La vie de Marthe Robin. (I) Sa vie, une grande mystique Française.

22/06/2019

Je voudrais être partout à la fois pour dire et redire au monde combien le Bon Dieu est bon, combien il aime les hommes, et se montre pour tous tendre et compatissant.

Rien ne prédisposait cette jeune femme de la campagne drômoise à devenir un des personnages centraux du renouveau spirituel de l’Eglise en France. Née en 1902, traversant le XXe siècle, Marthe Robin rayonne d’un amour qui transfigure son existence. En 79 années d’une vie marquée par la maladie et une paralysie progressive de tout son corps, elle témoigne que l’amour est plus fort que la souffrance. Au fil des ans, plus de 100.000 visiteurs se pressent à son chevet, touchés par son cœur aimant, attentif, qui rend Dieu présent et conduit à lui, tout simplement.

Marthe a souffert beaucoup et longtemps : pendant 63 ans, l’encéphalite qui l’a frappée progresse par périodes, puis semble perdre du terrain avant qu’une nouvelle poussée ne la laisse plus malade qu’auparavant. Peu à peu, le bruit se répand que, dans cette chambre sombre d’une ferme de la Drôme, une jeune mystique accueille avec bonté les soucis et les épreuves de chacun, dispensant conseils et encouragements. Les foules affluent. Marthe transforme sa douleur en empathie pour les autres, et ses visiteurs viennent trouver auprès d’elle la consolation. Beaucoup d’entre eux vivent même une authentique expérience de conversion.

Marthe Robin n’a jamais pu quitter la chambre de sa maison natale de Châteauneuf-de Galaure. Pourtant, aujourd’hui encore, des milliers de gens aux quatre coins du monde s’inspirent de son exemple et trouvent dans la voie spirituelle qu’elle a ouverte une nourriture pour leur vie. Un paradoxe que l’on peut rapprocher de celui de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (la “Petite Thérèse” de Lisieux) qui, n’étant jamais sortie de son couvent, est devenue la patronne des missionnaires.

De l’extérieur, la vie de Marthe semble inutile et, pire encore, absurde. Mais elle est transfigurée par l’amour, reçu de son union avec Dieu et généreusement dispensé aux autres. Elle est à l’origine d’une œuvre immense, dont les Foyers de Charité sont la partie la plus visible, perpétuant la mission d’accueillir simplement et chaleureusement ceux qui cherchent une halte pour retrouver le sens de leur vie. Chez Marthe Robin, c’est dans la faiblesse et la fragilité que s’est déployée la puissance de Dieu.


Dates clés
Naissance de Marthe Robin
1902
13 mars Naissance de Marthe Robin
Premiers symptômes de la maladie
1918
été Premiers symptômes de la maladie
Acte d'abandon
1925
15 octobre Acte d'abandon
Marthe est totalement alitée
1927
octobre Marthe est totalement alitée
Commencement du
1929
25 décembre Commencement du "Journal" de Marthe Robin
Naissance des Foyers de Charité
1936
10 février Naissance des Foyers de Charité
Mort de Marthe Robin
1981
6 février Mort de Marthe Robin
Ouverture de la Cause de béatifi-<br>cation
1986
10 février Ouverture de la Cause de béatification
Marthe Robin déclarée Vénérable par le pape François
2014
7 novembre Marthe Robin déclarée Vénérable par le pape François.
Une grande mystique française : Marthe Robin

Une grande mystique française
Marthe Robin est souvent connue pour les phénomènes extraordinaires qui ont jalonné son existence. De sa maladie, bien réelle mais dont les causes et l'évolution restent un mystère, à ses stigmates en passant par les attaques du démon et les dizaines d'années vécues en se nourrissant d'une hostie par semaine, elle expérimente des manifestations propres aux grands mystiques.
Mais au-delà des aspects extraordinaires de sa vie, c'est précisément par la façon dont cette femme profondément unie au Christ aime, accueille chacun, rayonne de l'Espérance, qu'elle peut devenir aujourd'hui un modèle pour chacun de nous.
Marthe n'est pas née mystique ni ne s'est réveillée un matin unie à Dieu. C'est peu à peu, sur un chemin où les étapes spectaculaires sont toujours précédées de moments clés vécus dans l'intimité de la prière, que la jeune femme s'est progressivement laissée envahir par le Christ.
Une intimité grandissante avec le Ciel
Il y a d'abord l'intimité naturelle, dans son enfance marquée par la piété populaire des campagnes, avec la Sainte Vierge. Mais c'est à l'intérieur de l'épreuve de la maladie que Marthe a véritablement commencé son ascension vers le Christ. En 1921, elle est malade depuis trois ans. Ses symptômes évoquent une tumeur cérébrale ; on la pense condamnée. C'est alors qu'elle voit la Sainte Vierge qui vient la visiter dans sa chambre. C'est le début d'une cohabitation pérenne avec les habitants du Ciel : Marie, mais aussi Sainte Thérèse de Lisieux puis Jésus lui-même, lui parlent, la fortifient, la consolent, l'enseignent.

Le choix de Dieu

L'acte décisif qui fait entrer Marthe dans la vie mystique est sa déclaration écrite du 15 octobre 1925, fête de Sainte Thérèse d'Avila. Elle a alors 23 ans et rédige un « acte d'abandon » :

« Dieu Eternel, Amour Infini ! ô mon Père ! (...) En ce jour, je me donne et me consacre à vous, tout entière et sans retour. Ô le Bien-Aimé de mon âme, mon doux Jésus, c'est vous seul que je veux, et pour votre amour, je renonce à tout ! (...) Mon Dieu, prenez ma mémoire et tous ses souvenirs, prenez mon coeur et toutes ses affections, prenez mon intelligence et toutes ses facultés (...) Prenez ma volonté tout entière... (...) A vous je me livre et je m'abandonne. »

Trois ans plus tard, elle vit un évènement essentiel qui scelle définitivement son alliance avec Dieu. Au cœur de sa souffrance, elle connaît un basculement intérieur. Lors de la visite de deux prêtres en décembre 1928, elle fait l'expérience de l'amour infini de Dieu pour elle. Cette expérience spirituelle intime change profondément sa vie. Elle décide de faire en sorte que cette souffrance imposée par la maladie, absurde et inutile, prenne un sens pour l'humanité tout entière, selon ce qu'écrit l'apôtre Paul :

« Maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l'accomplis pour son corps qui est l'Église. » (Lettre de St Paul aux Colossiens, ch. 1, v. 24)

