delà du récit de l'institution des Sept en vue du service des tables (Ac 6, 1-6), le fondement scripturaire du diaconat est à chercher dans les paroles et dans les actes du Seigneur présentant l'autorité ecclésiale comme un service (Mt 20, 24-28 et le lavement des pieds en Jn 13, 2-17).

Participant à la mission de service des évêques, successeurs des apôtres, c'est par l'évêque que le diacre est ordonné. Cette ordi­nation consiste essentiellement dans l'imposition des mains que l'évêque, seul, fait en silence, et dans la prière consécratoire, dont la formule centrale est la suivante : « Envoie sur lui, Seigneur, ton Esprit Saint : qu'il le fortifie de tous les dons de ta grâce pour l'accomplissement de son ministère ». Il reçoit alors l'étole diaconale et la dalmatique, puis l'évêque lui remet solennellement le livre des évangiles (voir Évangile), dont il devient le héraut.

Désormais, le diacre aide l'évêque et ses prêtres dans le service de la parole, de l'autel et de la charité. Sous leur responsabilité, catéchèse, prédication, direction des prières de l'assemblée, célé­bration du baptême et des funérailles, bénédiction du mariage, administration du viatique et, en général, toute forme de service des pauvres, des malades, des jeunes, sont de sa compétence. On comprend que le « service » diaconal soit, pour les futurs prêtres, une nécessaire initiation à leur « service » sacerdotal. Grâce à la restauration du diaconat permanent, les diacres restent dans l'Église le rappel vivant et sacramentel, pour les évêques, les prêtres et les fidèles, du « service » éminent qu'est et doit demeurer le « ministère » ordonné.


La prière de l'ordination épiscopale


Imposition de l'évangéliaire lors de l'ordination épiscopale 

La sollicitude de Dieu

Les prières d'ordination (épiscopale, presbytérale ou diaconale) sont adressées à Dieu, le Père de Jésus-Christ. Leur introduction comporte toujours l'expression de sa louange, de manière comparable à celle que l'on trouve au début des prières eucharistiques. La prière d'ordination épiscopale met plus spécifiquement l'accent sur la paternité de Dieu qui s'exprime en termes de tendresse, de réconfort (2Co 1, 3), d'attention aux plus humbles (Ps 112, 6). Le don d'un nouvel évêque à l'Église, et en l'occurrence à une Église particulière, s'inscrit dans cette sollicitude paternelle de Dieu pour les hommes et pour son peuple.

La continuité du projet divin

Ce soin de Dieu pour les hommes prend sa source dans son projet éternel de leur donner part à sa sainteté. Ce projet, conçu dès l'origine, se manifeste dans l'histoire du peuple saint. La prière d'ordination met en valeur la continuité entre le peuple d'Israël et l'Église (plutôt que d'employer le vocabulaire de la substitution) : ici, l'Église commence à prendre forme dans l'histoire du peuple de l'ancienne Alliance. L'institution des grands prêtres, des prêtres et des lévites (Ex 28-29 ; Nb 8) y préfigurait la structure ministérielle du sacerdoce de l'Église, au service de la sanctification des hommes, toujours liée à la gloire de Dieu (Sacrosanctum concilium n° 5 et 7).

Celui que tu as choisi

La prière d'épiclèse qui suit aussitôt la louange et la mémoire de l'œuvre divine fait ressortir le thème de l'élection :

« Tu veux trouver ta gloire dans les hommes que tu choisis. Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi, la force qui vient de toi. »

En quelques mots à peine, la prière passe d'une évocation assez générale du peuple élu, et de ceux qui y tiennent un rôle particulier et à la singularité de l'ordinand. Son élection est insérée et ne prend pleinement sens qu'au sein d'une double élection, à la fois plus vaste et encore plus singulière : l'élection de l'humanité tout entière dans le Christ. « En lui, il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l'amour, saints et irréprochables sous son regard. » (Ep 1, 4)

Une nouvelle Pentecôte à la suite des Apôtres

Le don de l'Esprit est intimement lié à cette élection :

« Voici mon serviteur que j'ai choisi, mon bien-aimé en qui j'ai mis toute ma joie. Je ferai reposer sur lui mon Esprit. » (Mt 12, 18 citant Isaïe)

Les termes employés par la prière d'ordination d'un évêque pour nommer l'Esprit Saint renvoient à deux événements profondément liés : le baptême du Christ (préfiguration de sa mort et de sa résurrection) et la venue de l'Esprit sur les Apôtres au jour de la Pentecôte. L'Esprit est cette puissance qui pousse Jésus sur les routes de Galilée après son baptême et sa victoire sur les tentations (Lc 4, 14). Il est cette force reçue par les Apôtres pour devenir témoins du Ressuscité (Ac 1, 8).

