La vie de Sainte Metchilde (suite) 4.

15/12/2019


La spiritualité de sainte Mechtilde

d'après le Livre de la Grâce spéciale

5-Le vrai but de notre vie: la sainteté

5-1-Invitation à la sainteté

Jésus est le modèle de la vraie sainteté

― Si tu désires une vraie sainteté, dit Marie, tiens-toi près de mon Fils; il est la sainteté même, sanctifiant toutes choses... Que ton âme se nourrisse du Verbe de Dieu comme de la meilleure nourriture, et qu'elle se couvre et se pare des délices qu'elle goûte en lui, c'est-à-dire des exemples qu'il lui donne à imiter. Unis-toi aussi à sa famille, je veux dire les saints; aime-les, loue Dieu pour eux, demande-leur souvent d'aller vers le Bien-Aimé pour le louer avec toi... Avec les saints tu seras sainte. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XXXVII, 2)

Pendant une oraison, Mechtilde se rappelait ses péchés lorsque soudain, elle se vit couverte de cendres, comme d'un manteau. "Elle se demanda alors ce qu'elle ferait quand le Dieu de majesté... apparaîtrait dans sa puissance et lui ferait rendre compte de sa grande lâcheté." Des paroles vinrent à sa pensée: "Plus un homme est saint devant Dieu, plus il se croit vil et inférieur à tous; plus sa conscience est pure, plus il craint et redoute d'encourir la disgrâce de Dieu."

Mechtilde comprit alors que la très sainte vie et les œuvres du Christ avaient suppléé en elle tout le bien qu'elle avait négligé de faire, "car lorsque Dieu arrête sur une âme son regard de miséricorde, quand il s'incline pour la prendre en pitié, tous ses crimes sont jetés dans un éternel oubli.". (Le Livre de la Grâce spéciale, 1ère partie, chapitre 1)

À l'attention d'une âme affligée désirant cependant la sainteté, Jésus fit comprendre à Mechtilde, qui priait pour cette âme, qu'il avait, sur cette terre, suivi trois voies qu'elle devait imiter :

― La première, aride et étroite est celle de la pauvreté volontaire. La seconde, semée de fleurs et plantée d'arbres fertiles est sa vie remplie de vertus et digne de louange. La troisième est son amère et cruelle Passion. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXXVI, 36)

5-2-Les vertus qui mènent à la sainteté

5-2-1-La charité

Dans le Cœur de Jésus, c'est l'amour qui domine. Ainsi, dans la maison de ce Cœur de Jésus, Mechtilde aperçut aussi quatre vierges d'une grande beauté qu'elle reconnut pour être les vertus suivantes: l'humilité, la patience, la douceur et la charité... La charité était vêtue d'un manteau vert. Le Seigneur expliqua :

― La charité fait reverdir par sa vertu beaucoup de troncs desséchés, c'est-à-dire les pècheurs; elle leur fait porter aussi les fruits des bonnes œuvres... Tâche d'entrer dans l'intimité de ces vierges et d'obtenir leur amitié, si tu veux rester avec moi dans cette maison et jouir de ma présence... (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XIX, 17)

Pour exprimer sa puissance, plusieurs fois l'amour se présenta à Mechtilde sous la forme d'une vierge très belle... L'amour dit :

― J'ai fait seule le tour du ciel... C'est moi aussi qui ai vaincu les rigueurs de la divine justice, les ai changées en douceur, pour abaisser le Seigneur de gloire jusque dans l'exil de votre misère... Tous ceux qui, par amour, demeurent fidèles à Dieu dans leurs tribulations triomphent de tous les obstacles et de tous leurs vices par la force de l'amour." (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XXXV, 31)

Travaille à délivrer tous les captifs, c'est-à-dire porte secours et consolation aux affligés et à ceux qui sont dans la tentation. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XXXIX, 39)

Sur la charité, à propos du silence de Jésus pendant la Passion :

― Bien que l'homme puisse parler bien ou mal, il devrait régler ses paroles de façon à n'en jamais prononcer pour blesser ou troubler le prochain. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XVIII, 28)

5-2-2-La virginité et l'humilité

Jésus dit à Mechtilde :

― Les vierges, de préférence aux autres saints, ont reçu trois privilèges honorables. Le premier est que je les aime plus que toute créature: c'est pourquoi la première vierge qui m'ait voué sa chasteté a tellement enflammé mon amour que, ne pouvant plus me contenir, je me suis précipité du ciel, pour me renfermer en elle tout entier. Le second est que je les ai enrichies plus que toutes les autres créatures: tous mes biens et toutes mes souffrances, je les leur donnés en propriété particulière. En troisième lieu, je les ai glorifiées plus que les autres; car je me lève lorsqu'elles s'approchent de moi, je murmure à leur oreille un mystérieux secret, et, seules, elles ont la liberté de jouir, selon leur bon plaisir, de mes chastes embrassements...

La véritable vierge, choisie ainsi pour devenir mon épouse, doit être noble en humilité. Qu'elle estime n'être rien, qu'elle se croie la dernière des créatures, qu'elle désire sincèrement le mépris et l'abjection; plus elle s'enfoncera dans l'humilité, plus sa noblesse sera grande dans la gloire céleste. Et moi, ajoutant mon humilité à la sienne, je lui conférerai la plus haute des noblesses. La vierge doit aussi être belle, c'est-à-dire patiente; et sa beauté grandira en proportion de sa patience, car j'ajouterai à ses souffrances celles de ma propre Passion...

Plus tard Mechtilde se demanda ce qu'elle pourrait offrir d'agréable à son Seigneur. Le Seigneur lui dit :

― Celui qui m'offrira un cœur humble, patient et charitable, me fera un très agréable présent.

― Quel est le cœur assez humble pour vous plaire? s'inquiéta Mechtilde

― Celui dont la joie est de se voir méprisé, affligé et plongé dans l'adversité; celui dont le bonheur est d'ajouter quelque chose à ma Passion, à mes humiliations, et de m'offrir des sacrifices, celui-là est vraiment patient et humble de cœur. De même celui qui se réjouit de tout le bien qui arrive à son prochain, celui qui s'afflige des disgrâces du prochain comme des siennes propres, celui-là m'offre un cœur vraiment enclin à la charité. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XI, 18)

Un Vendredi-Saint, le Seigneur dit :

― Veux-tu voir comment je suis maintenant en toi, et toi en moi?

Elle gardait le silence toute pénétrée de son indignité, quand elle vit le Seigneur comme un cristal transparent, et son âme comme une eau pure et brillante qui coulait dans le corps du Christ. Elle était encore dans l'admiration de cette faveur et de l'étonnante bonté de Dieu à son égard, lorsque le Seigneur lui dit:

― Souviens-toi de ce que saint Paul a écrit: "je suis le dernier des apôtres, indigne d'être appelé apôtre; mais par la grâce de Dieu je suis ce que je suis." De même tu n'es rien par toi-même; mais ce que tu es, par ma grâce, tu l'es en moi...

Le Seigneur continua :

― Je veux bien m'ensevelir en toi: je veux être dans ta tête l'objet de ton intelligence; je veux être l'œuvre de tes mains, et m'identifier à toutes tes actions et à chacun de tes mouvements. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XVIII, 27)

D'autres comparaisons

Pendant une messe, à l'Offertoire, le Seigneur apparut à Mechtilde, debout près de l'autel, royalement vêtu. Émerveillée Mechtilde voulut connaître le symbolisme des colombes, des aigles, des pierres précieuses qu'elle voyait sur la couronne du Seigneur qui lui dit :

― L'humilité, la foi, la patience, l'espérance de tous les hommes brillent comme des perles sur ma couronne. Les colombes et les aigles qui la surmontent représentent les âmes simples et les âmes éprises d'amour. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre III, 3)

À un autre moment, Mechtilde se trouvait, en esprit dans un jardin magnifique; sous un arbre fleurissaient une rose, une violette, un crocus, et une herbe appelée benoîte. Le Seigneur prenait ses délices parmi ces fleurs, c'est-à-dire dans la charité, l'humilité, l'abaissement et l'action de grâces qui tient la créature prête à dire en tout ce qui lui advient: "Béni soit le nom du Seigneur", et à remercier et bénir Dieu en tout temps. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre L, 50)

5-2-3-Celui qui sert

L'Évangéliste Luc rapporte une parabole du Seigneur, concernant ceux qui, dans les banquets, prenaient les premières places. Le Seigneur dit plus tard à ses disciples :

― Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. Mechtilde demanda ce que cela signifiait et le Seigneur répondit :

― Ce que je vous sers, c'est mon Cœur.

Et aussitôt il montra son Cœur et fit comprendre à sa servante que l'homme doit ordonner ses propres dispositions selon trois sentiments: Le premier est une disposition d'amour et de révérence à l'égard du Père; le second, de miséricorde et de charité à l'égard du prochain; le troisième, d'humilité et d'abjection devant soi-même

5-2-4-La pureté

À propos de la robe nuptiale

Le Seigneur montra une robe merveilleusement tissue de pourpre, de blanc et d'or, en disant :

― Voici la robe nuptiale faite de la blancheur d'un cœur pur, de l'humilité et de l'or du divin amour. Quiconque veut porter cette robe doit avoir un cœur pur, c'est-à-dire ne permettre volontairement à aucune mauvaise pensée d'entrer dans son cœur, puis juger favorablement ce qu'il voit et entend. Qu'il se soumette avec douceur et humilité à ses supérieurs et même à toute créature, en vue de Dieu. Qu'il aime Dieu de tout son esprit, qu'il méprise toute créature en la comparant au Créateur, et ne s'attache à aucune chose qu'il ne soit disposé à rejeter et à fuir absolument, si elle l'éloignait de Dieu. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XXXVIII, 39)

5-2-5-L'obéissance

Les vertus se présentèrent personnifiées par des vierges. L'une d'elles se présenta: c'était l'obéissance. Mechtilde demanda la signification de ce spectacle, et le Seigneur lui répondit :

― Celle-ci est l'obéissance; seule elle me présente à boire, car l'obéissance contient en elle-même la richesse des autres vertus: le véritable obéissant doit nécessairement posséder l'ensemble de ces vertus. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XXXV , 61)

5-3-La foi-Comment demander et garder la foi-Quelques conseils

Toutes ces vertus sont indispensables à celui qui veut devenir saint. Cependant elles seraient sans effet s'il n'avait pas d'abord la foi, et s'il ne faisait pas son possible pour la conserver. Voici quelques conseils :

― Si quelqu'un recommande sa foi à Dieu de la manière suivante, il obtiendra la grâce d'être préservé, à la fin de sa vie, de toute tentation contre la vraie foi.

― Premièrement donc, que le chrétien recommande sa foi à la toute-puissance du Père, le priant de la fortifier tellement par la vertu de la Divinité, qu'elle ne puisse jamais s'éloigner de la vraie foi.

