La vie de Marthe robin. (II) L'épreuve de la maladie et le Rayonnement Immense.
Un rayonnement immense
Si le nom de Marthe Robin est indissociable des Foyers de Charité, son rayonnement dépasse largement cette seule fondation. Porteuse d'une intuition qui sera largement confirmée au Concile Vatican II, la spiritualité de Marthe a permis de faire germer et grandir dans l'Eglise une foule d'initiatives. Elle reçoit et conseille plus de 100 000 personnes dont des prêtres, des évêques, des intellectuels, des fondateurs de communauté. Elle a une profonde influence sur l'Église et la société.
Entre 27 et 29 ans, dans les années qui suivent la visite décisive des deux capucins de 1928, Marthe comprend peu à peu que le Seigneur veut lui confier une mission. Dans un premier temps, consciente de ses limites, elle veut se dérober... Mais en 1933, elle reçoit une révélation du Christ et comprend que le Seigneur l'a choisie pour une Œuvre qu'il veut commencer à Châteauneuf-de -Galaure, avec un prêtre qu'il lui « ferait connaître à son heure », une Œuvre qu'il appelle « la grande Œuvre de mon amour ». Il faut donc faire connaître l'amour et la miséricorde de Dieu.
Première étape : la fondation de l'école
La première pierre à cet édifice : une école. Une école où les enfants apprendront « à connaître Dieu et à l'aimer », dans ce village où l'athéisme militant est fort. Pour elle, l'enfance est le moment privilégié de la rencontre avec Dieu ; elle voit cette école comme le lieu par excellence pour « apprendre à vivre par amour tout ce que [qui est] fait : travail, détente, repos, prière, services faits par amour ». Mais le contexte paraît si hostile que Marthe vivra un véritable combat intérieur pour parvenir à parler à son curé, le père Faure, de ce projet. Le prêtre prend le temps du discernement, et, une fois lancée, l'initiative rencontre effectivement de nombreux obstacles. Pourtant, sept jeunes filles prennent le chemin des écolières à la rentrée des classes de 1934.
Seconde étape : les Foyers de Charité
La seconde étape sera la création des Foyers de Charité. Le 10 février 1936, c'est la rencontre de Marthe Robin et du père spirituel qui l'aidera à discerner sa vocation propre. L'abbé Georges Finet, lui, a trouvé en Marthe l'instrument que Dieu lui confie pour sauver les âmes. Ensemble, ils concrétisent les futurs Foyers de Charité, sur cette parole du Christ à Marthe dans la prière :
« Je veux que l'Œuvre soit un Foyer éclatant de lumière, de charité, d'amour, l'oasis vivifiante aux âmes découragées, la maison de mon Cœur ouvert à tous ».
L'intuition est nouvelle. D'autres communautés, plus tard, notamment après le concile de Vatican II reprendront ce mode de vie communautaire ; mais Marthe Robin et le Père Finet en sont véritablement les précurseurs. L'oeuvre deviendra une oeuvre internationale, répandue dans le monde entier.
Une grande figure spirituelle du XXe siècle
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Marthe commence à recevoir plusieurs grands théologiens. Les Pères Réginald Garrigou-Lagrange, Paul Philippe, André Feuillet, Henri Manteau-Bonamy viennent voir cette petite paysanne qui n'a même pas pu passer son certificat d'études à cause de ses problèmes de santé. Ils en reviennent conquis, et influencés dans leurs travaux théologiques.
Marthe Robin vit aussi de grandes amitiés avec des intellectuels de l'époque comme Paul‑Louis Couchoud, agrégé de lettres, docteur en médecine et incroyant notoire jusqu'à sa conversion, ou le philosophe Jean Guitton, de l'Académie Française.
Cardinal Daniélou
Un nouveau souffle pour l'Eglise
Dans le bouillonnement spirituel qui suit le Concile Vatican II, nombre de futurs fondateurs viennent trouver Marthe pour découvrir grâce à elle la voie que Dieu leur demande de défricher. D'autres viennent la voir pour se ressourcer, ou pour qu'elle accompagne activement par la prière les communautés qui sont en train de voir le jour.