La souveraineté de l'Esprit est soulignée spécifiquement dans la prière d'ordination épiscopale, en lien avec la fonction des Apôtres d'établir l'Église (Ep 2, 20 et 4, 11-12) : c'est pour que l'Église puisse demeurer ce sanctuaire, ce peuple sanctifié et qui lui rend gloire, que l'on demande à Dieu de répandre son Esprit sur le nouvel évêque.

L'annonce de l'Évangile

Curieusement, la prière d'ordination épiscopale semble omettre ce qui, selon le concile Vatican II, est la première charge de l'évêque, à la suite des Apôtres : la prédication de l'Évangile (Lumen gentium, n° 25). On en trouve une mention dans les prières d'ordination diaconale et d'ordination presbytérale, dont les fonctions font implicitement partie de la mission de l'évêque :

« Les Apôtres soucieux de se livrer en toute liberté à la prière et à l'annonce de la Parole, ont choisi [...] sept hommes [...] qui les aideraient » ; « Qu'il soit un vrai collaborateur des évêques pour que le message de l'Évangile, [...] porte du fruit dans les cœurs et parvienne jusqu'aux extrémités de la terre. »

Le texte de la prière est indissociable du geste qui l'accompagne. Or, au cours de l'ordination épiscopale, l'imposition de l'évangéliaire ouvert au-dessus de la tête de l'ordinand signifie explicitement qu'il est chargé de porter l'Évangile.

Le sacerdoce royal de l'évêque

À cette fonction prophétique fondamentale, s'ajoutent les fonctions sacerdotales et royales de la charge épiscopale, résumées dans l'expression « grand prêtre et pasteur de ton peuple saint » : intercession inlassable pour le peuple qui lui est confié, présidence de l'offrande eucharistique, exercice de la miséricorde et de l'autorité. Il est appelé à vivre la charité pastorale en conformant sa vie à celle du Christ, « le grand prêtre par excellence » (He 4, 14).

La prière d'ordination épiscopale s'achève par une doxologie proche de celle qui conclut la prière eucharistique : la configuration au Christ du nouvel évêque s'accomplit dans le sacrifice spirituel où sont rendus au Père « la gloire, l'honneur et la puissance. »

La prière d'ordination d'un évêque

Dieu et Père de Jésus-Christ notre Seigneur, Père plein de tendresse,
Dieu de qui vient tout réconfort,
Toi qui es au plus haut des cieux et qui regardes les plus humbles,
Toi qui connais toutes choses avant même qu'elles soient,
tout au long de l'ancienne Alliance,
tu commençais à donner forme à ton Église par ta parole de grâce ;
dès l'origine, tu as destiné le peuple issu d'Abraham à devenir un peuple saint ;
tu as institué des chefs et des prêtres et toujours pourvu au service de ton sanctuaire,
car, depuis la création du monde, tu veux trouver ta gloire dans les hommes que tu choisis.

Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi, la force qui vient de toi,
l'Esprit souverain que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus-Christ,
l'Esprit qu'il a lui-même communiqué aux saints Apôtres qui établirent
l'Église en chaque lieu comme ton sanctuaire,
à la louange incessante et à la gloire de ton Nom.

Père, toi qui connais le cœur de chacun, donne à celui que tu as choisi pour l'épiscopat
de remplir sans défaillance
la fonction de grand prêtre et de pasteur de ton peuple saint en te servant jour et nuit.

Qu'il s'emploie sans relâche à intercéder auprès de toi
et à te présenter l'offrande de ton Église.

Accorde-lui, par la force de l'Esprit qui donne le sacerdoce,
le pouvoir de remettre les péchés ainsi que tu l'as commandé ;

Qu'il répartisse les ministères comme tu l'as disposé toi-même,
et qu'il délie de tout lien avec l'autorité que tu as confiée aux Apôtres.

Que sa bonté et la pureté de son cœur fassent de sa vie un sacrifice qui te plaise.

