La vie de Catherine Emmerich, Chapître II, III,  IV, V. 

15/03/2020


CHAPITRE SECOND.

Commencement de l'histoire de la prédication de Jésus :

depuis la mort de saint Joseph jusqu'au moment où Jésus va au Jourdain pour son baptême.

(Du 2 juin au 27 septembre 1821.)

- Jésus va à Hébron, à la mer Morte, sur la rive orientale du Jourdain, sur la rive occidentale,

près du lac de Génésareth, à Sidon et à Sarepta, il revient à Nazareth.

- Le sanhédrin se déclare contre Jésus.

- Jésus à Nazareth, à Capharnaûm, à Bethsaide, à Bethulie, à Kedès, à Jezrael, au séjour des publicains, à Kimki.

- Promenades et conversations avec l'essénien Eliud, dans la vallée d'Esdrelon, à Nazareth, à Gophna, à Bethanie.

- Marie la Silencieuse soeur de Lazare. - Séjour à Bethanie.

- Jésus se rend avec Lazare au lieu où l'on baptise près du Jourdain.

Remarque de l'éditeur.

Plus d'un lecteur pourra d'abord trouver étrange que les visions de ce chapitre lui montrent déjà le Sauveur enseignant et opérant des miracles, tandis qu'on est généralement habitué à se représenter la prédication de Jésus et son action miraculeuse comme ne commençant qu'après son baptême. Il pourrait facilement arriver qu'on voulût voir là une contradiction entre les visions et les saints Evangiles, parce que saint Jean (II, 11), rapporte que le Sauveur a donné commencement à ses miracles par le changement de l'eau en vin a Cana. Cette contradiction toutefois n'est qu'apparente, et il est facile de l'expliquer. En effet, c'est dans les quatre mois qui, d'après les visions, se sont écoulés depuis la mort de saint Joseph jusqu'au baptême de Jésus dans le Jourdain, que tombe l'action publique de Jean Baptiste, le précurseur chargé de préparer les voies du Seigneur. Celui ci commença à baptiser et à prêcher sur les bords du Jourdain, à peu près au moment même où Jésus, encore inconnu et regardé seulement comme un saint docteur et un prophète à cause de la charité inexprimable, de la majesté et de la mansuétude qui se manifestaient dans sa personne, parcourait la Judée, la Pérée et la Galilée, allant même jusqu'à Sidon et à Sarepta. Dans ces courses le Sauveur suivait les traces des anciens prophètes, visitait tous les lieux où il s'était passé quelque chose de figuratif se rapportant à lui, afin de donner leur accomplissement à toutes les promesses, à toutes les préparations, à toutes les figures. En même temps il pratiquait les oeuvres de charité les plus pénibles et les plus humbles qu'il ne devait plus opérer de la même manière dans les années de prédication qui devaient suivre, parce que son temps devait être autrement employé : mais surtout il adressait à Jean tous ceux qui l'écoutaient, les exhortant à aller au Jourdain et à recevoir le baptême de la main de Jean. Dans cette période, le Sauveur ne parle nulle part de lui même, il ne révèle nulle part qu'il est le Messie annoncé par Jean. Il parle uniquement de Jean, de la pénitence qu'il prêche et de son baptême.

A cela correspond aussi le caractère du petit nombre de guérisons miraculeuses dont parlent les visions de cette période. Elles font partie de ces prodiges que Maldonat et après lui Cornélius a Lapide rangent parmi ceux que Jésus a opérés plus secrètement et sans avoir directement en vue de se manifester comme le Messie attendu. Quant aux miracles opérés dans ce dernier but, le Sauveur leur a donné commencement à Cana, ainsi que cela est expliqué en son lieu d'après les visions de la manière la plus profonde : mais à vouloir affirmer que le miracle de Cana fut la première de toutes les opérations miraculeuses de Jésus, on serait aussi peu croyable, dit Maldonat, qu'en prétendant que la première instruction de Jésus après son baptême fut aussi la première qu'il eût jamais faite.

(Du 3 au 22 juin. ) Comme Jésus allait de Capharnaum à Hébron, par Nazareth, il vint dans la contrée où plus tard il nourrit un peuple nombreux en multipliant les pains et aussi dans le voisinage de l'endroit où il fit dans la suite une partie du sermon sur la montagne. Vis à vis de cette montagne, à peu près à une lieue, du côté exposé au soleil où tout mûrit si bien, il y avait une fête populaire dans un endroit très agréable, situé tout contre la route (plus tard elle dit d'une manière plus précise qu'il s'agissait des bains attenant au lac de Bethulie, situé dans le district de Génésareth, et qu'on appelait aussi la fontaine de Capharnaûm). Jésus en passant vit là des hommes et des femmes séparés en groupes qui jouaient aux gageures : l'enjeu consistait en fruits.

Ce fut là que Jésus vit Nathanaël, surnommé Khased, debout à l'endroit où se tenaient les hommes, sous un figuier et comme Nathanaël, en regardant jouer les femmes, était assailli d'une tentation de la chair contre laquelle il luttait, Jésus en passant le regarda fixement comme pour l'avertir. Nathanaël, sans connaître Jésus, fut profondément ému de ce regard : cet homme, pensa t il, a l'oeil pénétrant. Jésus lui fit l'effet d'être plus qu'un homme ordinaire. Il se sentit atteint, rentra en lui même, surmonta la tentation et fut, à dater de ce moment, beaucoup plus fort contre lui même. Il me semble avoir aussi vu là Nephtali, surnommé Barthélémy, et je crois que lui aussi fut vivement touché d'un regard de Jésus.

Marie resta à Nazareth avec Marie de Cléophas, dont le troisième mari Jonas, dirigeait le ménage dans la maison de sainte Anne. Jésus alla avec deux de ses amis d'enfance à Hébron, dans la Judée. Ceux ci ne lui restèrent pas fidèles ; ils devinrent ses ennemis, et ce ne fut qu'après la résurrection, lors de sa manifestation sur la montagne de Thébez, en Galilée, qu'ils se convertirent et se réunirent à la communauté chrétienne.

(5 juin. ) J'ai vu Jésus visiter Lazare à Bethanie. Lazare paraissait beaucoup plus âgé que Jésus : il me semblait au moins avoir huit ans de plus. il avait un grand étal de maison avec beaucoup de serviteurs, de propriétés et de jardins. Marthe avait sa maison à elle, et une autre soeur, nommée Marie, qui vivait tout à fait retirée, avait aussi sa demeure à part Madeleine habitait dans le château de Magdalum. Lazare connaissait depuis longtemps déjà la sainte Famille : il avait précédemment aidé Joseph et Marie dans leurs nombreuses aumônes. Je vis aussi plus clairement que je ne l'avais fait encore, combien Lazare a fait pour la communauté chrétienne depuis le commencement jusqu'à la fin : c'était lui qui remplissait la bourse que portait Judas et qui avait fait les premiers frais de tout. Jésus fut aussi au temple à Jérusalem.

(6 juin.) à Hébron Jésus se sépara de ses compagnons. Il dit qu'il avait un autre ami à visiter. Zacharie et Elisabeth ne vivent plus. Jésus alla dans le désert où Elisabeth avait porté Jean encore enfant. Il était situé au midi entre Hébron et la mer Morte. On franchissait d'abord une montagne élevée, couverte de cailloux blancs, et on descendait ensuite dans une jolie vallée où il y avait des palmiers. C'est là que je vis aller Jésus.

( 7 juin. ) Jésus est allé dans la grotte où Jean fut d'abord conduit par Elisabeth. Il a passé ensuite une petite rivière que Jean aussi avait traversée. Je le vis seul et en prières, comme s'il se préparait à sa carrière de prédication.

(8 11 juin) Je vis Jésus revenir du désert à Hébron Partout il prêtait une main secourable. Ainsi je vis que près d'un grand amas d'eau, c'était de l'eau salée (vraisemblablement la mer Morte), il vint en aide à des gens embarqués sur une espèce de radeau, au dessus duquel était dressé un pavillon. Il y avait là des hommes, des animaux et des bagages. Jésus les appela et poussa une poutre du rivage jusqu'à leur embarcation. Il les aida à débarquer et travailla avec eux à réparer leur bateau. Ces gens ne pouvaient s'imaginer qui il était, car sans avoir rien qui le distinguât des autres dans ses vêtements, toute sa personne était si merveilleusement attrayante et si pleine de dignité qu'ils en étaient grandement émus. Ils crurent d'abord que c'était Jean Baptiste, qui avait déjà paru sur les bords du Jourdain : mais ils reconnurent bientôt que ce n'était pas lui, car Jean était plus brun et avait des dehors plus rudes. Jésus célébra le sabbat à Hébron. Il congédia là ses compagnons de voyage. il alla visiter des malades dans leurs maisons, les consola, les assista, les soulevant, les portant, arrangeant leurs couches ; mais je ne je vis pas guérir. il se montrait bienfaisant envers tous et excitait partout l'admiration. Je le vis aller vers des possédés, qui devinrent tranquilles quand il fut près d'eux : cependant il ne chassa pas de démons. Il relevait ceux qui tombaient, donnait à boire à ceux qui avaient soif, indiquait les sentiers et les gués à ceux qui cheminaient, et tous étaient dans l'admiration de ce voyageur si charitable. Dans la nuit du samedi il quitta Hébron, et le dimanche au matin il arriva à l'embouchure du Jourdain dans la mer Morte. Il traversa là le Jourdain et, remontant la rive orientale du fleuve, il se dirigea vers la Galilée.

(12 juin.) Je vis Jésus dans ces derniers jours aller à l'orient de la mer de Galilée, entre Pella et la contrée de Gergesa. Il fait de petits voyages, et partout il se montre secourable. Il va visiter tous 16 ; malades et même les lépreux : il les console, arrange leur couche, les exhorte à prier, leur indique un régime et des remèdes, et tous l'admirent. J'ai vu aussi dans un endroit deux personnes qui avaient connaissance des prophéties de Siméon et d'Anne, et `qui lui demandèrent si c'était de lui qu'il s'agissait. Ordinairement des gens qui l'avaient pris en affection l'accompagnaient d'un lieu à l'autre. Les possédés devenaient tranquilles près de lui. Je l'ai vu cette nuit au bord d'un petit torrent (le Hiéromax)qui tombe dans le Jourdain au dessous de la mer de Galilée, non loin de cette montagne escarpée de laquelle, plus tard, il précipita les pourceaux dans la mer Au bord du torrent était une rangée de petites huttes en terre, semblables à des cabanes de bergers ; il s'y trouvait des gens qui construisaient des bateaux sur le rivage et qui ne pouvaient pas en venir à bout. Je vis Jésus aller à eux et les conseiller amicalement ; et je vis apporter des poutres, mettre là main à leur travail, leur montrer divers procédés à employer, et pendant le travail les exhorter à la charité et à la patience, etc.

(20 juin.) J'ai vu Jésus plusieurs autres fois depuis que je l'avais vu sur la rive orientale de la mer de Galilée, mais j'ai toujours tout oublié. Il revint sur le bord occidental, et je le vis cette nuit dans un petit endroit composé de maisons dispersées et situé sur un plateau élevé, entre deux collines, non loin de Capharnaum, de Magdalum et de Domna, au nord est de Séphoris. Il s'y trouvait une synagogue. Les habitants étaient des gens dont personne ne s'occupait ; toutefois ils n'étaient pas méchants. Abraham avait possédé là des prairies pour les bêtes destinées aux sacrifices ; Joseph et ses frères gardaient leurs troupeaux dans les environs, et c'est dans cette contrée que Joseph fut vendu. Le lieu s'appelle Dothaim et doit être distingué de Dothan, qui est à environ quatre lieues de Samarie. C'était maintenant un petit endroit peu habité : mais le terroir était bon, et il s'y trouvait de nombreux pâturages qui s'étendaient de plain pied jusqu'à la mer de Galilée. Il y avait là une grande maison, comme une maison de fous, où demeuraient plusieurs possédés. Ils étaient furieux et se battaient à outrance lorsque Jésus arriva. Personne ne pouvait en venir à bout. Jésus entra pour les visiter et s'entretint avec eux. Alors ils devinrent parfaitement paisibles. Il leur fit une exhortation, et ils sortirent tranquillement de cette maison pour s'en retourner chez eux Les habitants étaient très étonnés de cela, ils ne voulaient plus laisser partir Jésus et on l'invita à un mariage. J'y ai vu pratiquer les mêmes usages qu'à Cana. Il n'assista à la fête que comme un étranger qu'on honore. Il tint des discours bienveillants et pleins de sagesse, et donna des avis au, fiancés. Ceux ci dans la suite, se joignirent aux disciples lors de l'apparition sur le mont Thébez.

(22 juin.) Aujourd'hui je vis notre Seigneur Jésus de retour à Nazareth : il y visita successivement les connaissances qu'y avaient ses parents, mais partout il fut reçu très froidement. Je vis cette nuit qu'il voulait aller dans la synagogue pour y enseigner, et qu'ils l'en empêchèrent : je vis aussi qu'il parla du Messie sur une place publique devant beaucoup de monde, devant des sadducéens et des pharisiens, disant que le Messie ne serait pas comme chacun se le figurait d'après ses désirs : il parla aussi de Jean Baptiste, qui était la voix dans le désert. Il avait été accompagné depuis le pays d'Hébron par deux jeunes gens qui portaient de longs vêtements avec une ceinture, comme les prêtres Je les vis ici, mais ils n'allaient pas toujours avec lui. Il célébra ici le sabbat.

(25 juin.) Je vis Jésus et Marie, en compagnie de Marie de Cléophas, des parents de Parménas et d'autres personnes, faisant une vingtaine en tout, quitter Nazareth et se rendre à Capharnaüm. Ils avaient avec eux des ânes portant des bagages. La maison de Nazareth resta parfaitement nettoyée et arrangée : comme on en avait tout enlevé et qu'on avait seulement disposé quelques couvertures à l'intérieur, elle me faisait l'effet d'une église ; Elle resta inhabitée. La maison de sainte Anne est toujours occupée par le troisième époux de Marie de Cléophas ; il y a aussi là habituellement quelques uns des fils de celle ci, lesquels prennent soin de la maison. José Barsabas, le plus jeune, était parti avec sa mère, et il se rendit a la pêcherie : le petit Siméon, né du troisième mariage, était aussi avec elle. Je vis les jours suivants Jésus et Marie dans la maison située entre Capharnaum et Bethsaïda. Marie de Cléophas demeurait tout près de là, et les parents de Parménas à peu de distance.

(28 juin.) Je vis Jésus de nouveau en course ; il s'arrêta dans un petit endroit où il parla dans la synagogue du baptême de Jean, de l'approche du Messie et de la pénitence. Les auditeurs murmuraient, le regardant, avec mépris, et j'en entendis quelques uns dire : " il y a trois mois, son père, le charpentier, vivait encore : il travaillait alors avec lui : maintenant il a un peu couru à l'étranger, et il revient pour nous enseigner ce qu'il a appris. Je riais en moi même de ce qu'ils croyaient qu'il était allé en pays étranger, tandis qu'il était dans le désert pour se préparer.

(14 juillet.) La Soeur, pendant ces jours là, ne cessa pas de voir toutes les allées et venues de Jésus et de Jean. Elle voit encore le Seigneur aller de lieu en lieu et se montrer particulièrement là où Jean a passé. Il va dans les synagogues : il enseigne, console et assiste les malades. Elle le vit à Cana, où il avait des parents qu'il visita et où il enseigna aussi. Elle ne le voit pas encore avec aucun de ses futurs disciples. On dirait qu'il apprend d'abord à connaître les hommes, et qu'il continue ce que Jean a commencé à produire en eux. Souvent un homme de bien l'accompagne d'un lieu à l'autre.

(6 juillet. ) Je vis aujourd'hui quatre hommes parmi lesquels étaient de futurs disciples de Jésus dans la contrée entre Samarie et Nazareth, sous des arbres voisins de la grande route : ils attendaient Jésus, qui était en course avec un compagnon. Ils allèrent au devant du Seigneur et lui racontèrent qu'ils avaient été baptisés par Jean, et qu'il parlait de l'approche du Messie. Ils lui racontèrent encore avec quelle sévérité il avait parlé aux soldats, et qu'il n'avait baptisé que quelques uns d'entre eux. Il leur avait dit, entre autres choses, qu'il ferait aussi bien de prendre des pierres dans le Jourdain et de les baptiser. Je les vis aller plus loin avec Jésus.

(11 juillet.) Ces jours ci, je vis le Seigneur remonter vers le nord le long de la mer de Galilée. Il parla déjà plus clairement du Messie, et dans beaucoup d'endroits les possédés poussèrent des cris derrière lui : il chassa aussi un démon d'un homme. il enseigna dans des écoles.

Il fut rencontré par six personnes qui venaient du baptême de Jean, et dont étaient Lévi, nommé plus tard Matthieu et deux des fils des trois veuves : Nathanaël, le fiancé de Cana, n'en était pas. Ils le connaissaient comme ayant avec lui des rapports de parenté, et par ce qu'ils en avaient entendu dire : ils pressentaient aussi qu'il pouvait bien être celui dont Jean avait parlé, mais ils n'en avaient pas la certitude ils racontèrent des choses relatives à Jean, parlèrent de Lazare et de ses soeurs, et aussi de Magdeleine qui devait être possédée du démon. Elle demeurait seule déjà dans son château. ils firent route avec Jésus, dont les discours les émerveillaient. Ceux qui allaient de Galilée vers Jean pour être baptisés, lui racontaient ordinairement ce qu'ils savaient de Jésus et ce qu'ils en avaient entendu dire, tandis que ceux qui venaient d'Ainon, le lieu où Jean baptisait, faisaient à leur tour à Jésus des récits sur Jean.

Je vis Jésus, sans ses compagnons, entrer près du lac dans une pêcherie entourée d'une haie, où il y avait cinq barques. Sur le rivage étaient plusieurs cabanes où se tenaient les pêcheurs. Cette pêcherie appartenait à Pierre ; il était dans une des cabanes avec André. Jean et Jacques, avec leur père Zébédée et plusieurs autres, étaient sur les barque Dans la barque qui était au milieu se trouvait le père de la femme de Pierre avec trois de ses fils. J'ai su tous leurs noms, mais je les ai oubliés. Le père était surnommé le Zélateur, parce qu'il avait soutenu sur le lac un combat contre les Romains au sujet d'un droit relatif à la navigation ; c était de là que lui venait ce nom. Il y avait environ trente hommes sur les barques.

Jésus suivit le chemin bordé d'une haie, qui était entre les cabanes et les barques ; il s'entretint avec André et avec d'autres ; je ne sais pas s'il parla aussi à Pierre. ils ne le connaissaient pas encore. Il parla de Jean et de l'approche du Messie. André était déjà baptisé et disciple de Jean. Jésus leur dit qu'il reviendrait les voir.

( Du 11 au 26 juillet. ) Jésus s'éloigna du lac et se ! dirigea vers le Liban ; il prit ce parti parce qu'on parlait beaucoup de lai dans le pays et qu'il en résultait une certaine agitation. Plusieurs regardaient Jésus comme le Messie. D'autres parlaient d'un autre personnage que Jean aurait désigné.

Jésus était accompagné de six à douze personnes dont le nombre croissait ou diminuait successivement pendant le voyage. Ils écoutaient ses instructions avec joie, et ils soupçonnaient parfois qu'il devait être celui auquel Jean faisait allusion. Jésus ne s'adjoignit particulièrement aucun d'eux ; à vrai dire, il était seul, mais il semait et préparait d'avance. Dans toutes ses courses, je vis plusieurs choses qui se rapportaient aux courses et aux actions des prophètes, surtout d'Elie.

Je vis Jésus, avec environ dix compagnons, sur une éminence dépendant du Liban, vis à vis d'une grande ville située le long de la mer Méditerranée. On avait, de cette hauteur, une vue d'une beauté incomparable. La ville paraissait placée tout au bord de la mer, mais, quand on se trouvait dans son enceinte, on voyait qu'elle en était bien éloignée de trois quarts de lieue. Elle était très grande et très tumultueuse ; lorsqu'on la regardait du haut de la montagne, on croyait voir une quantité innombrable de navires ; car, sur ses nombreux toits en terrasse, il y avait une forêt de perches et d'échafaudages où étaient suspendues et déployées de longues banderoles d'étoffe rouge et d'autres étoffes de diverses couleurs, et, dans les intervalles, on voyait une fourmilière d'hommes qui travaillaient. Le pays d'alentour était plein de petits endroits très fertiles : tout était couvert de fruits. Il y avait partout de grands arbres, autour desquels régnaient des sièges, d'autres où l'on montait par des escaliers si bien que des sociétés entières pouvaient s'asseoir au milieu des branches, comme dans des maisons aériennes. La plaine dans laquelle la ville se trouve, entre la montagne et la mer, n'est pas très large.

Il y avait dans cette ville des pa'ens et des juifs qui trafiquaient ensemble. L'idolâtrie y était très répandue. Le Seigneur, tout en cheminant, enseigna et prêcha dans les petits endroits, sous les grands arbres ; il parla de Jean, de son baptême et de la pénitence.

Dans la ville, Jésus fut bien accueilli. Il y est allé déjà une fois. Il parla dans l'école de la venue prochaine du Messie et de la destruction des idoles. La reine Jézabel, qui persécuta Elie avec tant d'acharnement, était de cette ville.

Jésus laissa ses compagnons à Sidon et alla dans un petit endroit, situé plus au midi, à quelque distance de la mer. Il veut s'y tenir quelque temps à l'écart pour prier. La ville est toute entourée de bois d'un côté, elle a des murs épais, et il y a des vignes à l'entour. C'est Sarepta, où Elie fut nourri par la veuve. Je vis toute cette histoire. Il en était résulté pour les juifs une superstition qui avait gagné aussi les pa'ens ; c'était de faire en sorte qu'il y eut toujours de pieuses veuves logées dans les murs qui entouraient la ville. ils croyaient que cela les garantissait de tout danger et leur permettait de se livrer impunément à toute espèce de désordres. Actuellement c'étaient des vieillards qui habitaient là. Jésus logea chez un vieillard, dans une maison pratiquée dans la muraille. Ces vieilles gens sont des espèces d'ermites Jésus leur parla du Messie et de Jean. Il alla aussi à la synagogue instruisit les enfants et célébra le sabbat.

(14 juillet. ) Jésus restera encore quelque temps ici ; il ira ensuite au baptême de Jean. Il se tient principalement chez de vieux juifs pieux logés dans les murs de Sarepta, qui vivent là par suite d'un vieil usage, et pour honorer le souvenir d'Elie. Ils se livrent à la méditation et à l'interprétation des prophéties et prient beaucoup pour l'avènement du Messie. Jésus Leur donne des instructions sur le Messie et sur le baptême de Jean. Ils sont pieux, mais ils ont beaucoup d'idées fausses : ils croient, par exemple, que le Messie doit venir avec une pompe mondaine. Jésus va souvent prier seul dans la forêt voisine de Sarepta il enseigne dans la synagogue, et s'occupe aussi à instruire les enfants.

Le jour suivant, la Soeur vit Jésus enseigner dans divers endroits où il y avait beaucoup de pa'ens il exhortait les juifs à ne pas se mêler avec les paiens. Il y avait là des gens de bien, il y en avait aussi de très mauvais. Jésus n'est accompagné de personne, si ce n'est parfois de quelques habitants du pays. Je le vois souvent enseigner en plein air devant des hommes et des femmes, sur de petits tertres ou sous des arbres.

La saison est telle dans ce pays, qu'il me semble toujours être au mois de mai, parce que dans ta terre Promise les semailles faites pour la seconde récolte sont en ce moment au même point où elles sont chez nous au mois de mai. On ne coupe pas ici le blé si près de terre : on prend la tige avec la main un peu au dessous de l'épi, et on la coupe à peu près une coudée plus bas. On ne bat pas le grain : les petites gerbes sont posées verticalement, et on fait passer dessus un rouleau placé entre deux boeufs. Le grain est beaucoup plus sec qu'ici et se détache très facilement. Cela se fait en plein air, ou bien dans une grange ouverte de tous côtés, et couverte seulement d'un toit de paille.

Dans ces derniers jours je vis Jésus aller au nord est de Sarepta, dans un endroit peu éloigné du champ de bataille où Ezéchiel, ravi en esprit, eut la vision dans laquelle il vit les ossements des morts se ranger en ordre dans une grande plaine, puis se revêtir de nerfs et de chair, après quoi il vint un souffle qui leur inspira l'esprit et la vie. Il me fut expliqué que les os qui se rassemblaient et se recouvraient de chair étaient la figure du baptême de Jean et de son enseignement, tandis que l'esprit et la vie qui venaient les animer signifiaient la rédemption de Jésus et la descente du Saint Esprit.

Jésus consola les habitants de ce lieu qui étaient très languissants et très abattus, et il leur expliqua aussi la vision d'Ezéchiel.

De là il se dirigea encore plus au nord, jusque dans la contrée où Jean était venu d'abord en sortant du désert. C'est un petit village de bergers où Noémi résida assez longtemps avec sa fille Ruth. Elle avait laissé un si bon souvenir, que ces gens en parlaient encore. Plus tard elle demeura à Bethléem. Le Seigneur prêcha ici avec beaucoup de chaleur. Le temps approche où il doit se diriger vers le midi, puis se rendre à Samarie pour son baptême. Le village des bergers est arrosé par un petit cours d'eau derrière lequel se trouvait, à une grande élévation, le puits du désert de Jean. Près de ce puits, le chemin descend à pic vers le champ de bataille d'Ezéchiel ; on descend là à une grande profondeur : cela rappelle l'endroit par où Adam et Eve furent chassés du Paradis Sur leur chemin les arbres devenaient toujours plus petits et plus rabougris ; ensuite il n'y avait plus que des broussailles, et tout autour d'eux était stérile et désolé. Le Paradis était aussi élevé que le soleil, et il descendit comme derrière une montagne qui parut s'élever devant lui.

Le Sauveur passa par le chemin que suivit. Elle lorsqu'en partant du torrent de Khrit, il alla à Sarepta. Il revient du village des bergers à Sarepta. Il enseigne ça et là sur sa route et passe devant Sidon. De Sarepta il ira bientôt au midi pour son baptême. Il célèbre encore le sabbat à Sarepta.