On compte ainsi parmi les visiteurs assidus de Marthe le père Epagneul, fondateur des Frères missionnaires des Campagnes ; la sœur Magdeleine de Jésus, fondatrice des Petites Sœurs de Charles de Foucauld ; le père Talvas, créateur du Nid, l'association d'aide aux prostituées ; Jean Vanier, fondateur de l'Arche. De nombreuses communautés nouvelles ont gardé de ce fait une profonde affection et des liens spirituels solides avec Marthe : l'Emmanuel, les Béatitudes, la Communauté Saint-Jean, les Petits Frères de Marie-Mère du Rédempteur, les Petites Soeurs de Nazareth, les Missionnaires de Notre-Dame, les foyers « Claire Amitié », la Fraternité Bethléem-Saint-Benoît, la Communauté Nouvelle Alliance, l'Eau vive, les Focolari...
(La nouvelle Pentecôte d'amour), je la vois comme paisible, comme lente. Je pense qu'elle se fera petit à petit, peu à peu. Je pense même qu'elle a déjà commencé.
Quant à l'avenir, vous savez qu'on me prête beaucoup d'idées sur l'avenir. Je ne sais rien, sauf une chose : que l'avenir c'est Jésus.
100 000 personnes viennent la rencontrer
C'est ainsi que, allongée dans la pénombre d'une chambre qu'elle n'a jamais quittée, Marthe est devenue au fil des ans une figure spirituelle incontournable. Au cours de sa vie, elle aura reçu dans sa chambre plus de 100 000 personnes. Des actrices et des gens tout simples, des ministres et des camionneurs, des compositeurs, des journalistes et des agriculteurs du canton, de nombreux prêtres et évêques... autant de visiteurs si différents, reçus et écoutés.
Mon adorable Jésus,
faites que toutes les personnes qui m'approchent me quittent consolées quand elles pleurent, relevées quand elles sont accablées,
heureuses pour des jours par le souvenir d'une parole, d'un regard, d'un sourire.
Le plus grand personnage du XXe siècle,
ce n'est ni le général de Gaulle, ni Jean XXIII, c'est Marthe Robin.
Entrer chez Marthe, c'est toucher à travers elle la miséricorde du Père. Et ce rayonnement ne s'est pas éteint à sa mort : aujourd'hui encore, 40.000 personnes, chaque année, viennent visiter la ferme où elle vivait, comme on se rend chez une amie, pour y trouver la consolation et la paix.
Un rayonnement immense
Marthe Robin, le concile Vatican II et la vocation de chaque baptisé
Extraits de la conférence de Mgr Paul Cordès (Conseil Pontifical des laïcs) donnée en 1993 à l'assemblée des Foyers de Charité à Châteauneuf-de-Galaure.
Vous avez très gentiment invité le Conseil pontifical pour les Laïcs à votre rencontre. [...] Je suis heureux d'être venu, en outre pour confirmer les liens de notre Conseil avec les Foyers de Charité. Nous voulons dire toute l'espérance qu'ils représentent pour l'Église à travers le monde. [...]
La femme à laquelle les Foyers de Charité doivent leur existence [Marthe Robin] justifie également ma présence parmi vous. Vous connaissez tous sa vie et son œuvre mieux que moi. Toutefois, je voudrais en parler aujourd'hui, ne fût-ce que rapidement, en particulier pour l'influence étonnante qu'elle a eue sur toutes sortes de groupes laïcs. Elle a contribué à la fondation de tant de communautés nouvelles qu'elle peut être considérée comme une sorte de sage-femme ayant participé à la naissance des mouvements laïcs d'après le Concile, en France.