Par ton Fils, Jésus Christ, par qui te sont rendus, à toi, notre Père,
la gloire, l'honneur et la puissance, avec l'Esprit-Saint dans la sainte Église,
maintenant et pour les siècles des siècles.
Amen

Pontifical romain pour l'ordination de l'évêque, des prêtres, des diacres, Desclée/Mame, 1996, p. 39-41.


L'Église locale et la liturgie de l'ordination


Ordinations sacerdotales en la cathédrale Notre Dame de Paris (75), France.

Par Jacques Rideau, Prêtre du diocèse de Luçon, ancien directeur du SNPLS

Le concile Vatican II a remis en valeur l'Église particulière ou diocésaine. Elle était souvent considérée comme une sorte de subdivision administrative de l'Église universelle. La définition qu'en donne le décret sur la charge pastorale des évêques mérite d'être citée :

« Un diocèse est une portion du peuple de Dieu confiée à un évêque pour qu'avec l'aide de son presbyterium il en soit le pasteur : ainsi, le diocèse, lié à son pasteur et par lui rassemblé dans le Saint-Esprit grâce à l'Évangile et à l'eucharistie, constitue une Église particulière en laquelle est vraiment présente et agissante l'Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique. » (Code de droit canonique. 11)

Dans l'ensemble des célébrations liturgiques, les ordinations (ainsi que la messe chrismale) manifestent particulièrement bien cette réalisation de l'Église dans l'Église diocésaine. C'est dans l'ordination de l'évêque dans le diocèse dont il reçoit la charge que cette manifestation de l'Église particulière comme réalisation de l'Église catholique trouve son expression la plus achevée.

Pour rester dans l'orientation choisie pour ce numéro de Célébrer, nous voudrions en déployer quelques aspects principalement dans l'ordination des prêtres.

« L'ordination se fera avec le plus grand concours de peuple possible »

Que ce soit pour l'évêque, les prêtres ou les diacres, c'est ce que prescrit le Rituel des ordinations1. C'est qu'elles concernent l'Église locale tout entière, et pas seulement une communauté particulière. En effet, c'est d'abord pour elle, pour son bien et sa croissance dans le Christ et la vie selon l'Évangile, pour sa cohésion et son élan apostolique que les ministres vont lui être donnés.

Cette conscience diocésaine est entrée de fait dans la pratique. Les ordinations rassemblent du monde. On pourra toujours dire que la rareté des candidats au ministère presbytéral et le caractère nouveau du diaconat permanent accentuent le côté exceptionnel des célébrations, et renforcent la participation. Probablement. Il reste que les ordinations rassemblent au-delà des familles, des amis et relations des ordinands, au-delà même des paroisses et communautés au sein desquelles ils ont cheminé et découvert le ministère pastoral. Dans ces assemblées, on trouve des fidèles qui ne connaissent pas les ordinands. Ils sont présents parce qu'ils perçoivent des liens spirituels concrets liant les membres de l'Église - fidèles et pasteurs - chacun dans leur état de vie : ils sont là pour rendre grâce.

Mais notons ceci : l'Église locale est concernée non seulement parce qu'elle reçoit de nouveaux ministres mais également parce qu'elle est sujet et acteur de l'ordination. Voici comment les préliminaires du Rituel décrivent l'appel des candidats :

« Au début de la célébration (ou après l'évangile) l'Église locale demande à l'évêque d'ordonner les candidats. Le prêtre désigné pour cela fait connaître à l'évêque qui l'interroge publiquement, qu'il n'y a pas d'hésitation pour cela. » (n° 111)

Dans la célébration elle-même, le prêtre qui formule la demande d'ordination le fait ainsi : « Père, la sainte Église, notre Mère, vous présente ses fils et demande que vous les ordonniez pour la charge du presbytérat. »

D'une certaine façon, l'Église locale prend l'initiative de présenter les candidats et de demander pour eux l'ordination.

L'Église locale et ses ministres

L'ordination manifeste ce que sont les ministres dans l'Église locale. C'est évidemment le rite de l'imposition des mains qui est le plus parlant. Dans l'ordination des évêques, ce sont les évêques présents qui imposent les mains et il est prévu qu'il y ait au moins trois évêques consécrateurs. Dans l'ordination des prêtres, l'ensemble des prêtres vient imposer les mains à la suite de l'évêque. Le geste d'imposition des mains revêt plusieurs significations. Geste de la tradition apostolique : on devient ministre dans une tradition du ministère qui remonte aux Apôtres. Geste qui fait entrer dans un corps ministériel, le collège épiscopal pour les évêques, l'ordre des prêtres et le presbyterium d'une église pour les prêtres. Comment mieux dire que l'on n'est pas ministre seul, mais dans un corps ?

