La vie de Sainte Hildegarde( suite)Tome I. Vision 5, 6 et Tome II. vision 1, 2.

20/03/2020

VISION CINQUIÈME 

SOMMAIRE : De la Synagogue, mère de l'Incarnation du Fils de Dieu. - Paroles de Salomon. - Paroles du prophète Isaïe. - Des divers aspects de la Synagogue. - De son aveuglement et de ce que signifient ces expressions : Dans le coeur d'Abraham, dans la poitrine de Moyse, dans le ventre d'un autre prophète. - Que veut dire : Grand comme une tour, ayant une auréole autour de la tête semblable à l'aurore. - Paroles d'Ezéchiel. - Comparaison de samson, de Saül, et de David sur le même sujet.

Après cela, je vis comme une image de femme (blanche) de la tête jusqu'à l'ombilic, noire de l'ombilic jusqu'aux pieds, et les pieds couleur de sang. Elle avait autour des pieds une nuée resplendissante et pure. Elle était privée d'yeux ; et, ayant ses mains sous les aisselles, se tenait près de l'autel qui est devant les yeux de Dieu ; mais elle ne le touchait pas. Et dans son coeur était Abraham ; et dans sa poitrine Moïse ; et dans son ventre les autres prophètes ; montrant chacun leur signe, et admirant la beauté de la nouvelle épouse. Elle apparut grande comme la tour immense de quelque cité, ayant sur sa tête comme une auréole semblable à l'aurore. Et j'entendis de nouveau une voix du ciel qui me disait : Dieu imposa à l'ancien peuple l'austérité de la loi, en ordonnant à Abraham la circoncision, qu'il changea ensuite en une grâce de suavité, en donnant son Fils à ceux qui croyaient à la vérité de l'Evangile ; et il adoucit par l'huile de la miséricorde, ceux qui étaient blessés par le joug de la loi. C'est pourquoi tu vois comme une image de femme, blanche de la tête à l'ombilic : c'est la Synagogue, mère, de l'incarnation du Fils de Dieu, et qui dès le commencement de la naissance de ses fils jusqu'à la plénitude de leurs forces, prévoit dans l'ombre les secrets de Dieu, mais ne les découvre pas pleinement. Car elle n'est pas la resplendissante aurore qui manifeste ouvertement, mais celle qui regarde de loin dans l'étonnement et l'admiration, comme il est dit d'elle dans les cantiques : Quelle est celle qui monte du désert pleine de délices ,et s'appuyant sur son bien aimé (1) ? Ce qui veut dire : Quelle est cette nouvelle épousée, qui s'élève par la multitude de ses bonnes oeuvres au milieu des déserts des nations, ,(qui abandonnent les préceptes légaux de la sagesse, pour adorer les idoles ;) celle qui monte vers les désirs d'en haut, pleine des délices des dons du St-Esprit ; en soupirant dans l'ardeur de son zèle, et s'appuyant surson époux, qui est le Fils de Dieu ? C'est celle qui, dotée par le Fils de Dieu, resplendit de l'éclat des vertus, et abonde des ressources fécondes des Ecritures. Mais la Synagogue, dans son admiration, interroge ainsi mon serviteur Isaïe, sur les fils de la nouvelle épouse : Quels sont ceux qui, volent comme des nuées, et qui sont comme des colombes à leurs fenêtres ?(2) Ce qui veut dire : Quels sont ceux qui, dans leur esprit, se séparant des concupiscences terrestres et charnelles, volent, avec un parfait désir et une entière dévotion, vers les éternelles ; et, avec la simplicité de la colombe, sans aucune amertume du coeur, préservent les sens de leur corps ; et se munissent, par l'ardeur des bonnes oeuvres, de la pierre inébranlable qui est le Fils unique de Dieu ? Ce sont ceux qui, pour l'amour des biens célestes, foulent aux pieds les royaumes terrestres. C'est pourquoi la Synagogue admire la nouvelle épouse, l'Eglise, qui ne se voit pas ornée des mêmes vertus qu'elle, mais environnée d'escortes angéliques, afin que le démon ne puisse ni la ruiner, ni la renverser ; tandis que la Synagogue, abandonnée par Dieu, gît dans le vice.

C'est pourquoi tu vois aussi cette (même) femme, noire de l'ombilic jusqu'aux pieds ; ce qui signifie, qu'elle fut souillée par la prévarication de la loi, et la transgression du testament de ses pères, à partir de sa pleine vigueur jusqu'à la consommation de sa durée ; parce qu'en bien des manières elle négligea les préceptes divins, et suivit la volupté de la chair.

Elle a les pieds tout sanglants, et autour, de ses pieds, brille une nuée resplendissante, parce que, à sa consommation, elle mit à mort le prophète des prophètes (le Christ) ; et elle-même déchue, s'écroula. Mais dans cette consommation, la lumière de la foi resplendissante et pure surgit dans l'esprit des croyants, parce qu'au moment de la chute de la Synagogue, l'Eglise se leva, lorsque la doctrine apostolique, après la mort du Fils de Dieu, se répandit par toute la terre. - Mais cette image est privée d'yeux, et tient ses mains sous ses aisselles ; parce que la Synagogue ne vit pas la vraie lumière, lorsqu'elle méprisa le Fils de Dieu.

Aussi, elle dissimula l'oeuvre de justice, dans le dégoût et la torpeur de l'oeuvre bonne, qui ne venait pas d'elle ; et elle les déguisa négligemment, comme sans valeur.

Elle se tient près de l'autel qui est devant le trône de Dieu, mais ne le touche pas, parce qu'en vérité, elle connut, dans son écorce, la loi de Dieu qu'elle reçut par le précepte divin et par la visite de Dieu ; mais elle ne la toucha pas intérieurement, parce qu'elle la détesta plus qu'elle ne l'aima, en négligeant d'offrir à Dieu les sacrifices et l'encens des divines oraisons.

Mais, dans le coeur de cette femme se trouve Abraham, parce qu'il fut, lui-même, dans la Synagogue, les prémices de la circoncision ; et dans sa poitrine Moïse, parce que celui-ci grava dans les entrailles des hommes la loi divine ; et dans son ventre les autres prophètes, c'est-à-dire, dans l'institution qui lui avait été donnée divinement, les inspecteurs des préceptes divins : chacun montrant ses signes, et admirant la beauté de la nouvelle épouse ; parce que ces prophètes manifestèrent par d'éclatantes merveilles la grandeur de leur prophétie, et contemplèrent avec admiration la splendeur de la noblesse de l'Eglise. Elle apparaît si majestueuse, qu'elle est comparable à la haute tour d'une cité ; parce que recevant la beauté des préceptes divins, elle munit et fortifia la noble cité des élus. Elle a sur sa tête comme une auréole semblable à l'aurore, parce que l'Eglise, dans sa naissance, manifesta le miracle de l'incarnation du Fils de Dieu, ainsi que les vertus éclatantes, et les mystères qui en découlent ; car elle fut couronnée comme d'une aurore matinale, lorsqu'elle reçut les préceptes divins ; pour signifier Adam, qui reçut d'abord le précepte de Dieu, mais dans la suite, par sa transgression, se précipita dans la mort. Les juifs agirent pareillement, en acceptant d'abord la loi divine ; mais ensuite, ils abandonnèrent le Fils de Dieu dans leur

incrédulité. Or, de même que l'homme, par la mort du fils unique de Dieu, dans une ère nouvelle, fut arraché à la perdition de la mort ; ainsi la Synagogue, avant le dernier jour, attirée par la divine clémence, abandonnera l'incrédulité et parviendra véritablement à la connaissance de Dieu. Que signifie cela ?

L'aurore ne fait-elle pas son apparition avant le soleil ? Mais l'aurore s'évanouit, et la clarté du soleil demeure. Que veulent dire ces paroles ? - L'Ancien Testament n'est plus, et la vérité de l'Evangile demeure ; car ce que les anciens observaient charnellement dans les prescriptions légales, le peuple nouveau, dans le nouveau testament, l'accomplit spirituellement ; ce que ceux-là montrèrent dans la chair, ceux-ci l'accomplissent dans l'esprit. Car la circoncision n'a pas disparu, parce qu'elle est devenue le baptême : ceux-là étaient marqués dans un seul membre, ceux-ci dans tous leurs membres. Ce qui fait que les anciens préceptes n'ont pas péri, puisqu'ils ont été améliorés. Aussi, à la fin des temps, la Synagogue se convertira fidèlement à l'Eglise. Car, ô Synagogue, lorsquet u errais dans la multitude de tes iniquités, de telle sorte que tu te souillais avec Baal et les autres divinités semblables, délaissant les coutumes légales pour des moeurs honteuses, et gisant dénudée au milieu des péchés : j'ai fait ce que dit mon serviteur Ezéchiel : j'ai étendu mon voile sur toi, et j'ai couvert ton ignominie ; et je te l'ai juré, et j'ai signé un pacte avec toi.(3) Ce qui veut dire : Moi, Fils du Très Haut, selon la volonté de mon Père, j'ai étendu sur toi, ô Synagogue, mon incarnation, pour ton salut, afin d'effacer les péchés que tu as commis dans la multitude de tes oublis, et je t'ai assuré le remède de la rédemption en manifestant, pour ton salut, les voies que j'ai suivies dans la conclusion de mon pacte ; lorsque je t'ai découvert la vraie foi, par la doctrine apostolique ; afin que tu observes mes préceptes, comme la femme se soumet à la puissance de son mari. Car j'ai écarté de toi les aspérités de la loi extérieure, et je t'ai donné la suavité de la doctrine spirituelle, et je t'ai expliqué, par moi-même, tous mes mystères, au moyen des doctrines spirituelles ; mais tu m'as abandonné, moi le juste, pour te donner à Satan. Mais toi, ô homme, comprends : De même que la femme de Samson, l'a abandonné, de telle sorte qu'il a été privé de sa lumière ; ainsi la Synagogue a abandonné le Fils de Dieu, lorsque dans son obstination elle l'a méprisé, et qu'elle a délaissé sa doctrine. Mais quand les cheveux (de Samson) eurent repoussé, c'est-à-dire lorsque l'Eglise de Dieu, se fut fortifiée, le Fils de Dieu, par sa vertu, renversa la Synagogue, et déshérita ses fils, quand ils furent écrasés sous la colère de Dieu, par les gentils eux-mêmes qui ignoraient Dieu ; car elle s'était soumise elle-même, à toutes les erreurs de la confusion et du schisme ; et elle s'était souillée dans les prévarications de toutes sortes d'iniquités. Mais de même que David répudia enfin la femme, qu'il avait épousée en premières noces, et qui avait péché avec un autre homme, de même le Fils de Dieu répudia la Synagogue qui lui fut d'abord unie dans son incarnation, mais qui, abandonnant la grâce du baptême, suivit le démon. Cependant vers la fin des temps il la recevra, dès qu'elle-même, répudiant les erreurs de son infidélité, reviendra à la lumière de la vérité. Car le démon a pris la Synagogue dans son aveuglement, et l'a livrée à toutes les erreurs de l'infidélité ; et il ne cessera de le faire, jusqu'à la venue du fils de perdition, qui tombera dans l'exaltation de son orgueil, comme Saül périt sur le mont Gelboe, après avoir chassé David de sa terre. - Ainsi le fils de l'iniquité s'efforcera de chasser mon Fils du milieu de ses élus ; et mon Fils ayant repoussé l'Antechrist, ramènera la Synagogue à la véritable foi ; comme David reprit sa première épouse après la mort de Saül