Elle reçoit les "stigmates" de la Passion du Christ chaque semaine

Progressivement, alors que son intimité et son abandon à Dieu grandissent, elle vit de plus en plus étroitement la Passion du Christ, d'abord spirituellement, puis dans sa chair. À partir du 2 octobre 1930, Marthe Robin reçoit en effet chaque vendredi les stigmates, c'est-à-dire les plaies qui reproduisent celles de Jésus Christ sur la Croix. Comme d'autres grandes figures de sainteté, saint François d'Assise, sainte Catherine de Sienne, saint Padre Pio, la voici qui manifeste dans son corps les tourments que Jésus a endurés. Tout cela se met en place petit à petit et s'approfondit... Elle raconte ainsi à l'académicien Jean Guitton, venu la visiter : « Je ne vois plus les détails de la Passion. Autrefois je voyais, j'entendais, je pouvais décrire. Maintenant je ne me rappelle plus les détails. Je suis en Jésus. »

Lorsque Marthe évoque son union à Jésus dans sa Passion, elle en parle comme une amoureuse : une « intimité d'amour et de souffrance avec Jésus ». Jésus l'unit progressivement à son Cœur, en lui faisant partager son amour pour les hommes. Si elle souffre et si elle combat, c'est pour sauver les âmes, dans la certitude que le Christ sera vainqueur.

Marthe refuse toute fascination morbide pour la croix et la souffrance. A une personne qui lui demande : «Marthe, aidez-nous à aimer la croix», Elle répond vivement : «Oh non ! Il faut aimer Jésus en croix !» Elle n'a qu'un désir, grand, immense, celui d'aimer et de faire aimer le Bon Dieu :

L'Eucharistie est sa seule nourriture

Un autre prodige nous impressionne... Durant toute sa maladie (plus de 60 ans !) Marthe ne boit et ne mange quasiment rien. Pourtant, elle ne meurt pas. Chaque semaine, seule l'hostie qu'elle reçoit peut être avalée. La Communion devient son unique nourriture. Cette rare ingestion reste elle-même un mystère car la paralysie des muscles de la gorge l'empêche de déglutir.

J'ai envie de crier à ceux qui me demandent si je mange que je mange plus qu'eux, car je suis nourrie par l'Eucharistie du sang et de la chair de Jésus. J'ai envie de leur dire que c'est eux qui arrêtent en eux les effets de cette nourriture, ils en bloquent les effets.

Là encore, au-delà du spectaculaire, la raison profonde de cette inexplicable survie sans apport nutritionnel minimal est à chercher dans l'Ecriture : « En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. » (Evangile selon Saint Jean, ch. 6, v. 55-56)

Pour les catholiques, le « Corps du Christ » reçu lors de la communion donne la vie de l'âme et atteint même celle du corps. Marthe Robin expérimente la puissance du sacrement de l'Eucharistie d'une manière très particulière : « L'Hostie me procure une impression physique de nourriture : Jésus est en tout mon corps. C'est Lui qui me nourrit. C'est comme une résurrection ! »

Des paroles inspirées
De nombreux témoignages de conversations avec Marthe manifestent son don de conseil unique, sa mémoire exceptionnelle et son immense compassion. On lui confie aussi beaucoup d'intentions de prière. La puissance de son intercession est manifeste : des situations même désespérées se dénouent et s'arrangent après qu'elle ait prié. Ses nombreuses réflexions sur l'avenir de l'Église ou de la France ont parfois été reçues comme des prophéties mais elle a toujours rejeté ce terme, au bénéfice d'une vision plus spirituelle de l'avenir qui reste toujours entre les mains de Dieu.

Quant à l'avenir, vous savez qu'on me prête beaucoup d'idées sur l'avenir. Je ne sais rien, sauf une chose : que l'avenir c'est Jésus.

Tous les chrétiens ont à participer à la Passion du Christ, à achever en leur corps ce qui manque à la Passion du Christ. Moi, je ne suis qu'un signe, un rappel pour tous les chrétiens.

Grande mystique française, Marthe Robin touche avant tout ses nombreux visiteurs par sa joie contagieuse, sa vivacité d'esprit, sa proximité avec chacun. La rencontrer, c'est être en contact avec la bonté de Dieu.

La grâce d'union mystique de 1928 : une lumière dans la nuit
A la fin de l'année 1928, lors de la mission paroissiale prêchée à Châteauneuf, Marthe reçoit une grâce d'union mystique qui provoque un tournant décisif dans son existence. Le 22 janvier 1930, elle écrit dans son Journal : "Après des années d'angoisse, de péchés, d'épreuves physiques et morales, j'ai osé, j'ai choisi le Christ Jésus."
Dans l'histoire de l'Eglise, les missions paroissiales ont représenté un élément parfois décisif pour convertir ou reconvertir les paroisses. Les curés faisaient venir des prédicateurs dits "extraordinaires" pour une durée de quelques semaines.
En novembre 1928, il y a eu, à Châteauneuf-de-Galaure, une mission prêchée, à la demande de l'abbé Faure, curé de la paroisse, par deux Capucins de Lyon. Selon le témoignage du curé, ce ne fut pas une réussite : "Quelques rares retours (à la pratique religieuse, NDLR), mais sans persévérance pour la plupart." Sauf pour Marthe...
  • Rencontre d'un prêtre capucin
    L'un des prédicateurs est le père Marie-Bernard, de Marseille (Brenard Spagnol, 1883-1943). Il est l'auteur d'un ouvrage sur Thérèse de l'Enfant-Jésus, "Message nouveau". Il est connu également pour sa dévotion aux Saints Cœurs de Jésus et de Marie. Homme de foi, ardent, lancé dans l'évangélisation, il ne jouit pas toujours d'un bon discernement et le reconnaît lui-même : il était taillé davantage en force qu'en finesse. Mais, en 1928, il est l'homme de la situation. A défaut de réussir à la paroisse de Châteauneuf, il va être le canal de la grâce auprès de Marthe Robin. Au cours de ces missions, les religieux rencontrent les familles et sont particulièrement attentifs aux souffrants.

    Une visite décisive
    Le lundi 3 décembre, le père Marie-Bernard et son confrère vont rendre visite à Marthe. Quelques jours plus tard, Marthe parle de cette visite à Mme Bonnet, une de ses amies :
    "Soeur Lautru, dit-elle, m'a bien dit de faire mon journal et je l'ai fait, mais cette semaine, j'ai laissé une page toute blanche et personne ne saura ce qui s'est passé chez moi."
    "Oh pourquoi, lui dis-je, ne pas les écrire ces belles pages ? Quel jour avez-vous sauté ?"
    "Lundi, je me suis confessée au père Marie-Bernard puis entre ma confession et ma communion, ma page restera blanche et l'on ne saura qu'au Ciel ce qui s'est passé."
    Quelques jours plus tard, je lui demandai si sa page était toujours blanche et si son humilité lui faisait toujours cacher ce qui s'était passé.
    "M. Le curé sait", me dit-elle.
    Il s'est produit un événement dans la vie de Marthe au cours de cette visite. Plus jamais elle ne sera la même. C'est dans la conversation avec le père Marie-Bernard que les choses se sont jouées. Peu de temps après, Marthe conseillera à son amie Gisèle Boutteville d'aller voir à Lyon le père Marie-Bernard : "Il vous comprendra... vous voyez, j'ai une autre orientation de vie."