(Du 27 au 29 juillet.) Après la clôture du sabbat, Jésus partit de Sarepta pour se diriger vers la Galilée et Nazareth. Il enseigna ça et là : en dernier lieu, je le vis enseigner sur une colline'' Elle dit encore : Jésus est en route pour Nazareth. Il enseigne ça et là. Il a quelquefois des compagnons. Quelquefois il erre seul pendant la nuit. Il marche maintenant les pieds nus ; il a avec lui ses sandales, qu'il met lors qu'il entre dans un village. Il est à présent dans les vallées qui sont vis à vis du mont Carmel. Il est venu une fois très près de la route qui va de cette contrée en Egypte mais il s'est détourné vers le levant. Je crois qu'il va à Nazareth, puis à Samarie et au baptême. Ce voyage durera bien encore deux semaines.

La mère de Dieu, Marie de Cléophas, la mère de Parménas et deux autres femmes, sont aussi en route pour Nazareth. La maison de Marie est toujours silencieuse et bien en ordre : je vois la chambre où Jésus dormait et priait habituellement.

Des femmes de Jérusalem sont aussi en route pour Nazareth : ce sont Séraphia (Véronique), Jeanne Chusa, encore une autre, comment s'appelle t elle donc ? et le fils de Véronique qui plus tard se joignit aux disciples. Ils vont, je crois, pour visiter Marie. Je les ai déjà vus à l'occasion des voyages annuels à Jérusalem.

Il y a trois endroits où les familles pieuses vont prier tous les ans, ce que faisaient aussi Joseph et Marie. C'est au temple de Jérusalem, à Bethléem, près du Térébinthe, à un endroit où l'on célèbre un fait de l'Ancien Testament, je ne sais plus lequel(1), et au mont Carmel, où se trouve aussi un oratoire. La famille d'Anne et d'autres personnes pieuses y passent ordinairement en revenant de Jérusalem : c'est en général au mois de mai. Il est arrivé là à Elle quelque chose qui a rapport au Messie. Je ne m'en souviens pas distinctement à présent : mais je pense que le prophète eut là la Vision d'une grande figure de femme : c'était quelque chose qui se rapportait à la sainte Vierge. Il y avait aussi là une fontaine et une grotte d'Elle où la pierre était tendre : c'était comme une chapelle. Il venait toujours là de temps en temps des juifs pieux qui priaient pour l'avènement du Messie : il y avait aussi des anachorètes juifs : il y eut plus tard des ermites chrétiens.

Note 1 : La narratrice croit qu'il s'agit de Maraha, nourrice d'Abraham, dont il sera parlé plus au long ailleurs.

(30 juillet.) J'ai été cette nuit et suis encore aujourd'hui dans la contrée du mont Thabor : Jésus est dans une petite ville située sur le revers occidental de la montagne, et il enseigne dans l'école sur le baptême de Jean. Il a cinq compagnons. Quelques uns seront plus tard ses disciples futurs. J'ai su le nom de quelques uns. J'ai très bien vu le pays et toute la montagne.

La Mère de Dieu et les autres femmes sont a Nazareth : il en est de même de Véronique, qui est partie précédemment de Jérusalem avec 'ses compagnes, et qui a pris les saintes femmes à Capharnaum. Il y a avec elle Jeanne Chusa, une soeur de la prophétesse Anne, qui est attachée au service du temple, et un fils de Véronique, qui plus tard alla en France.

(1er août.) Je vis le sanhédrin de Jérusalem envoyer des messagers avec des lettres dans les principaux endroits de la Terre Promise où il y avait des écoles juives : il avertissait ceux qui y étaient préposés d'avoir l'oeil sur un homme dont Jean Baptiste avait dit qu'il était celui qui devait venir, et qu'il viendrait à son baptême. Ils devaient veiller sur cet homme et faire des rapports sur lui : car si c'est le Messie, disaient ils, il n'a pas besoin du baptême de Jean. Tout cela les importunait beaucoup ; ils avaient entendu dire que c'était le même qui, étant enfant, avait enseigné dans le temple, etc.

Je vis ces messagers arriver dans une ville située près de la mer, à quatre lieues du chemin d'Hébron, dans la contrée où les messagers de Mo'se et d'Aaron trouvèrent les grosses grappes de raisin. La ville s'appelle Gaza. Je vis aussi Gaza dans l'état où elle fut longtemps après, peut être comme elle est à présent. Je vis peu de maisons, et seulement quelques vieilles substructions : je vis une longue rangée de tentes qui s'étendaient, je crois, jusqu'à la mer : il y avait beaucoup d'étoffes et de soieries mises en vente.

Il ne reste presque plus rien de l'ancien Nazareth : mais on peut encore reconnaître à peu près les montagnes : seulement tout est impraticable, dégradé par les pluies et couvert de décombres. Il y a la des rochers tout nus et surplombant tellement, qu'on est tout enraye d'y voir monter quelqu'un. Le pays est encore fertile ; il y a beaucoup d'animaux sauvages, spécialement des colombes : toutes les maisons et les vignes sont couvertes de tourterelles sauvages aussi grosses que nos pigeons domestiques.

Sur le mont Carmel, il y a encore plusieurs grottes où habitent des ermites : il s'y trouve, en outre, un couvent. J'ai vu hier, dans la nuit, beaucoup de choses touchant cette montagne. Les ermites sont en ce moment très inquiets et prient beaucoup, car il y a à peu de distance de là des soulèvements et des combats entre les Turcs et un autre peuple voisin du Liban.

(4 août.) Jésus, accompagné de cinq disciples, enseigna ça et là jusque dans la contrée où est le puits de Jacob : ce fut aussi là qu'il célébra le sabbat. Il me semble qu'il ira bientôt à Nazareth les saintes femmes y sont.

(5 août.) Je vis Jésus quitter la contrée où est le puits de Jacob, et revenir à Nazareth avec ses cinq compagnons. La sainte Vierge vint à sa rencontre ; mais quand elle vit qu'il avait des compagnons avec lui, elle resta a quelque distance et revint sur ses pas sans l'avoir salué. J'admirai son abnégation. Je vis Jésus enseigner ici dans l'école. Les saintes femmes étaient présentes.

(7 août.) J'allai à Nazareth et je vis Jésus dans la synagogue avec les cinq disciples et une vingtaine de ses compagnons de jeunesse de Nazareth. il y avait beaucoup de monde. Les saintes femmes n'étaient pas présentes. Il fit une instruction. J'entendis les auditeurs murmurer et chuchoter : " il veut peut être, disaient ils, s'établir à l'endroit où Jean baptisait et que celui ci a abandonné, puis baptiser lui même et se faire passer pour un personnage de même espèce. Mais ce n'est pas du tout la même chose. Jean a vécu dans le désert : quant à celui ci, nous le connaissons bien : ce n'est pas lui qui nous séduira ". Après avoir un peu regardé cette scène, je fus conduite vers Jean Baptiste.

( 9 août.) Je vis que Jésus se préparait à quitter Nazareth avec deux compagnons, pour se rendre à Bethsaïda où il put encore réveiller quelques âmes par son enseignement. Les saintes femmes et d'autres compagnons de Jésus sont encore à Nazareth. Je vis Jésus dans la maison de sa mère où ses autres amis étaient aussi rassemblés. Il leur expliqua qu'à cause des murmures et du mécontentement qui s'étaient élevés contre lui à Nazareth, il voulait aller à Bethsaide, d'où il reviendrait plus tard. Je le vis quitter la maison avec trois disciples. C'étaient Amandor, le fils de Véronique, un fils d'une des trois veuves parentes de Jésus, son nom était comme Sirach, et un parent de Pierre, qui fut plus tard un disciple connu.

(10 avril.) Comme le il août était la fête de sainte Suzanne, martyre, et que la narratrice avait près d'elle une de ses reliques, elle la vit toute la nuit près d'elle pendant son voyage. Elle dit à cette occasion : "Suzanne a voyagé avec moi, elle était toujours près de moi, souvent aussi elle me parlait, mais elle était autrement que moi, à cause de son extrême légèreté, et quand je voulais la saisir, je ne pouvais pas. J'allais avec elle d'une scène à l'autre et elle me donnait des consolations : mais quand j'entrai dans une scène bien distincte, comme par exemple ici, à Bethsaide, elle disparut.

Je vis Jésus à Bethsaïda, prêcher avec beaucoup de force dans la synagogue, le jour du sabbat. Il leur dit qu'ils devaient maintenant accepter ce qui leur était notifie, aller au baptême de Jean et se purifier par la pénitence : qu'autrement il viendrait un temps ou ils crieraient : Malheur à nous. Il y avait beaucoup de personnes dans la synagogue, mais aucun des futurs apôtres, excepté Philippe, si je ne me trompe. Les autres apôtres de Bethsaïda et des environs étaient allés ailleurs pour le sabbat. Ils se tenaient dans une maison près de la pêcherie, dans le voisinage de Capharnaum.

Pendant l'instruction de Jésus à Bethsaïda, j'avais prié pour que ces gens allassent au baptême de Jean et se convertissent sincèrement. Là dessus un tableau me fut présenté. Je vis Jean comme le préparateur qui, au moyen d'une première ablution, enlevait les souillures les plus fortes et les plus grossières. Je le vis se livrer à ce travail avec bien de l'énergie et de l'activité, avec bien de la rudesse et de la sévérité, et la peau qui le couvrait tombait tantôt d'une épaule, tantôt de l'autre. Ce devait être un symbole figuratif, car je vis quelques uns des baptisés desquels se détachaient des espèces d'écailles, d'autres dont il sortait comme de noires vapeurs, et plusieurs sur lesquels s'abaissaient des nuées lumineuses et brillantes.

De ce tableau, je revins, en compagnie de sainte Suzanne à un autre tableau du séjour de Marie à Ephèse.

12 août. ) Je vis Jésus et ses compagnons aller entre Bethsaïda et Capharnaum, à l'endroit où était la maison qu'il habitait. Ils allaient ça et là dans les maisons disséminées, et invitaient les gens à venir entendre l'instruction. Beaucoup de personnes se rassemblèrent et Jésus fit une longue instruction. Je ne vis pas là d'apôtres.

Elle raconta ce qui suit très tranquillement comme si cela se passait devant ses yeux, niais on la dérangea et le récit fut interrompu.

(13 août.) J'ai vu Jésus à Capharnaum se rendant à l'école. Il va tout droit devant lui, sans se détourner, comme s'il était tout à fait inconnu. Les trois disciples marchent près de lui. Il vient des groupes de tous les côtés. Il s'y trouve des pêcheurs. Je vois Pierre, André, et d'autres encore dont plusieurs ont déjà été baptisés par Jean. Ils avaient déjà vu Jésus : il s'était entretenu avec eux près du lac avant son voyage à Sidon. Maintenant ils avaient entendu parler de lui soit dans d'autres endroits, soit après sa dernière instruction à Bethsaide.

Les habitants de Capharnaum étaient fort satisfait ; et désiraient vivement savoir ce que c'était que cette nouvelle doctrine. L'école est bien tenue Jésus monte à la place d'où l'on parle par des degrés qui se trouvent à l'un des côtés de la salle : une foule si nombreuse se presse autour de lui qu'il monte encore plus haut... (Ici elle fut interrompue.)

(15 août.) Jésus a quitté Capharnaum. Je l'ai vu, à deux lieues au midi, enseigner devant beaucoup de monde. Il n'y avait avec lui que les trois disciples. Les futurs apôtres qui l'avaient entendu à Capharnaum, étaient retournés au lac, sans qu'il se fût entretenu en particulier avec aucun d'eux. Ici aussi, il parla du baptême de Jean et de l'accomplissement de la promesse.

(16 août.) Jésus, hier et aujourd'hui, traversa la basse Galilée, où il enseigna ça et là, se dirigeant au midi vers Samarie. Je ne sais plus où il célébra le sabbat.

(19 août.) Jésus fut le jour du sabbat dans une école entre Nazareth et Séphoris. Les saintes femmes de Nazareth étaient présentes, ainsi que la femme de Pierre et celles de quelques autres des futurs apôtres. Plusieurs de ceux ci qui avaient reçu le baptême de Jean, étaient venus également pour le sabbat. il n'y avait là que quelques maisons et une école : cet endroit n'était séparé que par une borne d'héritage de l'ancienne maison de sainte Anne. Je ne sais plus si elle était habitée maintenant. Ceux des futurs apôtres qui étaient venus là pour l'entendre étaient Pierre, André, Jacques le Mineur et Philippe, tous disciples de Jean. Philippe était de Bethsaïda, il était assez intelligent et avait à s'occuper de certains travaux de bureau. Parmi les femmes était l'épouse d'un frère de la femme de Pierre. Jésus ne séjourna pas dans cet endroit : il n'y prit pas son repas, il ne fit qu'enseigner. Les apôtres ont vraisemblablement célébré le sabbat dans le voisinage : car les juifs vont souvent pour le sabbat dans d'autres lieux que celui de leur résidence ils sont venus en cet endroit parce qu'ils ont appris que Jésus y était. Jésus ne Leur parla pas en particulier.

(Du 19 août au 2 septembre.) Je vis Jésus avec les trois disciples aller à Séphoris, qui est à quatre lieues de Nazareth, en franchissant une montagne. Il logea chez sa grande tante Maraha, soeur cadette de sainte Anne : elle avait une fille et deux fils. Je les vis en longs vêtements blancs aller et venir dans la maison : ils s'appellent Arastaria et Cocharia, et se sont, je crois, plus tard, réunis aux disciples.

La sainte Vierge, Marie de Cléophas et d'autres femmes sont aussi venues ici. On lava les pieds à Jésus. Il y eut aussi un repas. Il coucha dans la maison de Maraha : c'était là qu'avaient demeuré les parents de sainte Anne à Séphoris. Séphoris est une grande : " Il s'y trouve des pharisiens, des sadducéens et des esséniens : les trois sectes ont chacune leur école. Cette ville a souvent eu beaucoup à souffrir dans les guerres. Aujourd'hui il n'en reste presque plus rien.

(22 août.) Avant hier et hier Jésus enseigna ici. Ce soir aussi, je le vis enseigner dans la synagogue et exhorter au baptême. Les femmes se tenaient en arrière, mais dans une tribune élevée. Je vis Jésus enseigner ici dans deux synagogues, l'une plus spacieuse et plus élevée, l'autre plus petite. Dans la plus grande étaient les pharisiens : ils étaient mécontents et murmuraient contre Jésus. Les femmes étaient présentes à cette instruction. Dans l'autre synagogue qui était plus petite, il n'y avait pas de place réservée aux femmes : il y fut traité amicalement. C'était vraisemblablement l'école des Esséniens.

Un des trois disciples qui allaient avec Jésus en ce temps là était fils d'une des trois veuves et s'appelait Eustache. Il était essénien. Je le vois maintenant sortir d'une grotte du Carmel et aller vers Jésus. C'est une figure pour me montrer ce qu'il est.

(23 août.) Je vis Jésus enseigner dans l'école des sadducéens à Séphoris. je vis là une chose merveilleuse. Il y avait à Séphoris beaucoup de démoniaques, d'idiots et d'autres fous et possédés. On leur faisait des instructions dans une école voisine de la synagogue, et quand les gens raisonnables se réunissaient dans la synagogue pour l'instruction et la prière, on les y faisait aussi entrer. Ils se tenaient derrière les autres dans une salle à part d'où ils écoutaient l'instruction. Il y avait parmi eux des surveillants armés de fouets et chacun en avait un nombre plus ou moins grand à surveiller selon qu'ils étaient plus ou moins méchants. Avant que Jésus entrât dans l'école, je les vis pendant l'instruction des sadducéens faire des contorsions et entrer en convulsion : je vis aussi que les surveillants les faisaient tenir tranquilles en leur donnant des coups de fouets quand Jésus vint, ils restèrent d'abord très paisibles, mais au bout d'un peu de temps, quelques uns commencèrent à dire : "(C'est Jésus de Nazareth, né à Bethléem, visité par les sages de l'Orient, etc. Sa mère est chez Maraha, etc. Il introduit une nouvelle doctrine qu'on ne doit pas tolérer, etc. "C'est ainsi que ces hommes en démence décriaient toute la vie de Jésus et parlaient de ce qui lui était arrivé jusqu'alors. C'était tantôt l'un, tantôt l'autre et les coups de fouet des surveillants n'y faisaient rien. Ils se mirent bientôt a crier tous ensemble et la confusion fut générale. Jésus dit alors qu'on les lui amenât devant la synagogue : en même temps il envoya deux disciples dans la ville, pour faire venir tous les gens de cette espèce qui s'y trouvaient encore, bientôt il y eut autour de lui une cinquantaine de ces hommes et avec ceux ci une grande foule. Les maniaques continuèrent toujours à pousser leurs cris. Alors Jésus dit : "L'esprit qui parle ainsi par votre bouche est d'en bas et doit retourner en bas " . A l'instant même tous s'apaisèrent et furent guéris : j'en vis plusieurs tomber par terre.

Je vis aussi un soulèvement dans la ville au sujet de cette guérison. Je vis Jésus et les siens en grand danger. Le tumulte était si grand que le Seigneur se réfugia dans une maison et quitta la ville dans la nuit, de même que ses trois disciples et Cocharia et Arastaria, les fils de la soeur de sainte Anne. Les saintes, femmes quittèrent aussi la ville. La mère de Jésus était dans la douleur et dans l'angoisse parce qu'elle voyait pour la première fois la persécution s'élever contre lui. Ils s'étaient donné rendez vous sous des arbres devant la ville.

Les gens guéris par Jésus allèrent pour la plupart au baptême de Jean, et ce fut parmi eux principalement que Jésus plus tard trouva ici des adhérents.

(24 août.) Dans la nuit du jeudi, les trois disciples et les fils de la soeur de sainte Anne, qui s'étaient enfuis séparément de Séphoris, se réunirent au Seigneur sous des arbres, sur le chemin de Bethulie. La mère de Jésus et les saintes femmes s'étaient aussi rendues là.

Bethulie est la ville pendant le siège de laquelle Judith tua Holopherne. Elle est au sud est de Séphoris, sur une montagne : on y a une vue étendue de tous les côtés. Il n'y a pas loin de là à Magdalum et au château de Madeleine dont la vie alors n'était consacrée qu'au plaisir. Il y a un château à Bethulie : c'est un endroit abondant en sources. Je crois que le puits de Joseph n'est pas très loin de là.

Je vis Jésus et ses disciples entrer dans une hôtellerie devant Bethulie. Marie et les saintes femmes l'y rejoignirent. J'entendis Marie dire à Jésus qu'elle le priait de ne pas enseigner ici, qu'elle était pleine d'anxiété, qu'il pouvait encore y avoir un soulèvement. Jésus répondit qu'il savait ce qu'il avait à accomplir. Mais Marie lui dit : " N'irons nous pas maintenant au baptême de Jean ? " Jésus lui répondit avec beaucoup de gravité : "Pourquoi irions nous maintenant au baptême de Jean, En avons nous besoin ? J'irai encore là où je dois recueillir, et je dirai quand il faudra aller au baptême de Jean. À. Marie garda le silence comme à Cana. Ce n'est qu'après la Pentecôte que j'ai vu les saintes femmes recevoir le baptême à la piscine de Bethesda. Les saintes femmes entrèrent à Bethulie. Jésus enseigna à Bethulie le jour du sabbat.

(25 août.) Je vis Jésus bien accueilli ici. Il alla à la synagogue pour enseigner : beaucoup de personnes étaient venues des environs, pour l'entendre. Je vis aussi beaucoup d'idiots et de possédés sur le chemin devant la ville, et sur divers points de la route. Lorsque Jésus passa, ils redevinrent paisibles et furent délivrés de leurs accès, et je vis de côté et d'autre des gens qui disaient : "Cet homme doit avoir un pouvoir semblable à celui des anciens prophètes, pour que ces malheureux deviennent tranquilles lorsqu'il se montre. Car ces gens sentaient qu'il les secourait, quoiqu'il ne leur fît rien, et ils vinrent à lui dans l'hôtellerie pour le remercier. Il enseigna et exhorta à aller au baptême de Jean. Il parla cette fois, avec beaucoup de force tout à fait à la façon de Jean.

(26 août.) Je vis que les habitants de Bethulie avaient beaucoup de considération pour Jésus et pour les siens. Ils ne voulaient pas le laisser s'arrêter devant la ville ; plusieurs se disputaient à qui l'aurait dans sa maison, et ceux qui ne pouvaient pas l'avoir, voulaient au moins avoir un des cinq disciples qui étaient avec lui.

Ils restèrent près de Jésus et il leur promit d'aller successivement chez les uns et les autres. Toutefois leur grand empressement et leur sympathie pour Jésus n'étaient pas entièrement désintéressés, et Jésus le leur fit remarquer dans les instructions qu'il fit à la synagogue. Ils avaient une arrière pensée, ils voulaient, en s'attachant au nouveau prophète, procurer à leur ville une certaine considération qu'elle avait perdue, je ne sais plus comment, peut être par le commerce, les rapports ou les alliances avec les pa'ens. Ce n'était donc pas chez eux pur amour de la vérité.

(27 août.) Jésus est parti aujourd'hui de Bethulie. Je l'ai vu dans une vallée enseigner sous des arbres, près d'une hôtellerie. Il n'est venu à sa suite que trois disciples et environ vingt autres personnes. Les saintes femmes étaient déjà allées en avant, pour se rendre à Nazareth, à ce que je crois. Je l'ai vu quitter Bethulie parce qu'il y était trop importuné. Il était venu des environs une foule de malades et de possédés, et il ne voulait pas encore se manifester par des guérisons si publiques. il partit en tournant le des à la mer de Galilée.

(29 août.) Je n'ai vu Jésus dans aucune ville ; pendant tout ce jour, il enseigna dans une vallée, sous des arbres, à un endroit où anciennement des esséniens ou des prophètes avaient enseigné. il y avait là un siège de gazon élevé, entouré de petits bancs de terre où l'on pouvait s'asseoir pour écouter. Environ trente personnes se tenaient autour de Jésus. Le soir, je vis le Seigneur avec ses compagnons à une lieue de Nazareth, dans le petit endroit avec une synagogue où il avait été dernièrement avant d'aller à Séphoris. On l'accueillit très amicalement. Il fut reçu dans une grande maison précédée d'une cour. On lui lava les pieds ainsi qu'aux disciples : on leur prit leurs habits de voyage pour les nettoyer et les battre, et on leur prépara un repas. Jésus enseigna dans la synagogue. Les femmes étaient à Nazareth.

(30 août.) Le jeudi 30, je vis Jésus et ses disciples à environ quatre lieues du précédent endroit, dans une ville de Lévites, appelée Kedès (I Paralip., VI, 72), ou Kision (Josué, XXI, 28). Quand Jésus arriva dans ce pays, il était suivi d'environ sept possédés qui proclamaient sa mission et son histoire encore plus clairement que ceux de Séphoris. Il vint de la ville à sa rencontre de vieux prêtres et des jeunes gens en longs vêtements blancs ; car quelques uns de ceux qui l'accompagnaient, étaient arrivés avant lui à la ville.

Jésus ne guérit pas ici les possédés, et les prêtres les enfermèrent dans une maison pour qu'ils ne causassent pas de trouble. J'ai su que Jésus les guérit plus tard, après son baptême. Le Seigneur fut très bien accueilli ici ; mais comme il voulait enseigner, ils lui demandèrent quelle mission il avait pour cela, lui, fils de Joseph et de Marie. J'entendis Jésus répondre d'une manier e évasive, que Celui qui l'avait envoyé, et dont il tirait son origine, se manifesterait lors de son baptême. Il dit encore plusieurs choses à ce sujet et touchant le baptême de Jean sur une hauteur au milieu de la ville ; il y avait là, comme sur la colline voisine de Thébez, un lieu destiné à l'enseignement, qui n'était pas tout à fait en plein air, mais sous une tente ou sous un hangar recouvert de joncs. Il y avait à peu de distance plusieurs autres lieux habités. Elle reconnaît les noms de Késiloth, Césarée, etc. : le Seigneur passa la nuit dans cet endroit.

(31 août.) Jésus traversa aujourd'hui une contrée habitée par des bergers, où plus tard, après la seconde pâque, si je ne me trompe, il guérit un lépreux. Il enseigna dans diverses bourgades. Le soir, Jésus vint pour le sabbat à Jezraël, un endroit consistant en divers groupes de maisons séparés par des jardins, de vieux édifices et d'anciennes tours. Il y passe une grande route, appelée route Royale. Plusieurs de ses compagnons l'avaient précédé. Il en était venu trois avec lui.

Il se trouvait dans cet endroit de stricts observateurs de la loi juive : ce n'étaient pas des esséniens, on les nommait Naziréens. ils avaient fait des veux pour un temps plus ou moins long et s'abstenaient de certaines choses. Ils possédaient une grande école et un certain nombre de maisons. Les jeunes gens vivaient en commun dans une maison, les jeunes filles dans une autre : les gens mariés faisaient aussi pour un temps assez long voeu de continence, et alors les hommes couchaient dans une maison voisine de celle des jeunes gens, les femmes dans la maison des jeunes filles. Ces gens portaient tous des vêtements gris et blancs. Leur supérieur portait un long vêtement gris, bordé par en bas de fruits et de houppes blanches, et une ceinture grise avec des lettres blanches : il avait autour du bras une bande d'étoffe grise et blanche, fort épaisse et comme tressée ; c'était comme une serviette tordue : il y avait un bout assez court qui pendait et qui était terminé par des bouffettes. Cet homme portait en outre un collet ou un petit manteau, à peu près comme Argos l'essénien, mais qui était de couleur grise et ouvert par derrière au lieu de l'être par devant. une plaque de métal poli était assujettie sur le devant, et on le fermait par derrière avec des espèces de lacets ou de cordons. Des morceaux d'étoffe tailladés recouvraient les épaules. ils avaient un bonnet noir et brillant en forme de bourrelet, avec des lettres tracées sur le devant : il était surmonté d'un bouton ou d'une pomme. Ces gens avaient des chevelures et dés barbes longues, épaisses et frisées. Je leur trouvais une grande ressemblance avec un des apôtres, mais je ne savais plus lequel. Enfin. je me rappelai que saint Paul portait les cheveux comme eux et était habillé de même, lorsqu'il persécutait encore les chrétiens. Je le vis aussi plus tard avec des naziréens : il l'était lui même. Ils laissaient croître leurs cheveux jusqu'à ce que leur voeu fût accompli ; alors ils les coupaient et les brûlaient en guise de sacrifice ; ils sacrifiaient aussi des colombes. L'un pouvait se charger d'accomplir le voeu de l'autre. Jésus célébra le sabbat avec eux. Jezraël est séparé de Nazareth par des montagnes. il y a à peu de distance une fontaine, près de laquelle Saul campa autrefois avec son armée.