Car lorsqu'à la fin des temps les hommes verront vaincu celui qui les avait trompés, ils reviendront en grande diligence à la voie du salut. Il ne convenait pas, en effet, que la vérité de l'Evangile annonçât l'ombre de la loi, parce qu'il sied que les choses charnelles précèdent, et que les spirituelles suivent ; parce que le serviteur prédit la venue de son maître, et non le Seigneur celle de son serviteur. Ainsi la Synagogue précède dans l'ombre de la figure, et l'Eglise suit dans la lumière de la vérité. C'est pourquoi quiconque possède la science du St-Esprit et les ailes de la foi, ne transgresse pas mon avertissement, mais il le reçoit pour en faire les délices de son âme.

(1) Quae est ista quae ascendit per deserturn deliciis affluens, et innixa super dilectum suum ? (Cant. VIII).

(2) Qui sunt ii qui ut nubes volant, et quasi colurnboe ad fenestras suas (Isa. LX).

(3) Expandi amictum meum super te, et operui ignominiam tuam, et juravi tibi, et inii pactum tecum (Ezech. XVI) 

VISION SIXIEME 

SOMMAIRE : - Que Dieu a merveilleusement créé et disposé sa créature. - De la nature des Anges et de sa signification. - De la nature des Archanges et de sa signification. - De la nature des Vertus et de sa signification. - De la nature des Puisances et de sa signification - De la nature des Principautés et de sa signification. - De la nature des Dominations et de sa signification. - De la nature des Trônes et de sa signification. - De la nature des Chérubins et de sa signification. - De la nature des Séraphins et de sa signification. Que toutes ces légions proclament, de leurs voix admirables, les merveilles que Dieu opère dans les âmes bienheureuses. - Le Psalmiste sur le même sujet.

Ensuite je vis dans les hauteurs des mystères célestes deux armées d'esprits d'en-haut, resplendissant d'une clarté admirable et qui dans la première légion avaient comme des ailes sur leurs poitrines ; leurs faces étaient semblables à celles des hommes, et leur visage humain apparaissait comme à travers une eau pure. Et ceux qui étaient dans l'autre légion, avaient aussi comme des ailes sur leurs poitrines ; et leurs faces étaient comme celles des hommes, et dans elles l'image du Fils de l'homme resplendissait comme dans un miroir. Mais dans les uns comme dans les autres, je ne pus discerner une autre forme. Ces légions environnaient cinq autres légions, et formaient autour d'elles comme une couronne. Et ceux qui étaient dans la première de ces cinq légions, avaient comme des apparences d'hommes, resplendissantes de clarté, des épaules jusqu'en bas. Ceux qui étaient dans la seconde (légion) étaient si éblouissantes de lumière, que je ne pouvais les regarder. Ceux qui étaient dans la troisième apparurent comme de marbre blanc, et leurs têtes étaient semblables à celles des hommes, desquelles émanaient des rayons ardents ; et, des épaules en bas, ils étaient environnés comme d'une épaisse nuée. Ceux qui étaient dans la quatrième légion, avaient la face humaine et des pieds d'hommes ; ils portaient sur leurs têtes des casques, et étaient revêtus de tuniques de marbre. Ceux enfin qui étaient dans la cinquième légion, ne montraient en soi aucune forme humaine ; mais étaient empourprés comme l'aurore. Et je ne voyais en eux aucune-autre forme. Et ces légions formaient comme une couronne, autour des deux autres légions. Ceux qui étaient dans la première de ces deux légions apparaissaient tout remplis d'yeux et d'ailes, et dans chaque oeil était un miroir ; et dans chaque miroir une face d'homme ; et ils élevaient leurs ailes à une suprême hauteur. Et ceux qui étaient dans la seconde légion brùlaient comme le feu ; et ils avaient une multitude d'ailes, où, comme dans un miroir, on voyait tous les ordres illustres de l'institution ecclésiastique. Mais je ne vis, ni dans les uns, ni dans les autres, aucune autre forme. Et toutes ces légions faisaient retentir, de leurs voix merveilleuses en de multiples harmonies, les louanges de celui qui opère des merveilles dans les âmes bienheureuses ; et elles glorifiaient Dieu magnifiquement.

Et j'entendis une voix du ciel qui me disait : Le Dieu tout-puissant et ineffable, qui fut avant les siècles, qui n'eut pas de commencement et ne cesse d'exister après la fin des siècles, a établi et disposé par sa volonté toute créature, d'une manière admirable. Comment ? - Il a placé les unes sur la terre, les autres dans le ciel. Il a établi les bienheureux esprits pour le salut des hommes et l'honneur de son nom. Comment ? - En effet, il a placé les uns, pour subvenir aux nécessités des hommes ; les autres pour manifester, par eux, aux hommes, les jugements de ses décrets. C'est pourquoi, tu vois dans les hauteurs mystérieuses du ciel, deux légions d'esprits supérieurs resplendissant d'un merveilleux éclat ; parce que, comme il t'est montré, dans ces hauteurs mystérieuses que le regard charnel ne pénètre pas, mais que la vue de l'homme intérieur atteint, ces deux légions indiquent que le corps et l'âme de l'homme doivent se vouer au service de Dieu ; puisqu'eux-mêmes, avec les citoyens célestes, sont faits pour jouir de la vision béatifique.

Et ceux qui sont dans la première légion ont comme des ailes sur leurs poitrines ; et montrent des faces pareilles à celles des hommes, dans lesquelles les visages humains apparaissent comme à travers l'eau pure : ces anges sont les désirs qui proviennent de la profondeur de son intelligence. Ils étendent comme des ailes ; non qu'ils aient des ailes comme les oiseaux, mais parce qu'ils accomplissent rapidement, dans leurs désirs, la volonté de Dieu ; comme l'homme, dans ses pensées, vole rapidement. Ils manifestent en soi, et par leurs physionomies, la beauté de la raison, où Dieu scrute attentivement les oeuvres des hommes ; parce que, comme le serviteur qui entend les paroles de son maître, les accomplit selon sa volonté ; ainsi ces anges, considèrent la volonté de Dieu dans les hommes ; et lui montrent en eux-mêmes leurs actes. Ceux qui sont dans l'autre légion, ont aussi comme des ailes sur leurs poitrines, et montrent des faces semblables à celles des hommes, dans lesquelles l'image du Fils de l'homme resplendit, comme dans un miroir : Ce sont les archanges qui contemplent la volonté de Dieu, dans les désirs de leur intelligence, et manifestent en eux la beauté de la raison : ils louent d'une manière très pure le Verbe incarné, parce que connaissant les secrets divins, ils ont annoncé fréquemment, par avance, les mystères de l'incarnation du Fils de Dieu. Mais dans les uns comme dans les autres, tu ne peux distinguer une autre forme, parce que dans les anges comme dans les archanges, il y a beaucoup de mystères cachés, que l'intelligence humaine embarrassée d'un corps mortel, ne peut saisir.

Mais que ces légions forment une couronne autour de cinq autres légions : cela signifie que le corps et l'âme de l'homme enserrent, dans le réseau de leurs facultés, les cinq sens de l'homme purifiés par les cinq blessures de mon Fils ; et qu'ils doivent concentrer tous leurs efforts, vers l'accomplissement des préceptes qui concernent la conduite intérieure. C'est pourquoi, ceux qui sont dans la première légion ont comme la face humaine ; et sont resplendissants d'une grande lumière, des épaules jusqu'en bas : ce sont les vertus qui s'élèvent dans les coeurs des croyants ; et, par leur ardente charité, construisent en eux une haute tour, au moyen des bonnes oeuvres ; de telle sorte que, par leur raison, elles accomplissent les oeuvres des élus ; et par leur force de (persuasion), elles les conduisent à une fin heureuse, en vertu de l'éclat de leur béatitude.

Comment ? Lorsque les élus, possédant la clarté du sens intérieur, renoncent à leur nature corrompue, à cause de cette illumination qui, par un effet de ma volonté, les éclaire sur la splendeur de ces Vertus ; et combattent vigoureusement contre les embûches diaboliques ; les combats qu'ils livrent ainsi contre l'armée diabolique, ces Vertus me les montrent sans cesse, à moi leur créateur.

Ainsi soit-il.

Car les hommes livrent en eux les combats de la foi et de l'incrédulité. Comment ? Parce que l'un me confesse, et l'autre me renie. Mais dans ce combat une question se pose. Est-il un Dieu oui ou non ? Alors, à cette interrogation, la réponse du Saint-Esprit est dans l'homme : Il est un Dieu qui t'a créé et racheté. Et tant qu'à cette interrogation une telle réponse se trouve dans l'homme, la vertu de Dieu ne lui fait pas défaut ; parce qu'à cette question et à cette reponse se joint la pénitence. Mais quand cette question ne se pose pas à l'homme, la réponse du St-Esprit n'intervient pas ; parce que cet homme a repoussé le don de Dieu, et sans songer à la pénitence il se précipite lui-même dans la mort. Mais les Vertus offrent à Dieu les combats de ces guerres, parce qu'elles sont devant Dieu le signe qui montre avec quelle intention Dieu est adoré ou renié.