    L'exemple de François d'Assise...
    Le père Marie-Bernard a donc été capable de la comprendre. Les choses ont dû être très simples. Il a probablement reconnu et validé les grâces mystiques de Marthe. La spiritualité des Capucins repose sur l'expérience de saint François d'Assise qui a été comme "identifié" au Christ : ce qu'a vécu le Christ, François a été appelé à le vivre à sa manière. Saint Paul disait : "Ce n'est plus moi qui vit, c'est le Christ qui vit en moi." François d'Assise a été, comme saint Paul, "envahi" par le Christ, configuré à Jésus, et il a même reçu dans son corps les stigmates de sa Passion. La souffrance de François, qui a été vive pendant son existence, a été transformée, transfigurée en amour. Le père Marie-Bernard a sans doute dit à Marthe que sa vocation était d'être, comme François d'Assise, tellement unie à Jésus que celui-ci voulait vivre en elle. C'est le grand choix.

    Une « effusion » de l'Esprit Saint
    Éclairée d'en haut, Marthe Robin comprend que cet appel est juste et tout se met en place. Elle reçoit comme une "effusion de l'Esprit", selon le terme consacré. L'Esprit Saint s'empare d'elle et lui donne à la fois sa mission et la force d'y répondre. Elle peut alors écrire justement dans son Journal :

    Plus ma vie sera soumise à Dieu et conforme avec celle du Rédempteur, plus je participerai à l'achèvement de son oeuvre. Ainsi, unissant à l'oblation de la victime infinie mon travail obscur, mes pauvres petites actions, mes prières inconnues des hommes, tous mes sacrifices, toutes mes souffrances et toutes mes immolations, et même la stérilité apparente de ma vie, je suis sûre, non seulement de travailler à ma propre sanctification, mais de donner à Dieu une immense couronne d'élus.

    Pour l'aider, le père Marie-Bernard lui a demandé de ne plus lire de lectures profanes, ni même de lectures religieuses ne tendant pas directement à la vie spirituelle. Il a entrepris d'établir une plus grande confiance entre elle et l'abbé Faure en se portant garant de Marthe auprès du curé. Puis se produit un événement qui la confirme complètement dans le "basculement" qu'elle venait d'opérer et lui donne les moyens d'avancer.

    Elle choisit d'offrir sa souffrance

    L'abbé Faure nous a laissé un témoignage de cet événement. Il écrit :
    "Elle craignait de s'être aventurée (de s'être trompée sur la nature de cette expérience mystique, ndlr) lorsque dans la nuit du 4 au 5 décembre, Notre-Seigneur lui apparut et après l'avoir rassurée par trois fois, lui demanda si elle consentait à souffrir pour la conversion des pêcheurs en général et de Châteauneuf en particulier et, en même temps, il lui dit qu'il voulait que je sois son père spirituel et qu'il y ait entre nous une union toute particulière.
    A chaque réponse affirmative, elle sentit et vit un glaive qui chaque fois s'enfonçait profondément dans son cœur. A partir de ce jour-là, la voilà donc entièrement dévouée à Dieu et décidée à accepter toutes les épreuves pour les pauvres pêcheurs et seul Notre-Seigneur saura ce qu'elle a enduré depuis.
    A chaque réponse affirmative, elle sentit et vit un glaive qui chaque fois s'enfonçait profondément dans son cœur. A partir de ce jour-là, la voilà donc entièrement dévouée à Dieu et décidée à accepter toutes les épreuves pour les pauvres pêcheurs et seul Notre-Seigneur saura ce qu'elle a enduré depuis."
    Le 22 janvier 1930, elle écrit dans son Journal :

    Lundi, je me suis confessée au père Marie-Bernard puis entre ma confession et ma communion, ma page restera blanche et l'on ne saura qu'au Ciel ce qui s'est passé.

    Après des années d'angoisse, de péchés, d'épreuves physiques et morales, j'ai osé, j'ai choisi le Christ Jésus.


  • Son combat victorieux contre le démon

    Apprendre à accomplir ce qui est bon pour nous et pour les autres, choisir le bonheur, c'est le combat de toute une vie. Marthe Robin, comme tout chrétien, a vécu cette lutte contre l'adversité et le malheur. Mais son désir d'appartenir totalement au Christ et de proclamer Son Amour aux hommes fait d'elle un adversaire particulier pour le démon. Pourtant, le diable ne peut rien contre ceux qui aiment Dieu...
    Le "mal" mentionné dans la prière du Notre Père n'est pas une force abstraite ou une énergie négative. Il s'agit du Prince des ténèbres - un ange déchu - qui s'oppose au Christ, Lumière du monde. Sûre de la victoire du Seigneur, Marthe témoignage inlassablement de sa confiance en Dieu. Sans cesse attaquée par les puissances des ténèbres, Marthe demeure fidèle à la lumière et à l'Amour de Dieu. Les luttes qu'elle doit mener sont à la mesure de son désir d'appartenir totalement au Christ.

    N'ayez pas peur !

    "N'ayez pas peur !", répète Jésus dans l'Evangile. "Soyez sans crainte !" La paix du Christ ressuscité habite le cœur de Marthe et lui donne l'assurance d'être libre face à celui que la tradition catholique appelle le Malin.
    Parmi les demandes formulées dans la prière du "Notre Père", on trouve la délivrance du mal : "Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du Mal." Chaque chrétien connaît en effet une lutte spirituelle contre des mauvais esprits qui essaient de l'influencer de manière négative. Chez les saints, ce combat prend souvent la forme d'une confrontation directe contre le diable. Sainte Thérèse d'Avila, le Curé d'Ars ou saint Jean Bosco - pour reprendre quelques exemples célèbres - n'y ont pas échappé.
    " Soyez sobres, soyez vigilants : votre adversaire, le démon, comme un lion qui rugit va et vient à la recherche de sa proie."
    (Première lettre de St Pierre, chap. 1, verset 13)

    Un combat vécu pour chaque âme

    Marthe expérimente d'une façon toute particulière le combat contre le Mal. Cette lutte s'amplifie lorsqu'elle décide de choisir le Christ et de faire la volonté de Dieu. Des attaques invisibles et visibles vont jusqu'à atteindre son corps. Elles échouent cependant devant la qualité d'âme de Marthe. Des armes spirituelles lui sont données pour y faire face.
    "Revêtez l'armure de Dieu, pour pouvoir résister aux manoeuvres du diable."
    (Lettre de St Paul aux Ephésiens, chap. 6, v. 11)
    Marthe vit ce combat spirituel non seulement pour elle mais pour chaque âme, pour chaque homme. La certitude de la présence de la Vierge Marie lui est d'un précieux secours.