(1er septembre.) Jésus enseigna le jour du sabbat sur le baptême de Jean. Il dit aussi que la piété était une belle chose, mais que l'exagération était dangereuse que les voies du salut sont diverses, et que la vie à part dans une communauté donne aisément naissance à l'esprit de secte : qu'on regarde du haut de son orgueil les pauvres frères qui ne peuvent pas suivre et qui cependant devraient être aidés par les plus forts à marcher en avant. Cet enseignement était nécessaire ici : car aux extrémités de la ville il y avait des gens qui s'étaient mêlés avec les pa'ens, et qui n'étaient ni dirigés, ni stimulés, parce que les naziréens se tenaient à part. Jésus alla visiter ces gens dans leurs demeures ; il les convoqua à l'instruction et leur parla du baptême.

Le 9, je vis encore Jésus à un repas, dans la maison des naziréens. Il fut question de la circoncision, et de ce qu'elle était par rapport au baptême. Ce fut alors que j'entendis Jésus parler pour la première fois du signe de l'alliance entre Dieu et Abraham ; mais je ne puis rapporter exactement ses paroles. Le sens de ses paroles était que ce signe avait en lui une raison d'être qui cesserait lorsque le peuple de Dieu ne sortirait plus selon la chair de la souche d'Abraham mais serait engendré spirituellement dans le baptême du Saint Esprit.

Parmi les naziréens beaucoup se firent chrétiens mais ils étaient si fortement attachés à la loi juive, que plusieurs voulurent mêler ensemble le juda'sme et le christianisme, et tombèrent dans l'hérésie.

Le 3, Jésus quitta Jezraël, et, après avoir marché assez longtemps vers l'orient, il se dirigea vers le nord, vers Nazareth, en tournant autour de la montagne qui sépare ces deux villes ; il s'arrêta à deux lieues de Jezrael, au milieu d'une série de maisons placées des deux côtés d'une grande route. Cet endroit n'était habité que par des publicains ; il y avait aussi quelques juifs pauvres demeurant sous des tentes, mais ceux ci étaient assez éloignés de la route. Le chemin le long duquel étaient les demeures des publicains était bordé d'un grillage et fermé à l'entrée et à la sortie.

Il demeurait là de riches publicains qui tenaient à ferme plusieurs douanes dans le pays et les affermaient ensuite à d'autres publicains en sous ordre. Matthieu était un de ces derniers : il demeurait dans un autre endroit. C'est ici qu'avait demeuré Marie, fille de la soeur d'Elisabeth. Je crois qu'étant devenue veuve, elle était allée à Nazareth d'abord, puis à Capharnaum ; c'était elle qui était présente à la mort de la sainte Vierge.

La route commerciale entre la Syrie, l'Arabie, Sidon et l'Egypte passait par ici. On transportait ici sur des chameaux et sur des ânes, de gros ballots de soie blanche en liasse comme du lin, de belles étoffes blanches et bariolées, de longues bandes épaisses et tressées dont on faisait des tapis, et aussi des aromates. On fermait l'enceinte quand les chameaux y étaient entrés ; on déchargeait les ballots et tout était visité. Il y avait un droit à payer, partie en marchandises, partie en argent. C'étaient, la plupart du temps, des pièces triangulaires ou carrées, jaunes, blanches ou rougeâtres, sur lesquelles était l'empreinte d'une figure, creuse d'un côté, en saillie de l'autre ; il y avait là aussi d'autres monnaies. Je vis sur les monnaies de petites tours, une jeune fille et aussi un enfant dans un petit navire. Quant à ces petits bâtons d'or natif que les rois offrirent à la crèche, je n'en vis plus depuis lors qu'entre les mains de quelques étrangers qui allaient visiter Jean Baptiste.

Les publicains formaient comme une ligue, et lors même que même que quelques uns gagnaient plus que les autres par leurs fraudes, tout était partagé entre eux ils avaient dans l'aisance et vivaient bien Les maisons étaient entourées de cours, de jardins et de murs : ils me faisaient l'effet de riches cultivateurs de chez nous, dans leurs habitations. Ils vivaient entre eux, et personne autre n'avait de rapports avec eux. Ils avaient là une école et un maître.

Jésus fut bien reçu par eux et ses compagnons aussi. Je vis arriver ici plusieurs femmes : je crois que la femme de Pierre en était. L'une d'elles parla à Jésus. Elles repartirent ensuite : peut être venaient elles de Nazareth ou y allaient elles, et se chargeaient elles de quelque message pour la mère de Jésus. Jésus alla alternativement chez l'un ou l'autre des publicains, et il enseigna dans leur école. Il leur reprocha surtout d'extorquer souvent des voyageurs plus que le droit de douane qui était dû. Ils furent très honteux, et ils ne pouvaient pas comprendre d'où il savait cela. Ils étaient plus humbles et accueillaient plus volontiers ses enseignements que les autres juifs. Il les exhorta à recevoir le baptême.

(5 septembre.) Le mercredi 5, Jésus quitta l'endroit habité par les publicains, après y avoir enseigné toute la nuit. Plusieurs d'entre eux voulaient lui faire des présents, mais il n'accepta rien. beaucoup de ces gens partirent avec lui, ils voulaient le suivre au baptême. il traversa ce jour là la contrée de Dothaim, et passa devant la maison de fous où une première fois, venant de Nazareth, il avait calmé les énergumènes et les possédés. Comme il passait. ils l'appelèrent par son nom en criant, et firent de violents efforts pour sortir. Jésus commanda aux surveillants de les laisser aller, disant qu'il répondait de toutes les conséquences. On leur rendit la liberté : tous alors s'abaissèrent, furent délivrés et le suivirent.

Il arriva le soir à Kisloth, ville située sur le Thabor. La plupart des habitants étaient pharisiens : ils avaient entendu parler de lui, et se scandalisèrent de voir à sa suite des publicains qu'ils regardaient comme des malfaiteurs, des possédés connus comme tels, et des gens de toute espèce. Il alla dans l'école et enseigna sur le baptême de Jean ; il dit à ceux qui l'accompagnaient qu'avant de le suivre, ils devaient bien examiner s'ils se sentaient capables d'aller jusqu'au bout : car il ne fallait pas croire que son chemin fût un chemin commode : il leur raconta plusieurs paraboles relatives à la construction des maisons. "Quand un homme veut bâtir une maison quelque part, disait il, il faut qu'il sache si le propriétaire du sol voudra le permettre : ils devaient donc, avant tout, expier leurs péchés et faire pénitence. De même, quand un homme veut bâtir une tour, il doit d'abord calculer la dépense. Il donna beaucoup d'autres enseignements qui ne plurent pas aux Pharisiens. Mais ils ne l'écoutaient pas ; ils se contentaient d'espionner ; et je les vis convenir entre eux qu'ils lui donneraient un repas pour mieux observer ce qu'il dirait.

Ils lui préparèrent un grand repas dans une salle publique. Il y avait trois tables, les unes à côté des autres ; à droite et à gauche brûlaient des lampes ; au dessus de la table du milieu, à laquelle était assis Jésus avec quelques disciples et quelques pharisiens, se trouvait l'ouverture ordinaire dans le toit ; aux deux tables latérales étaient assis les compagnons de Jésus.

Il fallait que dans cette ville il existât une vieille coutume en vertu de laquelle, quand on donnait un repas à un étranger, on y invitait les pauvres, fort nombreux du reste dans cet endroit et fort négligés ; car lorsque Jésus se fut mis à table, il demanda aussitôt aux pharisiens où étaient les pauvres et si ce n'était pas leur droit de prendre part au repas.

Les pharisiens furent embarrassés et dirent que depuis longtemps cela ne se faisait plus. Alors Jésus envoya ses disciples Arastaria et Cocharia, fils de Maraha, avec Klaia, fils de la veuve Séba, inviter les pauvres de la ville à se rendre au repas. Cela irrita beaucoup les pharisiens et fit beaucoup de sensation dans la ville. Plusieurs de ces pauvres étaient déjà couchés et dormaient ; les disciples les firent lever, et je vis dans des cabanes toute espèce de scènes joyeuses. Les pauvres étant arrivés, Jésus et les disciples les reçurent et les servirent, et Jésus fit une très belle instruction. Les pharisiens étaient pleins de dépit, mais ils ne pouvaient rien empêcher, car Jésus avait le droit pour lui et la masse du peuple était fort satisfaite ; il y avait une grande excitation dans la ville. Quand les pauvres eurent mangé, ils emportèrent tous quelque chose avec eux pour leurs familles. Jésus avait béni les mets ; il avait fait la prière avec eux et les avait exhortés à aller au baptême de Jean.

Mais il ne voulut pas rester plus longtemps dans cette ville, et le 6, il partit dans la nuit avec les siens. Or, plusieurs de ceux qui l'avaient accompagné, s'étaient retirés, découragés par ses avertissements ; d'autres partirent pour se rendre au baptême de Jean.

(7 septembre.) Dans la nuit du 6 au 7, Jésus passa par deux vallées. Je le vis parfois s'entretenir avec ses compagnons, parfois rester en arrière et prier Dieu à genoux, puis les rejoindre de nouveau. Le 7, dans l'après midi, je vis Jésus arriver à un village de bergers, nommé Kimki. Il y avait là une école, mais pas de prêtres. Ceux ci devaient venir d'un lieu éloigné. L'école était fermée. Jésus réunit les bergers dans une salle d'hôtellerie et enseigna. Le sabbat était proche. Le soir, il vint des prêtres de la secte des pharisiens, parmi lesquels quelques uns étaient de Nazareth. Jésus enseigna sur le baptême et sur l'approche du Messie. Les pharisiens se déclaraient fort contre lui, ils parlèrent de sa basse extraction et cherchèrent à le rabaisser. Il passa la nuit ici.

(8 septembre.) Jésus fit encore aujourd'hui une instruction où il raconta plusieurs paraboles. Il demanda un grain de sénevé qu'on lui apporta. Il dit beaucoup de choses à ce propos et leur dit que s'ils avaient de la foi comme un grain de sénevé, ils pourraient transporter ce poirier dans la mer. Il y avait là un grand poirier chargé de fruits. Les pharisiens se moquaient de ce genre d'enseignement qu'ils trouvaient guérit. Il donna des explications, mais je les ai oubliées. il parla aussi de l'économe infidèle.

Les gens qui se trouvaient sur tout le chemin que fit Jésus ces jours là, étaient dans l'admiration de lui ; il leur rappelait, disaient ils, tout ce que leurs ancêtres leur avaient transmis de l'enseignement et de la manière d'être des derniers prophètes, mais il avait quelque chose de beaucoup plus doux.

(9 septembre.) Jésus était encore dans le village des bergers où il célébra le sabbat. On pouvait voir de là les montagnes de Nazareth, qui n'est guère qu'à deux lieues. Cette bourgade consiste en maisons disséminées, ce n'est qu'autour de la synagogue qu'on en trouve quelques unes agglomérées. Son nom ressemble à un nom d'homme hébraïque, je l'ai oublié(3). Il prit son logement chez de pauvres gens : la maîtresse de la maison était hydropique.

Note 3 : Ce ne fut que le 11 septembre, qu'elle dit le nom de ce lieu, Kimki. Parmi les noms d'hommes elle pouvait penser entre autres à Chamaam; Kimean ou Kimhan, (II Reg. XIX, 37, etc.)

Il eut pitié d'elle et la guérit en lui mettant la main sur la tête et sur lés joues. Elle fut entièrement délivrée de son mal et servit à table. Il lui défendit d'en parler jusqu'à ce qu'il fût revenu du baptême. Elle lui demanda ce qui pouvait l'empêcher de l'annoncer partout. Mais il répondit : Puisque vous voulez en parler, vous allez devenir muette. "Et en effet elle devint muette jusqu'à ce qu'il fût revenu de son baptême. Il y a bien encore quinze jours d'ici là, car il me semble qu'à Bethulie ou à Jezraël il a parlé de trois semaines.

Le 9, il enseigna encore ici dans la synagogue. Les pharisiens lui étaient très opposés. Il parla de la venue prochaine du Messie. Il leur dit : "Vous vous attendez à le voir venir dans tout l'éclat d'une pompe mondaine ; mais il est déjà venu, il apparaîtra dans la pauvreté : il apportera la vérité, il recevra plus de blâme que de louange, car il veut la justice, etc. Toutefois ne vous laissez pas séparer de lui, de peur que vous ne périssiez comme ces enfants de Noé qui se moquaient de lui lorsqu'il se fatiguait à construire l'arche qui devait les sauver du déluge. Tous ceux qui ne se moquèrent pas de Noé, entrèrent dans l'arche et furent sauvés. "Ensuite se tournant vers ses disciples, il leur dit : "Ne vous séparez pas de moi, comme Loth se sépara d'Abraham, et cherchant les meilleurs pâturages, vint à Sodome et à Gomorrhe. Ne regardez pas les pompes du monde que le feu du ciel détruit, afin que vous ne soyez pas changés en statues de sel. Restez avec moi dans toutes les tribulations, je vous viendrai toujours en aide, etc. Les pharisiens étaient de plus en plus mécontents, et ils disaient : "Que leur promet il donc, quand il ne possède rien lui même ! N'es tu pas de Nazareth, le fils de Joseph et de Marie ? " il dit alors, sans s'expliquer clairement, de qui il était fils, et qui le proclamerait : et comme ils disaient : "Comment parles tu du Messie ici et partout où tu vas enseigner, comme nous en avons été informés ? Crois tu que nous devions penser que tu te donnes pour le Messie ? Et Jésus leur dit : à cette question je n'ai qu'une réponse à faire : Oui, vous le pensez. "il y eut alors un grand tumulte dans la synagogue ; les pharisiens éteignirent les lampes ; Jésus et ses disciples quittèrent cet endroit et partirent dans la nuit par la grande route. Je les vis dormir sous un arbre. Le dimanche 9, dans la soirée, je vis Jésus avec ceux qui l'accompagnaient quitter le village des bergers passer la nuit sous un arbre sur la grand route.

(10 septembre.) Le lundi 10, je vis sur la route se joindre à Jésus des gens qui avaient campé sur le chemin pour l'attendre. Ils n'étaient pas allés avec lui dans l'endroit d'où il venait, mais une partie d'entre eux avait pris les devants. Je le vis se détourner du chemin avec eux, et vers trois heures après midi, je le vis se diriger vers une station de bergers, consistant seulement en quelques cabanes, que les bergers habitaient au temps des pâturages. Il n'y avait pas de femmes ici. Les bergers allèrent à sa rencontre. Ils savaient sans doute sa prochaine arrivée par ceux qui l'avaient précédé. Pendant qu'une partie d'entre eux allait au devant de lui, les autres tuaient des oiseaux et faisaient du feu pour préparer un repas. Cela se passait dans une salle d'hôtellerie. Il y avait devant le foyer un mur qui l'isolait. à l'entour régnait un banc de gazon dont le dossier était de branches vertes tressées ensemble. Ils conduisirent là le Seigneur et ceux qui l'accompagnaient. Il y avait bien vingt personnes et quand ils furent tous réunis, il devait se trouver là un bon nombre de bergers. Ils lavèrent les pieds à tous et à Jésus dans un bassin à part. Il avait demandé un peu plus d'eau qu'à l'ordinaire et il donna ordre de ne pas la verser. Comme on allait se mettre à table, Jésus demanda aux bergers qui semblaient un peu agités, ce qui les inquiétait et s'il n'en manquait pas quelques uns parmi eux ? Alors ils lui avouèrent qu'ils étaient inquiets parce qu'ils avaient parmi eux deux personnes malades de la lèpre, qu'ils craignaient que ce ne fût la lèpre impure et que Jésus, à cause de cela, ne pût pas venir chez eux : ils les avaient cachés pour ce motif. Jésus leur ordonna de les amener et envoya ses disciples les chercher. Ces gens vinrent enveloppés dans des draps de la tête aux pieds, en sorte qu'ils avaient peine à marcher, et que chacun d'eux était conduit par deux personnes. Jésus les exhorta et leur dit que leur lèpre ne venait pas de l'intérieur, mais qu'elle était venue extérieurement par contagion : il me fut expliqué, selon le sens spirituel, qu'ils n'avaient pas péché par malice, mais entraînés par d'autres. Il ordonna de les laver avec l'eau qui avait servi à lui laver les pieds. Quand cela fut fait je vis tomber les croûtes de la lèpre, laissant seulement après elles une marque sur la peau. L'eau fut ensuite jetée dans une fosse et couverte de terre. L'un de ces lépreux était des environs de Samarie, l'autre de... Jésus encore cette fois défendit très sévèrement à ces braves gens de rien dire de leur guérison, jusqu'à ce qu'il fût revenu du baptême.

Il fit ensuite une autre instruction sur Jean, sur le baptême et sur la venue prochaine du Messie. Alors, ils lui demandèrent en toute simplicité qui ils devaient suivre de lui, ou de Jean, et quel était le plus grand des deux ? "il leur expliqua que le plus grand était celui qui servait avec la plus parfaite humilité et qui s'abaissait le plus profondément dans la charité. Il les exhorta aussi à aller au baptême. il parla encore de la difficulté qu'il y avait à le suivre et les congédia tous, ne gardant avec lui que les cinq disciples. Il donna rendez vous aux autres à un endroit situé dans le désert, non loin de Jéricho : je crois que c'est dans la contrée d'Ophra, où Joachim avait un pâturage. une partie de ces gens l'abandonna tout à fait : d'autres allèrent directement trouver Jean : d'autres enfin retournèrent d'abord chez eux pour se préparer au baptême.

Jésus et les cinq disciples arrivèrent tard devant Nazareth, qui était à tout au plus une petite lieue de là. Ils n'y entrèrent pas : ils s'approchèrent du côté de la porte qui conduisait à l'orient, vers la mer de Galilée.

Nazareth avait cinq portes. à un petit quart d'heure de la ville était la montagne terminée de l'autre côté par un escarpement à pic d'où ils précipitaient souvent des criminels, et d'où ils voulurent plus tard précipiter Jésus t. Au pied de cette montagne étaient des cabanes isolées. Jésus ordonna aux cinq disciples d'y chercher des logements pour eux et il entra lui même dans une d'elles pour y passer la nuit. On leur donna de l'eau pour laver leurs pieds, un morceau de pain et une place pour dormir. le les laissai là, le 10 au soir. La propriété de sainte Anne était au levant de Nazareth. Les bergers avaient fait cuire du pain sous la cendre. Ils avaient un puits creusé dans la terre, mais qui n'était pas revêtu de maçonnerie.

Note : On montre aujourd'hui la montagne du précipice à une demi lieue au midi de Nazareth. Nazareth doit donc avoir changé de place, ou bien l'indication donnée par la Soeur est peu précise.

(11 septembre.) Le 10, au soir, je vis, comme je l'ai dit, Jésus arriver devant Nazareth. La vallée qu'il avait suivie pendant la nuit en venant de Kisloth Thabor, s'appelait Edron, et le village des bergers avec la synagogue où les pharisiens de Nazareth l'avaient tellement injurié, s'appelait Kimki. Les gens chez lesquels Jésus et les cinq disciples étaient entrés devant Nazareth étaient des esséniens, amis de la sainte Famille. Ils demeuraient là sous des voûtes de vieux murs en ruines ; il y avait des hommes et quelques femmes, vivant sépares et dans le célibat. Ils avaient de petits jardins, portaient de longs vêtements blancs et les femmes des manteaux. Ils avaient habité autrefois dans la vallée de Zabulon, près du château d'Hérode, et ils étaient venus ici par amitié pour la sainte famille.

Celui chez lequel Jésus entra se nommait Eliud c'était un vieillard vénérable avec une longue barbe. Il était veuf ; sa fille prenait soin de lui. C'était le fils d'un frère de Zacharie. Ces gens vivaient ici très retirés ; ils fréquentaient la synagogue de Nazareth, étaient très dévoués à la sainte Famille, et c'était à eux qu'avait été confiée la garde de la maison de Marie lors de son départ.

Le matin, les cinq disciples se rendirent à Nazareth visitèrent leurs parents et leurs amis et entrèrent à l'école : mais Jésus resta prés d'Eliud. Il pria avec lui et s'entretint avec lui très intimement. Cet homme simple et pieux avait connaissance de plusieurs mystères. Dans la maison de Marie il y avait avec elle quatre femmes : sa nièce, Marie de Cléophas, Jeanne Chusa, cousine de la prophétesse Anne, Marie, mère de Jean Marc, parente de Siméon, et la veuve Léa. Véronique n'était plus là, non plus que la femme de Pierre, que j'ai vue récemment prés de l'endroit où habitent les publicains.

Le matin, je vis la sainte Vierge et Marie de Cléophas venir trouver Jésus. Jésus tendit la main à sa mère. Sa manière d'être avec elle était affectueuse, mais toujours très grave et très calme. Elle était inquiète et le pria de ne pas aller à Nazareth où l'on était fort irrité. Les pharisiens de Nazareth qui l'avaient entendu dans la synagogue de Kimki, avaient soulevé de nouveau les esprits contre lui. Jésus lui dit qu'il voulait attendre ici les personnes qui devaient aller avec lui au baptême de Jean, et qu'alors il passerait par Nazareth. Il s'entretint encore beaucoup avec elle ce jour là où elle vint le trouver deux ou trois fois il 1ui dit entre autres choses qu'il irait quatre fois à Jérusalem pour la Pâque et que la dernière fois elle aurait un grand sujet d'affliction. Il lui révéla d'autres choses encore, mais je les ai oubliées.

Marie de Cléophas, qui était une femme de belle prestance, lui parla, le matin, de ses cinq fils, et le pria de les prendre avec lui. Elle lui exposa que l'un d'eux était scribe, chargé de faire des arbitrages : il s'appelait Simon : deux autres, Jacques le Mineur et Jude Thaddée, étaient pêcheurs : elle les avait eux Alphée, son premier mari, qui lui avait amené un fils d'un premier lit, nommé Matthieu, sur lequel elle pleurait amèrement parce qu'il était publicain. De Sabas, Son second mari, elle avait un autre fils, José Barsabas, qui était aussi pêcheur (Elle avait encore un petit garçon, nommé Siméon, né d'un troisième mariage avec le pécheur Jonas). Jésus la consola, lui dit qu'ils viendraient à lui, il la rassura aussi au sujet de Matthieu (qui avait déjà eu des rapports avec lui lors de son voyage à Sidon). et lui dit qu'il serait un des meilleurs.

Je vis dans l'après midi la sainte Vierge avec quelques unes de ses parentes de Nazareth revenir à sa demeure : près de Capharnaum. Les serviteurs étaient venus de là avec des ânes pour la ramener. Ils prirent encore beaucoup d'objets qu'on avait laissés à Nazareth, des couvertures, des ballots et aussi des vases : tout était porté par les ânes dans des paniers d'écorce d'arbre tressée. La maison de Marie à Nazareth avait, en son absence, quelque chose de l'aspect d'une chapelle : le foyer faisait l'effet d'un autel. On y avait placé un coffre et au dessus un vase avec de la verdure fraîche. Maintenant, après son départ, la maison sera habitée par les esséniens.

Je vis toute cette journée Jésus s'entretenir très intimement avec Eliud, sur lequel j'ai appris beaucoup de choses que malheureusement je ne puis me rappeler. Eliud l'interrogea sur sa mission, et Jésus lui expliqua tout. Il lui dit qu'il était le Messie et s'entretint avec lui de sa généalogie humaine et du mystère de l'arche d'alliance. J'appris alors que cet objet mystérieux avait été porté avant le déluge dans l'arche de Noé, comment il s'était transmis de génération en génération, comment il avait été retiré par intervalles, puis rendu de nouveau, Jésus dit à ce propos que Marie en naissant était devenue l'arche d'alliance du mystère(4). Alors Eliud, qui pendant ce temps là parcourait divers écrits et marquait certains passages des prophètes, que Jésus lui expliquait, lui demanda pourquoi il n'était pas venu plus tôt. Jésus lui répondit qu'il n'avait pu naître que d'une femme conçue comme les hommes l'auraient été sans la chute originelle, et que depuis les premiers parents il ne s'était rencontré pour cela aucun couple d'époux qui fût aussi pur de part et d'autre qu'Anne et Joachim. Il lui développa tout cela et lui fit connaître tout ce qui avait jusque là empêche, entravé et retardé l'oeuvre du salut.

Note 4 : Il y a plus de détails à ce sujet dans les visions relatives à la bénédiction des patriarches et au mystère de l'arche d'alliance.

J'appris dans ces entretiens beaucoup de choses touchant l'histoire de l'arche d'alliance. Lorsqu'elle tombait dans les mains des ennemis, cet objet mystérieux n'y était plus, parce que les prêtres le retiraient toutes les fois qu'il y avait du danger, et cependant l'arche qui l'avait contenu restait si sainte que les ennemis étaient punis pour l'avoir propagée et obligés de la restituer. Je vis aussi qu'une famille chargée plus particulièrement par Mo'se de la garde de l'arche d'alliance, avait subsisté jusqu'au temps d'Hérode. Jérémie, à l'époque de la captivité de Babylone, fit cacher près du mont Sinai l'arche d'alliance et d'autres objets sacrés ; et plus lard on ne la retrouva pas. Mais la chose sainte n'y était plus. à une époque postérieure. on fit une imitation de l'arche d'alliance : mais tout ce qui y avait été précédemment ne s'y trouvait pas : la verge d'Aaron, ainsi qu'une partie de l'objet mystérieux, étaient chez les esséniens du mont Horeb ; mais le sacrement de la bénédiction y revint par l'intermédiaire de je ne sais plus quel prêtre. Je vis là en tableaux plusieurs choses que Jésus expliqua à Eliud ; j'entendis une partie de ce qu'il lui dit, mais je ne puis pas me rappeler tout.