Mais ceux qui sont de la seconde légion resplendissent d'une telle clarté, que tu ne peux les regarder : Ce sont les Puissances : parce que nulle débilité mortelle ne peut comprendre la sérénité et la beauté de la puissance de Dieu, ni se faire semblable à elle ; parce que la puissance de Dieu est indéfinissable.

Mais ceux qui sont dans la troisième légion apparaissent comme de marbre blanc, et ont une tête humaine d'où partent des rayons ardents ; et, depuis les épaules jusqu'en bas, ils sont environnés comme d'une nuée de fer : Ce sont les Principautés : elles signifient que ceux qui, par la grâce de Dieu, sont les princes des hommes dans le siècle, doivent revêtir l'armure forte de la justice, pour ne pas tomber à cause de leur instabilité ; ils doivent regarder leur chef, qui est le Christ Fils de Dieu, et régler leur domination pour le bien des hommes, selon sa volonté ; attirant sur eux, dans leur amour de la vérité, la grâce du St-Esprit ; de telle sorte que, par la force de l'équité, ils persévèrent fermes et stables jusqu'à leur dernier jour.

Ceux qui dans la quatrième légion, avec la face humaine et les pieds semblables à ceux des hommes, portent des casques sur leurs têtes, et sont revêtus de tuniques de marbre s'appellent les Dominations : pour montrer que celui qui est le Seigneur de toutes choses, a relevé de la terre jusqu'au ciel la raison humaine, qui gisait souillée dans la poussière humaine, en donnant à la terre son Fils, qui écrasa par sa justice l'antique séducteur ; de telle sorte que les fidèles imitent scrupuleusement celui qui est leur chef, plaçant tout leur espoir dans les choses célestes, et se fortifiant dans le désir fécond des bonnes oeuvres.

Mais ceux qui, dans la cinquième légion, empourprés comme l'aurore, n'ont aucune forme humaine, sont les Trônes signifient que la divinité s'abaissa jusqu'à l'humanité, lorsque le fils unique de Dieu revêtit la nature humaine pour le salut des hommes, lui qui n'eut en lui aucune contagion des péchés des hommes ; parce que, conçu du Saint-Esprit, il reçut dans une aurore, c'est-à-dire dans le sein de la bienheureuse Vierge, une chair exempte de toute souillure du péché. Mais tu ne vois en eux aucune autre forme, parce qu'ils contiennent plusieurs mystères des secrets d'en-haut, que la fragilité humaine ne peut concevoir. Que ces légions en entourent deux autres comme une couronne : cela signifie que les fidèles qui dirigent leurs cinq sens vers l'accomplissement des oeuvres d'en-haut, sachant qu'ils ont

été rachetés par les cinq blessures du Fils de Dieu, parviennent par tout l'effort et toute la recherche de leur esprit, à la dilection de Dieu et de leur prochain, lorsqu'ils dédaignent la volupté de leur coeur (charnel), et qu'ils placent tout leur espoir dans les choses éternelles.

C'est pourquoi ceux qui sont dans la première de ces deux légions, paraissent remplis d'yeux et d'ailes ; et dans chaque oeil apparaît un miroir ; et dans chaque miroir, une face humaine ; et ils élèvent leurs ailes à une merveilleuse hauteur : Ce sont les chérubins qui signifient la science de Dieu, dans laquelle eux-mêmes, voyant les mystères des secrets d'en haut, satisfont leurs désirs selon la volonté de Dieu ; de telle sorte que doués d'une très claire pénétration de la profondeur de la science, ils prévoient merveilleusement dans elle, ceux qui, connaissant le vrai Dieu, dirigent l'intention des désirs de leurs coeurs vers celui qui est au-dessus de tous, soulevés qu'ils sont justement et heureusement comme avec des ailes, préférant les choses éternelles aux biens éphémères ; comme ils le montrent par l'élévation de leurs désirs.

Mais ceux qui sont dans la deuxième légion brûlent comme le feu ; et ayant de nombreuses ailes, montrent dans ces mêmes ailes, comme dans un miroir, tous les ordres insignes de l'institution ecclésiastique. Ce sont les séraphins qui montrent que, de même qu'ils sont embrasés de l'amour de Dieu, dans la pleine satisfaction du désir de sa vision, ainsi pareillement dans leurs désirs, les dignités tant séculières que spirituelles, dont l'éclatante pureté se manifeste dans les mystères ecclésiastiques, indiquent que, comme les secrets divins apparaissent merveilleusement en elles : tous ceux qui, aimant avec la sincérité d'un coeur pur, cherchent la vie d'en haut, doivent se passionner pour Dieu, et s'attacher à lui de tous leurs désirs ; afin de parvenir à la joie de ceux qu'ils imitent si fidèlement. Que tu ne voies pas une autre forme ni dans les uns ni dans les autres : cela signifie qu'il y a beaucoup de choses mystérieuses dans les esprits bienheureux, qui ne doivent pas être manifestées à l'homme ; parce que, pendant sa vie mortelle, il ne peut discerner parfaitement les choses célestes.

Mais toutes ces légions, comme tu l'entends, dans tous les genres de modulations et d'harmonies merveilleuses, chantent les miracles que Dieu opère dans les âmes bienheureuses, et pour lesquels elles glorifient Dieu magnifiquement ; parce que les bienheureux esprits, font retentir dans les sphères célestes, par la vertu de Dieu, en des sons inénarrables, de grandes louanges pour exalter les prodiges que Dieu accomplit dans ses saints, pour lesquels eux-mêmes magnifient Dieu glorieusement, dès qu'ils le recherchent, dans les profondeurs de la sainteté ; se réjouissant dans la Joie du salut, comme David mon serviteur, qui voyait les secrets d'en haut, en rend témoignage lorsqu'il dit : La voix de l'allégresse et du salut dans les tabernacles des justes(1). Ce qui veut dire : L'expression de la prospérité et de la joie de celui qui méprise la chair et exalte l'esprit, sera connue comme une marque assurée de salut, dans les habitations de ceux qui repoussent l'injustice et accomplissent le devoir, lorsque, par la suggestion du démon, pouvant faire le mal, ils font le bien, en suivant l'inspiration divine. Que signifie cela ? L'homme souvent montre une joie indécente, lorsqu'il a accompli le péché qu'il désirait indignement. Mais ce n'est pas là qu'il trouve son salut, puisqu'il a fait ce qui était contraire à la loi divine. Celui-là possédera l'allégresse véritable et le vrai bonheur du salut, qui accomplira courageusement le bien désiré avec ardeur ; aimant, pendant qu'il habite en son corps, la demeure de ceux qui, pour courir dans la voie du salut, se détournent de l'erreur et du mensonge. C'est pourquoi, que celui qui possède la science du St-Esprit et les ailes de la foi, ne méprise pas mon avis, mais le reçoive pour en faire les délices de son âme.

Tome II

Visions d'Hildegarde- Tome 2 - Table detaillee SCIVIAS - TOME II

OU LES TROIS LIVRES DES VISIONS ET RÉVÉLATIONS

DE SAINTE HILDEGARDE

TABLE DES MATIERES DETAILLEE

VISION PREMIERE :

Sommaire : De la Toute-Puissance de Dieu. - Paroles de Job sur le même sujet. - Que le Verbe, avant et après avoir revêtu l'humanité, indivisiblement et éternellement, est auprès du Père. - Pourquoi le Fils de Dieu est-il appelé Verbe- Que par la vertu du Verbe de Dieu, toute créature est produite, et que l'homme renaît dans la rédemption. - Que l'incompréhensible puissance de Dieu a fabriqué le monde et produit les diverses espèces. - Que toutes choses étant créées, l'homme fut créé du limon de la terre. - Qu'Adam ayant accepté le doux précepte d'une obéissance facile, à l'instigation du démon n'obéit pas.- Qu'Abraham, Isaac et Jacob et les autres prophètes chassèrent les ténèbres du monde par le sens (de leurs prophéties). - Que le premier des prophètes, jean, tout resplendissant de ses miracles, annonça le Fils de Dieu. - Que le Verbe de Dieu s'étant incarné, on y vit les effets du grand et antique conseil.- Que l'homme ne doit pas sonder les secrets divins, plus que Dieu ne veut les manifester.

- Que le Fils de Dieu, né dans le monde, vainquit le démon par sa mort et ramena les élus vers son héritage. - Paroles d'Osée sur le même sujet. - Que le corps du Fils de Dieu, étant resté trois jours dans le sépulcre, ressuscita, et que la voie de la vérité de la mort à la vie fut montrée à l'homme. - Que le Fils de Dieu ressuscité de la mort, apparut souvent à ses disciples pour les affermir.- Que le Fils de Dieu, montant vers son père, (I'Eglise) son épouse, enrichie des dons divins fut fondée.

VISION SECONDE :

Sommaire : Du sens des mystères de Dieu.- Des trois personnes. - Que l'homme n'oublie jamais d'invoquer ardemment un Dieu en trois personnes - Des trois vertus de la pierre.- Jean, sur la charité de Dieu. - Des trois causes du Verbe humain. - Des trois vertus de la flamme. - Paroles de Salomon. - De l'unité de l'essence.