    Quand la Vierge Marie paraît, alors le démon ne peut absolument rien sur elle. Rien.
    Elle est si belle, non pas seulement de visage... Il n'a aucun pouvoir sur elle. Aucun. Quand elle apparaît, si vous voyiez cette fuite, cette dégringolade de tous les démons, qui sont opposés entre eux, qui ont de la haine l'un pour l'autre. Quel spectacle, quelle bousculade !

    Face au diable, le Christ est vainqueur

    Dans les longues pages de son journal intime, les mentions du "diable" ou de l'"enfer" n'apparaissent que très rarement. Les mots "Amour", "confiance", "miséricorde" sont au contraire omniprésents.

    Tout se change en joie, tout se transforme dans l'amour de Dieu, c'est Lui qui change les ténèbres en aurore.

    Contre les forces du Mal, le combat de Marthe, profondément unie au Christ, est sans commune mesure avec les fruits de l'Esprit Saint liés à sa vie en Dieu. Le diable ne peut rien contre ceux qui aiment Dieu.

    Jésus se fait l'ange consolateur de toutes les âmes. Il les éclaire, les fortifie quand le danger les menace, au plus fort de la lutte, modérant les coups, tempérant le flot des tribulations et des adversités.

    Ce qui compte, c'est l'attachement au Christ et la docilité à Dieu. La victoire a été définitivement remportée par la mort et la Résurrection du Christ.

    Dieu sera avec moi toujours, quelle que soit la nuit qui m'enveloppe.

    " Qui nous séparera du Christ ?
    En tout cela, nous sommes les grands vainqueurs par Celui qui nous a aimés. Oui, j'en ai l'assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur. "
    (Lettre de St Paul aux Romains, chap. 8, v. 35 - 39)

  • L'hostie comme seule nourriture

    La paralysie progressive de ses voies digestives empêche Marthe Robin de manger et de boire. Pourtant, elle ne meurt pas. Chaque semaine, seule l'hostie qu'elle reçoit peut être avalée. La Communion devient son unique nourriture. Elle puise sa force dans l'Eucharistie.
    Dans l'existence de Marthe Robin, les paroles de Jésus dans l'Évangile sont devenues une réalité :
    « Moi, je suis le pain de la vie.
    Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif."
    (Évangile selon St Jean, chap. 6, versets 35)

    Marthe vit de l'Eucharistie

    A partir de 1930, lorsque la maladie atteint ses voies digestives, Marthe Robin ne peut plus manger. Comment parvient-elle à vivre ? L'Eucharistie devient, au sens propre, son unique nourriture. Ce n'est pas la substance de l'hostie qui la nourrit, car elle ne communie qu'une fois par semaine. Elle explique au philosophe Jean Guitton, en 1958 :

    Je ne me nourris que de cela. On m'humecte la bouche mais je ne puis avaler. L'hostie me procure une impression physique de nourriture. Jésus étant tout mon corps, c'est Lui qui me nourrit. C'est comme une Résurrection.

    Unie intimement à Dieu, Marthe voit se réaliser en elle la promesse du Christ : « Ma chair est une vraie nourriture et mon sang une vraie boisson. » (Évangile selon saint Jean, chap. 6, verset 55). Le « Corps du Christ », reçu lors de la communion, donne la vie de l'âme et atteint même celle du corps. Marthe expérimente la puissance du sacrement d'une manière très particulière :

    J'ai envie de crier à ceux qui me demandent si je mange que je mange plus qu'eux, car je suis nourrie par l'Eucharistie du sang et de la chair de Jésus.
    J'ai envie de leur dire que c'est eux qui arrêtent en eux les effets de cette nourriture, ils en bloquent les effets.

    La Première Communion, un moment décisif

    Dès sa première communion, à l'âge de dix ans, Marthe expérimente un contact intense avec Dieu :

    Je crois que ma communion privée a été une prise de possession de Notre Seigneur. Je crois que déjà Il s'est emparé de moi à ce moment-là.
    Ma communion privée a été quelque chose de très doux.

    La communion solennelle a lieu quatre ans plus tard. Marthe a alors un réel désir de la communion eucharistique. Le dimanche, quand elle garde les bêtes, elle s'arrange parfois pour aller tout de même recevoir l'Eucharistie.

    Chaque communion est une transformation

    Dans le journal qu'elle a écrit jour après jour entre 1929 et 1932, Marthe Robin écrit : « chaque communion est une transformation ». Lorsqu'elle communie, Marthe ne se contente pas seulement d'avaler et de consommer l'hostie. Elle accueille en elle ce Jésus qui est vivant, qu'elle sait vivant. Peu à peu, elle accepte de se laisser transformer par Lui.
    Elle reçoit un jour ces paroles de Jésus alors qu'elle communie : « Je viens chez toi, je viens en toi ». Le Christ lui annonce qu'il vient l'améliorer, l'éclairer, la rendre meilleure...

    La communion n'est pas une récompense, elle est un moyen d'union et d'amour et de sanctification.

    Cet amour qu'elle reçoit, parce qu'elle à remis toute sa vie à Dieu, lui permet de se donner chaque jour davantage. Marthe ne se referme pas sur les grâces extraordinaires qu'elle reçoit dans l'eucharistie. Elle communie pour porter à Dieu toutes les détresses humaines.

    Elle part en extase après chaque communion

    Après avoir reçu l'Eucharistie, Marthe ne fait qu'un avec son Seigneur et part en extase.

    La prise de possession est telle, si envahissante, si forte, si toute puissante que je perds tout contact humain, emportée par Lui dans la lumière et dans l'Amour et dans la lumière béatifique. L'union est tellement entière que je suis comme toute liquéfiée en Jésus, ne faisant plus qu'un avec Lui, dans l'amour et la contemplation. Tout l'être est ravi en Dieu, ce qui va plus loin que l'extase.