Il dit comment il avait pris chair du germe béni que Dieu avait retiré d'Adam avant sa chute comment ce germe béni, afin que tout Israël méritât bien de lui, avait dû se transmettre à travers plusieurs générations, comment il avait été souvent retiré, et comment les vases s'étaient ternis. je vis tout cela en réalité ; je vis tous les a'eux de Jésus comment les patriarches au moment de leur mort transmettaient réellement cette bénédiction à leurs premiers nés, dans une cérémonie sacramentelle, et comment le morceau de pain et le breuvage contenu dans la sainte coupe qu'Abraham avait reçus de l'ange qui lui promit Isaac, étaient une figure du très saint Sacrement de la nouvelle alliance et donnaient la force pour coopérer à la formation de la chair et du sang du Messie futur. je vis comment la ligne des ancêtres de Jésus reçut ce sacrement pour concourir à l'incarnation de Dieu, et que Jésus fit de la chair et du sang reçus de ses ancêtres un sacrement plus sublime pour opérer l'union des hommes avec Dieu.

Jésus parla aussi beaucoup avec Eliud de la sainteté d'Anne et de Joachim et de la conception surnaturelle de Marie sous la porte dorée, mais je ne m'en souviens plus bien. il dit aussi qu'il n'avait pas été conçu de Joseph, mais de Marie selon la chair, et que la conception de celle ci provenait de ce germe pur et béni, retiré à Adam avant la chute, qui avait été transmis a Joseph, en Egypte, par le canal d'Abraham, puis était arrivé dans l'arche d'alliance et de l'arche avait passé dans Joachim et dans Anne.

Il dit que, devant racheter les hommes, il avait été envoyé avec toute la faiblesse de la créature humaine, qu'il sentait et éprouvait toutes choses à la façon d'un homme ordinaire ; que, comme le serpent de Mo'se dans le désert, il serait élevé en l'air sur la montagne du Calvaire où le corps du premier homme avait son tombeau. Ah ! Combien il aurait d'afflictions à endurer, et combien les hommes seraient ingrats, etc. Eliud l'interrogeait toujours avec beaucoup de simplicité et de droiture de coeur, mais il comprenait tout mieux que ne firent les apôtres au commencement ; il entendait tout dans un sens plus spirituel : cependant il ne pouvait pas encore se bien rendre compte de ce qui allait se faire. Il demanda à Jésus où serait son royaume, si ce serait à Jérusalem, à Jéricho ou à Engaddi. Jésus répondit que là où il était, là était son royaume, qu'il n'avait point de royaume apparent.

J'entendis aussi aujourd'hui et le jour suivant mentionner plus d'un passage de l'Ecriture où la lettre ne rend pas le sens intérieur, où la prophétie exprimée par des images sensibles est comprise trop matériellement.

Le vieillard parlait à Jésus avec beaucoup de naturel et de simplicité : il lui raconta plusieurs choses relatives à sa mère, comme s'il les eût ignorées, et Jésus l'écouta avec une grande bienveillance. Il parla de saint Joachim et de sainte Anne. Jésus dit qu'aucune femme n'avait été plus chaste que sainte Anne, et que si elle s'était remariée deux fois après la mort de Joachim, ç'avait été par ordre de Dieu. Cette souche devait produire un nombre déterminé de rejetons qui avait ainsi été complété.

Eliud raconta quelque chose touchant la mort de sainte Anne, et je vis un tableau de sa mort. Je vis Anne, à la façon de Marie, dans la pièce située sur le derrière de sa grande maison, étendue sur une couche un peu exhaussée ; je vis qu'elle était très animée, très parlante et nullement comme une personne à l'article de la mort. Je la vis bénir ses plus jeunes filles et les autres personnes de la maison ; celles ci étaient dans la pièce antérieure ; je vis que Marie était à son chevet et Jésus au pied de son lit. Elle bénit Marie et demanda la bénédiction de Jésus qui était arrivé à l'âge d'homme et avait une barbe naissante. Je la vis encore parler joyeusement ; elle leva les yeux au ciel, puis elle devint blanche comme la neige et je vis sur son front des gouttes comme des perles. Alors je m'écriai : " Elle meurt, elle meurt ! " Et je désirais ardemment la prendre dans mes bras. Alors ce fut comme si elle venait à moi et reposait dans mes bras ; et en m'éveillant je croyais encore la tenir.

Eliud parla encore des vertus pratiquées par Marie dans le temple. Je vis aussi tout cela en tableaux. Je vis que sa maîtresse Noémi était parente de Lazare, et que cette femme, âgée d'environ cinquante ans, était essénienne, ainsi que toutes les autres femmes attachées au service du temple Je vis que Marie apprit près d'elle à tricoter, qu'étant encore enfant elle allait déjà avec elle, quand Noémi nettoyait les vases et les ustensiles tachés par le sang des victimes, et recevait certaines portions de la chair des animaux sacrifiés qu'elle découpait et préparait pour l'usage des servantes du temple et des prêtres : car ceux ci tiraient de là en partie leur nourriture. Plus tard je vis la sainte Vierge l'aider dans tout cela. Je vis aussi que Zacharie, quand il était de service, visitait la petite Marie : Siméon aussi la connaissait. Je vis ainsi toute sa pieuse et humble manière de vivre et de servir dans le temple, comme Eliud la décrivait au Seigneur.

Ils s'entretinrent encore de la conception du Messie et Eliud parla de la visite de Marie à Elisabeth. J'appris là de nouveau que le Sauveur a été conçu deux mois après notre fête actuelle de Noël ainsi que je l'ai toujours vu, et je vis aussi quelque chose que j'ai oublié sur ce qui a fait que la fête de Noël a été mise plus tard elle raconta en outre que Marie avait trouvé là une source, ce que j'ai vu. J'ai vu comment la sainte Vierge, avec Elisabeth, Zacharie et Joseph étaient allés de la maison de Zacharie dans un petit bien qui appartenait à celui ci et où l'on manquait d'eau ; je vis la sainte Vierge aller seule devant le jardin avec un petit bâton ; elle pria, et quand elle toucha la terre avec le petit bâton, il en jaillit un filet d'eau qui coula autour d'un petit tertre. Lorsque Zacharie et Joseph arrivèrent, ils enlevèrent le monticule avec une bêche ; l'eau sortit de tous les côtés à cette place et il y eut là une très belle fontaine. Zacharie habitait au sud ouest de Jérusalem à environ cinq lieues.

Dans cet entretien si intime dont les intervalles étaient remplis par la prière, je vis Eliud marquer du respect à Jésus, mais se livrer à un enjouement na'f et ne le traiter que comme un homme élu. La fille d'Eliud ne demeurait pas dans la même maison que son père : elle habitait à part une grotte creusée dans le roc.

Les esséniens qui habitaient contre la montagne étaient environ une vingtaine ; les femmes, au nombre de cinq ou six, avaient une habitation séparée où elles demeuraient ensemble. Tous ces gens honoraient Eliud comme un supérieur, et ils se réunissaient tous les jours pour faire la prière avec lui. Jésus prit avec Eliud un repas composé de fruits, de miel et de poisson. mais il mangea peu. Ces esséniens s'occupaient pour la plupart de tissage et de jardinage.

La montagne au pied de laquelle ils habitaient était la plus haute cime de l'arête sur laquelle Nazareth était bâti ; mais elle était séparée de la ville par une vallée. Du côté opposé se trouvait un escarpement à pic couvert de verdure et de vignobles. Au dessous de cet escarpement, d'où plus tard les pharisiens voulurent précipiter Jésus, il y avait des décombres, des immondices et des ossements. La maison de Marie était située en avant dans la ville, contre une colline, en sorte que certaines parties de la maison formaient comme des grottes dans la colline. Cependant le haut de la maison dépassait cette éminence, au delà de laquelle se trouvaient d'autres habitations.

Ce soir, Marie et les femmes, en compagnie de Colaya, fils de Léa, revinrent dans leur maison de la vallée de Capharnaum. Leurs amies des environs vinrent au devant d'elles. La maison qu'habitait Marie, près de Capharnaum, appartenait à un homme nommé Lévi, qui demeurait à peu de distance de là, dans une grande maison. La famille de Pierre l'avait louée de Lévi et cédée à la sainte Famille ; car Pierre et André connaissaient la sainte Famille, soit par eux mêmes, soit par Jean Baptiste, dont ils étaient disciples. Il y avait plusieurs bâtiments adjacents où des disciples et des parents pouvaient loger. Cette maison semblait avoir été choisie à cause de cela. Marie de Cléophas avait avec elle son fils Siméon petit garçon de deux ans, né de son troisième mariage. Je crois que son père Jonas était mort, mais je n'en suis pas bien sûre : il y a trop de gens allant et venant : il est difficile d'en savoir au juste le compte.

Vers le soir, Je vis Jésus aller à Nazareth avec Eliud En avant des murs de la ville, à l'endroit où Joseph avait Son atelier de charpentier, demeuraient de pauvres et honnêtes familles, connues de Joseph. et où quelques uns des enfants avaient été du nombre des compagnons de Jésus pendant son adolescence. Eliud conduisit Jésus près d'eux. Ils donnèrent à leurs hôtes un morceau de pain et de l'eau qui était très fraîche. à Nazareth, l'eau était remarquablement bonne. Je vis Jésus s'asseoir par terre chez ces gens et les exhorter à aller au baptême de Jean. Ces gens sont un peu timides avec Jésus, dans lequel ils ne voyaient autrefois qu'un de leurs pareils, mais qui maintenant leur est amené d'une façon si solennelle par Eliud, personnage très respecté parmi eux, près duquel tous vont chercher des conseils et des consolations, et qui les exhorte au baptême. Ils ont bien entendu parler du Messie, mais ils ne peuvent penser que ce soit lui, etc.

Le 13 au matin je vis Jésus sortir de Nazareth avec Eliud. Ils allèrent du côté du midi sur le chemin de Jérusalem. On appelle cette contrée la vallée d'Esdrelon. Etant allés à environ deux lieues au delà du petit torrent de Kison, ils arrivèrent à un endroit consistant en une synagogue, une hôtellerie et quelques maisons. C'est, je crois, un faubourg de la ville d'Endor qui est tout près de là. à peu de distance de là se trouve une fontaine renommée. Jésus entra dans une hôtellerie. Les gens du lieu étaient peu sympathiques, sans être précisément hostiles. Eliud aussi, de son côté, n'avait pas grand crédit chez eux : car leurs tendances étaient plutôt pharisiennes. Jésus dit aux préposés qu'il voulait enseigner dans la synagogue. ils dirent que ce n'était pas l'usage de le permettre à des étrangers. Mais il leur déclara qu'il avait mission pour cela : il entra dans l'école et enseigna sur le Messie, dont le royaume n'est pas de ce monde et qui ne doit pas paraître avec une pompe extérieure ; il parla aussi du baptême de Jean. Les prêtres attachés à la synagogue ne lui étaient pas favorables. Il se lit donner des écrits, qu'il ouvrit, et il en expliqua divers passages des prophètes.

Je fus encore singulièrement touchée de la conversation intime qu'il eut avec le vieil Eliud : celui ci connaissait sa mission, son origine surnaturelle, et il y croyait ; toutefois il ne paraissait pas soupçonner que c'était Dieu lui même. Comme ils marchaient ensemble, Eliud lui raconta avec beaucoup de simplicité diverses choses touchant sa jeunesse, ce que la prophétesse Anne lui avait dit, et ce que celle ci, après le retour de la sainte Famille d'Egypte, avait appris de Marie, qu'elle avait visitée quelquefois à Jérusalem Jésus lui raconta aussi des choses qu'il ne savait pas, et ses récits étaient accompagnés d'explications très profondes : mais tout cela se passait simplement et naturellement : c'était la conversation d'un bon vieillard avec un jeune ami qu'il affectionne. Pendant qu'Eliud racontait ce qu'Anne avait appris de Marie et lui avait répété, je vis tout cela en visions, et je me réjouis de voir que c'étaient toujours les mêmes choses que j'avais déjà vues et dont j'avais oublié une partie. J'ai beaucoup vu et entendu à ce sujet, mais malheureusement j'en ai oublié la plus grande partie, parce que j'ai été dérangée.(5)

Jésus parla aussi avec Eliud du voyage qu'il devait faire à l'occasion de son baptême. Il avait réuni beaucoup de personnes qu'il avait envoyées dans le désert, près d'Ophra ; quant à lui, il voulait aller seul en passant par Bethanie, où il voulait parler à Lazare Il le nomma d'un autre nom que j'ai oublié : il parla de son père et de ce qu'il avait été lors de la guerre. Il dit que Lazare et ses soeurs étaient riches et sacrifieraient tout au service de l'oeuvre du salut.

Note 5 : Les récits intercalés ici sur la fuite en Egypte, la vie en Egypte le massacre des Innocents, le retour d'Egypte, etc., ont été placés dans la vie de la sainte Vierge.

Lazare avait trois soeurs : Marthe, l'aînée ; Marie Madeleine, la plus jeune, et une entre les deux qui s'appelait aussi Marie : celle ci vivait tout à fait à part ; elle était silencieuse et comme idiote : on ne l'appelle que Marie la Silencieuse. Jésus, parlant d'elles, dit à Eliud que Marthe était bonne et pieuse, et qu'elle le suivrait ainsi que son frère. Il dit de l'idiote : "Celle là avait un grand esprit et beaucoup d'intelligence ; mais ces dons lui ont été retirés pour son salut. Elle n'est pas laite pour le monde et sa vie est toute intérieure, mais elle ne pèche pas i : si je m'entretenais avec elle, elle comprendrait les mystères les plus cachés. Elle ne survivra pas longtemps au moment où Lazare et ses soeurs me suivront et donneront tout pour la communauté. La plus jeune soeur, Marie, est égarée : mais elle reviendra et surpassera Marthe, etc."

Précédemment, lorsque la narratrice vit le Seigneur dans le voisinage de Magdalum, elle eut la vision suivante touchant Madeleine :

" voyez un peu ! je l'aperçois au haut de son château : derrière elle brille un corps lumineux semblable à une lune, mais devant elle s'élève comme une montagne noire qu'elle doit mettre sous ses pieds, car une assistance lui est donnée. Elle est stérile, autrement ce qu'il y a de ténébreux en elle se serait répandu au dehors et l'aurait fortement attachée au monde. Lorsqu'elle a reconnu Jésus et fait pénitence, elle a mis au monde beaucoup d'enfants selon l'esprit. Je vois aussi là la Mère de Dieu : elle met le pied sur la montagne noire qui s'enfonce : alors Madeleine est toute entière dans la clarté de la lune, elle est toute lumineuse, mais la Mère de Dieu se tient au dessus de la lune. La lune a une signification importante et joue un rôle considérable : elle est en rapport avec beaucoup de mauvaises choses qui sont en nous. Mais il y a tant à dire là dessus, que je ne puis en parler maintenant. Quand la Mère de Dieu vint, elle foula aux pieds le mal avec ses ténèbres ; elle a reçu l'empire sur lui : je ne puis pas bien expliquer la chose maintenant, mais c'est pour cela qu'elle est représentée au dessus de la lune, ayant le serpent sous ses pieds. C'est une réalité qui nous est ainsi montrée sous forme d'image. "

Eliud parla encore de Jean Baptiste, le cousin de Jésus : il ne l'avait jamais vu et n'était pas encore baptisé. Ils passèrent la nuit dans l'hôtellerie voisine de la synagogue.

(14 septembre.) Ce matin Jésus alla avec Eliud le long de la montagne d'Hermon qui n'est pas cet Hermon où Joachim avait des pâturages. Ils allèrent a Endor, ville en partie ruine. Déjà près du lieu où ils avaient logé, il y avait sur le penchant de la montagne, des restes de murs tellement larges qu'on aurait pu y aller en voiture. La ville d'Endor était peu habitée, pleine de décombres ; il y avait beaucoup de jardins. D'un côté s'élevaient de grands édifices semblables à des palais : en d'autres endroits la ville était en ruines, ayant été dévastée par la guerre. Il me semble qu'il habitait là une race d'hommes distincte des Juifs. Jésus n'alla pas dans la synagogue, il n'y en avait pas ici. Il se rendit avec Eliud sur une grande place où il y avait trois édifices contenant une quantité de petites chambres bâties près d'un étang entouré d'une pelouse et sur lequel flottaient de petites barques de baigneurs : il y avait aussi une pompe près de cet étang. Cela ressemblait à un établissement d'eaux minérales : les petites chambres étaient habitées par des malades. Jésus alla avec Eliud dans une de ces grandes maisons : on lui lava les pieds et on l'hébergea. Il fit ensuite une instruction à ces gens sur la place où on lui avait préparé un siège élevé. Les femmes qui habitaient dans une des ailes vinrent se ranger derrière les auditeurs. Ces gens n'étaient pas de vrais juifs : c'étaient plutôt comme des esclaves expulsés : ils avaient à payer un tribut sur les fruits qu'ils recueillaient. Ils étaient restés dans la ville à la suite d'une guerre : je crois que Sisara leur chef fut battu assez près de cette ville et ensuite tué par une femme. (Judic.IV, 2.) Ces gens étaient répandu dans tout le pays en qualité d'esclaves : il y en avait encore là environ quatre cents. On leur avait fait autrefois exploiter des carrières pour la construction du temple sous David et Salomon. Ils étaient toujours employés à des travaux de ce genre. Le défunt roi Hérode s'était servi d'eux pour construire un aqueduc long de plusieurs lieues qui amenait l'eau à la montagne de Sion. Ces gens s'assistaient constamment les uns les autres et ils étaient charitables. Ils portaient de longues robes avec des ceintures et des capuchons pointus qui couvraient les oreilles, comme les anciens ermites. Ils n'avaient aucun commerce avec les juifs : mais il leur était permis d'envoyer leurs enfants à l'école : toutefois ils étaient si opprimés et si méprisés qu'ils n'usaient pas de ce droit. Jésus fut très compatissant avec eux : il fit aussi venir les malades. Ceux ci étaient assis sur des espèces de lit semblables à mon fauteuil et` qui m'y faisaient penser y avait un dossier mobile avec des appuis : quand ce dossier s'abaissait, le fauteuil était comme un lit. Lorsque Jésus enseigna sur le baptême et sur le Messie, et leur fit des exhortations à ce sujet, ils se montrèrent très timides, disant qu'ils ne pouvaient prétendre à de telles choses, qu'ils étaient des cens expulsés. Alors Jésus rectifia leurs idées au moyen d'une parabole touchant l'économe infidèle. J'en ai oublié l'explication que j'avais bien comprise et qui m'a occupé tout le jour. Je la retrouverai une autre fois. Il raconta aussi la parabole du fils que son père envoie prendre possession de sa vigne : il la racontait toujours aux pa'ens dont personne ne s'occupait. Ces gens préparèrent un repas en plein air pour Jésus. Il y invita les pauvres et les malades et les servit à table avec Eliud. Ils en furent extrêmement touchés. Le soir Jésus retourna avec Eliud à la synagogue du faubourg, ils y célébrèrent le sabbat et y passèrent la nuit.

(15 septembre.) Aujourd'hui Jésus alla encore avec Eliud à Endor, qui par conséquent n'était éloigné de l'hôtellerie que de la distance qu'on pouvait parcourir un jour de sabbat. Il y enseigna. Ces gens étaient Chananéens, et originaires de Sichem. à ce que je crois : car j'entendis aujourd'hui prononcer le nom de Sichémites. Ils avaient dans une salle une idole cachée dans un souterrain, laquelle au moyen d'une mécanique que l'on faisait jouer, sortait tout à coup de terre et venait se placer sur un autel élégamment paré : on la faisait rentrer par le même procédé. C'était une idole de femme qu'ils tenaient de l'Egypte et qui s'appelait Astarté : hier j'avais pris ce nom pour celui d'Esther. Elle avait un visage rond comme une lune. Elle avançait les bras sur lesquels elle tenait couche devant elle un objet assez long, emmailloté comme une chrysalide de papillon, plus épais au milieu, et effilé aux deux extrémités : ce pouvait bien être un poisson. Sur le des de l'idole était placé comme un socle sur lequel était un boisseau ou une hotte qui dépassait le haut de la tête. Il y avait dedans comme des épis dans des cosses vertes avec d'autres feuilles vertes et des fruits. Depuis les pieds jusqu'au bas ventre ; l'idole était comme dans un muid et elle était entourée de pots où étaient diverses plantes. Ils pratiquaient en secret leur culte idolâtrique, et Jésus leur fit des reproches à ce sujet dans son instruction. Autrefois ils sacrifiaient à leur déesse des enfants mal conformés. à cette déesse correspondait un dieu Adonis, qui, si je ne me trompe, était comme son mari. Ces gens étaient venus dans le pays sous la conduite de leur chef Sisara : ils y avaient été battus, et depuis ce temps, ils étaient répandus dans la contrée où ils servaient comme esclaves. Ils étaient très opprimés et très méprisés. Peu de temps avant Jésus Christ ils avaient excité des troubles prés du château d'Hérode dans cette partie de la Galilée, et depuis lors ils avaient été soumis à une oppression plus dure. Dans l'après midi Jésus revint avec Eliud dans la synagogue pour la clôture du sabbat. Les juifs avaient très mal pris sa visite à Endor, mais il leur reprocha très sévèrement leur dureté envers ces hommes abandonnés, leur recommanda d'être charitables à leur égard et les exhorta a les mener avec eux au baptême, auquel eux mêmes, d'après ses avis, s'étaient décidés à aller. Ils étaient devenus plus favorables à Jésus après l'avoir entendue le soir, Jésus revint à Nazareth avec Eliud et je les vis s'entretenir sur la route comme l'ordinaire : souvent ils s'arrêtaient et parlaient. Eliud raconta beaucoup de choses de la fuite en Egypte et je vis tout cela en visions il fut amené à en parler parce qu'il avait demandé à Jésus si son royaume ne s'étendrait pas jusqu'à ces bonnes gens d'Egypte qui l'avaient vu enfant et que sa présence avait touchés.

Ici je vis de nouveau que ce que j'avais vu d'un voyage fait par Jésus en Egypte, à travers l'Asie pa'enne, après la résurrection de Lazare, n'était pas un rêve de ma façon : car Jésus dit à Eliud, que partout où la semence avait été jetée, il irait avant sa fin recueillir les épis séparés. Eliud avait aussi quelques notions sur le pain et le vin et sur Melchisédech, il ne pouvait pas se faire une idée de ce qu'était Jésus et il lui demanda s'il n'était pas quelque chose comme Melchisédech. Jésus répondit : " Non ; il devait préparer mon sacrifice, mais c'est moi même qui serai le sacrifice. "

J'appris aussi dans cet entretien que Noémi, la maîtresse de Marie au temple, était tante de Lazare, et soeur de sa mère. Le père de Lazare était le fils d'un roi syrien : il avait servi dans les guerres et acquis de grands biens. Sa femme était une juive de distinction, de la race sacerdotale d'Aaron (alliée à sainte Anne par Manassé). Ils avaient trois châteaux à Bethanie, près d'Herodium et à Magdalum sur la mer de Galilée, non loin de Tibériade et de Gabara : Hérode avait aussi un château dans le voisinage de Magdalum. Ils parlèrent aussi du scandale que Madeleine donnait à sa famille, etc.

Jésus entra chez Eliud où se trouvaient les cinq disciples, tous les autres esséniens et diverses personnes qui voulaient aller au baptême.

(16 septembre.) Le matin, quand Jésus arriva avec Eliud, il y avait beaucoup de monde rassemblé près de la maison de celui ci ; c'étaient les autres esséniens, les cinq disciples et plusieurs personnes qui voulaient aller au baptême. Jésus les instruisit. Il était aussi arrivé à Nazareth des publicains qui voulaient aller au baptême : plusieurs troupes étaient déjà parties.

Plus tard dans la matinée, Jésus enseigna de nouveau : il vint ensuite à lui deux pharisiens de Nazareth qui l'invitèrent à les suivre jusqu'à l'école de la ville : ils avaient, disaient ils, tant entendu parler de son enseignement dans le pays, qu'ils désiraient, eux aussi, entendre ses explications sur les prophètes. Jésus alla avec eux. Ils le conduisirent dans la maison d'un pharisien où plusieurs autres étaient réunis. Ses cinq disciples étaient avec lui. Les pharisiens qui formaient son auditoire furent très bienveillants pour lui : il leur raconta de si belles paraboles, qu'ils parurent prendre grand plaisir à son enseignement et qu'ils le conduisirent à la synagogue. Beaucoup de gens s'y étaient rassemblés il parla de Moise et leur expliqua des prophéties relatives au Messie. Mais comme d'après son langage, ils soupçonnèrent qu'il pouvait bien parler de lui même, ils furent fort scandalisés. Ils lui donnèrent pourtant un repas chez un pharisien. Il passa la nuit avec cinq disciples dans une hôtellerie voisine de l'école.

(7 septembre. ) Jésus enseigna aujourd'hui une troupe de publicains qui allaient au baptême. il enseigna aussi dans la synagogue et parla du grain de blé qui doit tomber en terre.