― Secondement, qu'il confie sa foi à l'impénétrable sagesse du Fils de Dieu, le priant de l'illuminer par les splendeurs de la divine science, de telle sorte qu'elle ne soit jamais séduite par l'esprit d'erreur.

― Troisièmement, qu'il la donne en garde à la bienveillance du Saint-Esprit, le suppliant d'accorder à cette foi de n'opérer qu'en présence du Saint-Esprit, par l'amour, afin qu'à l'heure de la mort l'âme soit consommée dans la perfection. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XXXIII, 34)

5-4-La prière

Pour atteindre la sainteté, l'exercice, même persévérant, des vertus ne suffit pas; il faut aussi implorer l'aide du Seigneur, par des prières ferventes.

Une nuit de la Circoncision du Seigneur, Jésus dit à Mechtilde :

― Quiconque veut obtenir le repos du cœur et du corps doit être doux et humble. Que celui qui souhaite renouveler sa vie fasse comme l'épouse qui aime beaucoup à recevoir les étrennes de son époux. Ainsi, l'âme fidèle désire être ornée par moi de vêtements nouveaux, afin de se présenter toute l'année aux yeux des hommes avec la magnificence d'une reine. Qu'elle me demande d'abord un vêtement de pourpre, c'est-à-dire l'humilité... Qu'elle me demande ensuite une robe d'écarlate, c'est-à-dire la patience... Qu'elle recouvre enfin la pourpre et l'écarlate du manteau d'or de la charité... (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre VII)

5-4-1-Importance de la prière

Instruction du Seigneur :

― Lorsque je répands sur toi ma grâce, laisse là toutes choses, suspends ton activité, en sorte que, libre et dégagée, tu jouisses avec plénitude de cette grâce. Tu ne peux rien faire alors de meilleur et de plus avantageux. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XI, 11)

Jésus dit :

― Le cœur humain ne peut vivre sans respirer l'air; ainsi l'âme qui ne vit pas de mon esprit est morte. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XII, 12)

5-4-2-Comment prier et se comporter avec Dieu

Mechtilde priait pour une personne qui désirait savoir ce que Dieu voulait qu'elle fît. Le Seigneur lui suggéra la réponse suivante :

― Qu'elle se comporte avec moi comme un enfant qui aime tendrement son père, ne s'adresse jamais qu'à lui pour obtenir quelque chose et trouve toujours ce qu'il reçoit beau et précieux à cause de son affection filiale. De même elle doit aspirer toujours à recevoir la grâce, et tout ce que je lui donne ne doit jamais lui paraître petit, parce qu'elle peut recevoir tout par amour dans une gratitude profonde...

Qu'elle cherche aussi en toutes choses la gloire de Dieu, qu'elle l'accroisse autant qu'il est en son pouvoir, et ne voie jamais avec indifférence ce qui peut outrager Dieu. Si cependant elle n'arrive pas encore ainsi au comble de ses désirs, si sa grâce habituelle [1] ou la consolation divine lui est enlevée, qu'elle ne s'en afflige pas, qu'elle ne pense pas aussitôt que cela vient du mécontentement ou de l'abandon de Dieu. Quand un bon père refuse à son fils une chose que celui-ci a le tort de demander, ou qu'un époux prend à l'égard de son épouse une attitude sévère, ce n'est pas la colère qui les inspire, mais le désir de leur donner un enseignement. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXXII, 31)

Et voici des conseils très pratiques: c'est Jésus qui enseigne :

― Le matin, dès ton lever, salue le Cœur tendre et fort de ton très doux amant, car c'est de lui que tout bien, toute joie, toute félicité ont découlé, découlent et découleront sans fin, au ciel et sur la terre. Emploie toutes tes forces à verser ton propre cœur dans ce Cœur divin, en lui disant:

"Louange, bénédiction, gloire et salut au très doux et très bienveillant Cœur de Jésus-Cœur de Jésus-Christ, mon très fidèle amant! Je te rends grâce pour la garde fidèle dont tu m'as entourée, pendant cette nuit où tu n'as cessé d'offrir à Dieu le Père les actions de grâces et les hommages que je lui devais. Et maintenant, ô mon unique amour, je t'offre mon cœur comme une rose fraîchement épanouie dont le charme attire les yeux tout le jour et dont le parfum réjouit ton divin cœur. Je t'offre aussi mon cœur comme une coupe qui te servira à t'abreuver de ta propre douceur et des opérations que tu daigneras opérer en moi aujourd'hui. Je t'offre mon cœur comme une grenade d'un goût exquis digne de paraître à ton royal festin, afin que tu l'absorbes si bien en toi-même qu'il se sente désormais heureux au-dedans de ton cœur divin. Je te prie de diriger aujourd'hui toutes mes pensées, mes paroles, mes actions et mon bon vouloir selon le bon plaisir de Ta volonté. Amen."

Fais ensuite le signe de la Croix en disant: "Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Père saint, unie à l'amour de votre très aimable Fils, je vous remets mon esprit..."

Recommande ton cœur à l'amour afin qu'il le cache en son Cœur divin et l'embrase à tel point qu'il ne puisse désormais goûter ni joie, ni délectation terrestre." (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XVII, 17)

Jésus donne aussi quelques exemples sur la manière de prier :

― Quand une personne est seule, qu'elle élève sans cesse son cœur vers Dieu, qu'elle s'entretienne avec lui et le désire du fond de son âme, poussant vers lui de profonds soupirs. Cette conversation continuelle avec Dieu allumera son cœur de l'amour divin. Quand elle se trouve en compagnie d'autres personnes, qu'elle garde son attention dirigée vers Dieu, autant que possible, et parle volontiers de lui. C'est ainsi qu'on attise le feu de l'amour chez soi et chez autrui.

Il convient encore que l'homme fasse toutes ses actions en vue de Dieu, pour le louer, et qu'il abandonne par amour pour Dieu toute chose défendue. Enfin, les adversités et les charges doivent être acceptées pour l'amour de Dieu et portées avec patience. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre X, 10)

Une nuit, pendant le temps de la Passion, Mechtilde demanda au Seigneur comment elle pouvait le louer pendant le temps de la Passion. Jésus lui répondit qu'elle devait bénir :

La toute puissance infinie qui, pour sauver l'homme, a condamné à l'impuissance le souverain Seigneur des anges et des hommes,

L'insondable sagesse qui lui a fait accepter de passer pour un insensé,

La charité sans borne qui l'a rendu gratuitement odieux à ceux qu'il devait sauver,

Sa miséricorde très bénigne qui lui a fait souffrir pour l'homme une mort si cruelle,

Sa douceur infiniment suave qui lui a fait supporter les amertumes de la plus terrible des morts.

Dans la croix est le vrai salut; en dehors d'elle point de salut. Au cours d'une messe de la semaine sainte, Jésus dit:

― La vraie vie a été donnée à l'homme par la croix, lorsque moi, vie de l'âme, je suis mort d'amour sur la croix; alors, j'ai donné la vie à l'âme morte par le péché, je lui ai donné la vie éternelle en moi. Par la croix il a été aussi donné à l'homme de ressusciter par la pénitence, autant de fois qu'il meurt par le péché. De la croix viennent la résurrection de la chair et la vie éternelle.

5-4-3-Comment entrer en contact avec Dieu

Il faut chercher Dieu par ses cinq sens

Le Seigneur enseigne :

― Cherche-moi dans tes cinq sens... L'âme doit me chercher sans cesse au moyen de ses sens qui sont les fenêtres de son âme. Si elle voit, par exemple, des choses belles et aimables, qu'elle pense combien est beau, aimable et bon celui qui les a faites et qu'elle s'élève aussitôt vers le Créateur de l'univers. Lorsqu'elle entend une mélodie suave ou quelque discours agréable qu'elle se dise: "Oh! combien sera douce cette voix qui t'appellera un jour..." Au contraire, si elle prend la parole, que ce soit en vue de la gloire de Dieu et du salut de ses frères. Qu'elle lise ou chante avec cette pensée: "Voyons, qu'est-ce que ton Bien-Aimé te dit ou te commande en ce moment par ce chant ou cette lecture?..."

Toute délectation qui se présente doit ramener le souvenir des délices cachées en Dieu qui a créé toute beauté et tout plaisir pour nous faire connaître sa bonté, et nous attirer à son amour... (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XLIV, 44)

Les cinq portes de l'Humanité de Jésus

Un jour, pendant que Mechtilde était en oraison, elle vit une immense porte comportant elle-même cinq autres portes magnifiquement sculptées: La grande porte symbolisait l'Humanité de Jésus-Christ. Les deux portes creusées en bas signifiaient les pieds du Seigneur; sur la colonne qui les séparait on lisait ce verset: "Venez à Moi, vous tous qui êtes dans le labeur et courbés sous le fardeau, et je vous soulagerai." Devant cette double porte, elle vit une vierge de grande beauté: c'était la Miséricorde qui la fit entrer. L'âme se trouva alors devant le juste Juge qui, apaisé par la Miséricorde, lui donna le pardon de tous ses péchés et la revêtit de la robe d'innocence. Ainsi parée elle s'approcha avec confiance des portes qui s'ouvraient plus haut et qui signifiaient les mains du Christ...

Entre les deux portes se trouvait une autre vierge: la Bénignité qui l'introduisit auprès du Roi. Elle put alors s'approcher de la porte la plus élevée qui désignait le très doux Cœur de Jésus-Christ, semblable à un bouclier d'or transpercé, en signe de la victoire qu'il a remportée dans sa Passion. La colonne portait cette inscription: "Approchez de lui, soyez illuminés, et vos visages ne seront pas couverts de confusion."

Là aussi elle vit une vierge que son incomparable beauté mettait bien au-dessus des autres: c'était la Charité qui l'introduisit auprès de son doux fiancé, plus beau que tous les fils des hommes... (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre VIII)

Comment Jésus parle à l'âme

Un jour, Mechtilde demanda :

Mon Bien-Aimé, quel est donc ce salut que vous adressez à mon âme? Je ne l'entends pas.

― Ma salutation n'est pas autre chose que ma tendre affection... J'apprends à une âme par une inspiration divine, par un mouvement d'amour, comment elle doit m'offrir ses hommages... Les œuvres dépourvues de saveur pour l'homme peuvent cependant plaire à Dieu... (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre IX, 9)

5-4-4-Les quatre sortes de prières

Le Seigneur explique qu'il y a quatre genres de prières :

- La première est la prière des justes qui, d'un cœur contrit et humilié implorent le pardon de leurs péchés.

- La seconde est celle des affligés qui cherchent refuge et secours auprès de Dieu.

- La troisième est celle de la charité fraternelle qui intercède pour les besoins et les misères d'autrui...