    Elle vit une union particulière et intense avec Dieu. Pendant de longues heures, plus rien n'existe autour d'elle. Jésus comble Marthe lors de ses communions et la console :

    L'hôte bien-aimé déverse en mon cœur un océan de délices... Cette divine union et fusion d'amour est la force et la vie de mon âme. Jésus est l'ami qui me console de tout.

    Témoignage : Nous avons communié avec Marthe Robin

    Deux membres du Foyer de Charité de Châteauneuf témoignent d'une communion vécue dans la chambre de Marthe :
    « A la Plaine, comme d'habitude, le père Finet pose le Saint Sacrement dans la première chambre, sur un meuble transformé en autel. Puis, il passe chez Marthe pendant que nous restons tout un groupe en prière devant Jésus-Hostie. Le père revient prendre l'hostie et nous invite à entrer près de Marthe pour la communion.
    Après le chapelet et les prières, le père se prépare à donner à Marthe la communion. Mais elle s'empresse de dire : « S'il vous plaît, voulez-vous la donner d'abord à Mireille et à Jeanne ? J'aimerais pouvoir m'unir à leur action de grâces.»
    Pleine de délicatesse, Marthe voulait vivre avec les deux femmes la joie d'une action de grâces partagée.

    L'essentiel : être uni à Dieu

    Chaque communion ne provoque pas toujours les mêmes sentiments de joie ou d'allégresse : « Ma communion sans joie sensible a été la plus fervente que je n'ai jamais faite. Du moins je crois. » Marthe invite à préparer longuement son âme à vivre la messe car :

    Une communion sans préparation et sans action de grâces, (...) est de bien peu d'utilité pour l'âme...

    La communion permet de s'unir de façon magnifique à Dieu, mais pas de façon magique.

    Si l'on me demandait : « Que vaut-il mieux faire, l'oraison ou la sainte communion ? »... Les deux sont vivement à conseiller. Mais s'il faut porter une préférence, je crois que je répondrais : l'oraison ; car l'oraison est une disposition et une préparation immédiate à la sainte communion.

    Il en coûte plus de faire oraison que de communier.

    Marthe connaît aussi la communion spirituelle. Même lorsqu'il n'est pas possible de recevoir l'hostie, il est toujours possible de communier au Christ en s'unissant à son désir de faire non sa volonté mais celle du Père :

    Jésus, c'est lui qui me nourrit.

    Tous les jours où je n'ai pas le bonheur de recevoir la sainte eucharistie et plusieurs fois dans la journée, je fais la communion spirituelle, la communion d'esprit et de cœur.

    Dans ma vie de malade, qu'il m'a été doux de communier de désir... Si je n'avais pas su cette manière de faire la communion, je n'aurais pas pu vivre.


  • Unie à la passion du Christ chaque semaine

    Au début des années 1930, Marthe reçoit les stigmates (plaies qui reproduisent celles de Jésus-Christ). Dans un premier temps, ceux-ci ne sont pas apparents. Ce n'est que plus tard que le phénomène devient visible. Tous les vendredis, jusqu'à la fin de sa vie, Marthe revit la Passion du Christ.
    Au cours de l'histoire de l'Eglise, un nombre important de personnes ont été amenées à s'unir au Christ jusque dans sa Passion au cours de laquelle les différents états de Jésus sont vécus : la déréliction à Gethsémani, le chemin de croix, la crucifixion, l'agonie sur la croix, le sentiment d'abandon par le Père, la remise entre ses mains lorsque "Tout est accompli".
    Lors de telles expériences mystiques, le monde extérieur n'existe plus. La plupart du temps, on n'est plus en présence de l'entourage. On est à Jérusalem, il y a deux mille ans. Quand la personne parle, on peut suivre les diverses étapes qui vont jusqu'à une mort qui paraît réelle. Puis, plus ou moins rapidement, le stigmatisé revient à la vie. Parfois, il est capable de recommencer aussitôt une activité normale, ce qui n'est pas, bien entendu, le cas de Marthe.

    Elle revit la Passion du Christ tous les vendredis

    Au début des années 1930, Marthe reçoit les stigmates (plaies qui reproduisent celles de Jésus-Christ). Dans un premier temps, ceux-ci ne sont pas apparents. Ce n'est que plus tard que le phénomène devient visible. Tous les vendredis, jusqu'à la fin de sa vie, Marthe revit la Passion du Christ. La durée du phénomène variera au fil du temps et ira en augmentant. Même si Marthe reste extrêmement discrète, son père spirituel, peu à peu, autorise certaines personnes à assister à cette Passion. Tant de témoins vivront cet événement qu'il paraît indiscutable. Les stigmates ne dureront pas toute la vie de Marthe, sauf ceux du front qu'on verra encore à sa mort. Cette disparition est fréquente chez les stigmatisés.
    Vers 1960, Marthe parle ainsi de sa mission à un prêtre :
    Marthe refuse toute fascination morbide pour la croix et la souffrance. A une personne qui lui demande : "Marthe, aidez-nous à aimer la croix", elle répond vivement : "Oh non ! Il faut aimer Jésus en croix !"

    Unie au Christ par amour des hommes

    Sa vie est orientée totalement vers l'union à Dieu, qui passe par l'union au Christ en Croix. Elle expérimente profondément la raison du don de la vie de Jésus pour les hommes, don manifesté par sa mort et sa résurrection sur une croix.
    Sa souffrance ne diminue pas ; son corps reste gravement malade. Mais Marthe a maintenant « choisi » sa vie et elle est entrée dans sa mission. Aussi peut-elle écrire :

    J'embrasse chaque jour avec une nouvelle reconnaissance et une immense joie l'immense tâche que m'a confiée le Rédempteur, et le remercie de m'avoir si prodigieusement fait don de son calice, de sa couronne, de ses clous et de sa sainte Croix.

    Tous les chrétiens ont à participer à la Passion du Christ, à achever en leur corps ce qui manque à la Passion du Christ total. Moi, je ne suis qu'un signe, un rappel pour tous les chrétiens."

    Jusqu'à sa mort en 1981, le rayonnement de la vie de Marthe pour les personnes, pour l' Eglise, pour le monde trouve sa source en Dieu.

  • L'épreuve de la maladie

    Marthe Robin grandit comme toutes les petites filles de la campagne française du début du XXe siècle. Une enfance simple au sein d'une famille de paysans de la Galaure, dans cette région valonnée de la Drôme. Elle est élevée dans la foi chrétienne mais la pratique religieuse est conditionnée par le travail des champs et l'éloignement de la paroisse, distante de plusieurs kilomètres de la ferme familiale. La maladie qui vient la frapper fait basculer sa vie.
    Petite fille, Marthe est décrite comme une enfant espiègle, vive et intelligente, même si elle est de constitution fragile. Souvent malade, elle a survécu à la fièvre typhoïde qui a emporté l'une de ses sœurs. C'est à l'âge de 16 ans que des migraines persistantes commencent à l'affecter. Fièvre, puis vomissements, et enfin syncopes se succèdent durant quelques mois.