VISION TROISIEME :

Sommaire : De la construction de l'Eglise qui engendre toujours ses fils dans la régénération de l'esprit et de l'eau. - Que l'Eglise dans sa naissance a été illustrée par les apôtres et les martyrs. - Que l'Eglise est ornée par l'office sacerdotal et la distribution des aumônes.- De la maternelle bonté de l'Eglise - Que l'Eglise non encore parfaite, par la beauté de sa constitution arrivera à sa perfection environ le temps du fils de perdition. - Comment l'Eglise élève dévotement ses fils dans la pureté. - Que nulle perversité du démon ne peut ternir la beauté de l'Eglise. - Que l'intelligence humaine ne peut saisir complètement les mystères de l'Eglise. - De la virginité de Marie. - De l'étendue des sacrements de la vraie Trinité. - Que le ministère des anges est pour chaque fidèle. - De ceux qui dans foi de la sainte Trinité sont régénerés par l'Eglise mère qui conserve son intégrité. - Comparaison du baume, de l'onix et de l'escarboucle, - Que la bienheureuse Trinité apparaît. le ciel ouvert. aux baptisés, dans le baptême, et que leur enlevant la tache du péché, elle les revêt de la robe d'innocence.- De la plainte de l'Eglise sur l'erreur de ses fils. - Que deux signes ont été donnés aux hommes pour se défendre. - Comparaison de la jeunesse. - Pourquoi une double loi ne devait pas être donnée à Adam. - Que l'avertissement du Saint-Esprit se manifestant, il menace l'antique serpent dans Noé, la Circoncision le frappe à la m‚choire dans Abraham, l'Eglise le couvre de chaînes. - De trois ailes, ce qu'elles signifient. - Que les mâles qui, au temps de la Circoncision, ne furent pas circoncis, furent transgresseurs de la loi.- Comme dans la création d'Adam, trois causes sont désignées, ainsi pareillement trois causes sont (indiquées) dans l'homme, dans la procréation. - Que la femme, par amour de Dieu, observant la virginité, est parée magnifiquement par Dieu. - Que l'homme refusant le lien du mariage, par amour de Dieu, devient le compagnon du Fils de Dieu. - Les paroles du Prophète Isaïe. - Que la chute d'Adam ferma le ciel à l'homme ; et qu'il resta fermé jusqu'à la venue du Fils de Dieu.- Paroles de l'Evangile. - Exhortation de Dieu. - Que dans la Circoncision d'Abraham, un membre est circoncis ; mais dans le baptême du Christ tous les membres. - Paroles de l'Evangile. - Qu'en tout temps et à tout ‚ge Dieu reçoit avec amour dans le baptême, l'homme et la femme. - Qu'en l'honneur de la sainte Trinité, trois (personnes) doivent être présentes au baptême, à savoir, le prêtre et deux autres qui se portent garants de la foi du baptisé ; mais ils ne doivent pas lui être unis par les liens charnels. - Comparaison de l'Enfant. - Que tous les péchés sont remis dans le baptême. - Que bien que le prêtre soit un pécheur, cependant Dieu accepte de lui l'office du baptême. - Comparaison du riche. - Dans le cas de nécessité, faute de prêtre, tout fidèle peut baptiser, en observant la forme du baptême.

VISION QUATRIEME :

Sommaire : Que tout baptisé doit être orné et fortifié par l'onction de l'évêque. - Que l'immense et infinie douceur du St-Esprit est communiquée dans la Confirmation. - Que l'ineffable Trinité se manifeste dans la Confirmation et se déclare par de puissantes vertus.-Que l'Eglise munie de l'onction du St-Esprit ne peut jamais être précipitée dans l'erreur de perversité. - Les paroles de Moïse sur le même sujet. - Que le baptisé non confirmé possède la lumière du baptème, mais non l'ornement et l'onction du docteur suprême - Qu'en l'honneur du St-Esprit, la confirmation ne peut être donnée que par les seuls évêques. - Que celui qui tient les mains du futur confirmé ne lui soit uni par les liens du sang . - Celui qui, après le baptême revient au démon, s'il ne se repent sera condamné ; mais celui qui garde fidèlement la gràce du baptême est accepté par Dieu. - l'Eglise priant Dieu pour ses fils.- Trois manières dont l'Eglise résonne comme une trompette. - Des divers modes de baptême. - Paroles d'Ezéchiel sur le même sujet.

VISION CINQUIEME :

Sommaire : Que les apôtres et leurs fournisseurs qui les suivent, c'est-à-dire les prêtres, ornent splendidement l'Eglise par leur doctrine. - Exemple d'Abel. - Que les ministres de l'Eglise doivent garder la chasteté. - Que ceux qui parmi eux vivent régulièrement assujettis à une règle, sans le souci des choses matérielles, acquièrent une récompense infinie. - De l'état de perfection excellente de l'Allégresse virginale. - De l'image d'une vierge. - De la foule merveilleusement ornée qui l'environne. - Paroles de jean sur le même sujet, - Que la virginité vouée à Dieu doit être conservée prudemment, - Ce qu'elle devient, le pacte de virginité étant rompu : elle manque de la fleur d'intégrité, et n'est plus considérée comme maîtresse mais comme servante. - Exemple sur le même sujet. - Qu'il y a une grande différence entre le désir céleste et la concupiscence terrestre, de telle sorte que sans le sang du Fils de Dieu, l'homme n'eût pas été racheté, - De ceux qui imitant la passion du Christ dans leur ardente charité sont comme son parfum vivant et prennent le chemin de la régénération mystérieuse. - Paroles de l' Evangile sur le même sujet. - Que la race des vierges et cet ordre qui fait vœu de suivre le chemin du secret renouvellement ne sont pas dans le précepte de la loi. - Exemple de jean sur le même sujet.- Que ceux qui font vœu de suivre le chemin de la perfection, pour la nécessité et l'utilité de l' Eglise, reçoivent le gouvernement ecclésiastique, renonçant à la contagion des biens terrestres. - Paroles de l' Evangile de jean. - Que dans leurs vêtements qui dîfférent de ceux des autres, est signifié l' Incarnation et la Sépulture du Christ. - Que la première lueur du jour désigne la doctrine aposto!ique, l'aurore : le commencement de cette institution , le soleil : la voie parfaite en Benoit qui est comme un autre Moise. - Ceux qui sont éprouvés dans cette Institution reçoivent. pour la nécessite de l'Eglise, la plénitude du sacerdoce. - Que nul n' entreprenne inconsidérément de rentrer dans cette voie, s'il ne s'est éprouvé intimement .-Que le séculier qui conserve la loi de Dieu, orne beaucoup l'Eglise de Dieu. - Que le mari et la femme ne peuvent s'abandonner l'un l'autre pour suivre la voie parfaite, si ce n est pas la volonté des deux. - Paroles de 1'Évangile. - Que les dites institutions ecclésiastiques consolident 1'Eglise par sa hiérarchie et ses ordres.- Que dans chaque ordre il faut observer la concorde, éviter la diversité des mœurs, la singularité et la nouveauté de vie et de vêtements.- De Jean sur le même sujet. - Comparaison des artisans. - Qu'a chacun doit suffire, dans son humilité, la règle de ses prédécesseurs. - Paroles de l'Evangile sur le même sujet. - L'Evangile sur ceux qui se font des lois selon leur cœur. - Nouvelles Paroles de l' Evangile - Que parmi les auteurs de ces nouveautés, Dieu en repousse quelques-uns, en tolère tacitement d'autres mais, se réserve de les juger dans l'avenir. - Que du degré inférieur, il convient de monter au supérieur, non du supérieur (de descendre) à l'inférieur. - Exemple des âmes et des anges. - Que ceux qui, étant la règle vivante. font vœu de suivre le chemin de la secrète régénération, désignent le froment qui fait la nourriture des forts ; leurs aides désignent le fruit d'un goût suave et le Peuple séculier désigne la chair. Que ces trois ordres ecclésiatiques suivent une double voie. - Celui qui abandonnera le caractère religieux accepté dans la volonté de son cœur, subira le jugement d'un examen sévère. - Paroles de David sur le même sujet.


EPITRE

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AUX RELIGIEUX PERSECUTES ET PROSCRITS

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Ô France, qui bannis les amants de ta gloire,

Pourquoi désertes-tu le temple de mémoire,

Réservant ton amour, salaire des héros,

A de vils corrupteurs, leurs stupides bourreaux?

Pourquoi profanes-tu tant de chefs-d'œuvres antiques,

Et, de ton Dieu jaloux dépouillant les autels,

Chasses-tu leurs gardiens dont les voix prophétiques

Réveillent dans les airs des échos immortels ?

Les saints formaient jadis ta phalange d'élite ;

Pourquoi leur reprocher l'éclat de leur mérite ;

Et, cessant d'admirer leurs sublimes vertus,

Assimiler encor Barabas à Jésus ?

Pourquoi répudier le rôle séculaire

Qui faisait resplendir ta beauté légendaire ?

O ma France, pourquoi bannis-tu de ton sein

Ceux qui t' aiment le mieux, le héros et le saint ?

Ton sol est tout fleuri d'insignes basiliques,

Dont le temps destructeur a bronzé les reliques,

Imprimant au granit un air de vétusté

Qui, loin de l'avilir, rehausse sa beauté.

Le moine cisela ces poèmes de pierre,

Demeures du vrai Dieu, temples de la prière,

Invitant les humains pour qu'ils adorent mieux,

A relever leur front vers la voûte des cieux.

Des vandales jadis, inaptes à construire,

Mais jaloux du passé, voulurent les détruire :

Le granit résista ! ... leur stupide fureur,

Même aux plus forcenés, inspirait de l'horreur !...

Et le temple resta, fier témoin des vieux âges,

Pour Attester sans fin que ces fous étaient sages

Qui. reconnaissant Dieu pour maître souverrain,

Regardaient vers le ciel d'un front calme et serein.

Autour du tabernacle on admirait le cloître

O recherchaient la paix de saints religieux...

Epris de cet amour, qui tous les lis fait croître,

Ils jetaient dans nos cœurs son germe précieux.

Ils vivaient de labeur au sein de la sagesse,

Expiant des mortels les multiples erreurs ;

Pour écarter de nous la foudre vengeresse,

Qui remplirait le monde et de trouble et d'horreurs.

Ils allaient au combat pour d'illustres conquêtes,

Heureux de succomber victimes de l'amour...

La croix, leur étendard, rayonnait sur leurs têtes,

Comme pour tous les yeux, quand viendra le grand jour.

De leurs gestes fameux remplissant notre histoire,

La science, les arts, nous les ont disputés ;

Les siècles écoulés proclament leur victoire ;

Et jamais leurs bienfaits ne furent discutés.

Même en nos jours troublés, astres d'or ils rayonnent

Et dans le ciel de Dieu brillent de mille feux !...

Ils nous donnent leur vie, avec joie ils la donnent :

C'est en faisant le bien qu'ils se disent heureux.

