Maria Valtorta. (suite III ) Récit de Maria confronté aux Evangiles.

04/08/2019

L'intendant infidèle

Lc 16,1-18

La parabole de l'intendant infidèle, telle que nous l'a transmise saint Luc, fit l'objet d'innombrables commentaires tout au long des siècles et suscite encore bien des interrogations tant de la part des chercheurs que des prédicateurs. Ainsi le chercheur John S. Kloppenborg a écrit : « Il n'y a guère de consensus sur n'importe quel point de cette parabole ». Il suffit de lire les études de P. Monat (L'exégèse de la parabole de l'intendant infidèle, du IIe au XIIe siècle. Revue des Études Augustiniennes 38, 1992) ou de C. Paliard (La parabole de l'intendant infidèle (Coll. Lire la Bible n° 53) Ed. du Cerf, 1980) sur ce sujet pour s'en persuader ! Même le titre fait débat : l'intendant est pour les uns malhonnête ou trompeur, pour d'autres habile ou prudent !

Pourtant, en lisant le récit que nous donne Maria Valtorta, tout paraît limpide. Jésus affirme d'abord à ses auditeurs que nul ne pourra se dérober, à l'heure du Jugement, à la terrible question divine : « Comment as-tu usé et abusé de ce que Je t'avais donné ? »381.3. Et comme tout homme peut pécher en désirant immodérément la richesse, la puissance, les honneurs ou les appétits charnels, la question qui se pose est alors : « Comment faire servir au salut tout, même ce qui est venu de la Corruption ? »381.3. C'est seulement après cette introduction très éclairante que le Seigneur débute sa parabole. Si le récit de Maria Valtorta reste proche de celui de Luc, la fin en est bien plus explicite. Le maître n'est pas dupe des manigances de son intendant et ne les approuve pas.

Et Jésus insiste sur la nécessité de faire le bien avec les moyens dont on dispose, quand bien même ils auraient été mal acquis. Il donne alors tout naturellement un nouveau développement de sa pensée déjà exprimée durant le Sermon sur la montagne, sur le choix nécessaire entre le Bien et le Mal (Mt 6,24 et EMV 174.8). « Personne ne peut servir deux maîtres »381.5. Jésus reprit effectivement ce thème plusieurs fois durant sa vie publique. La première fois, c'était sur le lac. Il avait alors conseillé aux apôtres : « Soyez des époux fidèles de votre vocation à Dieu. Vous ne pouvez servir deux maîtres. Le lit nuptial ne peut accueillir en même temps deux épouses. Dieu et Satan ne peuvent se partager vos embrassements » (EMV 98.11)

Cet enseignement marqua profondément les apôtres, car lorsque la conduite de Judas devint insupportable, ils s'interrogèrent : « Ne penses-tu pas que lui, dès maintenant, sert déjà deux maîtres ? »520.3. Et Judas lui-même, quelques jours avant sa trahison, dit par provocation à ses compagnons : « Maintenant j'ai deux maîtres au lieu d'un... »582.5.

Luc

Maria Valtorta

241.7 "Ce serait beau si l'homme était parfait comme le veut le Père des Cieux. Parfait dans toutes ses pensées, ses affections, ses actes. Mais l'homme ne sait pas être parfait et il use mal des dons de Dieu qui a donné à l'homme la liberté d'agir, en lui commandant pourtant les choses bonnes, en lui conseillant les parfaites pour que l'homme ne puisse pas dire: "Je ne savais pas". Comment l'homme use-t-il de la liberté que Dieu lui a donnée? Comme pourrait en user un enfant pour la plus grande partie de l'humanité, ou comme un sot, ou comme un criminel pour le reste de l'humanité. Mais ensuite vient la mort et l'homme est soumis au Juge qui lui demandera sévèrement: "Comment as-tu usé et abusé de ce que Je t'avais donné?". Terrible question! Comment alors paraîtront moins que des fétus de paille les biens de la Terre pour lesquels si souvent l'homme se rend pécheur! Pauvre d'une indigence éternelle, dépouillé d'un vêtement que rien ne peut remplacer, il restera humilié et tremblant devant la Majesté du Seigneur, et il ne trouvera pas de mot pour se justifier. Sur la Terre, en effet, il est facile de se justifier en trompant les pauvres hommes mais, au Ciel, il est impossible de tromper Dieu. Jamais. Et Dieu ne s'abaisse pas à des compromis. Jamais. Comment alors se sauver? Comment faire servir au salut tout, même ce qui est venu de la