Les encouragements de Marthe Robin envers de nouvelles communautés
Avant même le début du Concile, en 1943, Marthe est entrée en contact avec Sœur Madeleine, la fondatrice des Petites sœurs de Jésus. Ensuite les deux femmes ont continué à se voir, environ une fois par an. Petite Sœur Madeleine confie : « Marthe a tenu une grande place dans ma vie. J'en parlais très peu, car je ne voulais pas cultiver chez les Petites Sœurs la curiosité de l'extraordinaire. Mais dès le début de la Fraternité, il y a eu tout un concours de circonstances qui ont fait que j'ai été poussée, comme malgré moi, vers elle. Et tout de suite une amitié très grande nous a unies. Chaque fois qu'il y avait quelque chose de difficile dans la Fraternité, j'allais le lui confier, ou bien je lui écrivais. Elle a offert beaucoup de ses souffrances pour la Fraternité. »
Une jociste dynamique a cherché à avoir un échange spirituel similaire avec Marthe : il s'agit de Thérèse Cornille. En 1946 elle a fondé l'association "Claire Amitié", car elle avait été touchée par la situation dans laquelle vivaient de nombreuses jeunes femmes, complètement abandonnées, certaines végétant dans la misère, avec ou sans enfants issus de la prostitution. Thérèse écrit : « Après la création en 1946, avec la vive approbation de mon Évêque, le Cardinal Lienard, de deux foyers d'accueil pour jeunes sans abri dans le Nord de la France - jeunes rejetées, françaises, étrangères, souffrant de grande solitude, de manque de toit et d'amour - j'étais passionnée pour cette cause et j'en parlais avec cœur... Marthe écoutait avec une grande attention, sensible aux conditions de vie de cette jeunesse abandonnée et, très encourageante, disait : « Ô comme vous avez raison de vous occuper de ces petites... Jésus les aime tellement... Promettez-moi de venir m'en reparler. » Chacune de ses paroles avait pour nous une signification profonde et nous en avons toujours tenu compte pour notre action apostolique. »
Le fondateur du "Nid", le Père Talvas, est également entré en contact avec Marthe en 1949. Plus tard, il a dit avoir été très impressionné par le bon sens de Marthe et émerveillé par son intimité avec Marie. Écoutons-le : « Chez Marthe, nous admirions et appréciions son sens de l'Église universelle, son amour du Saint-Père, des prêtres et des plus petits. - "Oh oui, la Vierge ! s'exclama Marthe. Ces femmes ont tellement besoin de la tendresse d'une mère, elles qui n'ont pas été aimées. C'est elle qui les conduira à Jésus."
Durant la phase de fondation des "Focolari", ses membres se sont tournés, elles aussi, vers Marthe (1962). Elles racontent : « Cela a été quelque chose de très fort et à la fin, Marthe Robin a conclu : "Je me sens comme saint Jean Baptiste qui prépare les chemins du Seigneur, tandis que je vois que votre œuvre est comme Marie, c'est Marie." » Les Focolari s'appellent maintenant : "L'Œuvre de Marie".
Jean Vanier et son "Arche" se sont fait guider de la même façon, ainsi que la communauté charismatique de l'Emmanuel et le groupe "Foi et Lumière". L'influence de Marthe dans le développement de la communauté des Béatitudes n'est pas négligeable. (...)
Un instrument de Dieu pour l'apostolat et l'évangélisation
L'impressionnante œuvre de Marthe Robin et l'image qu'elle donne, alimentent beaucoup la réflexion chrétienne. Je voudrais profiter de cette visite pour clarifier un ou deux éléments. Il s'est trouvé que Marthe fut l'instrument de Dieu pour l'apostolat et l'évangélisation sans y avoir été assignée par une instance ecclésiastique, sans figurer dans l'ordre hiérarchique, sans avoir été particulièrement en vue ou sans avoir exercé une influence particulière en tant que femme dans un ordre religieux (comme une sainte Hildegarde ou une Mère Teresa). Même si, pour vous tous qui connaissez Marthe depuis longtemps, cela va tellement de soi que vous ne vous y arrêtez plus, peut-être serait-il bon tout de même aujourd'hui, de laisser s'exprimer notre étonnement. De toute façon, nous ne pouvons absolument pas traiter cette affaire comme quelque chose qui va de soi. Les faits sont chargés d'un fondement théologique qui nous conduit à rendre grâce à Dieu, non seulement pour Marthe Robin, mais aussi pour l'évolution de l'Église ces dernières années.