Ainsi, l'ordination manifeste bien l'unité différenciée du corps pastoral de l'Église locale : l'évêque et le presbyterium qu'il préside, comme le Christ avec ses Apôtres, disait saint Ignace d'Antioche. Bien des chrétiens ont la perception que le ou les prêtres de leur paroisse sont des délégués ou des représentants de l'évêque. C'est une approche administrative que corrige le signe sacramentel posé dans l'ordination, il revient à l'évêque de transmettre le ministère apostolique, mais il le fait avec les prêtres qui lui sont associés dans ce ministère. L'Église locale est guidée par un corps pastoral diversifié et pourtant profondément uni dans le don du même Esprit sous la conduite de l'évêque qui signifie et garantit cette unité, pour le service de l'Église et de l'Évangile. C'est le sens de la promesse d'obéissance à l'évêque auquel s'engage le futur prêtre :

« Promettez-vous de vivre en communion avec moi et mes successeurs dans le respect et l'obéissance ? », demande l'évêque (n° 125).

On peut souligner que la finalité de l'obéissance, c'est la communion, car on ne peut penser dans l'Église un ministère qui ne soit ministère vécu dans la cohésion du corps pastoral tout entier, cohésion qui n'est pas d'abord d'ordre juridique mais d'ordre sacramentel, communion dans l'Esprit reçu à l'ordination. L'obéissance est ici la condition de la communion. Cette communion de tous en un seul corps sacerdotal sera pleinement manifestée dans la concélébration de l'eucharistie par les prêtres avec l'évêque.

Élection et vocation

Nous sommes habitués à parler de la vocation sacerdotale. Sous ce mot de vocation, on comprend habituellement l'appel de Dieu et du Christ qui suscite le désir d'être prêtre chez un enfant, un jeune ou un adulte. Bien souvent, on la considère essentiellement comme l'émergence d'un désir intérieur né d'un appel de Dieu entendu dans le secret d'une conscience chrétienne. Sans aucun doute, l'appel au ministère suppose un désir intérieur fort que le candidat a pris le temps d'éprouver, de purifier et de fortifier. Pourtant, la liturgie de l'ordination présente les choses d'une manière plus complexe. Paradoxalement, on pourrait dire que l'on va de l'élection à la vocation.

Dans un premier temps, il y a l'élection, c'est-à-dire le choix du candidat par l'Église. Après la demande d'ordonner prêtre untel, l'évêque demande s'il a les aptitudes requises pour le ministère. Ceux qui ont accompagné le candidat dans sa formation, ceux à qui la responsabilité du discernement a été confiée, présentent alors le candidat à l'évêque et à l'assemblée. Dans les célébrations d'ordination, cette phase est délicate à mettre en œuvre. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, elle était assez développée : présentation par le supérieur du séminaire ou le responsable de formation, mais aussi intervention de laïcs qui avaient connu et partagé le travail apostolique et pastoral avec les jeunes ordinands. Elle n'évitait pas l'inflation de discours : elle tombait parfois dans la surenchère louangeuse pour le candidat et pouvait aussi servir de tribune pour des groupes et leurs orientations pastorales. Le trop étant l'ennemi du bien, la tendance s'est inversée ; aujourd'hui on serait plutôt minimaliste.

Si le Rituel prévoit cette présentation, c'est qu'elle a une signification ecclésiale profonde. Le désir personnel ne suffit pas pour être ordonné prêtre. Le ministère n'appartient pas à ceux qui en reçoivent la charge; il est confié par l'Église. C'est elle qui en détermine l'exercice et qui décide des qualités humaines, relationnelles, spirituelles, morales et pastorales demandées au ministre. Il lui revient de discerner s'ils sont aptes et dignes de recevoir ce ministère. Il est bon que, de manière sobre mais précise, ces aptitudes soient présentées à l'assemblée, en présence de l'évêque et du presbyterium.