Et voilà ce que vous biffez d'un trait de plume,

Politiques étroits ! ... la gloire vous fait peur !...

Quand l'aveugle discorde et son flambeau qui fume

Aveugle votre esprit et ferme votre Cœur.

France, lève ton front ! et, contre les sectaires,

Des chefs-d'œuvre de l'art protège les trésors !

Des temples de granit et des âmes austères

Conserve les joyaux, les diamants, les ors !

Garde-toi d'écouter la rumeur mensongère !

Pour les hommes sans Dieu laisse ton engoûment !

Ou, tremble quand tes fils sur la terre étrangère,

Epris de liberté, portent leur dévoûment !

R. CHAMONAL.

SCIVIAS - TOME II -Vision 1

SCIVIAS - LIVRE SECOND

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(Texte long - patientez un instant S.V.P.)

VISION PREMIERE

Sommaire :

Et moi ; sans connaître les lettres, à la manière des forts, n'ayant pas été instruite par leur enseignement, mais malgré ma débilité, (frêle côte d'Adam), étant toute pénétrée du souffle mystique : j'ai vu comme un feu resplendissant, incompréhensible, inextinguible, plein de vie, et toute vie, dont la flamme était couleur d'air, et brûlait ardemment sous un souffle léger ; et cette flamme était aussi inséparablement unie au foyer lucide, que le sont les entrailles au corps humain. Et je vis que cette flamme fulminante, s'embrasa ; et voici qu'une forme aérienne, obscure et sphérique, d'une grande étendue, surgit soudain, sur laquelle la flamme elle-même darda ses rayons, faisant jaillir des étincelles de la forme sphérique, jusqu'à ce que l'air devenu parfaitement (limpide), le ciel et la terre resplendirent d'une pleine clarté. Ensuite, la même flamme étendit sa chaleur et sa lumière vers une petite glèbe d'une terre limoneuse gisant au fond de l'air, pour la réchauffer, de manière qu'elle forma la chair et le sang ; et elle lui donna le souffle (le mouvement),de telle sorte qu'elle reçut son être complet par une âme vivante. Cela fait, ce feu lucide, par cette même flamme brûlant ardemment sous un souffle léger, donna à l'homme lui-même une fleur très blanche, suspendue à la flamme comme la rosée à la plante, dont l'homme apprécia l'odeur de ses narines, sans la goûter de ses lèvres, ni daigner l'effleurer de ses mains, se détournant ainsi pour tomber dans les ténèbres épaisses dont il ne put se relever. Mais ces ténèbres dans cet air augmentèrent, en s'étendant de plus en plus. Alors trois grandes étoiles, égales par la splendeur, apparurent dans ces ténèbres; et après elles, de multiples étoiles grandes ou petites, brillantes d'une grande clarté ; et ensuite une très grande étoile, d'un merveilleux éclat dirigeant sa lumière vers la dite flamme. Mais, sur la terre, apparut aussi une lueur semblable à l'aurore, à laquelle une flamme plus éclatante fut infusée d'une manière merveilleuse, sans être toutefois séparée du dit feu lucide ; mais une plus grande vertu fut communiquée à cette lueur d'aurore. Et comme je voulais considérer diligemment l'accroissement de cette vertu (volonté), un sceau fut posé mystérieusement devant cette vision, et j'entendis une voix d'en haut qui me dit : Tu ne pourras contempler rien autre chose de ce mystère, que ce qui t'est concédé par un miracle de foi. Et je vis, de cette même lueur d'aurore, sortir une forme humaine splendide, qui répandit sa clarté vers les dites ténèbres, et fut reflétée par elles ; et, changée en pourpre de sang et en blancheur d'aube, pénétra les ténèbres d'une vertu si grande, que cet homme qui gisait en elles, apparaissant par la vertu de cette attraction, resplendit, et qu'ainsi redressé, il s'éleva. Et ainsi l'homme splendide, qui sortit de l'aurore, apparaissant dans une telle clarté que la langue humaine ne peut l'exprimer, monta vers une si haute gloire, qu'il rayonnait magnifiquement dans la plénitude de l'abondance et de la joie. Et j'entendis, de ce dit feu vivant, une voix qui me dit: Toi qui es une terre fragile et sous un nom de femme ignorante dans toute doctrine des maîtres charnels, pour comprendre les lettres selon l'intelligence des littérateurs ; toi qui es seulement effleurée par ma lumière qui t'éclaire intérieurement comme un embrasement lorsque le soleil brille, crie, raconte, et écris ces choses mystérieuses que tu vois et entends dans une vision mystique. Ne sois pas timide, mais dis ce que tu comprends en esprit, comme je le dis par toi ; tant que seront retentis par la honte ceux qui devraient montrer à mon peuple la voie de la justice ; mais qui, à cause de la perversité de leurs mœurs, refusent de dire la vérité qu'ils connaissent ; ne voulant pas s'abstenir des mauvais désirs, qui adhèrent tellement à leur chair, qu'ils en sont presque dominés, ce qui leur fait éviter la face de Dieu, et rougir de dire la vérité.

C'est pourquoi, être de néant, toi qui es instruite intérieurement en esprit, par l'irispiration mystique, quoique tu n'aies pas reçu les vertus de l'homme, à cause de la prévarication d'Eve dis cependant l'œuvre de flamme, qui t'a été manifestée dans une vision véritable.

Car le Dieu qui a créé toutes choses par son Verbe, par le même Verbe a ramené au salut véritable la malheureuse créature humaine qui était tombée dans les ténèbres. Comment cela ? Ce feu très lucideque tu vois, désigne le Dieu tout puissant et vivant, qui dans sa clarté sereine n'est jamais offusqué par aucune iniquité et reste incompréhensible ; parce qu'il ne peut être divisé aucunement, n'ayant ni commencement fin ; et il ne peut être compris tel qu'il est par aucune étincelle de science de sa créature ; et il est inextinguible, parce qu'il est lui-même cette plénitude que n'atteint nulle fin ; et il est tout vivant (toute vie) parceque rien ne lui reste caché ; et il existe dans la plénitude de la vie, parce que tout ce qui vit reçoit de lui la vie ; selon ce que Job, inspiré par moi, indique en disant : Qui ignore que la main du Seigneur ait fait toutes ces choses ? lui, en la main duquel est l'âme de tout ce qui vit, et l'esprit de toute chair de l'homme. (1)

(i) Quis ignorat quod omnia hœc manus Domini fecerit in cujus manu est anima omnis viventis et spiritus universae carnis hominis (Job, XII).

Que signifie cela? Nulle créature n'est si stupide, de sa nature, qu'elle ignore, dans ces causes, les vicissitudes de sa plénitude, en quoi elle est utile. Comment ? Le ciel a la lumière, la lumière possède l'air, l'air est rempli de volatiles, la terre nourrit les plantes, les plantes produisent les fruits, les fruits nourrissent les animaux ; toutes ces choses témoignent qu'une main puissante les a placées : c'est la main du Dominateur de toutes choses, qui a créé toutes choses, avec leurs vertus propres, de telle sorte qu'il ne leur manque rien pour leur usage ; et dans la toute puissance du même artisan, se trouve le mouvement de tous les êtres vivants et terrestres, tels que les animaux, qui recherchent la terre, dans les choses terrestres, et qui n'ont pas en eux la raison provenant du souffle de Dieu, et l'élan des esprits qui habitent la chair humaine, dans lesquels setrouvent le raisonnement, le discernement etla sagesse. Comment ? L'âme parcourt les événements humains, se multipliant de mille manières, selon les exigences des mœurs charnelles. Mais l'esprit s'élève de deux manières, à savoir par le soupir, le gémissement et le désir qui le portent vers Dieu, ou par la recherche qu'il fait du Seigneur, de sa loi et de son choix en toutes choses, comme étant une obligation de précepte, car il a le discernement dans la raison. C'est pourquoi l'homme contient en lui l'image du ciel et de la terre. Comment ? Il possède en effet cet ensemble de facultés (ce cercle) parmi lesquelles apparaissent la perspicacité, la vie et la raison, comme dans le ciel on voit les astres. Il a l'âme (sensitive) qui pénètre tous les sens et leur donne le mouvement, comme l'air qui contient les volatiles, est aussi le réceptacle des vapeurs d'eau et de l'humidité. Il peut croître et se multiplier, comme sur la terre les plantes, les arbres et les animaux. Comment cela ? Ô homme, tu es tout dans toute créature, et tu oublies ton Créateur ! la créature, qui t'est soumise, t'obéit comme il lui a été ordonné ; et toi, tu transgresses les lois de ton Créateur !

Mais tu vois que le même feu a en lui une flamme couleur d'air, qui brûle ardemment sous un souffle léger, et qui est aussi inséparablement unie à ce feu lucide, que le sont les entrailles dans l'homme : C'est que dans l'éternité, avant les temps de la formation de la créature, le Verbe infini, dans l'ardeur de sa charité, pendant le cours des temps qui passent, devait s'incarner merveilleusement sans la souillure et l'assujettisement du péché, par la vertu du St-Esprit, dans l'aurore de la bienheureuse virginité ; de telle sorte que cependant, comme avant de prendre la chair, il fut indivisiblement dans le Père, et qu'ainsi, après avoir pris l'humanité, il lui restàt inséparablement uni ; car, comme l'homme n'est pas sans le souffle vital, au fond de ses entrailles, ainsi le Verbe de Vie ne peut être nullement séparé du Père. Et pourquoi est-il appelé Verbe ? Parce que, de même que par le verbe mortel qui, dans la poudre terrestre de l'homme, est transitoire, les ordres du maître sont compris sagement, par ceux qui savent et prévoient la loi de celui qui commande: ainsi, parle verbe immortel qui ne passe pas, à cause de la vie inextinguible qui se perpétue dans l'éternité, est vraiment connue la puissance du Père, par les diverses créatures du monde qui le sentent et le comprennent, dans l'état ou elles ont été créées ; et de même que par le verbe officiel, on connaît la puissance et l'honneur de l'homme, ainsi par le Verbe divin resplendit la sainteté et la bonté du Père.