La mise en oeuvre des orientations du Concile Vatican II
Marthe appartenait aux membres de l'Église que l'on appelle Christifideles laici depuis le synode des évêques de 1987. Ce synode a en quelque sorte tiré un trait de conclusion à une évolution théologique qui a eu son point de départ avec le concile Vatican II et qui a mis en évidence la dignité ainsi que la responsabilité de tous les baptisés pour la mission de l'Église. Il suffit de considérer le processus de développement qui nous a donné la constitution de l'Église Lumen Gentium au cours du concile Vatican II. Le processus de rédaction fait immédiatement comprendre le bouleversement qu'a apporté le Concile dans la cohabitation des membres de l'Église. La première version de la constitution voulait, après le chapitre sur les images bibliques, traiter d'abord l'ordre hiérarchique dans l'Église, puis la question du Baptême, et la question des laïcs en tant que membres de l'Église. Les pères du Concile ont choisi un ordre différent. Ils ont interverti le 2e et le 3e chapitre, de sorte que l'on trouve dans la version finale d'abord une présentation de l'Église dans son ensemble : la dignité commune de tous les membres de l'Église, qui surpasse toute différence - dignité conférée par le Baptême, grâce auquel ils deviennent fils de Dieu. Puis vient la structure de l'Église, bien sûr importante, liée au sacrement de l'Ordre.
La dignité des baptisés
La plus grande dignité de Marthe aussi est celle d'avoir été baptisée. Nous ne devons pas oublier que, dans sa conscience de la foi et de l'expiation, c'est d'abord son Baptême qu'elle vit en plénitude : mourir avec le Christ et ressusciter avec lui. En cette date fondamentale pour le chrétien, Marthe est avant tout, pour les membres des Foyers - non - pour tous les membres de l'Église, une sœur et un exemple, bien sûr un exemple extraordinaire. En cela, nous faisons tous communauté étroite et indissoluble avec Marthe.
Même si elle a accueilli sa mission avant Vatican II, elle est une formidable concrétisation de ce que le Concile a formulé pour chaque baptisé. Ce que Jean-Paul II a écrit dans son Encyclique Dominum et vivificantem du 8 mai 1986 ne semble-t-il pas avoir été destiné précisément aux Foyers, la fondation essentielle de Marthe :
« Ces dernières années, le nombre de personnes, qui accordent la première place à la prière et se joignent à un mouvement ou à un de ces groupes de plus en plus répandus en recherche de renouveau spirituel, augmente. Ceci est un signe important et réconfortant, car une telle expérience est une réelle contribution au renouveau de la prière parmi les croyants. Elle les aide à retrouver, en présence de l'Esprit Saint, celui qui éveille une profonde soif de sainteté dans les cœurs. » (n. 65).
Les consignes de Marthe valent pour les initiatives des laïcs. Les paroles prophétiques par lesquelles elle a montré le chemin aux groupes mentionnés plus haut ont encouragé les initiatives des laïcs ou pour les laïcs. Ici encore, elle appartient à la page des Christifideles dont le Pape donne un excellent témoignage dans son écrit post-synodal sur le laïcat : il parle d'un nouveau temps d'union entre les laïcs. C'est une louange à la richesse et à la diversité des dons que l'Esprit maintient vivants dans l'Église, ainsi qu'à la volonté et à la générosité des laïcs de proposer de nouvelles initiatives (cf. Christifideles laici, n. 29).
Un rayonnement immense
Naissance et croissance des Foyers de Charité
Dès leur rencontre en 1936, Marthe Robin et le Père Finet vont œuvrer, chacun à leur place, pour que soit fondé et se développe le premier Foyer de Charité à Châteauneuf-de-Galaure. Peu à peu, d'autres Foyers de Charité sont fondés, en France, en Europe puis sur d'autres continents...