La phrase rituelle conclut cette présentation :

« Le peuple chrétien a été consulté, et ceux à qui il appartient d'en juger ont donné leur avis. Aussi j'atteste qu'ils ont été jugés dignes d'être ordonnés. » (n° 120)

L'évêque alors peut conclure :

« Avec l'aide du Seigneur Jésus Christ, notre Dieu et notre Sauveur, nous les choisissons pour l'ordre des prêtres. » (n° 120)

Ce premier temps est bien celui du choix, de l'élection de quelqu'un par l'Église. On remarquera qu'en tout cela, il y a un accord profond qui s'exprime entre l'évêque et son Église. Le « nous » par lequel il s'exprime n'est pas un simple pluriel de majesté ; il rassemble à la fois sa décision personnelle d'appeler le candidat et le discernement, le choix de l'Église par le jeu des diverses personnes qui ont eu à accompagner ce dernier et à donner leur avis. Si l'Esprit a suscité le désir personnel du candidat, il a aussi éclairé l'Église dans son choix.

C'est dans cette élection que le futur ordonné peut alors entendre l'appel de Dieu et du Christ ; on pourrait dire que c'est dans l'ordination qu'il reçoit pleinement sa vocation. Reprenons le déroulement de la liturgie. Avant de procéder à l'ordination elle-même, l'évêque interroge l'ordinand pour qu'il déclare devant tous sa ferme intention de recevoir la charge du presbytérat. II répond d'un ferme « Je le veux » à l'évêque qui lui demande s'il s'engage à accomplir les fonctions ministérielles : guider le peuple de Dieu, annoncer l'Évangile et la foi catholique, sanctifier le peuple de Dieu par les sacrements et prier pour le peuple qui lui sera confié. Dans cette série de questions posées par l'évêque, la dernière prend une tournure différente : elle déplace l'engagement sur un autre terrain que celui des fonctions ministérielles à assurer, elle se place sur celui de l'engagement de toute la personne, sur celui d'une consécration personnelle pour la mission apostolique :

« Voulez-vous, de jour en jour, vous unir davantage au souverain prêtre Jésus Christ qui s'est offert pour nous à son Père en victime sans tache, et vous consacrer à Dieu avec lui pour le salut du genre humain ? » (n°124)

Le ministère implique la réponse libre à un appel personnel du Christ et de son Père. Cette réponse prend corps, trouve sa forme dans le choix, dans l'élection de l'Église auquel l'ordinand s'en remet en dernière instance. On ne saurait mieux dire et manifester l'action conjointe de Dieu et de l'Église dans l'appel et le choix de ses ministres.

L'Eglise qui se reçoit de Dieu

Après l'engagement des ordinands, vient l'ordination proprement dite. L'Église ici change de posture. La première partie de l'ordination se déroulait comme une série de dialogues avec l'évêque qui procédait au choix des candidats à l'ordination. En entrant dans les rites de l'ordination, l'Église se tourne vers Dieu et se fait fondamentalement orante et suppliante. L'assemblée commence par le chant du Veni Creator ou une autre hymne à l'Esprit Saint. Puis vient le moment solennel du chant des litanies : l'Église de ce monde n'est pas seule, elle agit et prie dans la communion des saints qui intercèdent pour elle. Dans la liste des saints, on aime à invoquer ceux qui ont marqué de leur empreinte la vie de l'Église locale, fondateurs et modèles de sainteté, et avec eux, l'Église s'en remet au Christ, son Seigneur et Sauveur : « Prends pitié, délivre nous, exauce-nous. » Jointe à l'imposition des mains, l'évêque fait alors monter la prière d'ordination. Son introduction est également solennelle :

« Sois avec nous, Seigneur, Père très saint, sois avec nous... » (n° 131)

Puis il demande:

« Accorde-nous les coopérateurs dont nous avons besoin pour exercer le sacerdoce apostolique [...]. Répands une nouvelle fois au plus profond d'eux-mêmes l'Esprit de sainteté. » (n° 131)

L'Eglise se reconnaît dépendante du don de Dieu, pour sa vie et pour sa mission ; elle se reçoit de Dieu dans le don de l'Esprit Saint.

Ainsi, la liturgie de l'ordination est une action profondément unifiée par laquelle l'Église choisit et désigne ses ministres. Elle a toute responsabilité pour s'organiser dans la mission confiée par le Christ par laquelle elle les reçoit radicalement de Dieu. En effet, lui seul peut faire en sorte que des chrétiens deviennent les signes vivants du Christ ressuscité, toujours présent et agissant à la Tête de son Corps.