    Atteinte d'une maladie incurable

    En décembre 1918, elle tombe dans le coma. Les médecins sont un peu perdus : on pense d'abord à une tumeur cérébrale, puis on accuse la grippe espagnole. Migraines violentes, fièvres, raideurs soudaines et totales de tout le corps, comas, faiblesse intense des membres, vision trouble et sensibilité extrême à la lumière, avec des périodes de rémission et des périodes d'aggravation : tous ces symptômes nous montrent que Marthe était atteinte d'encéphalite léthargique.
    La maladie avance par paliers, progressant ou régressant.
 À 17 ans, ses jambes se paralysent ; à 28 ans, une deuxième poussée provoque une paralysie totale des voies digestives ; une troisième poussée atteint les nerfs oculaires en 1939, à 37 ans. La lumière la fait beaucoup souffrir. Elle doit vivre dans la pénombre.

    Face à l'absurdité de la souffrance

    Marthe bascule donc très jeune dans un quotidien de souffrances, inconnu jusqu'alors. A la douleur s'ajoute bientôt une autre injustice, celle de la solitude. Le bruit court dans le village de Châteauneuf-de-Galaure que Marthe est atteinte de la terrible grippe espagnole : très vite, plus personne ne vient la voir, elle qui est si sociable et aime tant avoir des visites.
    En l'espace de quelques années, elle voit donc tout s'écrouler autour d'elle. Aucun projet d'avenir n'est possible. Aucune vocation ne semble envisageable. Elle est devenue un poids pour sa famille. Son seul horizon devient le volet demi-clos de sa chambre, puisqu'elle supporte à peine la lumière du jour. Sa seule perspective : attendre l'issue d'une maladie imprévisible qui lui offre des moments de rémission suivis de terribles rechutes . "Tout le monde peut, et doit accomplir sa vocation mais pas moi... La vie s'est chargée de m'enlever mes illusions et de détruire mes plans."
    A sa grande amie madame Delatour, elle écrit en 1928 : " Je me sens brisée physiquement, moralement et serais bien mieux dans la terre que dessus, à mon avis. (...) Vous, ma douce Amie qui êtes si bonne et qui me comprenez si bien, vous me pardonnerez d'être si peu vaillante."

    Unie à Dieu, sa vie prend un sens nouveau

    C'est précisément cette prise de conscience qu'elle n'aura plus jamais aucun contrôle sur sa vie qui va pourtant être décisive dans le chemin spirituel de Marthe. Le début de ce cheminement sera le fruit d'une rencontre capitale : celle des religieux capucins qui, lors d'une mission paroissiale, la visitent en 1928. C'est à eux qu'elle doit de comprendre que même la souffrance peut être utilisée par Dieu pour le salut des âmes. Devant l'injustice criante du seul chemin qui s'ouvre à elle, elle pose deux choix fondamentaux. Le premier, c'est de vivre malgré tout : plutôt que de souhaiter la mort, ou même de mettre elle-même fin à ses jours comme le fera son frère Henri, elle dit à Dieu que, s'il en voit l'utilité, elle est prête à vivre longtemps. Le deuxième, c'est d'unir cette vie brisée à celle du Christ. C'est ainsi que Marthe, méditant la Passion, vivra de plus en plus intensément les souffrances de Jésus arrêté, torturé puis crucifié par amour pour tous les hommes.

    Son combat contre la maladie

    Marthe est sans aucune complaisance envers la souffrance. Plus qu'une autre peut-être, elle fait tout pour ne plus avoir mal. Elle suit à la lettre les indications de ses médecins, tente de juguler les migraines terribles qui la terrassent en lisant malgré tout, et ne se résigne nullement à la perte de mobilité de ses membres, qu'elle active autant que les rémissions le lui permettent. Elle s'astreint aussi à effectuer des travaux de broderie malgré la raideur de ses doigts, malgré la vision double, malgré les terribles migraines, jusqu'à ce que cela devienne absolument impossible. Derrière cette obstination, une inquiétude très concrète : pouvoir payer elle-même ses médicaments et ne pas être à la charge de ses parents.
    Dramatique conséquence de la paralysie de ses voies digestives et de l'atrophie complète de son œsophage : Marthe ne se nourrit plus, sauf par la communion qu'elle reçoit chaque semaine (un apport bien insuffisant pour garder normalement qui que ce soit en vie).

    La joie de Marthe éclaire et illumine

    La douleur n'empêche pas la petite fille espiègle de devenir une adulte qui aime profondément rire et auprès de laquelle on retrouve la paix. L'une de ses proches témoigne : « Lorsqu'elle nous sentait un peu tendus auprès d'elle, elle disait : "Je vais vous raconter la dernière histoire [drôle] que m'ont racontée les élèves de Saint Bonnet [école fondée par le Foyer de Charité]". Elle nous mettait tout de suite à l'aise. Lorsque ça ne va pas, je pense au rire, à la joie de Marthe et ça me redonne du courage. »

    Tout le monde peut, et doit accomplir sa vocation mais pas moi... La vie s'est chargée de m'enlever mes illusions et de détruire mes plans.

    Si Marthe a été malade presque toute sa vie, la maladie n'était pas le centre de sa vie. Le centre, c'était le Christ. Ses souffrances sont devenues le canal par lequel la miséricorde de Dieu pouvait atteindre ceux qui venaient à elle. Ses épreuves ont été transformées en sources de vie et d'espérance.

  • L'épreuve de la maladie


    Une vie qui bascule

    Marthe Robin grandit comme toutes les petites filles de la campagne du début du XXe siècle. Une enfance simple au coeur d'une famille de paysans de la Galaure, dans cette région valonnée de la Drôme.
    Marthe aime la vie ; elle porte en elle des rêves et des projets. Mais peu à peu, des douleurs insupportables, des évanouissements, des paralysies progressives la font entrer dans un monde de souffrances inconnu jusqu'alors.
    Face à l'épreuve, face au non-sens de la douleur, tout semble s'effondrer. Où est Dieu ? Que veut-il pour elle ? Autant de questions qu'elle doit affronter alors que sa vie bascule.