Les pharisiens se scandalisèrent à nouveau à son sujet et recommencèrent leurs propos sur le fils du charpentier Joseph.. Ils lui reprochèrent aussi ses rapports et son commerce avec les publicains et les pécheurs, et il leur répondit très vertement. Ils lui parlèrent en outre des esséniens, disant que c'étaient des hypocrites qui ne vivaient pas selon la loi. Mais Jésus leur fit voir qu'ils observaient la loi mieux que les pharisiens et le reproche d'hypocrisie retomba sur eux. Ils étaient arrivés à s'occuper des esséniens à propos des bénédictions : car ils s'étaient scandalisés de voir Jésus bénir plusieurs enfants et ils en parlèrent parce que les bénédictions étaient fort en usage parmi les esséniens. Or, quand Jésus entrait dans la synagogue ou en sortait, beaucoup de femmes se présentaient devant lui avec leurs enfants et le priaient de vouloir bien les bénir. Lorsque Jésus demeurait encore à Nazareth, il s'occupait toujours beaucoup des enfants, qui devenaient paisibles et silencieux près de lui quand il les bénissait, même ceux qui, un instant auparavant, pleuraient et se montraient ingouvernables. Les mères se souvenant de cela lui amenaient leurs enfants et voulaient voir s'il n'était pas devenu plus fier. il y avait là quelques enfants qui se rejetaient et se renversaient sur eux mêmes : ils avaient comme des convulsions et poussaient de grands cris. Mais aussitôt après sa bénédiction ils se tinrent tranquilles. Je vis sortir de quelques uns comme une noire vapeur. Il mettait la main sur la tête des enfants et les bénissait à la manière des patriarches en marquant trois lignes, parlant de la tête et des deux épaules jusqu'à la poitrine où elles se réunissaient. Il faisait de même pour les petites filles, mais sans leur imposer les mains. Il faisait à celles ci un signe sur la bouche, je me disais que c'était Pour qu'elles fussent moins bavardes : mais cela avait encore un autre sens caché. Il passa la nuit avec ses disciples dans la maison d'un pharisien.

(18 septembre.) Hier 17, je vis Jésus passer la nuit à Nazareth, dans la maison d'un pharisien. à ses cinq compagnons, il s'en était joint quatre autres qui étaient aussi parents et amis de la sainte Famille : je crois qu'il s'y trouvait des fils des trois veuves, et un homme de Bethléem qui avait découvert qu'il descendait de Ruth, devenue l'épouse de Booz à Bethléem. Il les admit au nombre de ses disciples. il y avait à Nazareth deux familles riches, où il y avait trois fils qui, dans leur jeunesse, avaient eu des relations avec Jésus : ces fils étaient intelligents et instruits. Les parents qui avaient assisté à l'instruction de Jésus et qui avaient beaucoup ou' vanter sa sagesse, convinrent entre eux que leurs enfants iraient encore aujourd'hui l'entendre et qu'ensuite ils lui offriraient de l'argent pour qu'il leur permît de voyager avec lui et de participer à sa science. Ces braves gens avaient leurs fils en grande estime et pensaient que Jésus devait être leur précepteur. Les jeunes gens vinrent aujourd'hui dans la synagogue : tout ce qu'il y avait de gens instruits à Nazareth fit de même, sur l'invitation des pharisiens et de ces riches personnages. Ils voulaient mettre Jésus à l'épreuve de toute manière. Il y avait là un docteur de la loi et un médecin, grand et gros homme avec une longue barbe, une ceinture et un insigne qu'il portait à l'épaule sur son vêtement. Je vis Jésus à son entrée dans l'école bénir de nouveau plusieurs enfants que leurs mères lui apportaient : et parmi lesquels j'en vis de lépreux qu'il guérit. Je vis comment enseignant dans l'école il fut interrompu plusieurs fois par les savants qui lui proposaient toute sorte de questions compliquées, et comment il les réduisit tous au silence par la sagesse de ses paroles. Aux discours du docteur de la loi il fit des réponses admirables tirées de la loi de Mo'se, et quand on parla du divorce, il le condamna entièrement. Il dit que le mariage ne pouvait être dissous ; que, si le mari ne pouvait pas absolument vivre avec sa femme, il pouvait se séparer d'elle, mais qu'ils restaient toujours une seule chair et ne pouvaient pas se remarier. Cela ne fut nullement agréable aux juifs. Le médecin lui demanda s'il savait distinguer les tempéraments secs ou humides, sous quelle planète un homme était né, quelles herbes il fallait donner aux uns ou aux autres et comment était fait le corps humain. Jésus lui répondit avec une grande sagesse, il parla de la complexion de quelques uns des assistants, de leurs maladies et des moyens curatifs à employer, et il dit sur le corps humain des choses tout à fait inconnues au médecin. Il parla de la substance spirituelle et de la manière dont elle agit sur le corps, il dit qu'il y avait des maladies qui ne pouvaient être guéries que par la prière et la conversion, d'autres qui avaient besoin des secours de la médecine, et tout cela avec tant de profondeur et dans un si beau langage que le médecin tout émerveillé reconnut que son art était surpassé et qu'il n'avait jamais rencontré une pareille science. Je crois qu'il suivra Jésus. Il décrivit le corps humain avec ses membres, ses veines, ses nerfs et ses intestins, leur destination et leurs rapports entre eux avec tant d'exactitude quoique dans un résume rapide, et avec des vues si profondes que le médecin se sentit tout humble devant lui. Il y avait aussi là un astronome et il parla du cours des astres, de l'action que les étoiles ont les unes sur les autres, de leurs influences diverses, des comètes et des signes du ciel. Il dit aussi à un des assistants des choses d'un sens très profond sur l'architecture. il parla en outre du commerce et du trafic avec les peuples étrangers, et s'exprima en termes sévères sur des modes et des frivolités de toute espèce qui étaient venues d'Athènes. Diverses sortes de jeux et de tours d'escamotage étaient venus de là dans le pays : la mode s'en était répandue jusqu'à Nazareth et dans plusieurs autres lieux. il dit que c'étaient là des choses impardonnables, parce qu'on ne les regardait pas comme mauvaises et qu'on n'en faisait pas pénitence.

Tous étaient ravis de la sagesse qui éclatait dans ses discours : ses auditeurs l'engagèrent instamment à s'établir parmi eux, promettant de lui donner une maison et de pourvoir à tous ses besoins. Ils lui demandèrent aussi pourquoi il était allé avec sa mère à Capharnaum. Mais il répondit qu'il ne resterait pas ici. Il parla de sa destination et de sa mission ; dit qu'ils étaient allés à Capharnaum parce qu'il voulait habiter un point central du pays, etc. ils ne comprirent pas tout cela et furent fort mécontents de ce qu'il refusait d'habiter parmi eux. Ils croyaient lui avoir fait des offres très avantageuses et considéraient comme dicté par l'orgueil ce qu'il disait de sa mission et de sa destination. Ils quittèrent l'école vers le soir.

Les trois jeunes gens qui étaient âgés d'environ vingt ans, désiraient lui parler ; mais il ne voulut pas les entendre jusqu'à ce que ses neuf disciples fussent autour de lui : cela les chagrina. Mais il dit qu'il en agissait ainsi pour qu'il y eût des témoins de ce qu'il leur dirait. Alors ils lui exprimèrent en termes réservés et très modestes leur désir et celui de leurs parents qu'il voulût bien les prendre pour élèves, ajoutant que leurs parents lui donneraient de l'argent et qu'eux l'accompagneraient, le serviraient et l'assisteraient dans ses travaux... Je vis qu'il en coûtait à Jésus de leur refuser ce qu'ils demandaient, tant à cause d'eux mêmes, qu'à cause de ses disciples, car il avait à leur donner des raisons qu'ils n'étaient pas encore en état de comprendre. Il leur dit que celui qui se procurait quelque chose à prix d'argent, voulait retirer de son argent un avantage temporel : mais que celui qui voulait marcher dans sa voie à lui, devait renoncer à tous les biens de ce monde ; que quiconque voulait le suivre devait aussi abandonner ses parents et ses amis : enfin, que ses disciples ne cherchaient point femme et ne se mariaient pas. Il leur présenta ainsi des conditions très difficiles : ils en furent très découragés et lui parlèrent des esséniens parmi lesquels il y avait des gens mariés. Jésus répondit qu'ils se conformaient à leurs règles et faisaient bien, mais qu'ils n'avaient fait que préparer ce que son enseignement devait mener à terme, etc. Il les congédia et les engagea à réfléchir mûrement. Ses disciples étaient effrayés de ses paroles et de ce qu'il avait présenté sa doctrine comme si difficile à suivre : ils ne pouvaient pas le comprendre et se sentaient découragés. Il alla avec eux de Nazareth à la maison d'Eliud, et leur dit sur le chemin qu'ils ne devaient pas perdre courage ; qu'il avait eu des raisons graves pour parler ainsi à ces jeunes gens, qu'ils ne viendraient jamais à lui ou qu'ils y viendraient tardivement, que pour eux ils devaient le suivre tranquillement et ne point s'inquiéter, etc. Ils arrivèrent ainsi à la maison d'Eliud... Je ne crois pas qu'il revienne de nouveau voir Eliud, car on parle beaucoup et on s'agite beaucoup à Nazareth. Ils sont irrités de ce qu'il n'a pas voulu y rester : ils s'imaginent qu'il a appris tout cela dans ses voyages. "C'est assurément, disent ils, un homme extraordinaire et d'un grand esprit, mais il est trop fier pour le fils d'un charpentier. " Je vis aussi les trois jeunes gens revenir chez eux. Les parents prirent très mal les difficultés que Jésus avait faites, les enfants abondèrent dans le même sens et tout se tourna en mécontentement contre lui.

(19 septembre.) Jésus enseigna de nouveau dans la maison d'Eliud. Ses auditeurs étaient pour la plupart des esséniens : il y avait aussi quelques étrangers qui se disposaient à recevoir le baptême.

Les trois jeunes gens de Nazareth vinrent le trouver ici et le prièrent encore de les prendre avec lui. Ils lui promirent de lui obéir en tout et de le servir. Jésus refusa de nouveau et je vis qu'il était contristé de ce qu'ils ne pouvaient pas comprendre les motifs de son refus. Il s'entretint ensuite avec les neuf disciples qui d'après ses instructions, se disposaient à faire encore quelques courses et à aller après cela trouver Jean. Il leur parla de ceux qu'il venait de rejeter, leur dit qu'ils avaient en vue certains avantages : mais qu'ils n'étaient pas disposés à tout donner par charité : que pour eux, ses disciples, ils ne demandaient rien et qu'à cause de cela ils recevraient, etc. Il dit encore des choses très belles et très profondes sur le baptême. il leur dit de passer par Capharnaum et de dire à sa mère qu'il allait au baptême, de s'entendre relativement à Jean, avec les disciples de celui ci, Pierre, André, etc., et enfin d'annoncer à Jean qu'il allait venir.

Je vis Jésus, dans la nuit du 19 au 20, marcher avec Eliud dans la direction du sud ouest. Ce n'était pas le chemin direct. Jésus voulait aller à Chim (6), un endroit habité par des lépreux. Ils y arrivèrent au point du jour et je vis qu'Eliud voulait empêcher Jésus d'aller dans ce lieu, de peur qu'il ne contractât une impureté : il disait qu'il ne serait pas admis au baptême, si on venait à le savoir, etc. Jésus lui répondit qu'il connaissait sa mission, qu'il irait dans cet endroit parce qu'il s'y trouvait un homme de bien qui désirait ardemment le voir. Il leur fallut ici traverser le torrent de Cison. L'endroit était situé au bord d'un petit ruisseau qui conduisait l'eau du Cison dans un petit étang où les lépreux se lavaient. L'eau ne retournait pas au Cison. Ce lieu était tout à fait écarté, personne n'y allait : les lépreux habitaient dans des cabanes dispersées : eux exceptés, il ne demeurait là que les gens chargés de les surveiller. Eliud se tint à quelque distance et attendit le Seigneur. Jésus alla dans une cabane écartée où un de ces malheureux était étendu par terre, tout enveloppé dans des draps. Jésus s'entretint avec lui. C'était un homme de bien, j'ai oublié comment la lèpre lui était venue. Il se redressa et fut extraordinairement touché de ce que le Seigneur était venu à lui. Jésus lui ordonna de se mettre dans une auge pleine d'eau qui était près de la cabane. Il obéit et Jésus tint ses mains étendues au dessus de l'eau, alors cet homme recouvra l'usage de ses mouvements et fut délivré de sa lèpre : il mit d'autres vêtements et Jésus lui défendit de parler de sa guérison jusqu'à ce qu'il fût revenu du baptême.

Note 6 : C'est ainsi qu'elle prononça ce nom.

Cet homme accompagna Jésus et Eliud pendant quelque temps, après quoi Jésus lui ordonna de s'en retourner. Je vis pendant la journée Jésus et Eliud aller vers le midi en suivant la vallée d'Esdrelon. Ils s'entretinrent ensemble à plusieurs reprises, souvent aussi ils marchaient séparés, et semblaient prier et méditer. La température n'est pas très agréable en ce moment : le ciel est couvert et il y a du brouillard dans la vallée. Jésus n'avait pas de bâton, il n'en portait jamais : les autres portaient un bâton, souvent avec une petite pelle au bout comme ceux des bergers : Jésus n'avait aux pieds que des sandales, d'autres avaient des espèces de souliers plus complets dont le dessus était de coton tressé très épais. Je les vis vers midi, se reposer près d'une source et manger du pain.

Dans la nuit du 20 au 21 septembre, je les vis de nouveau en route, tantôt ensemble, tantôt séparés. Je vis alors une chose merveilleuse, une scène admirablement belle. Eliud parlait à Jésus qui marchait devant lui de la beauté et de la parfaite conformation de son corps. Jésus lui dit : " si tu revoyais ce corps dans deux années d'ici, tu n'y trouverais plus ni beauté, ni bonne apparence, tant je serai défiguré par leurs outrages et leurs mauvais traitements. " Eliud ne comprit pas cela ; en général il ne pouvait pas comprendre pourquoi Jésus parlait ordinairement de son règne comme devant être de si courte durée ; il s'imaginait toujours qu'il faudrait bien dix ans, ou peut être vingt à Jésus pour fonder son royaume : il ne pouvait pais avoir d'autre idée à cet égard, parce qu'il ne se le représentait que comme un royaume terrestre. Quand ils eurent fait encore un peu de chemin, Jésus, s'arrêtant, dit à Eliud qui marchait tout pensif derrière lui, de se rapprocher de lui, parce qu'il voulait lui montrer qui il était, ce que c'était que son corps et ce que c'était que son royaume. Eliud s'arrêta à quelques pas de Jésus, et Jésus leva les yeux au ciel en priant. Alors une nuée descendit et les enveloppa tous deux comme une tempête. On ne pouvait pas les voir du dehors, mais un ciel lumineux s'ouvrit au dessus de leur tête et sembla s'abaisser vers eux. Je vis en haut comme une ville avec des murailles resplendissantes, je vis la Jérusalem céleste. Tout y était environné d'une clarté ou brillaient les couleurs de l'arc en ciel. Je vis une forme comme Dieu le Père et je vis Jésus participer à sa lumière. Jésus apparut dans sa forme humaine, resplendissant et diaphane. Eliud au commencement regardait en haut comme ravi en extase, ensuite il se prosterna sur sa face jusqu'à ce que la lumière et toute l'apparition se fussent évanouies. Alors Jésus se remit en marche et Eliud le suivit, muet et intimidé par ce qu'il avait vu. C'était une scène comme celle de la Transfiguration, mais je ne vis pas Jésus s'élever de terre. Je ne crois pas qu'Eliud ait vécu jusqu'au crucifiement de Jésus. Jésus s'ouvrait plus avec lui qu'avec les apôtres, car il avait reçu de grandes lumières et il était initié à beaucoup de secrets touchant sa famille. Il l'avait accueilli comme un ami intime et lui avait accordé un grand ascendant sur lui ; il fit aussi beaucoup pour la communauté de Jésus. C'était l'un des plus instruits parmi les esséniens. à l'époque de Jésus, ils n'habitaient plus sur les montagnes autant qu'autrefois : ils s'étaient répandus davantage dans les villes. J'eus cette belle vision à minuit et je me réveillais dans un cruel état de souffrance. Le matin je vis Eliud et Jésus arriver à une station de bergers. Le jour commençait à Poindre. Les bergers étaient déjà hors de leurs cabanes et près des troupeaux ; ils vinrent au devant de Jésus qu'ils connaissaient et se prosternèrent devant lui ; ils les conduisirent tous deux à un hangar où ils avaient leurs effets. Ils leur lavèrent les pieds, leur préparèrent une couche et mirent devant eux du pain et de petites coupes. Ils firent aussitôt rôtir des tourterelles qui nichaient dans les cabanes et qui étaient là en grande quantité, courant ça et là comme des poulets. Je vis après cela Jésus renvoyer Eliud, qui s'agenouilla devant lui pour recevoir sa bénédiction. Les bergers étaient présents. Jésus lui dit d'attendre en paix le terme de ses jours : car le chemin qu'il avait à parcourir était trop pénible pour lui. Il ajouta qu'il le considérait comme un des siens qui avait déjà fait sa part de travail dans la vigne et qui serait récompensé dans son royaume il expliqua ceci en racontant la parabole des ouvriers de la vigne. Eliud était très sérieux depuis la vision de cette nuit ; il gardait le silence et son émotion était profonde. Je crois avoir entendu qu'il ne reverrait plus Jésus sur la terre ? je n'en suis pourtant pas sûre. (La narratrice s'est trompée ici, car à la fête des Purim, elle vit de nouveau le Sauveur avec Eliud ainsi que cela sera raconté plus tard.) Je crois qu'il a été baptisé par les disciples. Eliud accompagna encore Jésus à quelque distance du séjour des bergers. Le Seigneur l'embrassa et il se sépara de lui avec une mâle émotion.

On peut voir d'ici le lieu où Jésus va pour le sabbat. Des parents de Jésus y ont habité autrefois. Cet endroit où Jésus allait maintenant tout seul, n'était pas Jezraël, comme je l'avais cru d'abord, parce que je voyais aussi Jezraël ; son nom était Gur et il était situé sur une montagne. un frère de saint Joseph, qui était allé plus tard demeurer a Zabulon et qui avait eu des rapports fréquents avec la sainte Famille, avait habité ici. Jésus alla, sans être remarqué, dans une hôtellerie où or lui lava les pieds et où on lui donna à manger. Il avait une chambre pour lui seul ; il se fit apporter de la synagogue un rouleau d'écritures et il pria tout en lisant, tantôt agenouillé, tantôt debout. Il n'alla pas dans l'école. Je vis une fois venir des gens qui voulaient lui parler, mais il ne les reçut pas.

Je vis les disciples envoyés en avant par Jésus arriver avant hier à Capharnaum ; je n'en vis pourtant là que cinq des plus connus. Ils s'entretinrent avec Marie ; deux d'entre eux allèrent à Bethsaide où ils prirent Pierre et André. Jacques le Mineur, Simon, Thaddée, Jean et Jacques le Majeur étaient aussi présents. Les disciples vantèrent la charité, la douceur et la sagesse de Jésus ; les autres parlèrent avec le plus grand enthousiasme de Jean Baptiste, de l'austérité de sa vie et de son enseignement, disant qu'ils n'avaient jamais entendu interpréter comme lui les prophètes et la loi ; Jean lui même se montra très enthousiaste de Jean Baptiste, bien qu'il connût Jésus : car à une époque antérieure ses parents ne demeuraient qu'à deux lieues de Nazareth, et Jésus l'aimait déjà quand il était enfant, ce que j'avais ignoré jusqu'à présent. Ils célébrèrent là le sabbat. Le dimanche 23, j'ai vu les neuf disciples, accompagnés des six qui viennent'` d'être nommés, sur le chemin de Tibériade, d'où ils se dirigèrent vers Ephron, par le désert, pour gagner ensuite Jéricho et se rendre auprès de Jean. Pierre et André relevaient les mérites de Jean Baptiste, disant qu'il était issu d'une famille sacerdotale distinguée, qu'il avait été instruit par des esséniens dans le désert, qu'il ne tolérait aucun désordre, qu'il était. Aussi austère que sage. Les disciples s'étendaient sur la bonté de Jésus et sur sa sagesse, les autres leur objectaient que sa condescendance donnait lieu à plus d'un désordre et alléguaient des exemples à l'appui ; ils disaient aussi qu'il avait été instruit par des esséniens lors des voyages qu'il avait faits récemment, etc. Cette fois je n'entendis plus rien dire à Jean. Ils ne firent pas ensemble tout le chemin mais seulement quelques lieues. Je me disais pendant cette conversation que les hommes de ce temps là étaient comme ceux d'aujourd'hui.

Le samedi 22 septembre, je vis Jésus prier seul dans l'hôtellerie de Gur ; cet endroit n'était pas très éloigné d'une ville appelée Mageddo et d'une plaine du même nom, et j'ai vu précédemment que vers la fin du monde une bataille sera livrée contre l'Antéchrist dans cette plaine. Jésus se leva au point du jour, il roula sa couche, mit sa ceinture, laissa une pièce de monnaie sur la couche et se mit en marche. Je le vis suivre des sentiers qui tournaient autour de plusieurs villages. Il ne communiqua avec personne ; je le vis passer au pied du mont Garizim, près de Samarie ; il le laissa à gauche ; il se dirigeait vers le midi. Je le vis à diverses reprises manger des baies et quelques fruits et boire de l'eau qu'il puisait dans le creux de sa main ou dans une feuille pliée de manière à la rendre concave.

Le dimanche au soir, il arriva dans une ville appelée Gophna, placée au pied de la montagne d'Ephraim. Elle était située sur un terrain très accidenté, et il y avait des jardins et des champs cultivés entre les maisons. il s'y trouvait des parents de Joachim, mais qui n'avaient pas entretenu de relations particulières avec la sainte Famille. Jésus entra dans une hôtellerie. On lui lava les pieds et on lui donna une petite réfection Mais bientôt ses parents vinrent avec deux pharisiens des meilleurs de leur secte, et ils l'emmenèrent dans leur maison. C'était une des maisons les plus considérables de la ville. La ville elle même était importante et elle était le siège de l'administration d'un district. Le parent de Jésus avait aussi un emploi et il tenait des écritures. La ville dépendait, à ce que je crois, de Samarie. Jésus fut reçu avec déférence. Il se trouvait là plusieurs autres personnes, et on prit un repas dans un lieu de plaisance ; les uns marchaient, les autres se tenaient debout. Jésus passa là la nuit. Il y avait une journée de voyage de là à Jérusalem ; une petite rivière coulait dans les environs. Lorsque la sainte Famille eut perdu Jésus dans le temple, elle était venue jusqu'ici. Ne l'ayant pas trouvé à Michmas, ils pensèrent qu'il était peut être allé en avant pour visiter leurs cousins. Marie craignait qu'il ne fût tombé dans l'eau.

Jésus alla à la synagogue où il demanda les écrits d'un prophète, et il enseigna sur le baptême et sur le Messie. Il leur expliqua une prophétie de laquelle il conclut que le temps de l'avènement du Messie devait être arrivé ; il parla d'événements qui devaient le précéder et qui avaient eu lieu en effet. Il en mentionna un qui s'était passé huit ans auparavant ; je ne sais plus bien s'il s'agissait d'une guerre ou du sceptre retiré à Juda. Il exposa ainsi plusieurs témoignages relatifs à des signes déjà accomplis qui devaient précéder l'avènement du Messie : il fit mention des différentes sectes qui existaient chez les juifs, et rappela combien de chose' étaient devenues de vaines formalités. Il parla ensuite de la manière dont le Messie paraîtrait au milieu d'eux, et dit qu'ils ne le reconnaîtraient pas. Il décrivit parfaitement tout ce qui devait se passer entre lui et Jean : il dit à peu près que quelqu'un le désignerait, et qu'on ne le reconnaîtrait pas : on s'attendrait à voir un brillant vainqueur, entouré d'une pompe mondaine, et ayant auprès de lui des hommes éminents par la science : aussi ne le reconnaîtrait on pas, lui qui devait paraître sans éclat, sans beauté, sans richesse, sans pompe ; qui devait avoir pour cortège des hommes simples, paysans et ouvriers ; qui devait frayer avec des mendiants, des infirmes, des lépreux et des pécheurs, etc. il parla longtemps dans ce sens, prouva tout par les prophéties, présenta toutes choses comme elles devaient se passer entre lui et Jean Baptiste, toutefois il ne dit jamais : " C'est moi ", mais parla toujours comme s'il se fût agi d'une tierce personne. Cette instruction remplit la plus grande partie de la journée. Les assistants, ses parents, finirent par croire qu'il était un envoyé, un précurseur de ce Messie.

Quand il fut de retour à la maison, ils consultèrent en sa présence un livre où ils avaient écrit ce qui était arrivé dans le temple, à Jésus, fils de Marie, alors âgé de douze ans ; ils se souvinrent alors d'une ressemblance entre ce qu'il avait dit à cette époque et ses paroles d'aujourd'hui, et quand ils eurent relu leur écrit, ils furent grandement étonnés.

Le maître de la maison était un veuf d'un âge avancé et il avait deux filles veuves. J'entendis ces deux femmes dire ensemble qu'elles avaient assisté au mariage de Joseph et de Marie, à Jérusalem, et combien la noce avait été belle ; elles ajoutèrent qu'Anne avait eu une grande aisance, mais que cette famille était bien déchue. Elles parlaient de cela, comme on a coutume de le faire dans le monde, avec une nuance de blâme et de mépris, comme si la famille était tombée très bas. Pendant qu'elles remémoraient longuement, comme le font les femmes, les circonstances de ce mariage et le costume de fiancée que portait Marie ; je vis tous les détails de ces épousailles et spécialement de la parure nuptiale de la sainte Vierge (7). Pendant ce temps, les hommes, comme je l'ai dit, s'occupaient de l'enseignement de Jésus enfant dans le temple, dont on avait tenu note chez eux. Les parents de Jésus l'avant cherché ici pleins d'inquiétude, le lieu et les circonstances dans lesquelles il avait été retrouvé y avaient produit un grand effet, d'autant plus que les familles étaient alliées. Comme ses cousins s'émerveillaient de la ressemblance entre son enseignement d'alors et celui d'aujourd'hui, et qu'ils se montraient de plus en plus prévenus en sa faveur, Jésus leur déclara qu'il lui fallait prendre congé d'eux, et il se mit en route malgré leurs prières. Plusieurs hommes l'accompagnèrent. Ils eurent à traverser une petite rivière, sur un pont en maçonnerie qui était planté d'arbres. Ils l'accompagnèrent quelques lieues jusqu'à une plaine où il y avait des pâturages et par où avait passé le patriarche Joseph lorsque son père Jacob l'envoya à Sichem vers ses frères. Jacob aussi s'était souvent trouvé dans les endroits d'où venait Jésus. Jésus arriva assez tard dans la soirée à un village de bergers situé en deçà d'un petit cours d'eau, et ses compagnons le quittèrent. L'endroit s'étendait encore de l'autre côté de la petite rivière ; la synagogue était de ce côté ci. Le Seigneur entra dans une hôtellerie Deux troupes d'aspirants au baptême, qui voulaient se rendre auprès de Jean, en passant par le désert, s'étaient réunies ici et avaient déjà parlé de l'arrivée de Jésus. Il s'entretint avec eux dans la soirée, et ils continuèrent leur route le lendemain matin. On lava les pieds au Seigneur ; il prit un peu de nourriture, puis il se retira pour prier et se reposer.