Cet article est extrait de la Revue Célébrer n°385, Juillet 2011

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1 Pontifical romain, L'ordination du l'évêque, des prêtres, des diacres, Paris, nouvelle édition, Desclée/Mame, 1996, en abrégé L'Ordination, n°109.


Les rites d'une célébration d'ordination presbytérale

 Onction des mains d'un ordinand lors de la messe d'ordination sacerdotale au séminaire diocésain de La Castille, Solliès Ville (83).

Les ordinations sont toujours des temps de fête dans la vie d'un diocèse. Elles sont célébrées au cours d'une messe solennelle à laquelle participent activement les fidèles, généralement à la cathédrale. L'évêque préside cette célébration, entouré des prêtres et des diacres du diocèse. L'ordination a lieu après avoir écouté et médité la Parole de Dieu. Si l'imposition des mains et la prière d'ordination sont les éléments essentiels d'une ordination, ils sont entourés de rites préparatoires et d'autres, explicatifs.

L'appel du candidat

« Que celui qui va être ordonné prêtre s'avance...» « Me voici »

Au début de la célébration, l'Eglise locale demande à l'évêque d'ordonner le candidat (ordinand) pour la charge du presbytérat. Un prêtre, désigné pour cela, atteste à l'évêque qui l'interroge publiquement, que le candidat a été jugé digne d'être ordonné. L'évêque dit alors : « Avec l'aide du Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu et notre Sauveur, nous les choisissons pour l'ordre des prêtres ». Ce choix est accueilli par un chant comme l'hymne du Gloire à Dieu.

L'engagement de l'ordinand

Devant l'évêque et les fidèles rassemblés, le candidat exprime sa volonté d'exercer sa charge en conformité avec la pensée du Christ et de l'Eglise, sous la conduite de l'évêque. Il le signifie en mettant ses mains dans celles de l'évêque et promet de vivre en communion avec lui et ses successeurs, dans le respect et l'obéissance.

Tous implorent la grâce de Dieu pour l'ordinand. L'appel adressé à l'ordinand dépasse ses propres forces : c'est en se laissant investir par le Seigneur qu'il pourra vraiment accomplir sa mission. C'est pourquoi la force de l'Esprit est demandée pour lui et avec lui, cette force qui a guidé tant de saints et de saintes à travers l'histoire.

L'imposition des mains de l'évêque et la prière d'ordination

Le candidat reçoit le don de l'Esprit Saint pour la charge qui lui est conférée. Répétant les gestes déjà adoptés par les premières communautés chrétiennes, l'évêque puis les prêtres imposent les mains : geste de bénédiction et de prière silencieuse, geste pour rappeler et manifester sur l'ordinand la puissance de l'Esprit Saint. L'imposition des mains signifie la mission confiée par le Christ, mission qui se transmet par les mains des Apôtres et de leurs successeurs : « Père tout puissant, donne à tes serviteurs que voici, d'entrer dans l'ordre des prêtres... »

Vêture, onction des mains, remise du pain et du vin

Aussitôt après la prière d'ordination, on revêt l'ordonné de l'étole presbytérale et de la chasuble, pour que soit manifesté extérieurement le ministère qu'il devra accomplir dans la liturgie. Puis, l'évêque répand dans les paumes des mains du nouveau prêtre l'huile sainte, mêlée de parfum que l'on appelle le saint Chrême. Cette onction signifie le don de l'Esprit-Saint qui fortifie le prêtre « pour sanctifier le peuple chrétien ». Enfin, le nouveau prêtre reçoit le pain et le vin, qui deviendront dans l'eucharistie le Corps et le Sang du Christ. L'évêque leur dit alors : « Ayez conscience de ce que vous ferez, imitez dans votre vie ce que vous accomplirez par ces rites et conformez-vous au mystère de la croix du Seigneur.... ».

Le baiser de paix

En donnant un baiser fraternel au nouveau prêtre, l'évêque scelle l'acceptation de celui-ci comme son ministre. Les autres prêtres font de même et manifestent ainsi qu'ils sont en communion de ministère, membre d'un même ordre.

Dans la liturgie eucharistique qui suit, le nouveau prêtre exerce pour la première fois son ministère en concélébrant avec l'évêque et les autres prêtres.


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