La première retraite spirituelle à Châteauneuf-de-Galaure se déroule du lundi 7 au dimanche 13 septembre 1936. Elle constitue une étape importante dans la croissance de l'Oeuvre des Foyers de Charité.
Dès le premier jour, l'abbé Finet devient le père spirituel de Marthe. Désormais, il est le père Finet :
« En ce jour, je recevais le titre merveilleux de « Père », que je devais partager dans la suite avec tous mes frères, responsables de nos Foyers de Charité. » Il accompagnera Marthe jusqu'au bout dans ce qu'elle vit avec le Christ, et leurs deux vies seront profondément liées.
Première retraite spirituelle au Foyer de Charité en septembre 1936
Jésus avait déjà parlé du père Finet à Marthe :
« Il ne pourra jamais rien faire sans toi ni loin de toi... Tu ne pourras de même jamais rien faire sans lui... Je veux vous confondre en Moi pour la mission que Je veux vous confier, pour toutes les âmes que Je veux vous donner et pour la gloire de mon Nom. »
La retraite fondamentale inaugure un nouveau genre de prédication : un enseignement solide sur le projet de Dieu sur l'homme, porté par un climat marial.
Parmi les participants à cette première retraite, deux jeunes enseignantes se sentent appelées par le Seigneur à se lancer dans l'aventure du Foyer de Charité dans ce village perdu de la Drôme, laissant leur région, leur famille et leur travail. Elles s'installent définitivement dans cette école, d'une pauvreté totale. A la rentrée scolaire du 1er octobre 1936, 24 fillettes sont inscrites.
Construction spirituelle et matérielle du Foyer
Le père Finet est très occupé à Lyon et vient peu à l'école. Marthe est extrêmement présente et suit tout de près. Hélène et Marie-Ange ont une vie exigeante dans l'école et monte chez Marthe tous les jours pour passer la soirée avec elle et souvent avec sa maman. Elles parlent ensemble de tout : des enfants, des difficultés, de la Sainte Vierge, de la place des meubles ! Elles prient, elles chantent. "Ces visites nous faisaient beaucoup de bien, car nous étions vraiment seules." (Hélène Fagot)
Marthe forme "en direct" les premiers membres de Foyer et donne ainsi, à travers elles, un esprit à l'école des filles.
Le 8 décembre 1936, Marie-Ange Dumas et Hélène Fagot se donnent à Dieu pour la vie par les mains de la Vierge Marie. Avec le père Finet, elles s'engagent pour toujours à demeurer dans cette nouvelle communauté et deviennent "membres" du Foyer de Charité de Châteauneuf dont l'abbé devient le "Père".
Pendant un temps, les membres du Foyer résident uniquement à l'école. Leur vie se partage entre l'éducation des enfants et l'accueil des retraitants. Chaque année, le nombre des élèves augmente : en 1937, 35 élèves, en 1946, 130 élèves. Les vocations de membres de Foyer arrivent : en 1939, il y a 6 membres ; en 1948, 24 membres. Les retraites ont un succès grandissant : pendant l'année 1936, 63 retraitants sont venus ; en 1947, 405 retraitants ; à l'été 1947, on en est déjà à la 64e retraite.
Retraites pour hommes et femmes
A l'époque, les retraites d'hommes et de femmes étaient absolument séparées. Quand un prêtre interrogea le père Finet afin de pouvoir assister aux retraites, le père Finet demanda l'autorisation à Mgr Pic, évêque de Valence, puis lui dit : "Vous vous mettrez derrière." Les retraitantes demandèrent alors de pouvoir vivre les retraites avec leur mari ou leur fils. C'est alors, le 8 septembre 1941, que commencèrent les "retraites de chrétienté".
Châteauneuf devient ainsi, avant et pendant la guerre, à la fois une école modèle par la qualité de l'éducation et de l'évangélisation des enfants, qui porte les retraitants dans la prière, et un lieu de retraites tout à fait novateur, qui commence à être connu.