Mais, comme tu le vois, cette flamme fulminante éblouit : cela signifie que le Verbe de Dieu, comme pour se montrer dans tout son éclat, manifesta sa vertu lorsqu'il façonna toute créature ; et il fut tout embrasé lorsqu'il s'incarna dans l'aurore et l'aube virginale ; et de lui découlèrent toutes les vertus, dans la connaissance de Dieu, lorsque l'homme reprit une nouvelle vie dans le salut des âmes.

Mais une forme aérienne, obscure et sphérique d'une grande étendue sortit soudain, c'est la terre (l'instrument) encore dans l'obscurité de l'imperfection, c'est-à-dire non encore embellie par la plénitude des créatures ; et elle est ronde parce qu'elle est sous la puissance incompréhensible de Dieu, la divinité n'étant nulle part absente ; mais elle s'éleva en vertu de la toute puissance de Dieu, comme en un clin d'œil, dans sa suprême volonté ; et sur elle la même flamme, comme un artisan, frappa quelques coups, en faisant jaillir d'elle une étincelle, jusqu'à ce que l'air devînt parfait; parce que le ciel et la terre resplendirent dans la plénitude de leur être, lorsque celui qui l'emporte sur toute créature, le Verbe d'en haut, montra dans la création des êtres, la servitude de ceux qui tiennent la vertu de sa force ; produisant diverses espèces de créatures, étonnantes par la merveilleuse origine de leurs conditions ; de même que l'artisan façonne artistement ses modèles avec l'airain ; jusqu'à ce que ces mêmes créatures resplendirent dans la beauté de leur plénitude, ayant en toutes leurs parties la beauté et la stabilité d'une créature parfaite ; parce que les choses supérieures resplendirent par les inférieures et les inférieures par les supérieures.

Mais qu'ensuite cette même flamme, de ce foyer et de cette clarté, se répandit sur une petite glèbe de terre limoneuse gisant au fond de l'air : cela signifie que, les autres créatures étant formées, le Verbe de Dieu, dans la puissante volonté du Père et dans l'amour de la suprême suavité du St-Esprit, regarda la fragile matière de la molle et débile faiblesse humaine, de tous les hommes bons ou mauvais qui devaient être procréés, contenue dans les profondeurs de son insensibilité et de sa pondérabilité, et pas encore animée par le souffle efficace et vital ; et la réchauffant, il façonna la chair et le sang, les pénétrant de chaleur par sa vertu ; parce que la terre est la matière charnelle de l'homme, puisqu'elle le nourritde ses fruits, comme la mère ses fils ; et Dieu l'anima de son souffle, de telle sorte qu'elle devint l'homme dans une âme vivante, parce qu'il la vivifia par sa vertu suprême, et il produisit merveilleusement par elle, dans une âme et un corps, l'homme intelligent.Cela fait, ce feu lucide donna, par cette flamme qui brûle ardemment sous un léger souffle, à l'homme lui-même, une fleur très blanche suspendue à cette flamme, comme la rosée sur la mousse ; parce qu'Adam étant créé, le Père qui est la lumière très pure, donna par son Verbe en vertu du St-Esprit, à Adam lui-même, un doux précepte d'une obéissance facile, adhérant au Verbe lui-même par la douce rosée de la féconde vertu, parce que parle Verbe lui-même, une suave émanation de sainteté procéda du Père dans le St-Esprit, portant des fruits nombreux et magnifiques, comme la pure rosée qui descend sur le grain le féconde, pour qu'il produise des germes nombreux. L'homme en vérité sentit le parfum (de cette fleur) de ses narines, mais ne la goûta pas de ses lèvres, et ne pénétra pas ses mœurs ; parce que lui-même effleura, comme par ses narines, le précepte de la loi, avec l'intelligence de la sagesse; mais il n'en goûta pas parfaitement la force de perfection intime, en l'introduisant dans sa bouche ; et il ne la remplit pas par I'œuvre de ses mains, dans la plénitude de la vie bienheureuse, se détournant de cette manière, pour tomber dans d'épaisses ténèbres desquelles il ne put se relever ; parce que, à l'instigation du démon, il désobéit au précepte divin, pour tomber dans les abîmes de la mort ; et qu'il ne voulut pas rechercher Dieu dans la foi et dans les actes.

Aussi, écrasé sous le faix du péché, il ne put s'élever à la vraie connaissance de Dieu, jusqu'à la venue de celui qui, sans péché, obéit pleinement à son Père. - Mais ces ténèbres, dans cet air, s'accrurent en s'étendant de plus en plus ; car la puissance de mort prit toujours dans le monde des proportions plus grandes, en raison directe de l'étendue des vices, la science de l'homme se propageant dans le sens de la diversité des passions multiples et des péchés dégradants, que propage l'erreur.Mais que trois grandes étoiles égales par leur splendeur apparurent dans ces ténèbres, suivies d'un grand nombre d'autres grandes ou petites, brillantes d'un grand éclat : ce sont sous la figure de la suprême Trinité, les grands luminaires, à savoir : Abraham, Isaac et Jacob se complétant mutuellement, et repoussant les ténèbres du monde par leurs prédictions ; ainsi que d'autres nombreux prophètes, grands et petits, illustrés par la grandeur et la beauté de leurs miracles. Mais ensuite une très grande étoile apparut, resplendissant d'une merveilleuse clarté, et dirigeant ses rayons vers la dite flamme : c'est Jean-Baptiste le premier des prophètes, illustre parmi les illustres par la fidélité et la beauté de son œuvre et par ses merveilles, annonçant le Verbe véritable, le Fils de Dieu, parce qu'il ne céda pas à l'iniquité, mais il la combattit vaillamment et puissamment dans les œuvres de justice.

Mais que sur la terre cette lueur comme celle de l'aurore apparaisse, à laquelle est infusée merveilleusement une flamme supérieure, non séparée toutefois dudit feu lucide: cela signifie que Dieu établit une grande lumière, d'une splendeur admirable, parmi la fécondité des choses, envoyant dans ce lieu, avec une volonté parfaite, son Verbe nullement séparé de lui ; mais il le donna comme un fruit merveilleux, et il le fit surgir comme une fontaine, de laquelle tout fidèle qui boit est à jamais désaltéré.

Aussi, dans cette lueur d'aurore, une puissante volonté s'enflamma, parce que, dans la clarté de la sérénité empourprée, la vertu du grand et antique conseil fut connue, de telle sorte que les légions des esprits célestes admirèrent cette merveille dans la splendeur de leur félicité. Mais toi, ô homme, quand tu désires connaître pleinement, à la façon humaine, l'excellence de ce conseil, la barrière du mystère s'y oppose ; parce que tu ne dois pas approfondir davantage les secrets de Dieu, qu'il ne plait à la divine majesté de les manifester, pour l'amour de ceux qui croient fidèlement.

Mais quand tu vois, de la lueur d'aurore, sortir une splendide forme humaine qui, répandant sa clarté sur les ténèbres, est reflétée par elles, et qui, changée en pourpre de sang et en blancheur d'aube, pénètre ces ténèbres d'une si grande vertu, que cet homme qui gisait en elles, apparaissant à son attouchement, resplendit ; et ainsi redressé, s'élève : cela désigne le Verbe de Dieu incarné inviolablement dans la candeur de l'intégrité virginale, né sans douleur, ni séparé du Père. Comment ? Lorsque le Fils de Dieu naquit dans le monde d'une mère : il apparut dans le ciel, dans le Père, et les anges tremblèrent ; et se réjouissant, ils entonnèrent les plus douces louanges. Ce Fils de Dieu, venu dans le siècle sans la tache du péché, projeta sur les ténèbres de l'infidélité la doctrine lumineuse de la béatitude et du salut ; mais rejeté par un peuple incrédule, et conduit à sa passion, il répandit son sang empourpré, et goûta corporellement les affres de la mort. Et par là, terrassant le démon, il délivra des enfers ses élus qui y avaient été précipités et retenus ; et par la vertu de sa rédemption, il les ramena miséricordieusement à leur héritage qu'ils avaient perdu en Adam. Lorsque ceux-ci parvinrent dans leur héritage, les harpes et les cymbales retentirent dans un concert d'une harmonie divine, parce que l'homme qui gisait dans la perdition, élevé maintenant dans la béatitude, délivré par la vertu d'en haut, avait échappé à la mort, comme je l'ai dit par mon serviteur Osée: L'iniquité d'Ephraïm a été unie en faisceau, son péché est caché ; il éprouvera les douleurs de l'enfantement: c'est un fils qui n'a pas la sagesse. Il ne restera pas debout dans le châtiment des fils. Je les délivrerai des mains de la mort, je les racheterai de la mort. Je serai ta mort, ou mort, je serai ton frein, ou enfer. (1)

(1) Colligata est iniquitas …phraïm, absconditum peccatum ejus ; dolores parturientis venient ei, ipse filius non sapiens. Nunc enim non stabit in contritione filiorum. De manu mortis liberabo eos. De morte redimam eos. Ero mors tua, ou mors, ero morsus tuus, inferne. (Osée XIII).