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Corruption qui a enseigné les métaux précieux et les gemmes comme instruments de la richesse, qui a allumé les désirs de puissance et les appétits charnels? Est-ce que l'homme ne pourra pas lui qui, si pauvre qu'il soit peut toujours pécher en désirant immodérément l'or, les honneurs et les femmes - et alors il devient voleur pour avoir ce que le riche possédait l'homme riche ou pauvre ne pourra-t-il jamais se sauver? Si, il le peut. Et comment? En faisant servir les richesses au Bien, en faisant servir la misère au Bien. Le pauvre qui n'envie pas, qui ne fait pas d'imprécations, qui ne porte pas atteinte à ce qui appartient à autrui, mais se contente de ce qu'il a, fait servir son humble état à l'obtention de sa sainteté future et, en vérité, la majorité des pauvres sait agir ainsi. Moins savent le faire les riches, pour lesquels la richesse est un piège continuel de Satan, de la triple concupiscence. Mais écoutez une parabole et vous verrez que les riches aussi peuvent se sauver tout en étant riches, ou réparer leurs erreurs passées en usant bien des richesses même si elles ont été mal acquises. Car Dieu, le Très Bon, laisse toujours de nombreux moyens à ses fils pour qu'ils se sauvent.

16,1 Jésus disait encore aux disciples : «Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens.

16,2 Il le convoqua et lui dit : 'qu'est-ce que j'apprends à ton sujet ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car tu ne peux plus être mon gérant'.

16,3 Le gérant se dit en lui-même : 'que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gestion ?

Travailler la terre ? Je n'en ai pas la force.

Mendier ? J'aurais honte.

16,4 Je sais ce que je vais faire, pour qu'une fois renvoyé de ma gérance, des gens m'accueillent chez eux'.

16,5 Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : 'combien dois-tu à mon maître ?'.

16,6 Il répondit : 'cent barils d'huile'.

Il y avait donc un riche qui avait un intendant. Certains qui étaient ses ennemis parce qu'ils enviaient sa bonne situation, ou bien très amis du riche et par conséquent soucieux de son bien-être, accusèrent l'intendant devant son maître. "Il dissipe tes biens, ou bien il se les approprie, ou bien il néglige de les faire fructifier. Fais attention ! Défends-toi !" Le riche, après avoir entendu ces accusations répétées, commanda à l'intendant de comparaître devant lui. Et il lui dit : "On m'a dit de toi telle et telle chose. Pourquoi donc as-tu agi de cette façon ? Rends-moi compte de ta gestion, car je ne te permets plus de t'en occuper. Je ne puis me fier à toi et je ne puis donner un exemple d'injustice et de laisser faire qui encouragerait les autres serviteurs à agir comme tu as agi. Va et reviens demain avec toutes les écritures, pour que je les examine afin de me rendre compte de l'état de mes biens avant de les confier à un nouvel intendant". Et il renvoya l'intendant qui s'en alla, préoccupé, se disant en lui-même : "Et maintenant ? Comment vais-je faire maintenant que le maître m'enlève l'intendance ? Je n'ai pas d'économies parce que, persuadé comme je l'étais de l'échapper belle, je dépensais tout ce que je prenais. M'embaucher comme paysan sous un maître, cela ne me va pas car je ne suis plus habitué au travail et alourdi par la bonne chère. Demander l'aumône, cela me va encore moins. C'est trop humiliant ! Que faire ?" En réfléchissant longuement, il trouva un moyen de sortir de sa pénible situation. Il dit : "J'ai trouvé ! De la même façon que je me suis assuré jusqu'à présent une existence confortable, désormais je vais m'assurer des amis qui me reçoivent par reconnaissance lorsque je n'aurai plus l'intendance. Celui qui rend service a toujours des amis. Allons donc rendre service pour que l'on me rende service, et allons-y de suite avant que la nouvelle se répande et qu'il soit trop tard". Il alla chez plusieurs débiteurs de son maître, et il dit au premier: "Combien dois-tu à mon maître pour la somme qu'il t'a prêtée au printemps il y a trois ans ?"