Bénédiction par l'évêque, Mgr Pic
L'école grandissant et les retraites prenant de plus en plus d'importance, la construction d'un bâtiment pour les retraitants commence en 1939. En pleine guerre, ces travaux sont considérables. Les donateurs généreux ne manquent pas. Mgr Pic pousse beaucoup à construire des bâtiments assez amples. En 1943, le Foyer en cours de construction est consacré à la Sainte Vierge. Le 17 mai 1948, lundi de Pentecôte, le Foyer de Charité de Châteauneuf est officiellement inauguré et béni. Mgr Pic a voulu venir personnellement et a tenu à donner à la célébration le maximum d'éclat. Une statue de la Sainte Vierge "Notre-Dame du Foyer" est bénie. Il y a 1500 personnes et de nombreux prêtres.
Marthe, de son côté, avait préparé la fête dans la prière :
Extension des Foyers dans le monde
Durant la vie de Marthe Robin, un cinquantaine de Foyers de Charité sont fondés dans le monde entier. A sa mort en 1981, l'oeuvre compte environ 600 membres.
En 1941 : fondation du deuxième Foyer de Charité en France (en Savoie)
En 1957 : fondation du premier Foyer de Charité en Europe, en Belgique
En 1958 : fondation du premier Foyer de Charité d'Amérique, en Colombie
En 1961 : fondation du premier Foyer de Charité en Afrique, au Togo
En 1968 : fondation du premier Foyer de Charité en Asie, au Vietnam
Les élèves et Marthe soutiennent les Foyers et leurs retraitants
Marthe a aussi le souci de l'éducation des garçons. Le 3 octobre 1953, une école s'ouvre pour eux, dans le village voisin de St Bonnet-de-Galaure, avec 21 élèves, puis se développe rapidement, donnant à l'Eglise plusieurs prêtres et religieux.
L'école professionnelle des Mandailles naît dans le village de Châteauneuf en 1953 pour les adolescentes des environs qui ont besoin d'une formation pratique.
Les enfants font le bonheur de Marthe. Elle est soucieuse de former tout l'être par une éducation de l'âme, de l'intelligence, de la conscience, du coeur, de l'affectif, du corps. Elle pense aussi à leur famille : "Il faut faire l'éducation des parents en même temps que celle des enfants. C'est presque vain ce que nous faisons s'ils ne se compromettent pas avec nous."
Ô Père, ô mon Dieu, bénissez votre Foyer de votre bénédiction toute divine... Oh oui, Maman chérie, qu'il soit bien vôtre, qu'il soit tout vôtre, qu'il ne soit rien que vôtre... Agissez chaque jour et à toute heure en Reine et en Mère. Prenez-le entièrement sous votre conduite spirituelle, morale, matérielle, dans toute sa vie et ses actes, dans toutes ses intentions et dans ses oeuvres.
Marthe suit de près les Foyers. "Rien n'échappait au regard de son coeur. Tout l'intéressait." Marthe connait les Pères des Foyers et veille à leur formation. Elle connait les projets, porte une grande attention à la fondation de chaque Foyer. Tout ceci en relation avec le père Finet.
Elle est très attentive à chaque membre des Foyers missionnaires qui viennent la voir au cours de séjours en Europe. Elle se soucie de tous les aspects de leur vie quotidienne, posant des questions très concrètes, donnant parfois de conseils judicieux, éclairant les situations, anticipant. Elle intervient sur le plan spirituel comme sur le plan matériel.
Au cours de toutes ces rencontres, Marthe ne se considère pas comme la « fondatrice » mais désire plutôt aider les âmes.
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Des prophéties de Marthe Robin sur la France ?
Ce que Marthe Robin a vraiment dit sur la France... Entretien avec le père Bernard Peyrous, historien et postulateur de sa Cause de béatification.
Existe-t-il une « prophétie » de Marthe Robin qui prédit l'avenir de notre pays ?
Père Bernard PEYROUS :
Actuellement, beaucoup de choses circulent, sur Internet ou ailleurs, au sujet de Marthe Robin qui aurait fait des "prophéties" sur la France. Selon ces rumeurs, ces soi-disant prophéties » s'appliqueraient d'ailleurs à l'époque actuelle.