Que signifie cela ? La perversité de la malice du démon a été enchaînée par un lien efficace, pour qu'elle ne puisse se soustraire au zèle de la fureur de Dieu, parce qu'il ne l'a jamais vu penser au bien ; ainsi, ceux qui craignent Dieu fidèlement ne sont pas sujets aux embûches de Satan. Car il s'élève toujours contre Dieu, se disant Dieu lui-même, étant toujours dans l'erreur contre Dieu, et, à cause de lui, contre-disant au nom chrétien. Et c'est pourquoi sa malice est si profonde, que nul remède réparateur ne peut le guérir du péché qu'il a commis, d'une manière impie, dans son orgueil méprisant ; aussi il restera dans la perpétuité de la douleur, comme dans l'enfantement, la femme est dans le désespoir, et doute de pouvoir vivre si on lui ouvre le sein. Car cette infélicité restera toujours sur lui, qu'il a été rejeté de la béatitude, et la sagesse des fils fuit de celui qui ne revient pas à lui, comme le fils prodigue revenu à luimême, du fond de son iniquité revint à son père.C'est pourquoi il ne pourra jamais se fier à cette contrition, par laquelle les fils du salut, en vertu de la mort du Fils de Dieu, sont victorieux de la mort de la cruelle iniquité, que le serpent rusé a fait naitre, en suggérant au premier homme la fourberie que l'homme ne connaissait pas. Mais, parce que les fils du Sauveur méprisent le funeste venin de la suggestion, et sont attentifs à leur salut, je les délivrerai de la servitude des idoles, de la servitude, dis-je , des idoles, qui ont l'erreur comme puissance de perdition, et pour lesquelles les infidèles changent l'honneur qu'ils doivent à leur Créateur, s'enveloppant dans les filets du démon, et accomplissant leurs œuvres suivant sa volonté. Et c'est pourquoi je rachèterai les âmes de ceux qui m'honorent, c'est-à-dire des saints et des justes, de la peine infernale, parce que nul homme ne pourra être arraché à l'esclavage de Satan, dans lequel il est tombé sous les coups de la mort cruelle, par la prévarication des préceptes divins, si ce n'est en vertu de la rédemption de celui qui a délivré ses élus par son propre sang. C'est pourquoi je t'exterminerai, ô mort, parce que je t'enlèverai ce qui te fait vivre ; de telle sorte que tu seras appelée un cadavre inutile, parce que, terrassée au milieu de tes forces redoutables, tu seras, gisante comme le corpsconduit à la souveraine béatitude, fut montrée à l'homme ; et, dans cette voie, il fut ramené de la mort à la vie.

Mais, de même que les fils d'Israël, délivrés de l'Egypte, traversant le désert pendant quarante années, parvinrent dans la terre qui produisait le lait et le miel : ainsi le Fils de Dieu ressuscitant de la mort, se montra avec bonté à ses disciples et aux saintes femmes, qui soupiraient après lui et désiraient d'un grand désir le voir; et il les confirma dans la foi, pour qu'ils ne doutassent pas, en disant : Nous n'avons pas vu le Seigneur ; c'est pourquoi nous ne pouvons croire qu'il soit notre salut ! Mais il se manifesta fréquemment à eux, pour les corroborer, de peur qu'ils ne tombassent.

Mais, qu'il monta à une hauteur suréminente, d'une gloire indicible, ou il resplendit merveilleusement dans la plénitude de toute abondance et de toute joie : cela signifie que le même Fils de Dieu s'éleva vers son Père, auquel, avec le Fils et le St-Esprit, la même grandeur et la même suréminence d'une inestimable gloire et d'une indicible allégresse appartient ; ou le même Fils dans l'abondance de toute sainteté et de toute béatitude apparaît glorieusement à ses fidèles, qui croient dans un cœur simple et pur, qu'il est vraiment Dieu et homme. Car alors l'épouse nouvelle du même agneau lui est présentée, dans les divers ornements qui doivent la parer, de tous les genres des vertus, (propres) au combat redoutable de tout le peuple fidèle, qui doit livrer bataille contre le rusé serpent.

Que celui qui voit avec des yeux vigilants, et qui entend de ses oreilles attentives, embrasse avec amour le sens de ces paroles mystiques, émanant de Moi qui suis la vie.


De la Toute-Puissance de Dieu. - Paroles de Job sur le même sujet. - Que le Verbe, avant et après avoir revêtu l'humanité, indivisiblement et éternellement, est auprès du Père. - Pourquoi le Fils de Dieu est-il appelé Verbe- Que par la vertu du Verbe de Dieu, toute créature est produite, et que l'homme renaît dans la rédemption. - Que l'incompréhensible puissance de Dieu a fabriqué le monde et produit les diverses espèces. - Que toutes choses étant créées, l'homme fut créé du limon de la terre. - Qu'Adam ayant accepté le doux précepte d'une obéissance facile, à l'instigation du démon n'obéit pas.- Qu'Abraham, Isaac et Jacob et les autres prophètes chassèrent les ténèbres du monde par le sens (de leurs prophéties). - Que le premier des prophètes, jean, tout resplendissant de ses miracles, annonça le Fils de Dieu. - Que le Verbe de Dieu s'étant incarné, on y vit les effets du grand et antique conseil.- Que l'homme ne doit pas sonder les secrets divins, plus que Dieu ne veut les manifester.- Que le Fils de Dieu, né dans le monde, vainquit le démon par sa mort et ramena les élus vers son héritage. - Paroles d'Osée sur le même sujet. - Que le corps du Fils de Dieu, étant resté trois jours dans le sépulcre, ressuscita, et que la voie de la vérité de la mort à la vie fut montrée à l'homme. - Que le Fils de Dieu ressuscité de la mort, apparut souvent à ses disciples pour les affermir.- Que le Fils de Dieu, montant vers son père, (I'Eglise) son épouse, enrichie des dons divins fut fondée.
SCIVIAS - TOME II -Vision 2
SCIVIAS - LIVRE SECOND
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(Texte long - patientez un instant S.V.P.)
VISION SECONDE