- La quatrième est celle d'une âme inspirée par le plus pur amour, lorsu'elle intercède pour l'Église en général et pour chacun de ses frères comme pour elle-même... (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XLVII, 47)

5-4-5-Les difficultés dans la prière ou le service de Dieu

Mechtilde comprit un jour, grâce à Marie, que si quelque obstacle surgit dans le service de Dieu, à cause de l'attitude d'autrui à notre égard ou de dispositions personnelles ressortant de faits extérieurs, des désirs, des réminiscences, n'importe quel obstacle enfin, doit être perçu par nous comme messager du Seigneur. Il faut donc aller au-devant de lui avec respect, et le renvoyer pour ainsi dire vers Dieu, par la louange et l'action de grâces. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XV, 15)

Conseil : Ne te défie jamais de la miséricorde de Dieu, même s'il permet à la tribulation de t'approcher ou s'il te soustrait les consolations de sa grâce. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre LIX, 55)

5-4-6-Jésus répond à nos prières

Une nuit, alors qu'elle était éveillée, Mechtilde vit le Seigneur descendre vers elle et lui dire :

― Jamais abeille au printemps ne fut plus prête à s'envoler, plus légère pour butiner les fleurs dans les prés verdoyants, que je ne suis disposé à venir en hâte vers ton âme, au premier appel. (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre III, 3)

Le Seigneur entend toujours la détresse des pauvres. La lumière divine fit comprendre à Mechtilde que toutes les fois qu'une âme en détresse pousse des soupirs vers Dieu, soit afin de le louer, soit afin d'obtenir une grâce, aussitôt tous les saints se lèvent, louent Dieu tous ensemble pour cette âme, ou lui obtiennent la grâce désirée. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XXXV, 36)

5-4-7-Ce qu'il faut faire dans la tristesse

Quand une personne est dans la tristesse, elle doit agir ainsi :

― Est-elle enveloppée des nuages de la tristesse? Qu'elle gravisse la montagne de l'espérance et qu'elle me contemple des yeux de la foi, moi, le céleste firmament auquel sont fixées, comme des étoiles, les âmes de tous les élus. Ces étoiles peuvent bien être cachées sous les nuages du péché, les brouillards de l'ignorance; cependant elles ne peuvent cesser de briller à leur firmament, c'est-à-dire dans ma clarté divine... C'est pourquoi il est bon à l'homme de se rappeler souvent ma gratuite bonté... Alors on peut me bénir, moi qui suis l'éternel firmament des élus. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXIV, 23)

Et il faut confier toutes ses peines à Dieu

Le seigneur dit aussi :

― Lorsqu'on est dans la peine, on doit se prosterner à mes pieds, y déposer tout son fardeau et me le confier... Qu'on s'approche de mon Cœur en disant: "Ô merveilleuse condescendance de votre bonté pour nous, excès incompréhensible de votre charité! Pour racheter l'esclave, vous avez livré le Fils!... Qu'on prie afin que l'amour de mon divin Cœur, qui m'a chargé du fardeau de tous les hommes, vous aide à supporter ce poids de tristesse avec un amour reconnaissant. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXV, 24)

Et encore :

― Quand une peine survient, si on avait aussitôt l'intention de me donner à boire, mes lèvres, en se portant vers le calice, y infuseraient tant de douceur que le chagrin deviendrait noble et fructueux.

Quand vient la tristesse, il faudrait aussitôt, conseille Mechtilde, en offrir le poids à Dieu: alors il enverrait la douce consolation, il encouragerait la patience et ne permettrait pas que l'affliction demeurât sans fruit... Quand on veut porter soi-même ses chagrins, on tombe dans l'impatience, et plus on s'en occupe, soit pour les raconter, soit pour les revivre en esprit, plus ils deviennent lourds et amers. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXVI, 25)

Mechtilde était souvent soumise à de violentes tentations et elle se demandait si les grandes grâces qu'elle recevait de Dieu venaient de Lui ou de l'ennemi. Ce jour-là "le tentateur... jeta dans son cœur la crainte et la tristesse..." Elle supplia le Seigneur de l'éclairer, et le Seigneur lui dit :

― Ne crains, pas ma Mechtilde bien-aimée; je te jure par la vertu de ma Divinité que cette crainte et cette tristesse ne te nuiront pas; au contraire, elles te sanctifieront et te prépareront à ma grâce. (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XII, 10)

5-5-L'oraison

5-5-1-Les degrés d'oraison

Mechtilde se trouvait, en esprit, devant un autel magnifiquement décoré, dont les sculptures symbolisaient les bienfaits de Dieu. On montait à cet autel par trois degrés:

- le premier était en or, parce que nul ne peut venir vers Dieu sans la charité.

- Le second, couleur d'azur, désignait la méditation des choses célestes, car celui qui s'approche de Dieu doit nécessairement se dépouiller des idées terrestres pour s'efforcer d'atteindre, par l'oraison, les pensées célestes.

- Le troisième degré, de couleur verte, exprimait la vigueur que réclame la louange divine, car nos actions doivent être animées par l'intention de louer Dieu bien plus que par le désir de notre avantage et de notre salut. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XXXI, 55)

5-5-2-La montagne aux sept étages et aux sept fontaines

Jésus, un dimanche de la quinquagésime, invita Mechtilde :

― Veux-tu demeurer avec Moi sur la montagne pendant ces quarante jours et quarante nuits de Carême?

― Oh! volontiers, mon Seigneur.

Alors le Seigneur lui montra une montagne élevée qui s'étendait de l'Orient à l'Occident, avec sept plateaux à gravir et sept fontaines. Il la prit avec lui et atteignit le premier plateau qui s'appelait: degré de l'humilité; il y avait là une fontaine dont l'eau purifie l'âme de tous les péchés commis par orgueil. Ils montèrent au second plateau appelé degré de la douceur; ils y trouvèrent la fontaine de patience qui purifie l'âme des fautes contractées par la colère. Ils atteignirent le troisième degré qui est celui de l'amour où coule la fontaine de charité dans laquelle l'âme peut se laver de tous les péchés enfantés par la haine... (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XIII, 20)

De là ils s'élevèrent au quatrième plateau appelé degré d'obéissance où l'on trouve la fontaine de sainteté qui purifie l'âme de toutes les fautes de désobéissance. Puis, ils montèrent au cinquième qui est le degré de la modération où se voit la fontaine de libéralité où l'âme se purifie des péchés qu'elle a commis par avarice quand elle usa des créatures sans avoir en vue la gloire de Dieu ou son avancement personnel. Ils gravirent le sixième plateau, celui de la chasteté où jaillit la fontaine de la divine pureté dont les eaux purifient l'âme des désirs charnels. Là, cette âme se vit, comme le Seigneur, revêtue d'une robe blanche.

Enfin, ils arrivèrent au septième degré, celui de la joie spirituelle; la fontaine s'appelle joie céleste; elle purifie de toutes les fautes commises par dégoût des choses spirituelles. Or cette source ne jaillissait pas avec impétuosité comme toutes les autres, mais elle coulait lentement, goutte à goutte, parce que la joie céleste ne peut être goûtée pleinement par personne en cette vie; sur terre, on en reçoit une goutte qui n'est rien, pour ainsi dire, en comparaison de la réalité...

Puis ils gravirent le sommet de la montagne... Il y avait deux trônes magnifiques. Le premier était le siège de la souveraine et indivisible Trinité d'où sortent quatre fleuves d'eau vive. Le premier fleuve désigne la divine Sagesse qui gouverne les saints... Le second, la divine Providence... le troisème fleuve désigne la divine surabondance qui les enivre de tout ce qui est bon... le quatrième enfin, figure les délices qui les font vivre en Dieu, dans la plénitude des joies enivrantes et sans fin qu'ils goûteront dans ce lieu où Dieu enlèvera toute larme de leurs yeux... Le second trône était celui de la Vierge Mère qui avait sa place auprès du roi, ainsi qu'il convient à une reine. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XIII, 20)

Mechtilde, en vision, se vit en train de "gravir" cette même montagne. Elle se purifia dans l'eau du 3ème degré, et parvint au 7ème degré où elle vit le Seigneur Jésus qui la conduisit jusqu'à une petite maison transparente comme le cristal. Autour de la maison jouaient de petits enfants vêtus de blanc qui, tout joyeux, louaient le Seigneur. Elle comprit que les enfants morts avant l'âge de cinq ans sont là dans une allégresse éternelle. (Le Livre de la Grâce spéciale, 1ère partie, chapitre XIII, 21)

5-5-3-À propos des consolations-Conseils

Dieu fait don de son Cœur divin à l'âme pour qu'en retour elle lui donne son cœur... Il faut aussi garder avec soin le Cœur de Dieu et étudier avec soin ce qui lui plaît davantage. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre LIX, 58)

Sache, dit Jésus à Mechtilde, que si tu veux être mon épouse, il te faut renoncer à toute joie sensible, partager avec moi cette couche de souffrances et d'ignominies et t'unir à la plaie béante de mon Cœur...

Donc, ô fille du Père éternel, épouse choisie de son Fils unique et coéternel, amie du Saint-Esprit et lieu de repos qu'il convoite, aime un tel Amant qui est tout amour et dont tu es la bien-aimée. Sois fidèle à celui qui est la fidélité même... Considère aussi ce qui te manque de vertus. Est-ce de l'humilité ou d'une autre que tu es surtout dépourvue? Ouvre, par la clé de l'amour, le précieux écrin de toutes les vertus, c'est-à-dire le Cœur divin de Jésus-Christ... Si des pensées de désespoir te font la guerre, recours au trésor inépuisable de cette tendresse qui ne veut laisser périr personne, mais souhaite attirer tous les hommes à la connaissance et à l'amour de la vérité. Ceux-là seuls sont exceptés qui choisissent volontairement l'éternelle damnation... (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre LIX, 56)

L'Amant des hommes, le Seigneur Jésus-Christ souhaite d'un immense désir s'unir à l'âme, surtout à celle qui veut être consolée par lui...

Si l'on s'aperçoit que quelque chose, ou quelqu'un éloigne la pensée de Dieu, il faut écarter cette chose si l'on ne veut être privé de l'intimité avec Dieu. Cette intimité est excessivement délicate: elle ne souffre rien au-dessus d'elle, ni même avec elle. C'est Jésus-Christ lui-même, Fils de la Charité du Père, qui veut être le bien-aimé et l'intime ami de ton cœur. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre LIX, 57)

Cependant il n'est pas interdit de sentir la dévotion

Et plus tard le Seigneur lui fit comprendre que lorsqu'on se sent moins dévot, froid dans l'amour, loin de Dieu, qu'on invoque l'Amour, qu'on le prenne pour ambassadeur en le chargeant d'obtenir la grâce ou le zèle de la dévotion... En tout labeur et tribulation, qu'on appelle l'Amour à son aide, car, lui présent, l'homme n'éprouve ni fatigue dans le travail ni défaillance dans l'adversité. (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XLI, 37)

5-6-L'offrande de sa vie et la consécration

Un jour comme Mechtilde cherchait quel cadeau elle pourrait offrir à Jésus, ce dernier répondit :

― Tu ne pourras jamais trouver un présent qui me soit plus agréable qu'une petite maison établie dans ce cœur[2], afin que j'y habite sans cesse et que j'y prenne mes délices. Cette maison n'aura en tout qu'une fenêtre par où je parlerai et distribuerai mes dons aux hommes."