Comme Postulateur de sa Cause de Béatification, j'ai pu consulter l'ensemble des documents et des témoignages concernant sa vie. Je peux vous assurer qu'on ne peut pas dire que Marthe ait fait une « prophétie » sur l'avenir de la France.
Bien sûr, elle avait des opinions sur notre pays. Mais elle a rappelé plusieurs fois qu'elle ne connaissait pas l'avenir. Et surtout qu'elle se plaçait dans une autre perspective concernant le futur...
Il vaut la peine d'aller voir ce qu'elle a dit, et de le situer dans l'ensemble de sa vie. Le danger serait de réduire la personnalité de Marthe à un ou deux slogans alors qu'elle est d'une richesse étonnante. On passerait alors à côté de l'essentiel.
Qu'est-ce que Marthe a vraiment dit sur la France ?
Père Bernard PEYROUS :
Marthe n'a jamais cherché à prédire l'avenir... encore moins celui de notre pays. Quand elle en parle, elle se place à une toute autre perspective.
On le sait bien, tous les sujets l'intéressaient. Au cours de l'un ou l'autre entretien avec ses visiteurs, Marthe a volontiers abordé la situation de la France au point de vue matériel, spirituel, économique ou social.
Même si elle évoque le sujet à différentes époques, ses propos reprennent à chaque fois le même schéma :
1/ la France passe ou va passer par un creuset,
2/ puis viendra son relèvement,
3/ et elle sera à nouveau la "fille aînée de l'Eglise".
Marthe a tenu ces mêmes propos en 1936 avec le Père Finet, puis pendant la guerre, puis dans les années 1970, et sans doute à d'autres époques encore.
Cette observation montre que ces intuitions d'avenir de Marthe sur la France ne se situent pas dans le temps chronologique. Cela pourrait nous faire penser à la façon dont parlaient les prophètes de l'Ancien Testament...
Vous parlez de Marthe comme d'un « prophète », mais dans un sens différent de celui auquel on pense...
Père Bernard PEYROUS :
Si le prophète entrevoit des réalités d'avenir, il est souvent incapable de les situer sur une échelle chronologique et de dire si elles sont immédiates, proches, lointaines ou très lointaines...
Un exemple l'illustre chez Marthe avec la « Pentecôte d'amour », que Marthe et le Père Finet ont d'abord attendue dans un futur immédiat, d'une année à l'autre, jusqu'à ce que Marthe comprenne qu'elle ne serait peut-être pas pour tout de suite. Nous tenons là, à notre avis, une clé pour comprendre la perspective de Marthe dans ses "intuitions d'avenir" sur la France. Nous nous égarerions à vouloir à tout prix les appliquer à l'histoire contemporaine. Marthe elle-même s'est peu à peu dégagée de ce schéma, comme le montre l'exemple de la Pentecôte d'amour. Elle s'est alors placée dans une autre perspective :
« Sur l'avenir, où on essaie de l'interroger, écrivait Jean Guitton en 1958, on voit bien qu'elle ne cherche pas à prédire... elle se place à une sorte de perspective divine. »
Le dialogue que Jean Guitton retranscrit, dans son « Portrait de Marthe Robin » [NDLR : Ed. Grasset, p. 107] permet de mieux comprendre comment cette « perspective divine » oriente sa pensée, son offrande, et sa prière :
« Je me souviens lui avoir posé une dernière question : "Marthe, vous parlez d'une Pentecôte d'amour. Comment vous représentez-vous cette Pentecôte d'amour ?".
Réponse de Marthe : « Oh ! pas du tout sous une forme extraordinaire. Je la vois comme paisible, comme lente. Je pense qu'elle se fera petit à petit, peu à peu. Je pense même qu'elle a déjà commencé. Quant à l'avenir, vous savez qu'on me prête beaucoup d'idées sur l'avenir. Je ne sais rien, sauf une chose : que l'avenir c'est Jésus. »
Comment peut-on prier aujourd'hui pour notre pays ?