Sommaire :
Du sens des mystères de Dieu.- Des trois personnes. - Que l'homme n'oublie jamais d'invoquer ardemment un Dieu en trois personnes - Des trois vertus de la pierre.- Jean, sur la charité de Dieu. - Des trois causes du Verbe humain. - Des trois vertus de la flamme. - Paroles de Salomon. - De l'unité de l'essence.
Ensuite je vis une splendide lumière et, dans elle, une forme humaine, couleur de saphir, qui brûlait d'un feu brillant et suave ; et cette splendide lumière Pénétra tout ce feu brillant, et ce feu brillant s'infusa dans cette splendide lumière ; et cette splendide lumière et ce feu brillant pénétrèrent toute cette forme humaine, ne faisant qu'une seule lumière, Par une même vertu et une même Puissance. Et, de nouveau, j'entendis cette lumière vivante qui me disait : C'est le sens des mystères de Dieu, afin que l'on distingue et que l'on cornprenne discrètement quelle est cette plénitude qui n'a pas d'origine, et à laquelle il ne manque rien ; qui, par sa vertu toute puissante, fixe les bornes de toutes les puissances. Car, si le Seigneur était exempt de sa propre vertu, quelle serait alors son œuvre ? Elle serait certainement vaine, car c'est dans I'œuvre parfaite que l'on voit quel est l'artisan. 
C'est pourquoi tu vois une splendide lumière qui n'a pas d'origine, et à laquelle il ne peut rien manquer: Elle désigne le Père et, dans elle, une forme humaine, couleur de saphir, sans aucune tache d'imperfection, d'envie et d'iniquité, désigne le Fils, engendré par le Père, avant le temps, selon la divinité ; mais ensuite, incarné dans le temps, selon l'humanité, et venu dans le monde. 
Elle brûle entièrement d'un feu brillant et suave, qui sans aucune atteinte de nulle aride et ténébreuse mortalité, démontre le Saint-Esprit, dont le même Fils unique de Dieu, conçu selon la chair et né d'une vierge dans le temps, répandit dans le monde la lumière de la vraie clarté. 
Mais, que cette splendide lumière pénètre tout ce feu brillant, et que ce feu brillant s'infuse dans toute cette splendide lumière, et que cette splendide lumière et ce feu brillant remplissent toute cette forme humaine, ne faisant qu'une seule lumière dans une même vertu et une même puissance : cela signifie que le Père qui est l'équité souveraine, mais qui n'est pas sans le Fils et le Saint-Esprit; et le Saint-Esprit qui embrase le cœur des fidèles, mais non sans le Père et le Fils ; et le Fils qui est la plénitude de la vertu, mais non sans le Père et le Saint-Esprit : sont inséparables dans la majesté de la divinité, parce que le Père n'est pas sans le Fils, ni le Fils sans le Père, ni le Père et le Fils sans le SaintEsprit, ni le Saint-Esprit sans eux ; et ces trois personnes ne forment qu'un seul Dieu, dans l'intégrité de la divinité et de la majesté ; l'unité de la divinité restant inséparable dans ces trois personnes, parce que la divinité ne peut être divisée, mais demeure toujours inviolable, sans aucun changement ; et le Père se manifeste par le Fils; le Fils par l'origine des créatures; et le Saint-Esprit par le même Fils incarné. Comment ? C'est le Père qui, avant les siècles, a engendré le Fils ; le Fils par lequel toutes choses ont été faites par le Père, à l'origine des créatures; et le Saint-Esprit qui apparut sous la forme d'une colombe, au baptême du Fils de Dieu, quand le temps fut venu. C'est pourquoi ; que jamais l'homme n'oublie de m'invoquer, moi le seul Dieu dans ces trois personnes, parce que je les ai montrées à l'homme, afin que l'homme brûle d'autant plus d'amour pour moi, que j'ai envoyé, par amour pour lui, mon propre Fils dans le monde ; comme Jean mon bien-aimé en rend témoignage lorsqu' il dit : C'est en cela qu'apparut la charité de Dieu envers nous, que Dieu envoya dans le monde son Fils unique, afin que nous vivions par lui. En cela est la charité, non que nous ayons aimé Dieu ; mais parce que lui le premier nous a aimés, et a envoyé son Fils propitiateur pour nos péchés (1).(1) In hoc apparuit charitar Dei in nobis, quoniam Filium Suum Unigenitum misit Deus in mundum, ut, vivamus per eurn. In hoc est charitas non quasi nos dilexerimus De-am, sed quoniam ipse prior dilexit nos et misit Filium suum propitiationem pro peccatis nos tris. (jean IV)
Que signifie cela ? Parce que Dieu nous a aimés, un autre salut en est résulté que celui que nous eûmes dans une première naissance, lorsque nous devînmes les héritiers de l'innocence et de la sainteté, parce que le Père d'en-haut montra sa charité dans nos périls, lorsque nous étions dans la peine : envoyant, par la vertu d'en-haut, son Verbe seul parmi les enfants des hommes, dans une parfaite sainteté, au milieu des ténèbres des siècles, ou le même Verbe, ayant accompli tout bien, ramena à la vie par sa mansuétude, ceux qui en étaient rejetés à cause de l'impureté de la prévarication, et ne pouvaient revenir à l'état de sainteté qu'ils avaient perdu. 
Pourquoi cela ? Car la paternelle dilection de l'amour de Dieu vint par la source même de vie, qui nous forma pour la vie, et qui dans nos périls fut notre protectrice, celle qui est la très profonde et très suave charité, qui nous exerce à la pénitence. Comment ? Dieu se souvint miséricordieusement de son grand ouvrage et de sa perle précieuse, c'est de l'homme que je parle, qu'il avait formé du limon de la terre, et auquel il avait inspiré le souffle de vie. Comment ? Lui-même organisa la vie pour la pénitence, dont l'efficacité ne périra jamais - parce que le rusé serpent trompa l'homme par son invasion orgueilleuse ; mais Dieu le rejeta par la pénitence, qui manifesta l'humilité, que le démon ignora et ne pratiqua pas ; parce qu'il ne sut jamais monter vers la voie de justice. Aussi cette rédemption de charité n'est pas venue de nous, parce que nous n'avons pas su, et nous n'avons pas pu aimer Dieu dans (pour) (I'œuvre) du salut ; mais le Créateur lui-même et le Seigneur de toutes choses a tellement aimé le monde, que pour le sauver il a envoyé son Fils, le prince et le Sauveur des fidèles, 
lequel a lavé et pansé nos plaies; et c'est de lui que dégoutte le baume médicinal qui procure tous les bienfaits de la rédemption. C'est pourquoi, toi, ô homme, comprends que nulle instabilité de changement ne peut atteindre Dieu.Car le Père est le Père, le Fils est le Fils, le Saint-Esprit est le Saint-Esprit, trois personnes dans l'unité de la divinité, indivisiblement dans toute leur puissance. Comment ? Trois vertus sont dans la pierre, trois dans la flamme et trois dans le verbe. Comment ? Dans la pierre est une vertu d'humidité, une vertu de palpabilité et une force ignée ; elle a la vertu d'humidité pour qu'elle ne se dissolve pas et ne se diminue pas ; elle est palpable au toucher, pour qu'elle serve à la défense et à l'habitation ; elle a une force ignée, pour qu'elle s'échauffe et se consolide par sa dureté : Sa force humide indique le Père, qui n'est jamais aride et n'a pas de borne à sa vertu , la vertu de palpabilité désigne le Fils, qui né d'une vierge peut être touché et saisi ; et la vertu du feu brillant démontre le St-Esprit, qui embrase et illumine le cœur des hommes. Comment cela ? De même que l'homme qui attire fréquemment par son corps la vertu humide de la pierre, devient débile et infirme : ainsi l'homme qui par l'instabilité de ses pensées, veut regarder témérairement le Père, périt dans la foi ; et de même que, par la palpabilité saisissable de la pierre, les hommes construisent leur habitation, afin de se défendre contre l'ennemi : ainsi le Fils de Dieu qui est la vraie pierre angulaire, devient la demeure du peuple fidèle, pour le protéger contre les malins esprits. Mais aussi, comme le feu brillant éclaire les ténèbres et brûle ce sur quoi il se repose : ainsi le St-Esprit écarte l'infidélité, enlevant toute rouille d'iniquité. Et de même que ces trois forces sont dans une même pierre, ainsi la vraie trinité est dans une même divinité. 
Aussi, comme la flamme dans un même foyer a trois vertus, ainsi un Dieu en trois personnes. Comment ? La flamme, en effet, consiste dans la splendeur de la clarté, et dans sa force inhérente, et dans son ardeur ignée mais elle a la clarté splendide, pour briller et sa vigueur inhérente pour montrer sa force ; et son ardeur ignée afin de brûler. Aussi, dans la splendeur de clarté, considère le Père, qui par bonté paternelle, répandit sa clarté sur ses fidèles ; et dans la vigueur inhérente, par laquelle cette flamme montre sa vertu de flamme splendide, reconnais le Fils, qui prit son corps dans le sein d'une vierge, et dans lequel la divinité manifesta ses merveilles ; et dans l'ardeur ignée, considère le St-Esprit, qui consume d'une manière suave l'esprit des croyants. Mais ou ne se trouve ni la splendide clarté, ni la force inhérente, ni l'ardeur ignée, il n'y a pas la flamme ; ainsi, ou le Père ni le Fils, ni le St-Esprit n'est honoré, la divinité n'est pas adorée dignement. Donc, de même que, dans une même flamme, on distingue ces trois vertus, ainsi, dans l'unité de la divinité, on comprend trois personnes. De même aussi que trois vertus sont indiquées dans le Verbe, ainsi la Trinité doit être considérée dans l'unité de la divinité. Comment ? Dans le Verbe est le son (la parole), la vertu et le souffle. Mais le son est pour qu'on l'entende, la vertu pour qu'on la comprenne, le souffle pour qu'il s'accomplisse. Le son indique le Père, qui fait toutes choses par sa puissance incompréhensible. La vertu désigne le Fils, qui est engendré merveilleusemerit du Père. Le souffle dénote le St-Esprit, qui souffle ou il veut, et consume toutes choses. Mais ou le son n'est pas entendu, la vertu ne saurait agir et le souffle s'élever ; et là, le Verbe n'est pas compris. Ainsi le Père, le Fils et le St-Esprit ne sont pas séparés l'un de l'autre ; mais ils accomplissent leur œuvre dans un parfait accord. 
C'est pourquoi comme ces trois choses sont dans un seul verbe, ainsi également la suprême Trinité est dans la suprême unité. Et, de même que dans la pierre, la vertu humide n'est, ni n'agit, sans la palpabilité saisissable et sans la vertu ignée ; ni la vertu palpable sans la vertu humide et la vigueur ignée du feu brillant ; ni la force du feu brillant sans la force humide et la force palpable ; et de même que, dans la flamme, la splendide clarté n'est, ni n'agit, sans la vigueur inhérente et l'ardeur ignée, ni l'ardeur ignée sans la splendide clarté ..et la vigueur inhérente ; et, de même que dans le verbe le son n'est, ni n'agit sans la vertu et le souffle, ni la vertu sans le son et le souffle, ni le souffle sans le son et la vertu, mais ils sont indivisiblement unis dans leur œuvre : ainsi également, les trois personnes de la suprême Trinité résident sans être divisées, inséparablement, dans la majesté de la divinité. 
Ainsi, ô homme, comprends un Dieu en trois personnes. Mais toi, dans l'aveuglement de ton esprit, tu penses que Dieu est si impuissant, qu'il lui est impossible de subsister vraiment en trois personnes, mais qu'il peut subsister seulement en une ; lorsque tu ne peux voir la voix exister sans ses trois vertus. Pourquoi cela ? Certes, Dieu est en trois personnes, vrai et unique Dieu, le premier et le dernier. 
Mais le Père n'est pas sans le Fils, ni le Fils sans le Père, ni le Père ni le Fils sans le St-Esprit, ni le St-Esprit sans eux, parce que ces trois personnes sont inséparables dans l'unité de la divinité : Comme le verbe résonne de la bouche de l'homme, mais non la bouche sans la parole, ni la parole sans la vie. Et ou demeure le Verbe ? Dans l'homme. D'o sort-il ? De l'homme. Comment ? Pendant la vie de l'homme. 
Ainsi est le Fils dans le Père, que le Père a envoyé sur la terre, pour le salut des hommes qui sont plongés dans les ténèbres ; et ce fils a été conçu dans une Vierge, par le St-Esprit. Ce Fils, de même qu'il est fils unique dans la divinité, ainsi il est fils unique dans la virginité ; et de même qu'il est fils unique du Père, ainsi il est fils unique de la mère ; parceque comme le Père l'a engendré, seul avant les temps, ainsi la vierge mère l'a engendré, seul, dans le temps, parce qu'elle est restée vierge après l'enfantement. C'est pourquoi, ô homme, comprends, dans ces trois personnes, ton Dieu qui t'a créé dans la force de sa divinité, et qui t'a racheté de la perdition. N'oublie donc pas ton Créateur, comme t'y exhorte Salomon lorsqu'il dit : Souviens-toi de ton Créateur dans les jours de ta jeunesse, avant que vienne le temps de ton affliction et qu'approchent de toi les années desquelles tu dises : Elles ne me plaisent pas. (1)(1). Memento Creatoris tui in diebus juventutis tuœ, antequam veniat tempus afflictionis tuœ, et appropinquent anni de quibus dicas : Non mihi placent. (Eccles. XII)
Que signifie cela ? Rappelle à ton esprit celui qui t'a créé, lorsque dans les jours de ta téméraire audace, tu penses qu'il t'est possible de t'élever, selon ton désir, vers les sommets, en te précipitant dans les abîmes; et lorsque, affermi dans la prospérité, tu tombes dans les pires adversités. Car, la vie qui est en toi évolue toujours vers la perfection, jusqu'au temps ou elle apparaîtra parfaite. Comment ? L'Enfant, dès sa naissance, s'achemine vers l'état parfait, et ensuite il reste dans cet état, délaissant la pétulance des mœurs de la folle adolescence, et n'ayant de souci que pour les affaires sérieuses, pour mener à bonne fin son œuvre ; ce qu'il n'a jamais fait lorsqu'il était dans la fougue de la jeunesse inconstante. 
Ainsi doit faire l'homme fidèle : Qu'il délaisse l'enfance des mœurs et qu'il gravisse le sommet des vertus en persévérant dans leur force ; méprisant l'orgueil de sa cupidité, qui est féconde dans les égarements des vices; et que, dans la retraite, il médite sur ce qui est digne de sa sollicitude, après avoir traversé l'enfance des mœurs puériles. C'est pourquoi, ô homme, attache toi à ton Dieu, dans la force de ta virilité, avant que vienne l'homme qui devra être ton juge, lorsque toutes choses seront manifestées, et qu'il ne restera rien de caché; avant que viennent les temps qui ne verront jamais de fin ; de peur que, murmurant de ces choses dans ton sentiment humain, tu ne dises : Elles ne me plaisent pas, et je ne comprends pas si elles sont pour mon avantage ou mon détriment, parce que l'esprit humain est en cela toujours dans le doute ; car, même lorsqu'il fait le bien, il est .dans l'anxiété de savoir s'il plaît à Dieu ou non. Et tandis qu'il fait le mal, il tremble pour son salut. Mais que celui qui regarde avec des yeux vigilants, et qui entend avec des oreilles attentives, embrasse du fond du cœur ces paroles mystiques, qui émanent de Moi qui suis la Vie.



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