Mechtilde comprit que cette fenêtre figurait sa bouche dont elle devait se servir pour distribuer la parole de Dieu et pour enseigner ou consoler ceux qui viendraient à elle. (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XXXIII, 29)

5-6-1-Une offrande agréable à Dieu

Jésus dit :

― Si quelqu'un veut me faire une offrande agréable, qu'il s'applique à pratiquer trois choses:

ne jamais abandonner le prochain dans ses besoins ou sa détresse, atténuer et excuser les défauts et les péchés de ses frères autant qu'il le peut...

ne chercher refuge qu'en moi dans la tribulation; ne se plaindre de ses chagrins à personne, mais confier avec abandon, à moi seul, toutes les inquiétudes qui chargent le cœur...

marcher avec moi dans la vérité.

Celui qui s'adonne à ces pratiques sera reçu par moi à l'heure de sa mort comme par une mère très aimante qui accueille son fils. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre VII, 7)

Ah! bienheureux êtes-vous, vous qui vivez encore sur la terre et pouvez acquérir tant de mérites! Si l'homme savait combien il peut mériter en un seul jour, à peine serait-il éveillé que son cœur se dilaterait de joie en voyant luire encore une journée, pendant laquelle il pourrait vivre à Dieu et mériter pour le glorifier! Cette joie le rendrait certainement plus allègre et plus fort pour tout ce qu'il devrait faire ou souffrir! (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre IX, 9)

5-6-2-Paroles d'un Époux

S'étant inclinée sur le sein de son Bien-Aimé Mechtilde entendit résonner trois pulsations dans les profondeurs du Cœur divin... Le Seigneur lui dit :

― Ces trois battements indiquent trois paroles que j'adresse à l'âme aimante: la première est: "Viens!" c'est-à-dire sépare-toi de toute créature; la seconde: "Entre" avec confiance, comme une épouse; la troisième: "dans le lit nuptial", c'est-à-dire dans le Cœur divin.

Ces trois mots lui firent comprendre que Dieu adresse son appel à chaque élu encore entouré de toutes les créatures, afin que, renonçant d'une volonté libre et entière aux délices qu'il peut trouver en elles, il s'applique au Seigneur Dieu seul, en toute dévotion. (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XX, 18)

5-6-3-Comment renouveler ses engagements

Mechtilde s'inquiétait à cause de ses nombreuses négligences, malgré toutes les grâces qu'elle avait reçues. Elle croyait même que sa consécration comme épouse du Christ avait été souillée par ses péchés. Le Seigneur lui dit :

― Si on te donnait le choix, que préfèrerais-tu? Acquérir les biens que je t'ai donnés par l'effort de tes œuvres et de tes vertus, ou les recevoir gratuitement de moi?

― Ô mon Seigneur, je fais plus de cas du moindre don concédé par vous que de l'acquisition des mérites de tous les saints par les plus grands travaux et les plus hautes vertus.

― À cause de cela, sois à jamais bénie! dit le Seigneur qui ajouta:

― Si tu veux renouveler tes fiançailles, approche-toi de mes pieds, rends grâces pour la robe d'innocence que je t'ai gratuitement conférée, car ce n'est point par ton mérite que tu l'as gardée, et demande que ma très parfaite innocence corrige tout ce qu'il y a de vicié en toi. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XV, 15)

5-6-4-L'offrande de ses peines

Mechtilde pensait que sa maladie la rendait inutile... Le Seigneur vint pour la consoler :

― Lorsque tu désires me louer et que la maladie y met obstacle, prie pour que j'exalte et bénisse Dieu le Père dans tes peines comme je l'ai fait sur la croix au milieu de mes propres souffrances... Ma Passion a porté des fruits infinis au ciel et sur la terre; ainsi tes peines, tes tribulations remises à moi-même et unies à ma Passion seront tellement fructueuses qu'elles procureront aux élus plus de gloire, aux justes, un nouveau mérite; aux pécheurs, le pardon; et aux âmes du purgatoire l'allègement de leurs peines. Qu'y a-t-il, en effet, que mon Cœur divin ne puisse rendre meilleur, puisque tout bien au ciel et sur la terre découle de la bonté de mon Cœur." (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XXXVI, 32)

Pendant que la maladie de Mechtilde était plus pénible, Jésus vint à elle revêtu d'une robe blanche, serrée par une ceinture tissue de soie verte à losanges d'or, dont les bouts lui pendaient jusqu'aux genoux. Tout étonnée, elle désirait savoir ce que cela signifiait, quand le Seigneur le lui expliqua :

― Voici que je me revêts de tes souffrances. La ceinture indique que tu es entourée de douleurs: elles t'atteignent jusqu'aux genoux. Moi, j'absorberai en moi-même toutes ces souffrances et je les subirai en toi. C'est ainsi que je ferai une offrande très agréable à Dieu le Père. (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XXXIX, 35)

5-6-5-Autre conseil

Celui qui veut devenir un vrai religieux doit défendre à ses yeux tout regard illicite ou inutile, doit défendre à ses oreilles d'écouter aucune parole qui puisse souiller son cœur, défendre à sa bouche toute parole inutile, et lui interdire de répéter tout ce qu'il a vu et entendu...

On ne peut empêcher les pensées de se présenter à l'esprit, mais on peut toujours n'y pas consentir, ne pas les accepter volontiers; on peut les chasser facilement. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre V, 5)

5-6-6-La communion des saints

Enfin, pour conclure ce chapitre consacré à la prière, il ne faut jamais oublier que, dans la communion des saints, rien n'est jamais perdu de nos prières, de nos sacrifices, de nos offrandes et de nos bonnes actions. Les saints du ciel aussi en bénéficient. Voici une parole que Mechtilde reçut du Seigneur, un jour de la fête de Sainte Agnès :

― L'hommage des cœurs remonte vers Dieu et comble les saints d'une douce allégresse." (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XI, 18)

5-7-La vie mystique-Les révélations-Dieu s'explique

5-7-1-La voix de Dieu

Mechtilde désirait savoir ce qu'était "la voix de la gloire divine." Le Seigneur lui dit :

― La voix de ma gloire se fait entendre quand une âme contrite pleure ses péchés, par amour plus que par crainte, et mérite ainsi que je lui adresse la parole du pardon: "tes péchés te sont remis; va en paix!" Dès que l'homme ressent une vraie douleur et peine de ses crimes, je lui remets tous ses péchés et je le reçois dans ma grâce comme s'il n'avait jamais failli.

Secondement, la voix de ma gloire résonne encore lorsqu'une âme qui m'est unie dans l'oraison intime ou contemplation, m'entend murmurer à son oreille: "Viens mon amie, montre-moi ton visage."

Troisièmement, c'est aussi la voix de ma gloire qui invite doucement une âme à sortir de son corps pour entrer dans l'éternel repos; elle dit alors: "Viens, mon élue, et je ferai de toi mon trône."

Enfin, au jour du jugement, lorsque je convoquerai mes élus appelés de toute éternité aux splendeurs et aux honneurs du royaume, la voix de la gloire dira: "Venez les bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l'origine du monde." (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre 3)

5-7-2-La face de Dieu

Pourquoi le visage de Jésus prend-il parfois l'aspect du soleil? demandait Mechtilde.

Jésus répondit :

― Parce que le soleil a trois propriétés par lesquelles il me ressemble: il échauffe, il féconde, il éclaire.

Le soleil échauffe: ainsi ceux qui m'approchent s'enflamment d'amour, et, comme la cire devant le feu, leurs cœurs se fondent en ma présence.

Le soleil donne fécondité à toute plante; ainsi ma présence rend l'âme vigoureuse et féconde en bonnes œuvres.

Le soleil éclaire; de même quiconque vient à Moi est illuminé des clartés de la science divine. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre 4)

5-7-3-À propos de la Nativité

Un jour de Noël, pendant une messe, Jésus dit à Mechtilde :

― Du visage du petit Enfant Jésus s'échappaient quatre rayons destinés à illuminer les quatre parties du monde: ces rayons symbolisaient la vie très sainte de Jésus-Christ et sa doctrine qui a éclairé l'univers.

Le même jour, un peu plus tard, Jésus emmailloté de langes précisa :

― Dès ma naissance je fus lié de bandes et de bandelettes qui m'enlevaient la liberté de mes mouvements, pour montrer que je me livrais tout entier, avec mes biens apportés du ciel, à la puissance de l'homme et à son service. Celui qui est lié n'a plus aucun pouvoir: il ne peut se défendre, il ne peut empêcher qu'on le dépouille. Quand je suis sorti de ce monde, j'étais pareillement cloué à la croix et ne pouvais faire le moindre mouvement, en signe de l'abandon fait aux hommes de tous les biens que j'avais acquis pendant ma vie mortelle... (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitres V, 7 et 8)

5-7-4-Le Nom de Jésus

Mechtilde demanda :

― Quel est ce nom sublime qui vous a été donné par le Père? (Ce nom qui est au-dessus de tout nom) Jésus répondit :

― Ce nom est: Sauveur de tous les siècles. Moi je suis en effet le Sauveur et le Rédempteur de tout ce qui est, a été, et sera à jamais. Je suis le Sauveur de ceux qui ont vécu avant mon Incarnation; Je suis le Sauveur de ceux qui vivaient, lorsque, devenu homme, j'ai conversé avec les hommes; je suis le Sauveur de ceux qui ont embrassé ma doctrine et qui veulent encore marcher sur mes traces, jusqu'à la fin des temps. C'est là un nom digne de moi, destiné à moi seul par le Père depuis l'origine du monde, et il est au-dessus de tout nom. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XVI, 24)

Sainte Mechtiilde 11

La spiritualité de sainte Mechtilde

d'après le Livre de la Grâce spéciale

6-La Vierge Marie

6-1-Le Cœur de Marie

Jésus enseigne à Mechtilde comment elle doit saluer Marie?

― Salue le cœur virginal de ma Mère à cause de la surabondance de tous les biens qui l'ont rendue si secourable aux hommes; ce cœur était si pur qu'il a émis le premier vœu de virginité.

Salue ce cœur à qui son humilité a mérité de concevoir du Saint-Esprit. Salue ce cœur plein de dévotion et de désirs qui m'ont attiré en lui.

Enfin, salue :

Ce cœur très brûlant d'amour envers Dieu et envers le prochain.

Ce cœur qui a si fidèlement conservé en lui-même toutes les actions de mon enfance et de ma jeunesse.

Ce cœur qui a été transpercé dans ma Passion par des stigmates dont il ne put jamais perdre le souvenir.

Ce cœur très fidèle, car il consenti à l'immolation de son Fils unique pour la rédemption du monde.

Ce cœur sans cesse incliné à intercéder pour le bien de l'Église naissante.