Père Bernard PEYROUS :
La France est un pays pour lequel on a beaucoup prié. Jusqu'en 1905 et la séparation des Églises et de l'État, on priait pour le roi, et plus tard pour la République. Après la défaite de 1940 et les années de colonisation, les Français ont eu du mal à se situer par rapport à la nation. Les chrétiens n'osaient plus prier pour la France de peur d'être taxés de nationalisme. Quand le 1er juin 1980, Jean-Paul II a lancé au Bourget : « France, fille aînée de l'Église, qu'as-tu fait des promesses de ton baptême ? », on aurait pu attendre une réaction de l'Église catholique, imaginer des colloques... Rien ne s'est passé.
Aujourd'hui, les chrétiens renouent plus librement avec cette tradition. Depuis plusieurs années, des réseaux évangéliques et catholiques invitent à prier et à jeûner pour le réveil spirituel de la France, et le petit sanctuaire de L'Île-Bouchard (Indre-et-Loire), où les prières pour la famille et pour la France sont liées, attire plus de monde que jamais.
Lors de la dernière élection présidentielle de 2012, le désir de prier pour la France a pris une ampleur nouvelle. Des chrétiens, qui redoutaient une perte de substance de ce qu'est la France, se sont tournés vers Dieu. Les propositions de loi qui touchent à des matières sensibles, comme la question de l'identité sexuelle, ont ensuite accéléré le mouvement. Les chrétiens qui croient que le bras de Dieu n'est pas raccourci lui demandent d'aider notre pays, les hommes politiques et chaque composante de la population. Longtemps nous avons vécu sur une théologie de la Providence. Après la Seconde Guerre mondiale, elle a été remplacée par une théologie de l'absence de Dieu, née dans le judaïsme après la Shoah. Aujourd'hui, nous redécouvrons une théologie de la présence de Dieu, au milieu des hommes. Et avec une sorte de bon sens, les chrétiens se tournent vers lui.
En août 2012, renouant avec une tradition ancienne - en 1638, lorsque Louis XIII avait fait le vœu de consacrer le pays à la Sainte Vierge -, le cardinal André Vingt-Trois avait proposé une prière pour la France le jour de l'Assomption.
Y a-t-il une prière de Marthe Robin pour la France ?
Père Bernard PEYROUS :
Il existe une belle prière de Marthe Robin pour la France, datée du 15 octobre 1943. Elle commence par ces lignes :
« Ô Père, ô mon Dieu, délivrez, sauvez maintenant votre France ; préparez le cœur de ses enfants à la mission qu'ils vont avoir à accomplir pour elle, pour toutes les autres nations, pour l'Église tout entière. (...) »
Au cœur de sa prière et de son offrande, Marthe demande surtout pour la France et pour le monde une vie nouvelle, une effusion de l'Esprit d'amour, la grâce d'une vie divine, d'une vie d'amour, d'une « nouvelle Pentecôte».
Prière de Marthe Robin pour la France
Ô Père, ô mon Dieu, délivrez, sauvez maintenant votre France ; préparez le coeur de ses enfants à la mission qu'ils vont avoir à accomplir pour elle, pour toutes les autres nations, pour l'Eglise tout entière.
« Ô Père, ô mon Dieu, délivrez, sauvez maintenant votre France ; préparez le coeur de ses enfants à la mission qu'ils vont avoir à accomplir pour elle, pour toutes les autres nations, pour l'Eglise tout entière.
Ô Père, ô mon Dieu, que le coeur de tous vos élus tressaille maintenant à votre appel, reconnaissant votre voix et votre commandement, votre invitation à agir ; conduisez-les, ô mon Dieu, chacun à sa place et chacun à sa mission et imposez-leur vous-même tout ce que vous voulez de chacun et de tous. Que rien ne soit l'effet de leur choix, ô mon Dieu, mais de votre unique désir, de votre unique volonté d'amour.
Ô Maman chérie, ne les laissez ni s'égarer, ni se tromper. »
Texte original daté du 15 octobre 1943.