Note 7 : Tout cela se trouve rapporté dans les visions relatives à la vie de la sainte Vierge.

(25 septembre.) Le matin il alla à l'école où beaucoup de personnes se rassemblèrent. Il enseigna comme à l'ordinaire sur le baptême et sur l'approche du Messie, disant toujours qu'on ne le reconnaîtrait pas. Il leur reprocha leur attachement opiniâtre à d'anciennes coutumes devenues de vaines formalités ; c'était un tort particulier à ces gens. Du reste, ils étaient assez simples et prirent bien tout ce qu'il dit. Jésus se fit ensuite conduire par le chef de la synagogue près d'une dizaine de malades. Il n'en guérit aucun ; car il avait déjà dit à Eliud et à ses cinq disciples qu'avant son baptême, il n'opérerait pas de guérisons dans le voisinage de Jérusalem. C'étaient principalement des hydropiques et des goutteux ; il y avait aussi des femmes infirmes. Il leur fit des exhortations et dit à chacun en particulier ce qu'il avait à faire pour le bien de son âme ; car leurs maladies étaient, jusqu'à un certain point, des punitions de leurs péchés. Il ordonna à quelques uns de se purifier et d'aller au baptême.

Il y eut encore un souper dans l'hôtellerie ; plusieurs habitants du lieu y assistaient. Avant le repas, ils parlèrent d'Hérode, de sa liaison illégitime qu'ils blâmèrent, et ils demandèrent à Jésus de se prononcer à ce sujet. Jésus qualifia sévèrement la conduite d'Hérode, mais il ajouta qu'avant de juger les autres, on devait aussi se juger soi même, et il parla avec force des péchés qui se commettent dans le mariage.

Il y avait dans cet endroit plusieurs pécheurs notoires. Jésus les prit en particulier les uns après les autres, et leur reprocha sévèrement leurs adultères. Il révéla à plusieurs leurs péchés les plus secrets ; en sorte qu'ils furent effrayés et promirent de faire pénitence. Il se dirigea ensuite vers Bethanie, qui était environ à six lieues, et il alla de nouveau dans les montagnes. La température y est maintenant comme en hiver : le brouillard est épais, le ciel est sombre, et il y a souvent pendant la nuit une gelée blanche très froide. Jésus a la tête enveloppée dans un linge Il va maintenant tout à fait au levant. J'ai aussi vu Marie et quatre des saintes femmes faisant route dans une plaine près de Tibériade. Je les ai vues sortir de leur maison, où il est resté quelqu'un. Elles ont deux valets de pêcheurs avec elles. L'un va en avant, l'autre derrière ; ils portent le bagage, un sac sur la poitrine, un autre sur le des, et un bâton sur l'épaule. Il y a là Jeanne Chusa, Marie de Cléophas, une des trois veuves, et encore une autre femme, je ne sais plus si c'est Marie Salomé, ou la femme de Pierre ou celle d'André. Elles se rendent aussi à Bethanie, elles suivent la route ordinaire, et passent devant Sichar qu'elles laissent à droite, tandis que Jésus l'a laissée à gauche. Les saintes femmes vont la plupart du temps l'une après l'autre, à environ deux pas de distance, probablement parce que la plupart des chemins, à l'exception des grandes routes, sont des sentiers étroits à l'usage des piétons, et traversant souvent des montagnes. Elles marchent vite, à grands pas, et n'ont pas la démarche incertaine des gens d'ici ; c'est sans doute parce que, dans leur pays, on est accoutumé, dès son jeune âge, à faire de longs voyages a pied. Quand elles sont en route, elles retroussent leur robe jusqu'à mi jambe ; leurs jambes sont enveloppées jusqu'à la cheville avec une bande d'étoffe ; elles ont des sandales épaisses et rembourrées, attachées sous la plante des pieds. Elles portent sur la tête un voile assujetti autour de la nuque par un linge long et étroit. Ce linge se croise sur la poitrine et, revenant autour de la taille, se passe dans la ceinture ; il sert aussi à faire reposer leurs mains qu'elles y placent alternativement. L'homme qui marche en avant prépare le chemin, ouvre des passages dans les haies, enlève les pierres, pose des planches sur les fondrières, veille à tout ce qui peut arriver, et commande les logements. Celui qui va derrière remet les choses comme elles étaient.

(26 septembre.) Jésus pendant son voyage de Bethanie alla encore dans les montagnes. Le soir il arriva, deux lieues environ au nord de Jérusalem, dans une ville qui n'est autre chose qu'une rue d'une demi lieue de long, passant à travers une montagne. Bethanie est bien à trois lieues d'ici. On peut en voir d'ici les environs : car c'est beaucoup plus bas dans la plaine. Au nord est de cette montagne s'étend un désert d'environ trois lieues, dans la direction du désert d'Ephron. Je vis Marie et ses compagnes loger cette nuit entre les deux déserts.

La montagne est celle où Joab et Abisai cessèrent de poursuivre Abner lorsque celui ci entra en pourparlers avec eux. Son nom est Amma et elle est située au nord de Jérusalem. De l'endroit où était Jésus, la vue s'étendait au levant et au nord : je crois qu'il s'appelait Giah ; je vis le désert de Gabaon qui commençait au bas de la hauteur et allait rejoindre le désert d'Ephron. Il était long d'environ trois lieues. Jésus arriva ici le soir et entra dans une maison, désirant prendre un peu de nourriture. On lui lava les pieds, on lui donna à boire et on lui offrit des petits pains. il vint bientôt près de lui plusieurs personnes qui, voyant qu'il venait de la Galilée, lui firent des questions sur ce docteur de Nazareth dont on parlait tant et dont Jean Baptiste disait tant de choses : ils lui demandèrent aussi si le baptême de Jean était bon. Jésus leur fit ses instructions accoutumées, et les exhorta au baptême et à la pénitence : il parla du prophète de Nazareth et du Messie, dit qu'il paraîtrait au milieu d'eux et qu'ils ne le reconnaîtraient pas, que même ils le persécuteraient et le maltraiteraient : qu'ils devaient bien faire attention à tout que les temps étaient accomplis ; qu'il ne paraîtrait pas dans une pompe triomphale mais qu'il serait pauvre et marcherait entouré d'hommes simples, etc. : ces gens ne le reconnurent pas, mais ils l'accueillirent bien et lui témoignèrent beaucoup de respect. C'étaient des aspirants au baptême qui, passant par ici, avaient parlé de Jésus. Ils lui firent la conduite sur la route après qu'il se fut reposé environ deux heures.

Jésus arriva à Bethanie dans la nuit. Lazare avait été quelques jours auparavant dans sa propriété de Jérusalem située sur le penchant du Calvaire, près du côté occidental de la montagne de Sion, mais il était de retour à Bethanie : car il avait su par des disciples que Jésus allait arriver, Le château de Bethanie était la propriété personnelle de Marthe. Mais Lazare y résidait volontiers et ils faisaient ménage ensemble. I

Ils attendaient Jésus et un repas était préparé. Marthe habitait un bâtiment situé sur l'un des côtés de la cour. Il y avait des hôtes dans la maison. Chez Marthe se trouvaient Séraphia (Véronique), Marie, mère de Marc et une femme âgée de Jérusalem. Elle avait quitté le temple lorsque Marie y était entrée : elle y serait restée volontiers, mais elle s'était mariée par suite d'une indication d'en haut. Chez Lazare se trouvaient Nicodème, Jean Marc, un des fils de Siméon, et un vieillard, nommé Obed, frère ou neveu de la prophétesse Anne. Tous étaient secrètement amis de Jésus, qu'ils connaissaient soit par Jean Baptiste, soit par des relations avec sa famille, soit par les prophéties de Siméon et d'Anne dans le temple.

Nicodème était un homme réfléchi, observateur, très curieux, et qui fondait des espérances sur Jésus. Tous avaient reçu le baptême de Jean. Ils étaient venus secrètement sur l'invitation de Lazare. Nicodème par la suite servit Jésus et son oeuvre, mais toujours en secret.

Lazare avait envoyé des serviteurs sur la roule au devant de Jésus. Il fut joint à une demi lieue environ de Bethanie par un vieux et fidèle domestique, devenu plus tard disciple, qui se prosterna à ses pieds et lui dit : "Je suis le serviteur de Lazare ; si je trouve grâce devant vous, mon Seigneur, suivez moi jusque chez lui. Jésus lui dit de se relever et le suivit. Il se montra très amical pour cet homme, sans toutefois rien faire qui ne fût conforme à sa dignité. Cela même avait un charme irrésistible. On aimait l'homme et on sentait le Dieu. Le serviteur le conduisit dans un vestibule à l'entrée du château, près " d'une fontaine " . Tout était préparé pour le recevoir. On lui lava les pieds et on lui mit d'autres sandales. Jésus, en arrivant, avait une paire de sandales épaisses, rembourrées et doublées de vert. Il les laissa ici et mit une paire de fortes chaussures avec des courroies de cuir, qu'il continua à porter. Le serviteur mit ensuite ses habits à l'air et les épousseta. Quand il se fut lavé les pieds, Lazare vint avec ses amis, lui apportant à boire et quelques aliments. Jésus embrassa Lazare et salua les autres en leur donnant la main. Tous lé servirent avec empressement et l'accompagnèrent à la maison : mais Lazare le mena d'abord à l'habitation de Marthe. Les femmes qui étaient là se prosternèrent, couvertes de leurs voiles : Jésus les releva et dit à Marthe que sa mère viendrait ici pour l'y attendre à son retour du baptême.

Ils se rendirent ensuite à la maison de Lazare, où ils prirent un repas. il y avait un agneau rôti et des colombes, en outre du miel, des petits pains, des fruits et des légumes verts. Ils étaient placés à table sur des bancs à dossier, toujours deux par deux : les femmes mangeaient dans une salle antérieure. Jésus pria avant le repas et bénit tous les mets il était très sérieux, et même triste. Il leur dit pendant le repas que des temps difficiles approchaient, qu'il allait entrer dans une voie laborieuse dont le terme serait douloureux. Il les exhorta à la persévérance, puisqu'ils étaient ses amis ; car ils devaient avoir beaucoup de souffrances à partager avec lui. Il parla d'une façon si touchante qu'ils en furent émus jusqu'aux larmes, mais ils ne le comprirent pas parfaitement, ils ne savaient pas qu'il était Dieu.

Ici la narratrice interrompit son récit et dit : " Je suis toujours surprise de ce manque d'intelligence, moi qui ai une conviction si profonde touchant la divinité de Jésus et sa mission. Je ne puis m'empêcher de me dire : Pourquoi donc ce que je vois si clairement devant mes yeux n'a t il pas été montré à ces hommes ? J'ai vu Dieu créer l'homme, tirer de lui l'élément féminin, en faire la femme et la lui donner pour compagne, puis l'un et l'autre tomber : j'ai vu la promesse du Messie, et la dispersion de l'humanité engendrée dans le péché, les directions merveilleuses et les sacrements destinés par Dieu à préparer la venue de la sainte Vierge sur la terre. J'ai vu la bénédiction, de laquelle le Verbe a pris chair, suivre son cours, comme une voie lumineuse, à travers toutes les générations des ancêtres de Marie : j'ai vu enfin le message porté par l'ange à Marie et le rayon de la divinité qui pénétra en elle quand elle conçut le Sauveur. Et après tout cela, combien il doit être surprenant pour moi, indigne et misérable pécheresse, de voir en présence de Jésus, ces saints personnages, ses contemporains, ses amis, qui l'aiment et qui le vénèrent, croire pourtant tous que son royaume doit être un royaume de la terre, le regarder comme le Messie promis, mais non toutefois comme Dieu lui même ! Il était encore pour eux le fils de Joseph et de Marie : aucun d'eux ne soupçonnait que Marie était vierge, car ils n'avaient pas même l'idée d'une conception surnaturelle et immaculée. Ils ne savaient même rien du mystère de l'arche d'alliance. C'était déjà beaucoup et le signe d'une grâce de choix qu'ils l'aimassent et le reconnussent. Les Pharisiens qui savaient que Siméon et Anne avaient prophétisé lors de sa présentation, qui avaient entendu le merveilleux enseignement qu'il avait donne dans le temple étant encore enfant, étaient tout à fait endurcis. Ils s'étaient enquis alors de la famille de l'enfant, plus tard de celle du docteur ; mais cette famille était à leurs yeux trop humble, trop pauvre, trop méprisable : ils voulaient un Messie glorieux. Lazare, Nicodème et beaucoup de ses adhérents croyaient toujours, sans en rien dire, que sa mission était de prendre possession de Jérusalem avec ses disciples, de les délivrer du joug des Romains et de rétablir le royaume de Juda.

Il en était alors comme aujourd'hui, où chacun croirait voir un Sauveur dans celui qui procurerait à sa patrie l'ancien gouvernement de prédilection et l'antique liberté. Alors aussi ils ne savaient pas que le royaume où nous pouvons trouver la fin de nos maux n'est pas de ce monde, qui est un lieu de pénitence. Ils se réjouissaient par moments à la pensée que c'en serait bientôt fait de. la grandeur et de la puissance de tel ou tel oppresseur. Mais ils n'osaient pas parler de cela à Jésus : car ils restaient tous confus et intimidés, parce qu'ils sentaient bien que dans aucune de ses allures, dans aucune de ses paroles, il n'y avait rien qui répondit à leur attente.

Après le repas ils se rendirent dans un oratoire, et ; Jésus fit une prière où il rendit grâces de ce que son temps était venu et de ce que sa mission commençait. Cette prière fut très touchante, et tous versèrent des larmes. Les femmes étaient présentes, mais se tenaient en arrière. Ils firent encore ensemble des prières d'une application générale. Jésus les bénit, et Lazare le conduisit au lieu où il devait prendre son repos C'était une grande pièce où tous les hommes couchaient et avaient des compartiments séparés : tout y était mieux disposé que dans les maisons ordinaires. Le lit n'était pas roulé comme il l'était ailleurs. Il avait plus de hauteur que les lits habituels qui étaient par terre : il était fixe, et il y avait au devant une balustrade avec un grillage, laquelle était décorée avec des couvertures et des franges. Au mur auquel le lit s'appuyait était suspendue une belle natte roulée qu'on pouvait relever ou abaisser devant le lit, sur lequel elle formait comme un toit oblique quand on cachait la couche vide. Près du lit était une petite table servant d'escabeau, et il y avait dans le creux du mur un bassin avec un grand vase plein d'eau et un autre vase plus petit pour puiser et verser. une lampe était fixée en avant du mur, et un linge à essuyer y était suspendu. Lazare alluma la lampe, se prosterna devant Jésus qui le bénit encore, et ils se séparèrent.

Je ne vis pas cette soeur de Lazare qu'on appelait Marie la Silencieuse : elle ne se montrait pas en public et ne prononçait jamais une parole devant personne ; mais quand elle était seule dans sa chambre ou dans son jardin, elle parlait tout haut, s'adressant la parole à elle même et à tous les objets qui l'entouraient. Il semblait que toutes ces choses fussent vivantes : ce n'était qu'aux hommes qu'elle ne parlait pas. En présence d'autres personnes, elle ne faisait pas un mouvement, tenait les yeux baissés et restait comme une statue. Elle faisait pourtant une inclination de tête pour saluer, et sa tenue était parfaitement convenable, seulement elle était muette. Quand elle était seule, elle se livrait à diverses occupations, travaillait à ses vêtements, et faisait tout cela comme une autre. Elle était très pieuse, toutefois elle ne paraissait jamais à la synagogue, mais faisait ses prières dans sa chambre. Je crois qu'elle avait des visions et qu'elle conversait avec des esprits qui lui apparaissaient. Elle avait une affection indicible pour ses frères et soeurs, particulièrement pour Madeleine. Elle était ainsi depuis sa première jeunesse. Elle avait des femmes qui prenaient soin d'elle, mais elle était très propre, et il n'y avait rien en elle qui sentit la folie.

Jusqu'à présent on n'a pas parlé de Madeleine devant Jésus : elle menait à Magdalum la vie la plus magnifique.

La nuit où Jésus arriva chez Lazare, je vis la sainte Vierge, Jeanne Chusa, Marie de Cléophas, la veuve Léa et Marie Salomé dans une hôtellerie entre le désert de Gabaa et le désert d'Ephraim, à environ cinq lieues de Bethanie. Elles dormirent dans un hangar, fermé de tous les côtés par de légères cloisons. Il était divisé en deux pièces : celle de devant était divisée en deux rangées de compartiments avec des couches où les saintes femmes s'étaient installées ; celle de derrière servait de cuisine. Devant la maison était une cabane ouverte, dans laquelle était un feu allumé : je crois que les hommes qui les accompagnaient dormaient ou veillaient là À l'habitation du maître de l'hôtellerie était dans le voisinage. Elles seront à Bethanie demain 27 vers midi. A l'occasion de Marie de Cléophas, je vis de nouveau qu'elle était fille de la soeur aînée de la sainte Vierge et de Cléophas, un neveu de saint Joseph. J'ai oublié le reste : ce Cléophas, outre cette fille, en avait eu encore une autre qui s'était mariée, etc. Ce n'est point le disciple d'Emmaus.

(27 septembre.) Je vis Jésus dans la maison de Lazare avec celui ci et les amis de Jérusalem. Il n'entra pas à Bethanie, mais il se promena dans les cours et les jardins du château. il parlait et enseignait, tout en marchant, d'une façon très grave et très touchante. Quelque affectueux qu'il fût, il restait toujours plein de dignité, et ne proférait pas une parole inutile. Tous l'aimaient et le suivaient, et cependant tous se sentaient intimidés. C'était Lazare qui en usait le plus familièrement avec lui : les autres étaient plus dominés par l'admiration, et se tenaient davantage sur la réserve.

Jésus, accompagne de Lazare, alla visiter les femmes, et Marthe le conduisit à sa soeur Marie la Silencieuse, avec laquelle il voulait s'entretenir. Ils allèrent par une porte pratiquée dans le mur de la grande cour dans une autre cour plantée, plus petite et pourtant spacieuse, à laquelle l'habitation de Marie était attenante. Jésus resta dans le petit jardin et Marthe alla chercher sa soeur. Le petit jardin était très agréable ; au milieu s'élevait un grand dattier : il y avait, en outre, des plantes aromatiques et des arbustes de toute espèce. Il s'y trouvait aussi une fontaine avec un rebord, et au milieu de la fontaine un siège en pierre, où Marie la Silencieuse pouvait arriver en passant sur une planche et s'asseoir sous un pavillon tendu au dessus de la fontaine. Marthe alla la trouver et lui dit de venir dans la cour, ou quelqu'un l'attendait. Elle obéit à l'instant, mit son voile et se rendit, sans dire un mot, dans la cour, après quoi Marthe se retira. Elle était grande et belle, âgée d'environ trente ans : le plus souvent elle regardait le ciel, et si parfois elle tournait les yeux du côté par où venait Jésus, ce n'était qu'un regard vague et peu arrêté comme si elle eût regardé dans le lointain. Elle ne disait jamais " je " , mais " toi " , quand elle parlait d'elle même, comme s'il se fût agi d'une autre personne qu'elle voyait devant elle et à laquelle elle adressait la parole. Elle ne parla pas à Jésus et ne se prosterna pas devant lui. Jésus lui parla le premier et ils marchèrent dans le petit jardin : à proprement parler, ils ne s'entretenaient pas ensemble. Marie regardait toujours en haut et parlait des choses du ciel, comme si elle les eût vues. Jésus faisait de même : il parlait de son Père et avec son Père. Elle ne regardait pas Jésus : seulement en parlant elle se tournait souvent à moitié vers lui. L'entretien qu'ils avaient ensemble était plutôt une prière, un cantique de louange, une méditation sur des mystères, qu'un entretien proprement dit. Marie ne paraissait pas avoir la conscience de sa vie sur la terre : son âme était dans un autre monde pendant que son corps demeurait ici bas.

Je me souviens, entre autres choses, que, levant les yeux au ciel, elle parla de l'Incarnation du Christ, comme si elle avait vu cette affaire se traiter dans le sein de la très sainte Trinité. Je ne puis répéter ses paroles na'ves et pourtant pleines de gravité. Elle disait, comme si elle eût eu la chose sous les veux : "Le Père dit au Fils qu'il doit descendre parmi les hommes et que la Vierge doit le concevoir. Puis elle décrivait la joie qui se manifestait parmi tous les anges et la mission donnée à Gabriel de se rendre auprès d'une vierge : elle adressait la parole aux choeurs des anges qui tous descendaient avec Gabriel, comme un enfant qui parlerait à une procession passant devant lui, témoignerait sa joie et louerait le recueillement et la ferveur de ceux qui en font partie. Elle vit ensuite l'intérieur de la chambre de la sainte Vierge, s'adressa à elle en exprimant le désir qu'elle accueille le message de l'ange ; elle vit l'ange venir et lui annoncer le Seigneur, et elle raconta tout cela en regardant dans le lointain, comme voyant cette scène, et disant tout haut les pensées qui lui venaient à celle vue. Elle s'exprima d'une façon tout à fait naive sur ce que la sainte Vierge avait réfléchi avant de répondre : "Tu avais fait voeu de rester vierge, dit elle ; mais si tu avais refusé de devenir mère du Seigneur, comment aurait on fait ? aurait on pu trouver une autre vierge' Israël, pauvre orphelin ; tu aurais eu longtemps encore à soupirer ! "Elle se livra alors à la joie de ce que la Vierge avait donné son consentement, et elle la combla d'éloges ; de la, elle passa à la naissance de Jésus, parla à l'enfant auquel elle dit : "il1 mangeras du beurre et du miel "et entremêla ses discours d'autres passages des Prophètes ; elle parla des prophéties de Siméon et d'Anne, et continua ainsi, toujours comme si les choses se passaient sous ses yeux, et adressant la parole à tous, comme si elle eût été présente à tous ces événements. Elle arriva même jusqu'au moment présent et dit : "Maintenant, tu entres dans la voie pénible et douloureuse, etc. )) Pendant tout cela, elle était toujours comme si elle eût été seule, et quoiqu'elle sût que le Seigneur était près d'elle, il semblait pourtant qu'il ne fût pas plus rapproché que toutes les autres scènes dont elle parlait. Jésus l'interrompait par des prières et des actions de grâces à Dieu ; il glorifiait son père et priai t pour les hommes ; chaque chose venait en son lieu. Tout cet entretien fut touchant et admirable au delà de toute expression.

Jésus la quitta ; elle resta calme et immobile comme auparavant et rentra dans son habitation. Lorsque Jésus fut revenu près de Lazare et de Marthe, il leur parla à peu près en ces termes : "Elle n'est pas privée de raison, mais son âme n'est pas dans ce monde : elle ne voit pas ce monde et ce monde ne la comprend pas : elle est heureuse, elle ne pèche pas. "

Marie la Silencieuse dans son état de contemplation purement spirituelle ne savait réellement pas ce qui se faisait pour elle et autour d'elle, et elle était toujours dans cet état d'absence. Elle n'avait encore parlé devant personne comme devant Jésus ; devant tous les autres elle se taisait, non par manque d'ouverture ou par orgueil, mais parce qu'elle ne voyait pas ces personnes de sa vue intérieure : elle ne les voyait pas en rapport avec ce qu'elle seule voyait, les choses du ciel et la rédemption. Parfois des amis de la maison, gens pieux et savants, lui adressaient la parole ; alors elle prononçait bien quelques paroles, mais elles étaient entièrement inintelligibles pour eux : car ce n'était pas une réponse à ce qu'ils avaient dit, c'était quelque chose qui se rapportait à cet ensemble qu'elle voyait, mais qui restait caché aux savants. Aussi était elle regardée par toute la famille comme imbécile, et elle menait une vie solitaire, la seule qu'elle pût et dût mener : car son âme n'habitait pas dans le temps. Elle s'occupait de la culture de son jardin et de travaux à l'aiguille destinés au temple, que Marthe lui donnait à faire ; elle était adroite pour ces sortes de choses et elle les faisait sans sortir de son état continuel de méditation et de contemplation. Elle priait avec beaucoup de piété et de ferveur et avait aussi une certaine nature de souffrances à endurer pour les péchés d'autrui, car souvent son âme était oppressée d'un poids tellement lourd, qu'il semblait que le monde fût tombé sur elle. Son habitation était commode : il y avait des lits de repos et des meubles de toute espèce ; elle mangeait peu et toujours seule. Lorsque son frère et ses soeurs se furent mis à la suite de Jésus, elle mourut de douleur à la vue de ses immenses souffrances qui lui furent montrées en vision.

Marthe parla aussi à Jésus de Madeleine et du grand chagrin qu'elle lui causait ; Jésus la consola et lui dit qu'elle reviendrait certainement, que seulement ils ne devaient pas se lasser de prier pour elle et de l'encourager.