Puis, salue ce cœur tout adonné à la contemplation et qui, par ses mérites, obtint la grâce pour les humains. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre 5, 9)

6-2-L'Assomption

La Vierge Marie parut aussi sur la montagne, revêtue d'un manteau semblable à celui de l'Amour. Elle dit :

― Toutes les douleurs que j'ai endurées avec mon Fils et à cause de mon Fils, je les ai supportées en silence et patience. J'offrais au Seigneur une prière continuelle pour l'Église naissante... (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XX, 37)

6-2-1-Une étonnante vision: la dormition de Marie

Une veille de la fête de l'Assomption, pendant son oraison, Mechtilde vit une maison. Marie reposait sur un petit lit. À une demande de Mechtilde qui s'étonnait que Marie ait pu souffrir avant de quitter la terre, puisqu'elle était étrangère aux douleurs de la mort, Marie répondit:

― Pendant que je priais et me rappelais les bienfaits de Dieu envers moi, je fus embrasée d'un ineffable désir de voir Dieu et d'être à lui. Cette ardeur séraphique s'accrut à tel point que les forces de mon corps m'abandonnèrent. Je m'étendis sur un lit où tous les chœurs des anges vinrent m'assister.

Les Séraphins m'apportaient l'amour, allumant de plus en plus en moi ce feu divin. Les Chérubins me donnaient la lumière de la science, en sorte que mon âme voyait à l'avance les grandes merveilles que le Seigneur, mon Fils et mon Époux, allait accomplir pour moi...Les Trônes conservaient en moi, dans un calme parfait, ce repos dans lequel je jouissais de Dieu. Les Dominations m'assistaient avec le respect que les princes observent à l'égard de la reine et de la mère de leur roi. Les Principautés empêchaient par leur présence qu'aucun de ceux qui m'approchaient ne pût rien dire ou faire pour troubler la quiétude de mon âme. Les Puissances contenaient les troupes des démons à distance... Les Vertus, ornées et parées de leurs dons en mon honneur, faisaient bonne garde autour de moi? Les Anges et les Archanges, par leur attitude, enseignaient aux personnes présentes à me servir avec révérence et dévotion. (Le Livre de la Grâce spéciale, Première partie, chapitre XXVI, 47)

6-2-2-Et voici comment Mechtilde "vit" l'Assomption de Marie:

Il lui fut donné [1] de comprendre que la suprême grandeur de l'infinie majesté s'inclinait vers l'abîme profond, c'est-à-dire jusqu'au cœur très humble de la Vierge, et le remplissait du torrent de ses divines voluptés, à tel point que cette âme bienheureuse, totalement absorbée fut introduite en Dieu... C'est ainsi que l'âme très sainte de Marie, étrangère à toute douleur, sortit joyeusement de son corps et s'envola légère dans les bras de son Fils, se reposant sur son Cœur avec un tendre amour, accompagnée par les applaudissements joyeux de tous les saints jusqu'au trône de la très sainte Trinité... Et Dieu prenait enfin sa joie dans le cœur de la Vierge comme dans le sien.

Curieusement sainte Mechtilde ne vit pas le corps de Marie rejoindre son âme au ciel. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XXVI, 48)

6-3-Les vertus de Marie

6-3-1-Les servantes de Marie: les vertus

Les servantes de Marie, furent présentées à Mechtilde sous la forme de vierges. Marie dit :

― Ces vierges étaient mes servantes sur la terre. La première est la sainteté... La seconde est la prudence... La troisième est la chasteté... La quatrième est l'humilité: c'est elle qui m'a faite Mère de Dieu dont je me confessais la servante. La cinquième est la charité...La sixième est la diligence attentive qui m'a servie dans toutes mes démarches, à la naissance de mon Fils; elle m'a fait accomplir pleinement la volonté du Père à son égard. La septième est la patience... De plus la crainte de Dieu se fit ma camérière et ne laissa jamais mes pieds glisser. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XXXVI, 1)

La Vierge Marie conduisit Mechtilde vers une maison magnifique, construite en pierres de taille, sans aucune fenêtre et pourtant très éclairée à l'intérieur... Une petite porte en jaspe rouge était fermée par une chaîne d'or.

Cette maison figurait la glorieuse Vierge Marie... la hauteur et la clarté indiquaient sa contemplation si élevée et sa science si parfaitement lumineuse. La porte exprimait sa miséricorde... le jaspe rouge, son admirable patience, et la chaîne d'or, son amour.

La Vierge Marie dit :

― Si tu désires devenir la maison de Dieu... pratique ces vertus.

La main droite de Marie portait quatre anneaux ornés de pierres précieuses. Elle plaça cette main sur le cœur de Mechtilde en lui disant:

― Par ces pierres tu triompheras de toute espèce de tentation. Les tentations naissent de quatre vices: l'orgueil, la colère, la luxure et la paresse spirituelle. Si tu te sens enflée par la superbe, oppose-lui ma sainte humilité; si la colère te chagrine, rappelle-toi ma douceur... si l'impureté te poursuit, recours à ma très sainte chasteté; et si tu es tentée de paresse, réfugie-toi près de mon amour si ardent. Ainsi tu repousseras toutes les armes de l'ennemi. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XXXVII, 2)

Le manteau des vertus de Marie

La Reine des vierges se montra une fois revêtue d'un manteau d'or broché de colombes rouges... Mechtilde comprit que ce manteau d'or signifiait le très ardent amour de Dieu qui a toujours embrasé la Vierge Marie, tandis que les oiseaux rouges figuraient bien sa patience aussi invincible que celle d'une douce colombe parmi les adversités." (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième partie, chapitre XXXVIII, 34)

6-3-2-La fidélité de Marie

Mechtilde s'accusait de ne pas assez honorer Marie. Jésus lui dit :

― Pour réparer cette négligence, loue ma Mère de l'incomparable fidélité qu'elle m'a gardée durant sa vie, préférant en toutes ses actions ma volonté à la sienne. Exalte ensuite la fidélité avec laquelle ma Mère s'est toujours trouvée présente lorsque j'avais besoin de son secours. Vois: elle a été jusqu'à ressentir en son âme tout ce que mon corps a souffert. Proclame en troisième lieu la grandeur de cette fidélité qu'elle me conserve dans le ciel où elle travaille encore pour moi par la conversion des pécheurs et la délivrance des âmes. Ses mérites ont ramené d'innombrables pécheurs; des âmes que ma justice équitable destinait aux peines éternelles en ont été sauvées par sa miséricorde; d'autres ont été retirées des feux du purgatoire. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XLIV, 7)

6-3-3-Les joies de Marie

Un jour, pendant une apparition, Marie énuméra ses joies :

― La joie qui lui fut donnée lorsque le Fils de Dieu, sortant du sein du Père, vint comme un époux dans son sein, et s'élança comme un géant pour courir sa voie,

― La joie qu'elle éprouva lorsqu'au sortir de son sein virginal il lui devint un Fils de douceur et d'allégresse ,

-Sa joie lors de l'offrande des Mages,

― Sa joie lorsqu'elle offrit son Fils au temple. Là il fut pour elle un Fils de pureté et de sainteté,

― Alors qu'en sa Passion il fut pour elle un Fils de tristesse, de douleur et de rédemption, en sa Résurrection il lui fut un fils de joie et d'allégresse,

― Enfin, dans son Ascension, il lui fut un fils plein de majesté divine et de royale dignité. (Le Livre de la Grâce spéciale, Première partie, Chapitre XLI, 4)

Et Marie ajouta un peu plus tard, au cours de la même messe :

― Aucun homme ne peut me saluer plus agréablement qu'en se servant du mot: AVE, que Dieu le Père m'adressa, confirmant ainsi par sa toute-puissance mon exemption de toute malédiction. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XLI, 5)

6-3-4-Sainte Anne

Au cours d'une vision durant laquelle la Vierge Marie et Jésus étaient présents, Mechtilde vit venir sainte Anne et se placer à la gauche du Seigneur. Alors Mechtilde interrogea la sainte Vierge :

― Combien de temps sainte Anne a-t-elle vécu sur la terre?

― Jusqu'au moment où je ramenai mon Fils d'Égypte. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XII, 19)

6-4-Le Cœur de Jésus et de Marie

Pendant un office, Mechtilde "vit" la glorieuse Vierge se lever de son trône... et voici que, du Cœur divin où sont cachés les trésors de toute béatitude, sortit un triple lien semblable à une chaîne d'or. Après avoir traversé le cœur très aimant de la Vierge Mère, ce lien passa à travers le cœur de toutes les vierges jusqu'à ce que de la dernière de ces saintes, il revint pénétrer dans le Cœur du Seigneur lui-même... Le triple lien lui parut [2] signifier l'amour de l'adorable Trinité, c'est-à-dire du Père, du Fils et du Saint-Esprit, qui, par l'intermédiaire de la très digne Mère de Dieu, Marie, pénètre les cœurs amoureux des vierges d'un suavité spéciale, afin de se les unir. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XXXI, 55)

6-5-Marie et la Sainte Trinité

Comment se consacrer à Marie?

Un jour le Seigneur approcha Mechtilde de son Cœur. Elle sentit tomber en son âme, comme des gouttes d'une eau céleste, ces paroles, concernant Marie, qu'elle n'avait jamais entendues :

― Salut, ô Vierge très illustre, en cette douce rosée qui, du Cœur de la très sainte Trinité se répandit en vous, dès l'éternité, à cause de votre bienheureuse prédestination!

Salut, ô Vierge très sainte, en cette douce rosée qui a coulé sur vous en vertu de votre vie très heureuse, du Cœur de la très sainte Trinité.

Salut, ô Vierge très noble, en cette douce rosée qui a distillé sur vous, du Cœur de la très sainte Trinité, en vertu de la doctrine et de la prédication de votre très doux Fils.

Salut, ô Vierge très aimante, en cette douce rosée que la très sainte Trinité fit découler sur vous par la très amère passion et par la mort de votre Fils.