    Marthe, paysanne de la Galaure

    Née au début du XXe siècle, le 13 mars 1902, dans un petit village de la Drôme des collines à Châteauneuf-de-Galaure, Marthe est une fille de la campagne. Au sommet de la colline, sur un plateau curieusement appelé « la Plaine », l'horizon est vaste et le vent souffle. « Du peuplier, on voit le quart de la France », dit-elle.
    Dans ce hameau des Moïlles, on se sent assez loin du village situé à deux kilomètres en contre bas. La ferme appartient alors à la paroisse de St Bonnet-de-Galaure ; c'est là que Marthe est baptisée le 5 avril 1902.
    Depuis son plus jeune âge, et malgré une santé fragile liée à une typhoïde contractée à l'âge d'un an, elle effectue les trajets à pied pour aller à l'école, au catéchisme, ou faire les commissions. Elle vit au rythme des saisons et des travaux des champs, proche de la nature et des animaux. On travaille dur pour vivre. Dès qu'elle le peut, elle participe aux travaux de la ferme où chacun rend service.
    Marthe développe une relation personnelle intense avec Dieu : « J'ai toujours aimé énormément le bon Dieu comme petite fille. » Ses racines resteront profondément terriennes. Pleine de bon sens, elle allie une spiritualité profonde et un réalisme à toute épreuve.
    Son enfance est semblable à celle de tant d'autres petites filles. De nature enjouée et taquine, Marthe sait aussi taper du pied quand elle n'est pas contente. Les veillées au coin du feu, rassemblant les voisins, font sa joie. On épluche les châtaignes ou on casse des noix tout en écoutant le récit des légendes de la région. Quand les instruments de musique sont de sortie, c'est tout naturellement qu'on danse ensemble. Marthe a une profonde affection pour tous les siens, et parle de ses parents comme les « deux êtres que je chéris le plus ici-bas. »

    L'épreuve de la maladie

    Adolescente, Marthe est atteinte par une encéphalite. Dans la cuisine, elle tombe sur le sol et elle crie pour faire venir un médecin. Personne ne sait ce qu'elle a. On pense à des rhumatismes. Elle souffre de douleurs insupportables, d'évanouissements, de paralysies... sans qu'un diagnostic précis puisse être établi.
    La maladie avance par paliers, progressant et régressant. En 1919, ses jambes se paralysent. Jusqu'en 1927, elle peut utiliser ses bras.En 1930, une deuxième poussée de la maladie provoque une paralysie totale des voies digestives. En 1939, une troisième chute atteint les nerfs oculaires. La moindre petite lumière la fait beaucoup souffrir. A partir de là, elle vit dans la pénombre.

    Révolte, découragement, espoirs

    Après avoir espéré guérir, Marthe connaît le découragement. Elle se révolte. Elle veut vivre ! Marthe lutte pour sa santé. Elle fait de la broderie pour pouvoir acheter des médicaments. Elle participe à des cures thermales, toutes en vain. Elle se bat comme toute jeune personne qui aime la vie et elle met, dans ce combat pour l'existence, toutes les forces dont elle dispose. Mais son avenir semble bouché.
    Qu'est-ce que le Seigneur attend d'elle ? Comment affronter la maladie ? A un âge où on porte tant de rêves, ces questions restent sans réponses :
    "Tout le monde peut, et doit accomplir sa vocation mais pas moi... La vie s'est chargée de m'enlever mes illusions et de détruire mes plans."
    Elle souffre aussi de la solitude. Sa famille travaille dans les champs. Dans la région, on est déconcerté par cette maladie inconnue. Est-ce contagieux ? Est-elle folle ? Personne ne vient la visiter.

    Je me sens brisée physiquement, moralement et serai bien mieux dans la terre que dessus, à mon avis.

    Fécondité d'une vie de malade

    Marthe ne se laisse pas aller dans sa situation. Elle ne se complaît pas dans la souffrance. Mais comment trouver un sens à sa vie de malade ? Au milieu de ce combat, elle avance. Elle ne perd ni la foi, ni l'amour, ni l'espérance. En elle, il s'établit une paix profonde :
    " La paix durable et profonde naît dans la prière et plus souvent dans la souffrance ;
    elle est semblable à un ruisseau qui coule limpide, calme et paisible entre deux rives fleuries.
    C'est bon la paix, meilleur mille fois que le succès."
    En novembre 1928, au cœur de la nuit spirituelle qu'elle traverse, elle vit un basculement intérieur. L'expérience de l'Amour infini de Dieu pour elle lui procure d'immenses consolations. Rien ne sera jamais plus comme avant.
    En 1930, elle peut écrire :

    Il y a deux ans, je souhaitais vivement mourir pour voir Dieu [...]. Maintenant, je sens que j'ai une mission à remplir. Je lutte pied à pied avec la maladie.

    Marthe a retourné une situation effroyable et lui a donné une valeur :
    " La souffrance physique et morale agissent, je crois, très efficacement et très favorablement sur mon activité spirituelle."
    "La souffrance est l'école incomparable du véritable amour"
    Au coeur de l'épreuve de la maladie, qui aurait pu l'anéantir, elle trouve une source de vie et de fécondité :
    "La douleur, la souffrance ne viennent pas du Ciel mais le secours en vient, le bonheur en est"
    Le curé et les gens du village s'aperçoivent du changement qui a eu lieu chez Marthe. Peu à peu, les amitiés se renouvellent. Dans sa petite chambre, Marthe reçoit de plus en plus de visiteurs. Avec elle, on est tout de suite à l'aise. Elle écoute, elle comprend, elle encourage.

    Je connais maintenant la joie la plus pure qu'on puisse connaître, celle de vivre pour les autres et pour leur bonheur.

    J'ai toujours aimé énormément le bon Dieu comme petite fille.

    Mon adorable Jésus,
    faites que toutes les personnes qui m'approchent me quittent consolées quand elles pleurent,
    relevées quand ils sont accablées,
    heureuses pour des jours par le souvenir d'une parole, d'un regard, d'un sourire.


  • L'épreuve de la maladie


    Les joies et les peines de la famille de Marthe

    Marthe grandit au contact de la nature, au rythme des saisons, dans une famille comme les autres avec ses joies et ses peines. Elle est la sixième enfant de Joseph et Célestine Robin. La famille de Joseph Robin est propriétaire de sa ferme et d'une exploitation agricole de 13 hectares.
    L'histoire de cette famille est proche de chacun par les événements qui l'atteignent et les épreuves qu'elle traverse...
    Le quotidien est marqué par des joies toutes simples : la fête de la moisson, les longues soirées d'hiver, avec les voisins près de la cheminée. On papote, on tricote, on chante, on danse aussi parfois à la grande joie de Marthe. Mais l'existence est austère. Le couple Robin doit travailler dur pour faire vivre toute la famille. Petite dernière de six enfants, Marthe n'est pas gâtée. Dès son plus jeune âge, elle participe à différents travaux dans les champs. Elle garde les chèvres...
    Son milieu familial est peu cultivé, même fruste. L'éducation est rude, les époux Robin sont peu pratiquants. Ils vont tout juste à l'église pour les "fêtes d'obligation" comme on disait alors... mais ils ont le souci d'inculquer deux grands principes à leurs enfants : l'unité au sein de la famille avec l'entraide dans la fratrie, le partage de leurs quelques friandises en faveur des pauvres qui passent chez eux.