Et l'autre répondit: "Cent barils d'huile pour la somme et les intérêts". "Oh ! mon pauvre ! Toi, avec tant d'enfants, toi, avec des enfants malades, devoir tant donner ! Mais ne t'a-t-il pas donné pour une

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Le gérant lui dit : 'voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante'.

16,7 Puis il demanda à un autre : 'et toi, combien dois-tu ?'. Il répondit : 'cent sacs de blé'.

Le gérant lui dit : 'voici ton reçu, écris quatre-vingts'.

16,8 Le maître fit l'éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; en effet les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière.

16,9 Eh bien moi, je vous le dis : faites-vous des amis avec l'argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.

valeur de trente barils ?" "Si. Mais j'étais dans un besoin pressant, et lui me dit : 'Je te le donne, mais à condition que tu me donnes ce que la somme te rapportera en trois ans'. Elle m'a rapporté une valeur de cent barils, et je dois les donner". "Mais c'est un usurier ! Non. Non. Lui est riche et tu as à peine de quoi manger. Lui a peu de famille, et toi une famille si nombreuse. Écris que cela t'a rapporté cinquante barils et n'y pense plus. Je jurerai que c'est vrai, et tu en profiteras". "Mais tu ne me trahiras pas ? S'il vient à savoir ?" "Penses-tu ? Je suis l'intendant et ce que je jure est sacré. Fais comme je te dis, et sois heureux". L'homme écrivit, signa et il dit : "Sois béni ! Mon ami et mon sauveur! Comment t'en récompenser ?" "Mais en aucune façon ! Mais si à cause de toi je devais souffrir et être chassé tu m'accueillerais par reconnaissance". "Mais bien sûr ! Bien sûr ! Tu peux y compter".

L'intendant alla trouver un autre débiteur auquel il tint à peu près le même discours. Celui-ci devait rendre cent boisseaux de grain car pendant trois années la sécheresse avait détruit ses récoltes et il avait dû emprunter au riche pour nourrir sa famille. "Mais tu n'y penses pas : doubler ce qu'il t'a donné ! Refuser le blé ! Exiger le double de quelqu'un qui a faim et a des enfants, alors que les vers attaquent ses réserves trop abondantes ! Écris quatre-vingts". "Mais s'il se souvient qu'il m'en a donné vingt et puis vingt et puis dix ?" "Mais que veux-tu qu'il se rappelle ? C'est moi qui te les ai donnés, et moi je ne veux pas m'en souvenir. Fais, fais ainsi et tire-toi d'affaire. Il faut de la justice entre pauvres et riches ! Pour moi, si j'étais le patron, je n'en réclamerais que cinquante, et peut-être même, je t'en ferais cadeau". "Tu es bon. Si tout le monde était comme toi ! Souviens-toi que ma maison est pour toi une maison amie". L'intendant alla chez les autres avec la même méthode, se déclarant prêt à souffrir pour remettre les choses en place avec justice. Et promesses d'aides et de bénédictions plurent sur lui. Rassuré pour l'avenir, il s'en alla tranquillement trouver le maître qui, de son côté, avait filé l'intendant et découvert son jeu.

Il le loua pourtant en disant : "Ta manière d'agir n'est pas bonne et je ne l'approuve pas. Mais je loue ton adresse. En vérité, en vérité, les enfants du siècle sont plus avisés que ceux de la Lumière.

Et ce que disait le riche, Moi aussi, je vous le dis : "La fraude n'est pas belle, et pour elle je ne louerai jamais personne. Mais je vous exhorte à être au moins comme les enfants du siècle, avisés avec les moyens du siècle, pour les faire servir de monnaie pour entrer dans le Royaume de la Lumière". C'est-à-dire, avec les richesses terrestres, moyens injustement répartis et employés pour acquérir un bien-être passager, sans valeur dans le Royaume éternel, faites-vous-en des amis qui vous en ouvriront les portes. Faites du bien avec les moyens dont vous disposez, restituez ce que vous ou d'autres de votre famille, ont pris indûment, détachez-vous de l'affection maladive et coupable pour les richesses. Et toutes ces choses seront comme des amis qui à l'heure de la mort vous ouvriront les portes éternelles et vous recevront dans les demeures bienheureuses. Comment pouvez-vous exiger que Dieu vous donne ses biens paradisiaques, s'Il voit que vous ne savez pas faire bon usage même des biens terrestres ? Voulez-vous, supposition impossible, qu'Il admette dans la Jérusalem

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16,10 Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande.