Salut, ô Vierge très vénérée, en cette douce rosée qui, du Cœur de la très sainte Trinité, tomba en vous. Salut, dans cette joie et cette gloire dont vous jouissez maintenant... Amen

6-6-Louer Marie

Un Ave Maria de louange

À la demande de Marie qui réclamait un Ave Maria, sous l'inspiration divine, Mechtilde éclata en ces paroles de louanges :

― Je vous salue au nom de la toute-puissance du Père, je vous salue au nom de la Sagesse du Fils, je vous salue au nom de la bonté du Saint-Esprit, ô très douce Marie, lumière du Ciel et de la terre, pleine de grâce. Votre plénitude découle sur tous ceux qui vous aiment. Le Seigneur est avec vous, Fils unique du Père, Fils unique de votre cœur virginal, votre ami et très doux Époux. Vous êtes bénie entre toutes les femmes, car vous avez mis en fuite la malédiction et attiré l'éternelle bénédiction. Le fruit de vos entrailles est béni, lui le Créateur et le Seigneur de l'univers, qui bénit et sanctifie tout, qui unifie et enrichit toutes choses. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XI, 18)

6-7-Écouter Marie

Comment s'associer à Jésus-Christ

Parole de Marie: L'âme qui veut entrer en société avec mon Fils doit se comporter comme une noble jeune fille unie à un époux d'un rang très supérieur au sien, et qui, pour l'honneur de cet époux, respecte attentivement toutes les règles de l'étiquette, de crainte de lui déplaire par la moindre incorrection. Ainsi l'âme ne doit se laisser entraîner volontairement à aucun péché, si léger qu'il soit. Ensuite, dans tous ses besoins, qu'elle cherche en Dieu son refuge assuré... Enfin qu'elle imite les vertus du Christ autant qu'il lui est possible. Puisque Jésus-Christ fut humble et obéissant, qu'elle s'efforce de se soumettre à toute créature, et même si la circonstance l'exige, d'obéir jusqu'à la mort. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXXIII, 33)

Sainte Mechtilde 12

La spiritualité de sainte Mechtilde

d'après le Livre de la Grâce spéciale

7-Mechtilde et saint Jean l'Évangéliste

7-1-Les privilèges dont bénéficia saint Jean

Mechtilde désirait en savoir, sur Saint Jean, un peu plus que ce que l'on en connaît ordinairement. Elle obtint cette réponse :

― Tous ses sens ont reçu une certaine supériorité: ses yeux voient plus clairement la lumière inaccessible de la Divinité; ses oreilles saisissent mieux le doux murmure de la voix divine; sa bouche et sa langue goûtent sans cesse une saveur délicieuse, et le parfum qui s'échappe de ses lèvres embaume le ciel, à tel point que tous les saints respirent le doux parfum de Jean le bien-aimé. Mais son cœur surtout, enivré de délices, brûle d'amour pour Dieu et s'élance d'un essor plus libre et plus sublime dans les inaccesssibles secrets des hauteurs divines.

Mechtilde vit encore saint Jean reposer sur la poitrine du Seigneur Jésus... Elle demanda comment elle pourrait Le louer de nous avoir donné Jean. Le Seigneur répondit:

― Tu me loueras:

à cause de la haute noblesse de sa famille...

parce que, des noces, je l'ai appelé à l'apostolat total,

.parce qu'il a été préféré aux autres pour contempler, sur la montagne la lumière de mon visage,

parce qu'à la dernière cène, il s'est reposé sur mon sein.

Tu le loueras de ce que son intelligence a possédé plus de science que les autres,

de ce que, sur la croix, je lui ai confié ma Mère par un amour spécial,

de ce qu'après ma résurrection, je l'ai si bien éclairé qu'il m'a reconnu avant les autres, pendant la pêche faite par les disciples...

de ce qu'en vertu d'une amitié plus intime, je lui ai révélé mes mystères lorsqu'il a écrit l'apocalypse et que, divinement inspiré il a dit: "Au commencement était le Verbe", parole ignorée des prophètes et de tous les hommes avant lui.

Tu le loueras de ce que pour me confesser devant les hommes, il a bu le poison, puis,

de tant de miracles et de résurrections faites en mon nom.

Tu le loueras encore de la douce visite qu'il reçut quand je l'invitai à mon festin avec ses frères,

― de ce que je l'ai emmené glorieux de la terre d'exil, libre de toute douleur, pour lui donner les joies de l'éternité. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre VI)

7-2-Saint Jean révèle le Cœur de Jésus

Nous introduisons ici le texte fondamental, bien connu, concernant une révélation du Cœur de Jésus par saint Jean l'Évangéliste. Il est difficile de savoir qui a vraiment bénéficié de la grâce insigne de cette rencontre exceptionnelle avec saint Jean révélant le Cœur de Jésus? Mechtilde de Hackeborn ou Gertrude d'Helfta? Nous ne savons pas. Par contre, nous savons que sainte Mechtilde eut des liens étroits avec saint Jean l'Évangéliste comme le prouve le texte rapporté ci-dessus.

Nous savons aussi que Mechtilde et Gertrude étaient très liées, et que c'est Gertrude, confidente intime de Mechtilde, qui écrivit en grande partie le Livre de la Grâce spéciale. La personne qui, dans Le Livre du Héraut de l'amour divin consacré à Gertrude, raconte cette rencontre extraordinaire avec saint Jean, ne précise pas; elle dit seulement: "elle". Il est possible que Gertrude ait raconté l'épisode de saint Jean vécu par Mechtilde, et que la référence à Mechtilde ait été oublié. Peu importe. Ce qui compte, c'est que le Cœur de Jésus soit toujours mieux connu.

Comme elle (Mechtilde ou Gertrude?) était, selon sa coutume, toute entière à sa prière, le disciple que Jésus aimait si bien, et qui pour cela doit être aimé de tous, lui apparut... Celle-ci lui dit :

― Et quelle grâce pourrai-je obtenir, moi chétive, en ce jour de votre fête?

Il répondit :

― Viens avec moi; tu es l'élue de mon Seigneur; reposons ensemble sur sa poitrine dans laquelle sont cachés tous les trésors de toute béatitude!

Et, la prenant avec lui, il (Jean) la conduisit auprès de notre tendre Sauveur, la plaça à droite et se retira pour se placer à gauche. Et comme ils reposaient ainsi tous deux avec suavité sur la poitrine du Seigneur Jésus, le bienheureux Jean, touchant du doigt avec une respectueuse tendresse la poitrine du Seigneur, dit :

― Voici le Saint des saints qui attire à soi tout le bien du ciel et de la terre...

Et il ajouta :

― Je t'ai placée à l'ouverture du Cœur divin, afin que tu puisses en tirer aisément la douceur et la consolation que, dans son bouillonnement perpétuel, l'amour divin répand avec impétuosité sur tous ceux qui le désirent.

Comme elle éprouvait une jouissance ineffable aux pulsations très saintes qui faisaient battre le Cœur divin sans interruption, elle dit à saint Jean:

― Est-ce que vous n'avez pas, bien-aimé de Dieu, senti le charme de ces suaves pulsations, qui ont pour moi, en ce moment, tant de douceur, lorsque vous reposiez, à la Cène, sur cette poitrine bénie?

Il répondit :

― J'avoue que je l'ai senti et ressenti et la suavité en a pénétré mon âme, ainsi que le doux hydromel imprègne de sa douceur une bouchée de pain frais; de plus, mon âme en a été aussi échauffée que le devient une chaudière bouillante au-dessus d'un feu ardent.

― Pourquoi donc, reprit-elle, avez-vous gardé là-dessus un silence si absolu que vous n'avez jamais rien écrit, si peu que ce fut, qui le donnât à entendre, au moins pour le profit de nos âmes?

Il répondit :

― Ma mission était de présenter à l'Eglise, dans son premier âge, sur le Verbe incréé de Dieu le Père, une simple parole qui suffirait jusqu'à la fin du monde à satisfaire l'intelligence de la race humaine toute entière, sans toutefois que personne parvint jamais à la pleinement comprendre. Mais, de dire la suavité de ces pulsations, cela a été réservé pour les temps actuels afin que, en entendant ces choses, se réchauffe le monde vieillissant dont l'amour s'alanguit. (Sainte Gertrude, Le Héraut de l'Amour divin ; Livre IV, chapitre 4, 3)

Sainte Mechtilde 13

La spiritualité de sainte Mechtilde

d'après le Livre de la Grâce spéciale

8-Mechtilde et la mort

Mechtilde eut parfois la vision d'âmes récemment décédées. Ces visions furent souvent l'occasion pour elle de recevoir des enseignements précieux.

8-1-Remarques au sujet de l'abbesse Gertrude de Hackeborn, sœur de sainte Mechtilde

Dame Gertrude, sœur, selon la chair, de Mechtilde de Hackeborn, devint l'Abbesse du monastère d'Helfta à l'âge de dix-neuf ans. La sixième partie du livre de la Grâce spéciale lui est en partie consacrée. Mechtilde fut favorisée de nombreuses visions qui lui montraient comment sa sœur l'Abesse se prépara à la mort, assistée par de nombreux anges. Mechtilde vit également ce qui se passait pour l'âme de l'Abbesse au moment de sa mort et après sa mort quand elle était entrée dans la gloire. Elle laissa à sa sœur Mechtilde ce conseil précieux:

― Lorsque l'amour de la divinité s'élance impétueux dans l'âme pour la pénétrer, il le fait avec une douceur si puissante qu'il devient impossible à la créature de le contenir. (Le Livre de la Grâce spéciale, sixième partie)

À plusieurs reprises Mechtilde pria pour des morts; mais ils n'avaient déjà plus besoin de ce secours. Leur gloire, c'est-à-dire leur présence dans l'amour de Dieu, lui fut manifestée par le Seigneur. C'est ainsi que sa sœur selon la chair, l'abbesse Gertrude de Hackeborn, lui déclara :

― Ma prière est désormais plus efficace, plus utile et plus fructueuse qu'au temps de ma vie... Il en est ainsi parce que la prière, même après la mort du juste qui l'a faite, jamais ne périt ni ne meurt... D'où l'on peut conclure que si l'on donnait à ses désirs une intention qui s'étendrait à tous les siècles, c'est-à-dire si l'on voulait vivre et se perfectionner jusqu'à la fin du monde pour l'amour et la gloire de Dieu, en priant, travaillant et souffrant afin de secourir les vivants et les âmes du purgatoire, on verrait sûrement Dieu accepter ce vœu comme l'acte lui-même. (Le Livre de la Grâce spéciale, sixième partie, chapitre I, 1)

8-2-Les morts prématurées

Le jour anniversaire de la mort du comte de Lansfeld, Burchard, fondateur du monastère d'Helfta en 1229, Mechtilde vit cette âme devant Dieu; elle vit aussi plusieurs personnes qui avaient participé à cette fondation. Plus tard, elle vit également l'âme du jeune Burchard XII de Mansfeld, mort en 1294, à l'âge de dix-neuf ans. Elle demanda au Seigneur la cause de sa mort prématurés. Le Seigneur lui répondit:

- Ne sais-tu pas que les œuvres bonnes accomplies par un homme en état de péché mortel sont de nulle valeur?

- À quoi lui servent les éloges que les hommes font maintenant, de ses qualités, de sa bonté?...

- Toutes les fois que les hommes sur la terre célèbrent ses vertus et l'innocence de sa vie, tous les saints me rendent un hommage particulier pour les vertus naturelles dont j'avais orné son âme...

Et trois mois après sa mort, l'âme ajouta, dans une autre vision :

― Je désire que l'on sache le bien que Dieu a fait à mon âme en la retirant du siècle. (Le Livre de la Grâce spéciale, cinquième partie, chapitres X et XI, 11 et 12)

Une petite fille vint à mourir dans la deuxième année de son âge; comme Mechtilde s'étonnait le Seigneur expliqua :

― Elle était si aimable qu'il n'était pas opportun pour elle de rester sur la terre. De plus, son père après la mort de sa fille aînée aurait annulé le vœu de sa mère et l'aurait gardée pour le siècle. (Le Livre de la Grâce spéciale, cinquième partie, chapitres XII, 14)

8-3-Vision d'autres âmes

Sainte Mechtilde "vit" de nombreuses âmes de morts. Nous ne donnerons ici que quelques exemples.