Vers une heure et demie, la sainte Vierge arriva avec Jeanne Chusa, Léa, Marie Salomé et Marie de Cléophas. L'homme qui allait en avant annonça leur arrivée ; alors Marthe, Séraphia, Marie, mère de Marc et Suzanne allèrent avec tout ce qui était nécessaire les recevoir dans la salle située à l'entrée du château, où Jésus avait reçu la veille par Lazare. Elles se souhaitèrent la bienvenue et on lava les pieds aux arrivantes ; les saintes femmes mirent aussi d'autres habits et d'autres voiles. Elles étaient toutes vêtues de laine sans teinture, blanche, jaunâtre ou brune. Elles prirent une petite réfection et se rendirent a l'habitation de Marthe. Jésus et les hommes vinrent les saluer ; Jésus alla à l'écart avec la sainte Vierge et s'entretint avec elle. Il lui dit d'un ton très affectueux et très grave que sa carrière publique allait commencer, qu'il se rendait au baptême de Jean d'où il reviendrait la visiter ; qu'il passerait encore quelque temps avec elle dans la contrée de Samarie, mais qu'ensuite il irait dans le désert et y resterait quarante jours. Lorsque Marie l'entendit parler du désert, elle fut très attristée et le pria instamment de ne pas aller dans cet affreux séjour pour y mourir d'inanition. Jésus lui répondit que dorénavant elle ne devait pas essayer de l'arrêter par des inquiétudes tout humaines ; qu'il ferait ce qu'il avait à faire,' qu'il entrait dans une voie laborieuse ; que ceux qui étaient avec lui devaient partager ses souffrances ; que pour lui il allait maintenant où sa mission l'appelait et qu'elle devait faire le sacrifice de tous ses sentiments personnels ; qu'il l'aimerait comme auparavant, mais qu'il appartenait maintenant à tous les hommes ; qu'elle devait faire ce qu'il lui dirait et que son père céleste la récompenserait : car il fallait maintenant que la prédiction que Siméon lui avait faite reçût son accomplissement et qu'un glaive traversât son âme, etc. La sainte Vierge était très sérieuse et très attristée, mais elle était en même temps pleine de force et de résignation à la volonté de Dieu, car son fils était très saint et très affectueux.

Le soir il y eut encore un grand repas dans la maison de Lazare ; Simon le pharisien et quelques autres pharisiens avaient été invités. Les femmes mangèrent dans une pièce attenante, séparées seulement par un grillage, en sorte qu'elles pouvaient entendre l'enseignement de Jésus.

Jésus parla de la foi, de l'espérance, de la charité et de l'obéissance ; ceux qui voulaient le suivre, disait il, ne devaient pas regarder derrière eux, mais faire ce qu'il enseignait, et supporter les souffrances qui viendraient les assaillir : quant à lui il ne les abandonnera pas. Il de nouveau de la voie pénible dans laquelle il entrait, dit comment il serait maltraité et persécuté et combien tous ses amis souffriraient avec lui. Tous l'écoutèrent avec surprise et émotion : mais. ils ne comprirent pas ce qu'il disait des grandes souffrances à endurer ; leur foi manquait de simplicité ; ils s'imaginaient que c'était une façon de parler prophétique qu'il ne fallait pas prendre à la lettre. Ses discours ne choquèrent pas les pharisiens quoiqu'ils fussent plus prévenus que les autres, mais cette fois il ne parla qu'avec une certaine réserve.

Après le repas, Jésus prit un peu de repos ; puis il partit seul avec Lazare, dans la direction de Jéricho, pour aller au baptême. Au commencement, un serviteur de Lazare les accompagna avec une lanterne, car il faisait nuit. Après avoir marché environ une demi heure, ils arrivèrent à une hôtellerie qui appartenait à Lazare et où les disciples s'arrêtèrent souvent dans la suite. Il ne faut pas la confondre avec une autre dont j'ai fait mention plus d'une fois, parce qu'elle fut mise aussi au service des disciples, mais qui est plus éloignée et dans une autre direction. Quant à la salle où Jésus d'abord et ensuite Marie furent reçus par Lazare, c'était celle où Jésus s'arrêta et enseigna avant la résurrection de Lazare, lorsque Madeleine alla à sa rencontre(8). Lorsqu'ils furent arrivés à l'hôtellerie, Jésus ôta ses sandales et marcha pieds nus Lazare, saisi de compassion parce que le chemin était difficile et rocailleux, le pria de n'en rien faire ; mais Jésus lui répondit d'un ton très grave : "Ne t'en inquiète pas ; je sais ce que j'ai à faire. "Et ils s'avancèrent ainsi dans la solitude. Je ne pouvais m'empêcher de pleurer de la pitié que me faisait Notre Seigneur. Le de sert, avec ses gorges étroites au milieu des rochers, s étend à cinq lieues dans la direction de Jéricho ; puis vient la fertile vallée de Jéricho, longue de deux lieues, où il y a pourtant aussi par intervalles des parties incultes. De là il y a encore deux lieues jusqu'à l'endroit où Jean baptise. Jésus allait beaucoup plus vite que Lazare. et il était souvent une lieue en avant.

Je vis une troupe de gens qu'il avait envoyés de la Galilée au baptême et parmi lesquels il y avait des publicains, revenir du baptême et se rendre à Bethanie en suivant pendant quelque temps, dans le désert, une direction parallèle à la sienne. Je ne vis Jésus s'arrêter nulle part. il laissa Jéricho à gauche. il y avait encore deux autres endroits, peu éloignés du chemin qu'il suivait, mais il passa outre. Je ne me souviens pas bien de leurs noms.

Note 8 : Il est à remarquer, à propos de ces explications, qu'elle commença en juillet 1820, par la troisième année, le récit de la prédication de Jésus, qui fut continué jusqu'à son ascension, tandis que le récit de la première année commença en 1821, pour arriver, lors de la mort, en 1824, au point d'où elle était partie en 1820. De là vient qu'en plusieurs endroits elle fait mention d'événements postérieurs.

Les amis de Lazare, Nicodème, le fils de Siméon, Jean Marc, ne s'étaient guère entretenus avec Jésus pendant la journée d'hier, mais ils ne cessaient de parler entre eux de l'admiration que leur inspirait toute sa personne, sa sagesse, les qualités qui le distribuaient comme homme et même son extérieur ; quand il n'était pas là ou qu'ils marchaient derrière lui, ils se disaient les uns aux autres : " Quel homme ! on n'en n'a jamais vu, on n'en verra jamais de semblable ; quelle gravité, quelle douceur, quelle sagesse, quelle pénétration, quelle simplicité ! Je ne comprends pas entièrement ce qu'il dit, et je ne puis pourtant m'empêcher de le croire parce qu'il le dit. On ne peut pas le regarder en face, il semble qu'il lit dans la pensée de chacun. Quelle taille ! quel port majestueux ! quelle promptitude sans qu'il y ait pourtant rien de précipité ! Quel homme a des allures comme les siennes ? avec quelle vitesse il chemine ! il arrive sans être fatigué et repart à son heure ! Quel homme il est devenu ! "Puis ils parlaient de son enfance, de son enseignement dans le temple, etc. Ils répétaient aussi ce qu'ils avaient entendu dire des dangers qu'il avait courus sur la mer Morte, lors de son premier voyage, et de la manière dont il avait secouru les mariniers. Mais aucun d'eux ne soupçonnait que celui dont ils parlaient était le fils de Dieu ; ils le trouvaient supérieur à tous les autres hommes, ils l'honoraient et il leur inspirait une crainte respectueuse, mais il n'était à leurs yeux qu'un homme merveilleux. Obed, de Jérusalem, était un homme âge, neveu de la prophétesse Anne ; il était un de ceux qu'on appelait les anciens du temple et membre du grand conseil ; c'était un homme pieux, disciple caché de Jésus et tant qu'il vécut il aida la communauté.

J'ai vu beaucoup de choses touchant Suzanne ; voici ce que j'en ai retenu : elle a été élevée par Marie dans le temple, elle est riche et alliée par le sang à la sainte Famille : car elle est fille naturelle d'un frère aîné de saint Joseph et d'une mère issue égale. ment d'un commerce illégitime. un prince persan, dont la famille était restée établie à Jérusalem depuis la dernière conquête de la Judée, avait eu la mère de Suzanne d'une juive qui n'était pas sa femme, et il avait laissé à la mère et à l'enfant de grands biens qu'il possédait à Jérusalem. Je vis en vision comment la mère de Suzanne avait fait connaissance à un bal avec un frère aîné de saint Joseph, appelé Cléophas. C'était là qu'avait commencé cette malheureuse liaison qui avait eu pour suite la naissance de Suzanne. Le frère de Joseph était riche et vivait dans l'oisiveté. Je crois qu'il était déjà marié. Mais on ne doit pas dire ces choses, car elles sont restées assez secrètes. Suzanne fut élevée au temple et mariée plus tard à un homme nommé Matthias, qui était parent de l'apôtre du même nom et qui avait un emploi public. Suzanne avait une grande maison à l'ouest de la montagne de Sion, à peu de distance de celle de Lazare. Entre autre. visions qui la concernaient, j'ai vu la fête qui fut l'occasion de la chute de sa mère. à l'exception de la danse d'Hérodiade, c'était, autant qu'il m'en souvient, la première danse que j'eusse vue chez les Juifs. On célébrait le jour de la fête d'un homme considérable. Je vis une grande salle et aux deux côtés des personnes de distinction sur des sièges élevés ; au milieu de la salle dansaient environ vingt femmes et vingt hommes qui étaient en face les uns des autres. Il y avait toujours deux hommes et deux femmes qui dansaient en se croisant. Au dessus des danseurs plusieurs flambeaux étaient suspendus au plafond, et ces flambeaux étaient placés de minière à indiquer les figures qu'on devait faire. Les femmes qui dansaient étaient vêtues convenablement et leurs robes avaient de longues queues ; cependant ces habits laissaient trop voir la forme du corps. La danse n'était pas vive et sautillante, et les danseurs ne se touchaient pas : on allait seulement en avant et en arrière et on passait les uns devant les autres ; il y avait une grande variété d'attitudes et de mouvements. On avait beaucoup d'occasions de se regarder et de se considérer, ce qui devait donner naissance à de mauvaises pensées. Les musiciens étaient sur une extrade à côté des danseurs ; il y avait, je crois, de chaque côté, trois hommes ou jeunes garçons avec des flûtes. Je me souviens de deux instruments : d'une grande caisse triangulaire, avec des cordes tendues aux trois côtés et d'un singulier instrument à vent, fait d'un gros roseau creux dans lequel on soufflait et auquel étaient ajustés plusieurs cornets de différente grandeur, que l'on attachait ou que l'on détachait suivant les circonstances ; ils étaient placés les uns sous les autres et tournaient autour de la tige principale On démontait l'instrument quand on l'apportait ou qu'on le remportait.

Le matin les amis de Jérusalem revinrent à la ville ainsi que Suzanne, Marie, mère de Marc, et Véronique. Marie et les saintes femmes restées avec elle travailleront ensemble. Marie était très attristée de ce que Jésus lui avait dit. Elle raconta beaucoup de choses sur là sagesse et la vertu merveilleuse de son fils quand il était enfant. Elles visitèrent aussi des malades à Bethanie, les consolèrent et les assistèrent. Elles doivent aller ensemble à Jérusalem.

CH.3 - Jean-Baptiste - Désert et mission.

TROISIEME CHAPITRE.

Jean Baptiste.

Son séjour dans le désert, il creuse une fontaine baptismale après une Vision.

- il quitte le désert. - Lieu où Jean baptise près d'Ainon. - Coup d'oeil sur Melchisédech.

- Hérode rend visite à Jean. - Prêtres et magistrats près de Jean.

- On vient en foule pour se faire baptiser par lui. - Jean va baptiser près de Jéricho.

- Envoyés de Jérusalem. - Lieu où Jean enseigne, et fête qu'on y célèbre.

- île du Jourdain où Jésus doit être baptise. - Coup d'oeil sur Josué. - Nouvelle visite d'Hérode à Jean.

(De la fin de mai au 26 septembre 1821.)

(24 juin 1820.) Je vis Jean qui grandissait ; il habitait très avant dans le désert, et il se mortifiait de toutes les manières. Il dormait en plein air sur le rocher nu, il courait de toutes ses forces sur des pierres ou à travers les chardons et les ronces ; il se flagellait avec des épines ; il travaillait jusqu'à l'épuisement à façonner des arbres et des pierres, et restait de longues heures en prière et en contemplation. Je vis souvent des figures lumineuses près de lui dans la solitude ; à l'âge de dix sept ans environ. je le vis visiter secrètement et sans être vu la maison de ses parents. Zacharie était mort, mais Elisabeth vivait encore. Après cette visite, il s'enfonça beaucoup plus avant dans le désert qu'il ne l'avait fait jusqu'alors : il s'avançait toujours dans la direction du nord est et se rapprochait de la contrée où je vois dans mes visions la merveilleuse montagne des prophètes et les eaux qui en découlent sur la terre. Il alla dans une contrée où longtemps après je vis saint Jean l'Evangéliste se reposer et écrire sous de grands arbres. Il y avait là des arbres très élevés, et au dessous de ceux ci des arbrisseaux avec des baies dont il mangeait. Je le vis aussi manger d'une herbe qui a cinq feuilles rondes comme celles du trèfle et une fleur blanche. Il y avait des herbes semblables, quoique plus petites, près de chez nous, sous des haies (c'est la plante appelée pied de lièvre, OXALIS) : les feuilles avaient un goût acide. J'en mangeais souvent étant enfant quand je gardais mon troupeau, parce que dès ce temps, j'avais vu Jean en manger. Je le vis aussi retirer du creux des arbres et de dessous la mousse qui couvrait la terre quelque chose de brun qu'il mangeait et qui me semblait être du miel sauvage : on en trouvait là fréquemment. Je le vis, lorsqu'il fut devenu plus grand, porter autour des reins la peau de mouton qu'il avait apportée avec lui : il n'eut pas d'autre vêtement jusqu'à ce qu'il se fût tressé lui même une couverture brune à longs poils, qu'il portait attachée sur ses épaules. Il y avait dans cette solitude des animaux avec une toison laineuse qui l'approchaient familièrement ; et aussi des chameaux qui se laissaient arracher par lui les longs poils qu'ils avaient autour du cou. Je le vis en faire des tresses avec lesquelles il confectionna une couverture qu'il avait encore sur lui lorsqu'il parut de nouveau au milieu des hommes pour baptiser. Je le vis dans ce désert s'imposer des pénitences et des mortifications de plus en plus rudes et s'adonner à la prière avec une assiduité et une ferveur toujours croissantes.

Jean, dans tout le cours de sa vie, n'a vu le Sauveur que trois fois. La première fois, ce fut dans le désert quand la sainte Famille passa dans son voisinage lors de la fuite en l'Egypte. Je vis à plusieurs reprises, le spectacle incroyablement touchant de Jean conduit par l'esprit et accourant pour saluer son maître qu'il avait déjà salué dans le sein de sa mère. (1) Il portait sa peau de mouton jetée sur l'épaule et rattachée autour du corps. Il sentit que son Sauveur était près de lui et souffrait de la soif. Alors l'enfant pria et de son petit bâton il frappa la terre d'où jaillit une source abondante. Jean courut en avant dans la direction que l'eau allait prendre. il s'arrêta pour voir passer Jésus avec Marie et Joseph, puis il sauta joyeusement et fit un signe avec son petit drapeau.

La seconde fois qu'il vit Jésus fut lors de son baptême, la troisième fois, lorsqu'il le vit passer le long du Jourdain et rendit témoignage de lui. J'entendis une fois le Sauveur parler à ses apôtres du grand empire que Jean avait sur lui même : il dit que, même du baptême, il s'était borné à la contempler pendant la cérémonie, quoique son coeur fut prêt à se briser a force d'amour. Plus tard il avait mieux aimé se retirer humblement d'auprès de lui que de céder à son amour et de chercher à se rapprocher de lui.

Jean voyait toujours le Seigneur en esprit, car il était constamment dans l'état prophétique. Il voyait Jésus comme l'accomplissement de sa mission, comme la raison d'être de sa vocation prophétique.

Note 1 : Cet incident est raconté en détail dans la vie de la sainte Vierge.

Jésus n'était pas pour lui un contemporain, un homme vivant de la même vie ; c'était le Rédempteur du monde, le Fils de Dieu fait homme, l'Eternel se manifestant dans le temps C'est pourquoi la pensée de chercher à frayer avec lui ne pouvait pas entrer dans son esprit. En outre, Jean ne se sentait pas lui même vivant dans le temps et dans le monde, ni mêlé aux choses de la terre, comme les autres hommes. Dès le sein de sa mère, il s'était trouvé en contact avec les choses éternelles et le Saint Esprit avait établi entre son Rédempteur et lui des rapports qui existaient hors du temps. Encore enfant, il avait été enlevé au monde, et son éducation, livrée à des influences d'un ordre supérieur, s'était faite au sein de la nature toute imprégnée de Dieu. il vécut séparé des hommes, au fond des solitudes les plus reculées, ne sachant rien, si ce n'est son Rédempteur, jusqu'à ce qu'il sortit du désert, comme ayant reçu une nouvelle naissance et commençât sa carrière publique, toujours austère, enthousiaste, ardent, ne craignant rien et ne s'inquiétant de rien. La Judée est maintenant pour lui le désert ; dans la solitude, il frayait avec les sources, les rochers, les arbres et les bêtes sauvages, vivait et conversait avec eux ; c'est de même qu'il parle et qu'il agit maintenant parmi les hommes et les pécheurs, sans penser à lui même. Il ne voit, ne connaît que Jésus ; il ne parle que de lui. Ses discours se bornent à dire : " il vient préparer les voies : faites pénitence, recevez le baptême. Voici l'agneau de Dieu qui porte les péchés du monde ! "Dans le désert, il était pur et innocent comme un enfant dans le ventre de sa mère, il est sorti du désert pur et candide comme un enfant suspendu au sein de sa mère. J'entendis le Seigneur dire aux apôtres : "Il est pur comme un ange, rien d'impur n'est entré dans sa bouche, pas plus qu'un péché ou un mensonge n'est sorti de sa bouche. "

(Mai 1821.) Je vis que Jean eut une révélation sur le baptême, et que par suite de cette révélation, un peu avant de sortir du désert, il construisit une fontaine à peu de distance des lieux habités.

Avant que Jean eut commencé à creuser cette fontaine, je le vis devant sa grotte, au côté occidental d'un rocher escarpé. à sa gauche était un ruisseau, peut être une des sources du Jourdain, qui prend naissance dans une grotte au pied du Liban, entre deux montagnes ; on voit ce ruisseau quand on est tout auprès ; à sa droite était une place unie, ayant le désert de tous les côtés : c'était là que devait être la fontaine. Jean avait un genou en terre : sur l'autre, il tenait un long rouleau d'écorce, sur lequel il écrivait avec un roseau. un soleil ardent brillait sur sa tête. Il regardait le Liban, qui était au couchant par rapport à lui. Pendant qu'il écrivait ainsi, il fut comme frappé d'immobilité : je le vis tout absorbé et comme ravi en extase. Je vis debout devant lui un homme qui, pendant son extase, écrivait et dessinait beaucoup de choses sur le rouleau. Lorsque Jean revint à lui, il lut ce qui était sur le rouleau et commença à travailler à la fontaine avec beaucoup d'ardeur. Pendant qu'il travaillait, le rouleau était par terre, maintenu avec deux pierres qui le tenaient étendu, et il y regardait souvent, car tout ce qu'il avait à faire semblait y être indiqué.

à l'occasion de la fontaine et de sa situation, je vis ce qui suit de la vie du prophète Elle. Le prophète s'était assis tout chagrin, à cause d'une faute commise dans le désert, et il s'endormit. Alors il vit en songe un enfant qui le poussait avec un petit bâton, et près de lui une fontaine dans laquelle il craignait de tomber ; car je le vis, à la suite du coup, rouler à quelque distance. Je vis ensuite un ange le réveiller et lui donner à boire. Cela se passa au lieu même où maintenant Jean creusait la fontaine.

Je connus la signification des diverses couches de terre à travers lesquelles Jean creusait la fontaine et de tous les travaux qu'il fit pour l'achever. Tout se rapportait à la dureté et à d'autres mauvaises qualités du coeur qu'il devait vaincre chez les hommes, afin que la grâce du Seigneur pût agir sur eux. Je fus informée alors que ce travail qu'il faisait, ainsi que toute sa vie et toutes ses actions, était un symbole et une figure ; en tout cela, non seulement il était instruit par l'Esprit Saint de ce qu'il avait à faire, mais encore il faisait réellement ce que signifiaient ces travaux, parce que Dieu exauçait la bonne intention qu'il y joignait. C'était le Saint Esprit qui le poussait à tout cela, comme les prophètes.

Il enleva le gazon circulairement et creusa avec beaucoup de soin et d'adresse dans le sol dur et marneux un bassin spacieux, de forme ronde, qu'il garnit de différentes pierres, excepté au milieu, à l'endroit le plus profond, où il avait creusé jusqu'à une petite veine d'eau. De la terre qu'il avait rejetée il fit autour du bassin un rebord où il y avait cinq coupures. En face de quatre de ces brèches il planta, à égale distance autour du bassin, quatre tiges minces, dont le haut était couvert de feuilles vertes. Elles étaient de quatre espèces différentes et chacune signifiait quelque chose. Au milieu du bassin, il planta un arbre d'une espèce particulière avec des feuilles effilées et dés bouquets de fleurs en forme pyramidale avec un fruit à pointe épineuse déjà noué. Cet arbre, un peu flétri, avait été longtemps devant sa grotte.

Les quatre tiges qui étaient alentour me semblaient être celles d'arbustes élancés qui portaient des baies. Il en entoura le pied de terre un peu exhaussée. Lorsqu'en creusant le bassin il fut arrivé à l'eau, à l'endroit où ensuite l'arbre du milieu fut planté, il creusa une rigole allant du ruisseau qui était près de sa grotte jusqu'au bassin ; après quoi je le vis cueillir des roseaux dans le désert, les ajuster les uns au bout des autres, conduire ainsi l'eau du ruisseau dans le bassin et recouvrir de terre ce conduit qui pouvait être fermé.

Il avait pratiqué un sentier à travers les broussailles jusqu'à la brèche qui se trouvait en face, dans le rebord du bassin. Ce sentier faisait le tour du bassin entre le rebord et les quatre arbres qu'il avait plantés en face des quatre coupures du rebord. à la coupure qui formait l'entrée, il n'y avait pas d'arbre, De ce côté seulement la fontaine était dégagée, des autres côtés elle n'était séparée des broussailles et des rochers que par le sentier qui en faisait le tour. Il planta sur les petits tertres de gazon qui étaient au pied des quatre arbres une plante qui ne m'est pas inconnue(2). Je l'aimais beaucoup quand j'étais enfant, et lorsque je la trouvais, je la plantais dans le voisinage de notre maison. Elle a une tige grosse, assez élevée, porte des globules d'un rouge brun et elle est très efficace contre les abcès et les maux de gorge, comme je l'ai éprouvé aujourd'hui i. Il plaça encore à l'entour des plantes de toute espèce et de petits arbustes.

Note 2 : Sur un dessin qu'on lui montre, elle reconnaît cette plante pour le telephium purpureum ou sedum Linnoei, (Vulg : Orpin, ou herbe à la coupure). Elle en parla comme d'un remède contre les ulcères scrofuleux, intérieurs et extérieurs, spécialement au cou. Bouillie avec de la marjolaine dans de l'eau et du vin, et appliquée comme cataplasme, elle résout les ulcères invétérés : on en fait aussi des gargarismes pour le mal de gorge.

Pendant tous ces travaux, il regardait de temps en temps sur le rouleau d'écorce étendu devant lui et prenait ses mesures avec un bâton : car il me semblait que tout y était indiqué, même les arbres qu'il plantait. Je me souviens d'y avoir vu figuré l'arbre du milieu ; j'ai eu aussi la signification de tout cela, mais je l'ai oubliée.

Il travailla ainsi plusieurs semaines et ce ne fut que quand il eut fini, qu'une petite veine d'eau commença à sourdre au fond du bassin. L'arbre du milieu, dont les feuilles étaient flétries et noirâtres, reverdit ; Jean prit dans un vase fait d'un grand morceau d'écorce d'arbre et enduit de poix aux côtés, de l'eau d'une autre source qu'il versa dans le bassin. Cette eau venait d'une source (3) qui avait jailli du rocher près d'un de ses séjours antérieurs, lorsqu'il avait frappé le rocher avec son petit bâton. J'ai oublié ce qui avait pu se passer d'important à cette occasion. J'appris aussi qu'en ce lieu où il avait séjourné antérieurement, il n'avait pas pu creuser de fontaine, parce que là il n'y avait que le roc pur ; et cela aussi avait sa signification. Il fit ensuite arriver du ruisseau dans le bassin autant d'eau qu'il était nécessaire : quand il y en avait surabondance, elle coulait par les ouvertures sur le sol environnant et rafraîchissait les plantes.

Je vis ensuite que Jean descendit dans l'eau jusqu'à la ceinture, saisit d'une main l'arbre du milieu et avec son bâton, qu'il avait surmonté d'une croix et d'une banderole, frappa dans l'eau de manière à la faire rejaillir au dessus de sa tête. Je vis que dans ce moment il vint sur lui d'en haut une nuée lumineuse et comme une effusion du Saint Esprit, et que deux anges parurent au bord du bassin et lui dirent quelque chose. Je vis cela comme la dernière chose qu'il fit dans le désert.

Note 3 : Ne serait ce pas cette source qu'étant enfant, il avait fait jaillir avec son bâton, lorsqu'il avait vu dans une vision Jésus souffrir de la soif pendant la fuite en Egypte ?

En juin 1820, entre autres fragments de la vie de Jean Baptiste, elle raconta la vision suivante :

Je le vis une autre fois près d'une fosse desséchée dans le désert. C'était alors un homme robuste parvenu à l'âge viril. Il paraissait prier et il descendit sur lui une clarté, comme une nuée lumineuse, qui me sembla venir de la hauteur où sont les eaux sur la montagne des prophètes ; c'était comme un courant d'eau lumineuse et brillante qui tombait sur lui et de là dans le bassin. Pendant qu'il regardait cette effusion, je ne je vis plus sur le bord du bassin, mais dans le bassin même ; il était inondé de l'eau lumineuse, et le bassin en était tout rempli ; je le vis ensuite de nouveau se tenir sur le bord, comme au commencement. Je ne je vis pas descendre ni remonter, et je crois que c'était peut être une vision qu'il eut pour lui faire connaître qu'il devait commencer à baptiser, ou bien un baptême spirituel qu'il reçut dans la vision.