    Première épreuve entre les parents de Marthe

    Le bruit a couru dans le voisinage que le bébé Marthe n'est pas l'enfant de Joseph Robin mais celui d'un employé de la ferme voisine. Rien aujourd'hui ne permet de le vérifier... mais cette rumeur, fondée ou non, atteint le couple de plein fouet et, plus tard, fait souffrir Marthe. On l'a sûrement appelée " la bâtarde "... Elle-même en a été persuadé...
    Homme affable, gentil, très habile de ses mains, monsieur Robin passe pour un homme autoritaire en famille. Pourtant, Marthe parle de lui en disant : " Il était bon, mon papa ! . Joseph Robin a reconnu Marthe comme sa fille. A différentes reprises, il lui témoignera même une affection toute particulière.
    La mère de Marthe aimera elle aussi sa fille très réellement et lui prouvera.

    Les relations entre frère et soeurs

    Henri, son frère, est qualifié de " timide ", ce qui peut signifier beaucoup de choses... en particulier une intelligence limitée et une difficulté relationnelle. Marthe éprouve un profond attachement pour lui. Elle dira plus tard : " J'aimais bien mon frère parce qu'il était timide et sa timidité lui faisait commettre des gaucheries. Je le défendais toujours. "
    Avec ses sœurs, Marthe a des relations excellentes. En 1908, l'aînée, Célina, épouse Claudius Serve et va vivre à Saint-Sorlin. Marthe a l'impression qu'on lui prend sa sœur bien-aimée et réagit mal à ce mariage. Elle a une grande peine. C'est seulement en la voyant heureuse avec son époux qu'elle se console. Elle fera plusieurs séjours chez elle.
    La seconde fille, Gabrielle, aime un garçon, désire l'épouser, et tombe enceinte de lui. Les parents du jeune homme s'opposent au mariage. Elle accouche de Gabriel-Raymond en 1914. Le père reconnaît l'enfant, mais meurt à la guerre en 1916. Marthe restera proche de sa sœur et de son neveu.
    Alice, sa sœur voisine par l'âge, va en classe avec Marthe. Elle se mariera en 1924.

    Une épidémie de typhoïde atteint toute la famille

    En 1903, les plus fragiles meurent de l'épidémie de typhoïde qui sévit : le grand-père, la petite Clémence (5 ans), la plus proche de Marthe par l'âge. La petite Marthe a alors 20 mois. Elle en réchappe mais reste fragile à tout jamais et ressent ce grand vide laissé par ceux qui sont morts.

    La douleur, la souffrance ne vient pas du ciel, mais le secours en vient, le bonheur en est.

    Décès de ses parents

    Son père Joseph meurt en 1936, sa mère Célestine en 1940.
    Hospitalisée dans un état grave, Célestine Robin est ramenée à la maison pour mourir auprès de Marthe : " A ma demande, écrit le père Finet, l'infirmier prend madame Robin et la penche sur Marthe, alors sans connaissance car elle vit la Passion. J'approche la tête de Marthe contre les lèvres de sa mère qui l'embrasse et lui dit : " Petite ! " Dernier geste d'affection de Mme Robin qui meurt peu après, paisiblement et sans angoisse.
    Au sortir de la Passion, le chagrin de Marthe fait peine à voir. Elle entre alors dans un terrible sentiment de solitude et vit une sorte de dépression bien compréhensible humainement. Mais sur le plan spirituel, le père Finet a une autre lecture. Il écrit : " Marthe a pris sur elle le purgatoire de la maman qui est montée directement au Ciel. "

    Le suicide d'Henri

    Marthe va vivre encore un deuil, celui qui l'a le plus affecté. Henri, son frère chéri, le seul de la fratrie, est resté seul à la ferme avec Marthe après le décès de leurs parents. D'abord timide et réservé, il devient cassant. Il souffre beaucoup de ses névralgies faciales, boit plus qu'il ne faut et, lorsqu'il mange à la cuisine, se sent observé par les visiteurs de plus en plus nombreux qui viennent voir Marthe. Le 8 août 1951, il se tire une balle dans la tête... Personne n'a rien entendu, ni Marthe dans sa chambre, ni les trois prêtres qui attendent dans la cuisine. La réaction de Marthe fut extrêmement douloureuse :

    Mon petit, je n'ai pas su le protéger.

    Elle confie à un ami : « C'était un timide mais il avait une grande charité. Sa maison était toujours pleine de retraitants qui venaient me voir. Jamais il ne s'est plaint ».
    Elle traverse une crise de culpabilité et d'angoisse devant le Salut de son frère, d'impuissance totale dans cet événement. Peu à peu, sa foi et son espérance reprennent le dessus et lui font trouver les justes termes de réconfort et de consolation à l'égard de ceux qui vivent un drame semblable au sein de leur propre famille.
    Sur la tombe d'Henri, on lit ces paroles d'espérance que Marthe a fait écrire. Paroles qui donnent sens à la vie de son frère : « En vérité, en vérité, je vous le dis, qui me reçoit, reçoit celui que j'aurai envoyé ».
    En 1952, à propos d'une femme qui s'était donnée la mort, elle écrit à ses proches ces paroles de miséricorde :

    Elle était peut-être plus près du Bon Dieu qu'on ne pourrait le croire, car ce n'est pas à ses jours qu'elle voulait mettre fin, mais au mal qui la torturait.

    Un amour pour les familles

    Avec les nombreux visiteurs qui se succéderont tout au long de sa vie, toute famille est l'objet de sa compassion et de sa prière continuelle. Tout ce qu'on lui confie, et tout ce qu'elle vit, elle le médite longuement en son cœur.

    Quand donc, ô Dieu tout amour, me donnerez-vous la joie immense d'une profonde communion d'âme avec les chers miens, surtout avec mes parents aimés !

    Cette compréhension de la souffrance des autres, sa touchante délicatesse qui lui fait dire juste le mot qu'il faut, tout cela était en germe dès l'enfance. Marthe n'est pas née sainte mais, très tôt, son âme d'enfant s'est éveillée à l'amour. La petite fille, dans ce qu'elle vit et ce qu'elle dit, laisse pressentir ce que sera sa vocation de femme.

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