Il y avait dans le couvent une autre sœur Mechtilde [1], dont l'âme, après sa mort, apparut à notre sainte Mechtilde sous la forme d'une très belle vierge. Cependant cette sœur attendait encore son entrée dans la gloire; elle ne devait l'obtenir qu'au moment où se ferait pour elle, à la messe, l'oblation de l'hostie. (Le Livre de la Grâce spéciale, cinquième partie, chapitre III, 3) Voir Annexe 1

Mechtilde vit aussi les âmes de Dom Albert et du Frère Thomas [2], d'illustre mémoire... On voyait briller en ces docteurs la clarté des anges, les mérites des prophètes, la dignité suréminente des apôtres, la gloire triomphale des martyrs, la doctrine de sainteté des confesseurs, enfin la glorification de tous les saints. Voir annexe 2. (Le Livre de la Grâce spéciale, cinquième partie, chapitre IX, 10)

Le salut des grands pécheurs. La miséricorde

Mechtilde réfléchissait sur les vertus de la fontaine de la Trinité et sur les dons qui en coulaient: le Seigneur lui dit :

― Viens, et considère le plus petit de ceux qui sont au ciel, alors tu connaîtras la source de miséricorde.

Et devant Mechtilde se présenta un homme habillé de vert, de petite taille, et merveilleusement beau. L'homme lui dit :

― Sur la terre, j'étais un voleur et un bandit, et je n'ai jamais rien fait de bien.

― Alors comment es-tu entré ici, dans la joie?

― Ce que j'ai fait de mal, ce n'était pas par méchanceté, mais comme par habitude, ne sachant rien de mieux, car j'avais été ainsi élevé par mes parents. Au dernier moment le repentir m'a obtenu la miséricorde divine. J'ai passé cent années dans le lieu des peines; j'y ai souffert beaucoup de tourments; et maintenant par la seule et gratuite bonté de Dieu, j'ai été amené ici, dans le repos éternel. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XXXIII, 58)

8-4-La délivrance des âmes-Prier pour les morts

Une fois, pendant qu'elle priait pour les âmes du purgatoire, le Seigneur lui dit:

― Récite pour elles le "Pater" en union avec l'intention que j'eus en le tirant de mon Cœur pour l'enseigner aux hommes... (Le Livre de la Grâce spéciale, cinquième partie, chapitres XVIII, 21)

Plus tard le Seigneur ajouta :

― Quiconque, par un sentiment de compassion ou de charité, intercède pour un mort, aura part à tout le bien qui s'accomplit dans l'Église pour ce défunt, et au jour où il sortira lui-même de ce monde, il trouvera ce bien déjà préparé pour le soulagement et le salut de son âme. (Le Livre de la Grâce spéciale, cinquième partie, chapitres XIX, 22)

Ce même jour Jésus l'emmena pour lui montrer le purgatoire et les tourments qu'on y souffre. Elle vit certaines âmes qui semblaient sortir de l'eau, nues et ruisselantes; elle en vit d'autres qui sortaient du feu, horriblement brûlées et noircies. Pendant qu'elle priait, ces âmes sortaient de leurs tourments, reprenaient la forme et l'état qu'elles avaient sur la terre, et passaient dans ce beau jardin d'où les premières âmes avaient été tirées.

Pendant sa prière, elle vit une fois l'enfer ouvert sous ses pas, et dans le gouffre, la misère, l'horreur infinie... Elle demanda :

― Ô Seigneur, qui sont ces infortunés?

― Ce sont ceux qui n'ont jamais pensé doucement à moi pendant une seule heure.

Elle vit aussi le purgatoire où il y avait autant de tourments que de vices dont les âmes s'étaient faites les esclaves sur la terre... Ces âmes souffraient dans le purgatoire la peine qu'avait méritée leur vice préféré. Mais lorsque celle-ci eut prié pour elles, le Seigneur en délivra un grand nombre. (Le Livre de la Grâce spéciale, 5ème partie, chapitres XX, 23)

Sainte Mechtilde 14

La spiritualité de sainte Mechtilde

d'après le Livre de la Grâce spéciale

9-1-Qu'est-ce que le corps?

Mechtilde se demandait ce qu'était son être corporel. Jésus lui dit:

― Ton corps n'est qu'un sac grossier enveloppant un cristal qui contient une liqueuse précieuse. De même qu'on garderait un tel sac avec précaution, sans le jeter ici ou là, de peur de briser le cristal et de répandre la liqueur, ainsi l'homme doit, à cause de l'âme qui contient la liqueur de la divine grâce et l'onction du Saint-Esprit, respecter son corps et veiller sur ses sens, afin de ne laisser rien voir, ou entendre, ou dire qui puisse laisser l'onction spirituelle de la grâce divine se répandre au dehors ou chasser mon Esprit qui règne en lui. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XLIX 49)

Ainsi le corps est précieux et, lorsque cela est nécessaire, il faut se laisser soigner. Ceux qui montrent beaucoup de charité envers les malades se sanctifient. C'est ce que réaffirme Jésus:

― On doit recevoir les soins et les services des autres en union avec l'amour qu'ils mettent à vous les donner pour la gloire de Dieu, et afin d'obtenir qu'ils se sanctifient et reçoivent la récompense de leur charité. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XLV, 50)

9-2-Relation des hommes avec les anges

Mechtilde reçut de nombreux enseignements concernant les anges. En voici un particulièrement instructif :

Ceux qui aiment Dieu de tout leur cœur et de tout leur esprit, se jettent tout entiers dans ce feu éternel qui est Dieu même, deviennent si semblables à lui, qu'ils l'aiment comme ils en sont aimés, d'un amour vraiment divin; ceux-là aiment aussi toutes choses en Dieu et pour Dieu, regardent leurs ennemis comme des amis, rien ne peut les séparer de Dieu, rien ne peut plus même les arrêter, car plus l'ennemi leur fait la guerre, plus ils se fortifient dans l'amour. Leur cœur brûle en eux-mêmes; ils embrasent leurs frères d'une telle charité que, si c'était possible, ils les rendraient tous parfaits dans l'amour; ils pleurent, outre leurs propres fautes, les vices et les péchés d'autrui, car ils aiment et recherchent la seule gloire de Dieu et non la leur; et ils sont au neuvième degré avec les séraphins. Le premier rang est le leur, car entre eux et Dieu, il n'y a plus d'autres esprits. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XXX, 53)

9-3-Un peu de pédagogie

9-3-1-Conseils pour tous les éducateurs

Répondant à une question de Mechtilde, Jésus dit: "Vous aussi, lorsque les enfants ont douze ans, vous devriez les instruire dans le bien et les corriger sérieusement de leurs fautes; si vous le faisiez, il n'y en aurait pas tant qui se perdraient." (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre IX, 16)

9-3-2-Conseils aux novices du monastère

Les conseils qui suivent s'adressent à de futures moniales; mais à part la ligne concernant l'observance de la Règle, ces conseils ne seraient-ils pas les bienvenus dans notre société qui à perdu presque tous ses rpères? Méditons les conseils de Jésus :

― Qu'elles s'appliquent surtout aux pratiques suivantes:

- prier souvent et avec dévotion,

- lire et écouter volontiers la sainte Écriture

- s'appliquer à l'étude,

- garder avec soin l'obéissance et la règle en tout ce qui la concerne,

- conserver partout l'humilité sans se comparer aux autres, et

- ne mépriser personne.

Pendant qu'elles prieront ainsi, je leur enseignerai ma divine volonté et tout ce qu'elles doivent savoir; pendant leur lecture, je leur ferai goûter ma douceur. Dans les travaux, je les sanctifierai; dans l'obéissance et l'observance régulière je leur donnerai ma compassion, ma force et mon secours; et dans leur humilité, je veux trouver mon repos. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XVI, 16)

Car, la volonté propre n'engendre rien dans la vie spirituelle sinon l'éternelle indigence. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XIX, 18)

9-3-3-Où chercher ce que nous désirons?

Au sujet d'une personne pour qui elle priait, Mechtilde entendit :

― Ce qu'elle veut, ce dont elle a besoin, qu'elle le cherche dans mon Cœur... Veut-elle la pureté? qu'elle recoure à mon innocence; l'humilité? qu'elle la prenne chez moi. Qu'elle emprunte encore au même fonds l'esprit de désir et s'empare avec confiance de mon amour et de toute ma sainte et divine manière d'être durant toute ma vie. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre XXVIII, 27)

10-Conclusion

Il est bien difficile de donner une conclusion à cette étude.

En effet, sainte Mechtilde était une moniale allemande, mystique, et, qui plus est, du XIIIème siècle. Que peut-elle apporter aux hommes du XXIème siècle qui vivent dans un monde si différent du sien? Vraiment, une telle question semble bien futile. Et pourtant!

Oui, pourtant! Que lisons-nous, en effet, dans le Livre de la Grâce spéciale? Beaucoup de choses extraordinaires? Absolument pas. Par l'intermédiaire d'une religieuse douée pour la musique et le chant, qui priait intensément mais qui ne laissait rien transparaître de la richesse de son oraison, nous découvrons les richesses du Mystère Pascal et la bonté infinie du Père et de son Fils, le Christ, qui nous révèle son Sacré-Cœur. Nous sommes invités à devenir des saints en pratiquant simplement les vertus chrétiennes de la vie de tous les jours et en priant beaucoup. Et puis, nous apprenons à vivre avec la sainte Vierge et à louer Dieu comme Il désire être aimé, loué, adoré et prié.

Il n'y a rien hors de notre portée dans ce livre, rien que du bon sens, du réalisme et l'écoute de Dieu. Rien d'extraordinaire que l'amour de Dieu et du prochain. Et si nous suivons tous les conseils que Jésus nous donne à travers sainte Mechtilde, si nous mettons en œuvre sa pédagogie, nous deviendrons des saints... Ne serions pas, nous aussi des mystiques en puissance?

Sainte Mechtilde 15

Annexe 1

Mechtilde de Magdebourg

Sainte Mechtilde de Hackeborn ne fut pas la seule, à son époque à connaître, louer et aimer le Cœur de Jésus. Outre sainte Gertrude d'Helfa, auteur du Livre de la Grâce spéciale, une autre moniale d'Helfta, Mechtilde de Magdebourg [1], connut des faveurs de ce Cœur adorable. Voici un extrait des confidences qu'elle reçut de Jésus:

Mechtilde de Magdebourg raconte :

Dans mes grandes souffrances Dieu se révéla à mon âme, il me montra la plaie de son Cœur et dit:

― Vois comme on m'a fait souffrir.

Mon âme lui dit :

― Hélas! Seigneur, pourquoi souffrez-vous à ce point, pourquoi votre sang est-il répandu en si grande abondance? Votre prière ne suffisait-elle pas à racheter le monde?