16,11 Si donc vous n'avez pas été dignes de confiance pour l'argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ?

16,12 Et si, pour ce qui est à autrui, vous n'avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ?».

céleste des éléments dissipateurs ? Non, jamais. Là-haut on vivra dans la charité et la générosité et la justice. Tous pour Un et tous pour tous. La Communion des Saints est une société active et honnête, c'est une société sainte. Et il n'y a personne qui puisse y entrer, s'il s'est montré injuste et infidèle. Ne dites pas : "Là-haut nous serons fidèles et justes car là-haut nous aurons tout sans crainte d'aucune sorte". Non. Qui est infidèle dans les petites choses serait infidèle même s'il possédait le Tout et qui est injuste dans les petites choses est injuste dans les grandes.

Dieu ne confie pas les vraies richesses à celui qui dans l'épreuve terrestre montre qu'il ne sait pas user des richesses terrestres. Comment Dieu pourrait-Il vous confier un jour au Ciel la mission de soutenir vos frères sur la Terre quand vous avez montré que vous ne savez que soutirer et frauder ou conserver avidement ? Il vous refusera donc votre trésor, celui qu'Il vous avait réservé, pour le donner à ceux qui ont su être avisés sur la Terre, en faisant servir à des oeuvres justes et saines ce qui est injuste et malsain.

16,13 « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l'un et aimera l'autre, ou bien il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent ».

Personne ne peut servir deux maîtres. Car il appartiendra à l'un ou à l'autre, ou bien il haïra l'un ou l'autre. Les deux maîtres que l'homme peut choisir sont Dieu ou Mammon.

Mais si vous voulez appartenir au premier, vous ne pouvez revêtir les uniformes, écoutez la voix, employer les moyens du second.

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Conclusion

Ces quelques exemples montrent, sans qu'il apparaisse essentiel de les multiplier ici, combien le récit de Maria Valtorta, tout en étant pleinement conforme aux évangiles, nous aide admirablement à mieux en appréhender les richesses et le sens profond. Cet écrit apporte également une réponse probante à nombre d'interrogations exégétiques ayant alimentées d'interminables et trop souvent stériles discussions depuis deux millénaires.

Un examen attentif permet aussi de constater que le texte de Maria Valtorta est souvent plus proche de celui des deux témoins oculaires, Matthieu et Jean, que des récits de Marc et Luc, qui nécessairement rapportent ce que d'autres leur ont confié. Et c'est un indice de plus à mettre au crédit de l'authenticité des visions de la mystique italienne.

Dès les premiers siècle après J.-C., plusieurs auteurs tentèrent de fusionner les récits évangéliques en un seul récit concordant. Eusèbe de Césarée attribue à Tatien le Syrien la rédaction du Diatessaron, une harmonie des quatre évangiles. Le texte de Maria Valtorta pourrait donc aussi permettre de mener à son terme un tel projet sur lequel ont buté tant d'exégètes : réaliser l'harmonisation des quatre évangiles en un seul récit.

La mise en parallèle du récit de Maria Valtorta et des témoignages évangéliques prouve à l'évidence qu'aucun Père ou Docteur de l'Eglise ; aucun théologien ; aucun bibliste ; aucun exégète ; aucun(e) mystique ; bref absolument personne depuis la Résurrection de Jésus ne nous avait transmis un écrit resituant dans leur contexte chronologique, et de façon si aboutie, cohérente et convaincante, l'ensemble des actes et des paroles de Jésus rapportés par les Ecritures. C'est sûrement dans ce constat et dans le nombre croissant de conversions engendrées par cette lecture que résident les meilleures preuves de l'origine extra naturelle de ce récit, comme l'avait déjà souligné en son temps le Bienheureux Gabriel Allegra.

Mais c'est bien sûr à l'Eglise, et à elle seule qu'il revient d'en juger, quand l'Esprit Saint lui indiquera que le temps est venu de le faire...

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