- Non, répondit-il, cela ne suffit pas à mon Père. Car tout ce dénuement, toutes ces peines, ces souffrances et ces opprobres, tout cela n'était qu'un faible coup frappé à la porte du ciel; et les cieux ne s'ouvrirent qu'au moment où le sang de mon Cœur s'écoula jusqu'à terre...

Réponse de Mechtilde de Magdebourg :

Ô mépris déplorables! ô douleurs lamentables! que celles qui s'abattent sur votre auguste corps et sur votre doux Cœur! Aidez-moi, Seigneur bien-aimé, à supporter dans votre amour tous mes mépris et toutes mes souffrances... Ô corps auguste qui est mort pour moi, bien-aimé Jésus! je vous prie d'accorder à tous mes sens de pouvoir sans cesse se réjouir de cette lance ensanglantée, de la plaie de votre doux Cœur, et à mon âme misérable de s'y réjouir éternellement, ainsi qu'à tous ceux pour qui je dois et je veux chrétiennement prier. Amen. (Mechtilde de Magdebourg, La lumière de la Divinité.)

Annexe 2

Saint Albert le Grand

et saint Bonaventure

Saint Albert le Grand déclara et écrivit:

Il y a trois témoins qui rendent témoignage sur la terre: l'esprit, l'eau et le sang (1 Jean 8); l'esprit, que Jésus rendit à son Père au milieu des douleurs; l'eau, qui coule de son côté; et le sang, qu'il a versé de son cœur, sont les témoins de son amour le plus ardent... Par le sang de son Cœur et de son côté, le Seigneur a arrosé le jardin de son Eglise, car il a fait jaillir en même temps les sacrements de son Cœur... Son Cœur débordait d'amour de pouvoir s'unir à nous, et remplir notre cœur de joie et d'allégresse. (Saint Albert le Grand, Sermon 27-28 De Eucharistia.)

Il a voulu être blessé au Cœur, pour que nous ne nous lassions jamais de contempler son Cœur. (Saint Albert le Grand, In Joannem.)

Saint Bonaventure contemple le Cœur de Jésus :

Ton Cœur, ô parfait Jésus, est le bon trésor, la perle précieuse que nous avons trouvée dans le champ labouré de ton corps. Qui donc rejetterait cette perle? Je donnerai plutôt mes bijoux, j'échangerai contre elle toutes mes pensées et mes affections et je me l'achèterai, jetant tout souci dans le Cœur du bon Jésus qui, sans tromperie, me nourrira. J'ai trouvé le Cœur du Roi, mon Seigneur, mon frère et mon ami, le très doux Jésus. Car son Cœur est à moi. Ayant trouvé ce Cœur, ô très doux Jésus, qui est le tien et le mien, je te prierai, ô mon Dieu. Accueille mes prières avec condescendance, ou plutôt prends-moi tout entier dans ton Cœur...

Ton côté a été percé: c'est pour que, à l'abri de tous les orages du dehors, nous puissions demeurer en cette vigne. Pourquoi encore blessé? Pour que, par cette blessure visible, nous voyions la blessure invisible de ton amour. Qui aime ardemment est blessé d'amour: comment mieux montrer cette ardeur qu'en laissant la lance blesser, non seulement le corps, mais aussi le Cœur lui-même? La blessure charnelle rappelle la blessure spirituelle... Qui n'aimerait ce Cœur déchiré d'une telle blessure? Qui n'aimerait ce Cœur si aimant? Qui n'embrasserait ce Cœur si pur? Nous donc, qui vivons encore dans la chair, répondons autant que nous le pouvons à l'amour de celui qui nous a aimés, embrassons-le, lui qui fut blessé pour nous, lui dont les mains et les pieds, le côté et le Cœur furent percés pour nous. Et prions-le d'enchaîner d'un lien d'amour notre cœur jusqu'ici dur et impénitent, et de le blesser d'un trait de son amour. (Saint Bonaventure, La Vigne mystique "écrit qui lui est attribué")

Annexe 3

Sainte Mechtilde, sainte Gertrude

et le Cœur de Jésus

Nous savons que sainte Mechtilde et sainte Gertrude d'Helfta, de dix ans sa cadette, furent très liées; c'est Gertrude qui rapporta l'essentiel des confidences de Mechtilde. Mais Gertrude fut également une grande mystique, et dans son œuvre essentielle [2] : Le Héraut de l'Amour Divin, seul le livre 2 a été écrit par elle-même. Comme cela fut le cas pour sainte Mechtilde, les autres livres ont été rédigés par des moniales, ses compagnes, souvent sous la dictée de Gertrude; seule la vie de sainte Gertrude d'Helfta a été rédigée après sa mort, probablement par une moniale d'Helfta.

Quand on connaît bien les œuvres de sainte Mechtilde et de sainte Gertrude, on remarque une symbiose étonnante entre certains textes, surtout ceux qui concernent le Cœur de Jésus et saint Jean l'Évangéliste. Viennent-ils de Mechtilde ou de Gertrude? Ou bien Gertrude a-t-elle parfois mélangé quelques textes? Impossible de le dire. C'est pourquoi, pour intéresser le lecteur, nous ajoutons ici quelques extraits du Héraut de l'Amour divin, œuvre de Gertrude.

Tout d'abord le récit de la conversion de Gertrude, dans lequel elle ne manque pas de remercier pour la connaissance que Jésus lui fit de son Sacré-Cœur:

La conversion de Gertrude

J'étais depuis peu entrée dans ma vingt-sixième année, lorsque le lundi qui précède la Purification, après l'office des Complies, profitant de l'heure si douce du crépuscule, vous avez daigné, ô véritable Lumière qui brillez au milieu des ténèbres, mettre un terme à ce jour de ma vanité puérile, tout obscurci par les nuages épais de mon ignorance... Parmi les faveurs sans nombre dont vous m'avez comblée, il en est deux que je place au-dessus de toutes les autres. D'abord vous avez imprimé sur mon cœur les joyaux splendides de vos plaies sacrées. Vous m'avez encore fait une blessure d'amour si profonde et si efficace. Ne m'auriez-vous jamais octroyé d'autre consolation intérieure ou extérieure, dans ces deux seuls bienfaits vous m'avez accordé tant de bonheur que, devrais-je vivre mille ans, je trouverais toujours en eux une source intarissable de joie, de lumière, de béatitude et de reconnaissance.

À ces grâces, vous avez encore ajouté un autre privilège non moins précieux: vous m'avez enrichie de l'incomparable douceur de votre amitié; vous m'avez, pour que j'y prenne mes délices, livré l'arche sainte de votre divinité, votre Sacré Cœur. Tantôt vous me le donniez gratuitement, tantôt vous le changiez contre le mien, afin de me fournir un nouveau gage de votre dilection. Par lui vous m'avez manifesté les intimes secrets de vos jugements; vous m'avez révélé vos charmes infinis; tant de fois vous avez enivré mon âme des témoignages exquis de votre tendresse... (Sainte Gertrude, Le Héraut de l'Amour divin.)

Gertrude parle de Mechtilde

C'est Jésus qui parle à Mechtilde, mais c'est Gertrude qui rapporte ses paroles confiées à Mechtilde :

Voici que j'offre aux regards de ton âme mon Cœur sacré, instrument mélodieux dont les accents suaves charment toujours l'infinie Trinité. Prie-le de réparer tes fautes, les faiblesses de ta vie; tes œuvres deviendront alors, devant mes yeux, parfaites et agréables... En n'importe quel temps, il [3] peut réparer tes négligences... Mon Cœur sacré attend, avec une soif dévorante, que tu l'invites, soit par tes paroles, soit par un signe, que tu le presses d'achever, de perfectionner les actes de ta vie, chose que tu es incapable de réaliser de ton propre chef. (Sainte Gertrude, Le Héraut de l'Amour divin.)

Maintenant, Gertrude parle d'elle-même :

J'avais engagé une personne (Mechtilde) à dire chaque jour à son oraison la prière suivante pour moi: "Ô très aimable Seigneur, je vous prie par votre Cœur transpercé, de transpercer le cœur de Gertrude des traits de votre amour."

Le dimanche suivant, comme j'allais à la communion, ô mon divin Sauveur, vous excitâtes dans mon intérieur un désir si ardent que je fus contrainte de dire moi-même ces paroles: "Seigneur, je vous supplie par votre infinie bonté que vous daigniez transpercer mon cœur des traits de votre amour." Et je sentis à l'instant que ma prière avait touché votre divin Cœur. Car je vis que de la plaie de la main droite du crucifix, il partait un rayon de feu en forme d'une flèche aiguë, lequel s'étendait vers moi, et puis se retirait d'une manière ravissante comme pour exciter mes désirs. Cela dura jusqu'au mercredi, auquel jour, la messe étant finie, voilà que tout à coup et comme à l'improviste, vous vous trouvâtes présent devant moi et vous fîtes une blessure à mon cœur. (Sainte Gertrude, Le Héraut de l'Amour divin.)

Puis Gertrude parle du Cœur de Jésus révélé à Mechtilde :

Le Seigneur la fit entrer (Mechtilde) en un lieu admirable plus qu'on ne saurait dire: c'était le Cœur de Jésus lui-même, disposé en forme de maison, où celle-ci devait célébrer la fête de la Dédicace. Lorsqu'elle y fut entrée, il lui sembla qu'elle allait défaillir sous l'influence incroyable des délices qui l'inondaient et elle dit au Seigneur:

-Mon Seigneur, quand vous n'auriez introduit mon esprit qu'en une place que vos pieds auraient foulée, ce serait bien assez pour moi; mais que puis-je essayer pour répondre à la faveur étonnante que vous m'accordez en ce moment?

Le Seigneur répondit :

― Puisque tu cherches habituellement à m'offrir la partie la plus noble de ton être, c'est-à-dire ton cœur, j'ai jugé que, pour te faire plaisir, je devais t'offrir aussi le mien; car je suis le Dieu qui se fait pour toi tout en toute choses: vertu, vie, science, nourriture, vêtement, en un mot tout ce qu'une âme aimante peut désirer.

Elle dit alors :

― Si mon cœur s'est mis en quelque point d'accord avec vous, Seigneur, c'était encore votre don.

Le Seigneur repris :

― Il est de ma nature qu'ayant prévenu une âme des bénédictions de la douceur, je continue à lui prodiguer les bénédictions de la rémunération; et si elle se prête au bon plaisir de mon Cœur, il devient nécessaire que je me conforme aux désirs du sien. (Sainte Gertrude, Le Héraut de l'Amour divin.)


Si, sincèrement, tu veux changer de vie
Regarde ton époux, le Roi de l'Univers
Regarde: il a voulu être cloué en croix
Tout ruisselant de sang, devant toute la Terre,
Brisé; ses yeux sont plein de larmes;
Mais Son Cœur très doux déborde d'amour.
Songe à la blessure de la lance cruelle
Qui s'est enfoncée jusqu'au tréfonds du Cœur;

Et déplore tes crimes.






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