J'ai vu la fontaine dont j'ai parle servir encore après la mort de Jésus. Lorsque les chrétiens étaient en fuite, on baptisait là des voyageurs et des malades ; on venait aussi y prier. à cette époque, au temps de Pierre, la fontaine était entourée d'un mur.

(juin 1820 et juillet l821.) Bientôt après l'achèvement de la fontaine baptismale, je vis Jean sortir du désert en montant vers la source du Jourdain et revenir parmi les hommes.

Il produisait une impression merveilleuse. Il est de grande taille, amaigri parle jeûne et les mortifications corporelles, mais fort et nerveux ; il y a en lui une dignité, une pureté, une simplicité incroyable ; il va toujours droit au but et son ton est celui du commandement. Il a le teint brun ; son visage est maigre et tire, grave et austère ; ses cheveux sont frisés et d'un brun rougeâtre ; sa barbe est courte. Il a au milieu du corps un drap qui l'enveloppe et qui tombe jusqu'aux genoux. Il porte un manteau grossier de couleur brune qui parait fait de trois morceaux. il le couvre entièrement par derrière et il est assujetti par une courroie autour de la taille. Les bras et la poitrine sont libres et découverts. La poitrine est toute couverte de poils, qui sont à peu près de la couleur du manteau. Il porte un bâton recourbé comme une houlette.

Lorsqu'il sortit du désert, je le vis d'abord établir un petit pont sur un ruisseau. Il ne pensait pas à aller chercher un passage qui se trouvait un peu plus bas : mais il travaillait droit devant lui, dans la direction du chemin qu'il avait à suivre. Il y avait là une ancienne route de grande communication. Je l'ai vu près de Cydessa enseigner les gens qui étaient autour de lui : ce furent les premiers pa'ens qui vinrent à son baptême. Ils vivaient là dans l'abandon et habitaient des cabanes en terre. C'étaient les descendants de gens de toute espèce qui s'étaient établis là à ;'époque de t la dernière destruction du temple avant Jésus. J'ai vu quelque chose touchant un des derniers prophètes, qui leur avait dit qu'ils devaient demeurer là, jusqu'à la venue d'un homme semblable à Jean, qui leur dirait ce qu'ils auraient à faire. J'ai aussi vu que dans la suite ils sont allés à Nazareth.

Jean allait droit aux hommes, sans que rien le détournât, et il ne parlait que d'une chose : de la pénitence et de l'approche du Seigneur. Tous s'étonnaient et devenaient sérieux quand il paraissait. Sa voix était perçante comme une épée, claire, forte, et cependant agréable. Il traitait tous les hommes, quels qu'ils fussent. comme des enfants. Partout il allait droit son chemin : rien ne pouvait le détourner de sa voie, il ne regardait à rien, il n'avait besoin de rien.

Je le vis ainsi parcourir les bois et les déserts, creuser ça et là, rouler des pierres, enlever des arbres, préparer des lieux de repos, rassembler autour de lui les hommes qui le regardaient avec surprise, et même aller les chercher dans leurs cabanes pour les faire travailler avec lui. Je vis que tous le regardaient avec étonnement et admiration, qu'il ne s'arrêtait longtemps nulle part et allait sans cesse d'un endroit à l'autre. Je le vis suivre le bord de la mer de Galilée, descendre la vallée du Jourdain au dessous de Tarichée ; puis, près de Salem, aller vers Bethel par le désert, et passer devant Jérusalem, ou il n'alla jamais, et qu'il regardait avec tristesse et en gémissant. Tout entier à sa mission, grave, austère, simple, inspiré, il criait sans cesse : "Faites pénitence, préparez vous ; le Sauveur vient !" il alla ensuite dans sa patrie par la vallée des bergers. Son père et sa mère étaient morts : quelques jeunes gens, ses parents du côté de Zacharie, furent ses premiers disciples. Lorsque Jean passa par Bethsaide, Capharnaum et Nazareth, la sainte Vierge ne le vit point : elle sortait peu de chez elle depuis la mort de saint Joseph : mais des hommes de sa famille entendirent ses exhortations et l'accompagnèrent quelque temps sur le chemin.

Pendant les trois mois qui précédèrent le baptême, Jean parcourut API]y fois le pays. annonçant celui qui devait venir après lui. il y avait dans toutes ses allures une autorité, incroyable : il s'avançait d'un pas ferme et rapide, mais sans précipitation. Ce n'était pas une démarche calme, comme celle du Sauveur. Là où il n'avait rien à faire, je l'ai vu courir d'un champ à un autre. Il entre dans les maisons, il va enseigner dans les écoles et rassemble aussi le peuple autour de lui dans les rues et sur les places. Je vis quelquefois des prêtres et des magistrats l'arrêter et lui demander des explications, mais bientôt, saisis d'étonnement et d'admiration, ils le laissaient aller librement.

Je vis que l'expression "préparer les voies du Seigneur " n'était pas une simple figure, car je le vis commencer ses fonctions en préparant des chemins, et parcourir tous les lieux et tous les chemins où passèrent plus tard Jésus et ses disciples. Il enlevait ça et là des broussailles et des pierres, et pratiquait des sentiers. Il établissait des passages sur les ruisseaux. nettoyait leur lit. creusait des réservoirs et des fontaines, préparait des sièges, des lieux de repos, et faisait des toits de feuillage. Je l'ai vu faire divers arrangements dans des endroits où, par la suite, le Seigneur s'est reposé, a enseigné, a agi. En se livrant à ces travaux. cet homme grave, simple et solitaire, avec son vêtement grossier et son aspect austère, attirait sur lui l'attention des gens de la campagne : il excitait l'étonnement dans les cabanes ou il entrait, afin d'y emprunter les outils nécessaires pour son travail, et où il prenait aussi des gens pour l'aider. Partout où il allait, on l'entourait aussitôt, et il exhortait gravement et hardiment à la pénitence, annonçant que le Messie venait après lui et qu'il lui préparait les voies. Souvent je le vis montrer du doigt la contrée où Jésus se trouvait alors.

Cependant je ne les vis jamais ensemble, quoique souvent il y eût à peine entre eux une heure de chemin. une fois je le vis à une petite lieue de Jésus tout au plus : alors il cria aux auditeurs qu'il n'était pas le Sauveur attendu, mais un pauvre pionnier ; et, montrant un point de l'horizon : "C est là, dit il, que se trouve le Sauveur. "

(4 juillet l821) Jean baptisa en divers endroits : d'abord près d'Ainon, dans la contrée de Salem, puis à On, vis à vis Bethabara, sur la rive occidentale du Jourdain, à peu de distance de Jéricho : c'est là que dans quelques semaines il baptisera Jésus. Le troisième endroit était au levant du Jourdain, deux lieues plus au nord que le premier. Enfin, en dernier lieu, il baptisa encore à Ainon, et c'est là qu'il fut arrêté.

Le cours d'eau (4) où Jean baptise est comme un bras du Jourdain qui fait un détour d'environ une lieue au levant du fleuve. Ce bras est quelquefois si étroit, qu'on peut le franchir d'un saut ; d'autres fois il est plus large. Il peut avoir changé de lit en quelques endroits, car alors déjà je voyais bien des places sans eau. La courbe que fait ce bras du Jourdain renferme de petits étangs et des fontaines qui en tirent leur eau. un de ces étangs, séparé du bras par une chaussée, est le lieu où Jean baptise à Ainon. Il y avait sous la chaussée des conduits par lesquels on pouvait faire arriver l'eau ou la faire écouler. Jean avait fait divers arrangements dans cet endroit. On avait creusé dans le rivage une petite baie dans laquelle s'avançaient des langues de terre.

Note 4 : On lira plus bas une autre description plus détaillée de cet endroit.

L'homme qui allait être baptisé se tenait entre deux d'entre elles, plongé dans l'eau jusqu'à la ceinture, et s'appuyait sur une barrière qui courait en avant de tous ces prolongements. Jean se tenait sur l'un d'eux et versait de l'eau avec une écuelle sur la tête du néophyte ; de l'autre côté était un homme déjà baptisé qui mettait la main sur la tête de celui ci. Jean avait lui même imposé les mains au premier. Les néophytes n'avaient pas le haut du corps entièrement nu : ils étaient enveloppés dans une espèce de drap blanc, les épaules seules paraissaient. Il y avait aussi là une cabane ou ils se déshabillaient et se rhabillaient. Je n'ai pas vu baptiser de femmes ici. Jean, lorsqu'il baptise, met une longue robe blanche.

Il y a une contrée très agréable et très abondante en eau, où l'on donne le baptême : elle s'appelle Salem. Le bourg même de Salem lui même est situé sur les deux rives d'un bras du fleuve, tandis qu'Ainon, au contraire, est au delà du Jourdain, plus au nord que Salem, plus prés du fleuve et plus considérable. Des troupeaux paissent dans les environs : beaucoup d'ânes broutent dans les prairies verdoyantes au bord des eaux. Il y a eu ici, près d'Ainon et de Salem, une espèce de terre libre, où il existait une sorte de privilège traditionnel, à raison duquel on ne pouvait en chasser personne.

Jean avait sa cabane à Ainon sur de vieilles substructions, sur lesquelles s'élevait autrefois un grand édifice. Ce n'étaient plus que des ruines où l'herbe poussait : on y avait bâti quelques cabanes. C'étaient les fondations d'un château formé de tentes que Melchisédech avait ici. J'ai vu différentes scènes qui se sont passées là à une époque plus reculée : la seule chose dont je me souvienne est Abraham eut ici une vision et érigea deux pierres : l'une où il s'agenouillait l'autre qui était comme une espèce d'autel. Je vis ce qui lui avait été montré : c'était une cité de Dieu comme la Jérusalem céleste, et il en descendit des courants d'eau sous forme de rayons. Il lui fut aussi ordonné de prier pour l'avènement de la cité de Dieu. L'eau qui sortait de la ville se répandait de tous les côtés. Abraham eut cette vision environ cinq ans avant que Melchisédech bâtît ici son château de tentes.

J'ai aussi vu que Melchisédech bâtit un château près de Salem. C'était plutôt une grande tente avec des galeries et des escaliers, comme le château de Mensor en Arabie : seulement les fondements étaient en pierre et très solides. Je crois avoir vu encore, à l'époque de Jean, les quatre angles où étaient plantés les principaux pieux. Il en restait seulement des fondations en pierre très solidement bâties, lesquelles ressemblaient alors à un rempart sur lequel l'herbe a poussé et sur lesquelles Jean avait une petite cabane de roseaux.

Ce château de tentes était un lieu où logeaient beaucoup d'étrangers et de passants, une sorte d'hôtellerie gratuite et magnifique au bord de ces belles eaux. Peut être Melchisédech, que j'ai toujours vu servir de conseiller et de guide aux peuples et aux races qui allaient d'un lieu à l'autre, avait il bâti ce château pour y donner l'hospitalité ou pour y enseigner ; mais il y avait dès lors quelque chose qui se rapportait au baptême.

Cet endroit était pour Melchisédech comme un point central d'où il se rendait soit à Jérusalem où il bâtissait, soit auprès d'Abraham, soit ailleurs : il y réunissait des familles et des individus auxquels il assignait des résidences et qui s'établissaient dans un endroit ou dans un autre. Ceci se passait avant l'oblation du pain et du vin qui eut lieu, je crois, dans une vallée au midi de Jérusalem. il bâtit cet édifice avant de bâtir à Jérusalem. J'ai vu aussi sur la montagne du Calvaire quelque chose touchant le baptême d'eau et le baptême de sang : mais je l'ai oublié ainsi que les diverses significations qui s'y rattachaient.

Melchisédech avait l'apparence d'un jeune homme d'environ vingt cinq ans. Je le vis à différentes époques, mais jamais plus vieux. Son extérieur tenait moins de l'homme que celui de Jésus. Il n'avait jamais la tête couverte : sa chevelure blonde était passée derrière ses oreilles. Je le vis souvent absent, et alors il me semblait être ailleurs que sur la terre, par exemple dans le paradis ou en quelque autre endroit habité par de purs esprits. Souvent je le vis aller seul, souvent avec des gens et des bêtes de somme. Je ne vis jamais près de lui des personnages de sa sorte, parents ou prêtres. Là où il agissait et bâtissait, il semblait poser la pierre fondamentale d'une grâce future, attirer l'attention sur un lieu, commencer quelque chose qui était destiné à un grand avenir. Je n'ai jamais beaucoup réfléchi là dessus : je prends les choses comme elles se présentent

Une autre fois, Anne Catherine dit de Melchisédech : Il était comme préposé à un grand nombre d'anges. Je l'ai déjà vu antérieurement paraître en divers endroits de la Terre Promise, lorsqu'elle était encore tout à fait déserte, longtemps avant le temps de Sémiramis et d'Abraham ; il semblait disposer le pays d'avance, désigner et préparer certains lieux : ainsi je crois qu'il a ouvert la source du Jourdain. J'ai ne souvent une vision où je voyais un homme absolument seul dans un pays et je ne pouvais m'empêcher de me dire : `` Que fait donc cet homme ici à une époque si reculée, quand il ne s'y trouve encore personne ? C'est ainsi que le je vis percer une montagne pour en faire sortir une fontaine : c'était la source du Jourdain. Il avait pour percer un long et bel instrument qui entra comme un rayon dans la montagne. Je le `vis ainsi ouvrir des sources en divers lieux de la terre. Dans les premiers temps du monde, avant le déluge, je ne voyais pas les rivières jaillir et couler comme aujourd'hui ; mais je voyais une très grande quantité d'eau descendre d'une montagne située à l'orient. J'ai toujours vu Melchisédech seul, excepté lorsqu'il était occupe à réconcilier à séparer ou à ruiner des familles et des races de peuples.

Jacob aussi avait résidé longtemps près d'Ainon avec ses troupeaux. La citerne de la fontaine baptismale existait déjà alors et je vis Jacob la réparer. Les restes du château de Melchisédech étaient au bord de l'eau, près du lieu où l'on baptisait ; dans les premiers temps du Christianisme, je vis une église s'élever à l'endroit où Jean avait baptisé. J'ai vu cette église subsister encore lorsque sainte Marie Egyptienne passa par là pour aller dans le désert. Salem était une belle ville, mais elle avait été dévastée pendant une guerre, lors de la destruction du temple antérieure à Jésus, si je ne me trompe. Le dernier des prophètes avait aussi séjourné ici.

(26 28 juin.) Il y avait environ deux semaines que Jean était devenu célèbre par sa prédication et son baptême, lorsque je vis des messagers d'Hérode venir à lui de Callirrhoé. Hérode habitait là un château au levant de la mer Morte dans un lieu où il y a beaucoup de bains et de sources d'eaux chaudes. Hérode voulait que Jean vînt le visiter : mais Jean répondit à ses envoyés qu'il avait beaucoup à faire et que si Hérode voulait lui parler, il n'avait qu'à venir lui même le trouver. Après cela, je vis Hérode sur un chariot à roues basses, surmonté d'un siège élevé d'où il pouvait tout voir de loin comme du haut d'un trône ; il était entouré de soldats et il allait à une petite ville, située à environ cinq lieues au midi d'Ainon, d'où il fit inviter Jean à venir. Jean se rendit devant cet endroit et il entra dans une cabane qui servait aux étrangers, où Hérode vint le trouver sans être accompagné de personne. Ils eurent un court entretien, dont je me rappelle seulement qu'Hérode lui demanda pourquoi il logeait à Ainon dans une si misérable cabane, ajoutant qu'il voulait lui faire bâtir une maison ; à quoi Jean répondit qu'il n'avait pas besoin de maison, qu'il avait ce qu'il lui fallait et qu'il faisait la volonté d'un plus grand que lui Il parla avec gravité et sévérité et s'en retourna. Il se tint toujours à une certaine distance d'Hérode et lui parla peu sans le regarder.

(30 juin.) J'ai vu que les fils d'Alphée et de Marie de Cléophas, Simon, Jacques le Mineur et Thaddée, et le fils de son second mariage avec Sabas, José Barsabas, se sont fait baptiser par Jean à Ainon. André et Philippe aussi sont déjà venus le voir. André a été baptisé par lui, Philippe aussi, à ce que je crois. Ils sont ensuite retournés à leurs affaires. Jean Baptiste a déjà une vingtaine de disciples.

(4 juillet.) La plupart des apôtres et plusieurs disciples ont déjà reçu le baptême : Nathanaël pas encore, non plus qu'un autre dont le nom ne me revient pas. Ici, on demanda si elle ne se rappelait rien du baptême de Marie : elle répondit que non, qu'elle n'en avait pas de souvenir distinct ; qu'elle avait une idée confuse que Marie avait été baptisée seule à la piscine de Bethesda (5) par l'apôtre saint Jean après l'Ascension du Sauveur' : que toutefois elle n'en était pas sûre. Quant aux autres femmes, elles furent toutes baptisées alors dans la piscine de Bethesda : elle s'en souvenait parfaitement.

(4 juillet) Aujourd'hui, je vis plusieurs magistrats et prêtres venir vers Jean des endroits environnants et de Jérusalem : ils lui demandèrent qui il était, qui l'avait envoyé, ce qu'il enseignait et ainsi de suite : je le vis répondre avec une sévérité et une hardiesse extraordinaires, annoncer la venue prochaine du Messie, et les accuser d'endurcissement et d'hypocrisie. Ce ne fut portant pas encore cette fois qu'il employa l'expression de " race de vipères ".

(7 11 juillet.) Je vis de trois endroits, Nazareth, Jérusalem et Hébron, envoyer vers Jean des troupes entières de magistrats et de pharisiens, chargés de l'interroger au sujet de sa mission il y avait en outre un grief contre lui, c'était d'avoir occupé de sa propre autorité le lieu où il baptisait. Beaucoup de publicains aussi étaient allés le trouver : il les avait baptisés et il avait fortement remue leur conscience. De ce nombre était le publicain Lévi, appelé plus tard Matthieu, fils d'un premier mariage d'Alphée, l'époux de Marie de Cléophas.

Note 5: Marie, la Vierge très pure, conçue sans péché, n'avait pas besoin du sacrement de la régénération, mais elle le voulut afin de recevoir comme mère de tous les régénérés les sacrements de la nouvelle alliance, ainsi qu'elle avait fait auparavant ceux de l'ancienne, et afin d'avoir dans sa gloire suprême le caractère indélébile du sacrement de baptême.

Il fut très touché et changea de vie. On le méprisait dans sa famille. Je vis Jean adresser à ces gens des avertissements sévères, en renvoyer beaucoup et en baptiser aussi beaucoup.

Je vis aussi ces jours là les fils de trois veuves qui étaient apparentées entre elles et avec la sainte Famille par naissance et par mariage, venir au baptême de Jean Par la suite, après le temps de Jésus, on reprocha a leurs descendants de se vanter à tort de cette parenté ; elle était pourtant réelle.

(Elle parle de toutes ces personnes comme si elle les connaissait mieux que ses propres parents encore vivants). Ces trois veuves, dit elle, vivaient d'abord à Nazareth et dans la contrée du Thabor ; et elles quittèrent ce pays, soit au temps de la jeunesse de Jésus, lorsque leurs fils se firent pécheurs, soit plus tard pour aller avec Marie à Capharnaum : car je vis l'une d'elles bien affligée et pleurant beaucoup, parce que son fils, âgé de cinq ans, qui s'appelait le petit Simon, était mort. Elles furent du nombre des premières personnes qui s'attachèrent au Seigneur et furent toujours amies de la sainte Vierge Elles étaient très bonnes et très pieuses. Combien elles s'aimaient entre elles et de quel coeur elles s'assistaient mutuellement !

Ces trois veuves étaient des cousines germaines de la mère d'Elisabeth. Elles étaient parentes de la première femme d'Alphée : je ne sais pas si c'était par elles mêmes ou par leurs maris Deux de ces veuves étaient soeurs. L'une d'elles était la mère du fiancé de Cana, Nathanaël. lequel, devenu disciple, porta un nom qui ressemble à Amandor et auquel Jésus enfant, revenu de Jérusalem où il avait enseigné dans le Temple, prédit quelque chose, lors d'une fête qui eut lieu chez sainte Anne il lui dit aussi qu'il assisterait à son mariage (une de ces veuves est ailleurs appelée Séba et son fils Colaya, l'un des disciples : une seconde Léa ; une fois elle donna au fils de l'une d'elles le nom d'Eustache. Toutefois, les noms sont fréquemment changés).

Elles avaient plusieurs fils : trois, je crois, qui furent les compagnons d'enfance de Jésus et se firent pêcheurs : ils devinrent aussi disciples.

(4 19 juillet.) A Dothaim, où Jésus avait calmé les possédés furieux, des pa'ens et des juifs vivaient mêlés ensemble depuis le temps de la captivité de Babylone. Les pa'ens avaient leurs idoles et un autel pour les sacrifices su : une colline dans le voisinage. Maintenant les juifs, excités par tout ce qui se disait de la venue prochaine du Messie, lequel devait venir de Galilée, ne voulaient plus tolérer les pa'ens dans leur voisinage. Ce bruit avait été répandu là à la suite d'un voyage de Jean dans ce pays, et il avait été propagé par ceux qu'il avait baptisés. un prince voisin, résidant à Sidon, avait envoyé des soldats pour protéger les idolâtres et Hérode en envoya aussi pour contenir le peuple.

Ces soldats étaient des gens de toute espèce. Je vis qu'étant à Callirrhoé, près d'Hérode, ils lui dirent qu'ils voulaient d'abord se faire baptiser par Jean. Ce n'était guère qu'un calcul de leur part, ils voulaient par là obtenir plus de considération parmi le peuple. Hérode leur répondit qu'il n'était pas précisément nécessaire de se faire baptiser par Jean, et que comme il ne faisait pas de miracles, il n'y avait pas lieu de lui reconnaître une mission. Il ajouta que du reste ils pouvaient prendre des informations à Jérusalem. Je les vis ensuite à Jérusalem. Ils s'adressèrent à trois autorités différentes pour se renseigner, et je vis par là qu'il y avait trois sectes différentes.

Cela se passa dans la cour du tribunal où Pierre renia le Seigneur. Plusieurs personnages siégeaient là pour juger, et il s'y trouvait beaucoup de monde. Les prêtres leur dirent d'un ton moqueur qu'ils pouvaient faire comme ils l'entendraient, que cela était tout à fait indifférent. Je vis ensuite une trentaine de ces soldats près de Jean : il les réprimanda sévèrement, comme s'ils eussent été incorrigibles. C'est pourquoi Jean après leur avoir vivement reproché leur hypocrisie, n'en baptisa qu'un petit nombre dans lesquels il vit quelques bonnes dispositions.

Il y a une grande affluence de peuple à Ainon. Pendant plusieurs jours, Jean ne baptisa pas, mais il prêcha avec beaucoup de force et de vivacité. De nombreuses troupes de juifs, de samaritains et de pa'ens se tenaient séparées les unes des autres sur les collines et sur les chaussées, les uns à l'ombre, les autres en plein air, autour de l'endroit où Jean enseignait, et ils l'écoutaient. Ils étaient autour de lui par centaines ; ils venaient pour l'entendre prêcher et recevoir le baptême, après quoi ils se retiraient. une fois entre autres je vis plusieurs pa'ens et d'autres personnes qui étaient venues de l'Arabie et de pays encore plus à l'orient. Ils conduisent avec eux des ânes et des moutons de grande taille. Ils ont des parents dans le pays. Ils sont venus ici nu passent par ici, et ils sont allés voir Jean.

Il y eut une longue délibération au sujet de Jean, dans le grand conseil de Jérusalem. Neuf hommes furent députés près de lui par trois autorités différentes. Anne envoya Joseph d'Arimathie, le fils aîné de Siméon et un prêtre qui était chargé de l'inspection des victimes offertes en sacrifice. On envoya aussi trois membres du conseil et trois simples particuliers. Ils devaient demander à Jean qui il était et l'inviter à se rendre à Jérusalem. Si sa mission était légitime, disait on, il aurait dû d'abord se présenter au temple. Ils trouvaient à redire à l'étrangeté de son costume, et aussi à ce qu'il baptisait des Juifs, tandis qu'ordinairement on ne baptisait que les pa'ens. Quelques uns croyaient que c'était Elle revenu de l'autre monde.

André et Jean l'évangéliste sont près de Jean Baptiste. La plupart des futurs apôtres et beaucoup de disciples ont été maintenant le trouver, excepté Pierre, qui a été baptisé précédemment, et le traître Judas, qui toutefois est allé déjà chez les pêcheurs des environs de Bethsa'de, et s'est enquis de Jésus et de Jean.

Lorsque les envoyés de Jérusalem arrivèrent près de Jean, il avait cessé de baptiser pendant trois jours, mais il venait de s'y remettre de nouveau. Les envoyés voulaient qu'il leur donnât audience : mais il leur dit d'attendre qu'il eût fini. Il leur répondit vertement et en peu de mots. ils lui représentèrent qu'il agissait de son autorité privée ; qu'il devait se présenter à Jérusalem et s'habiller d'une manière plus convenable. Lorsqu'ils se furent retirés, Joseph d'Arimathie et le fils de Simon restèrent près de Jean et se firent baptiser par lui. Il se trouvait là bien des gens qu'il ne voulait pas baptiser ; ceux là allèrent trouver les envoyés et l'accusèrent de partialité.

Les futurs apôtres reviennent dans leur pays, parlent beaucoup de Jean et font plus d'attention à Jésus. Ils soupçonnent que c'est à lui que la prédication de Jean fait allusion. Joseph d'Arimathie, revenant à Jérusalem, rencontra Obed, cousin de Véronique, qui était attaché au service du temple. Il répondit à ses questions en lui racontant beaucoup de choses touchant Jean. Obed alla aussi se faire baptiser par Jean. Comme il était employé au temple, il resta parmi les disciples cachés de Jésus, lorsque plus tard, il vint à lui.

Le 19 juillet, par une grande chaleur qui la fatiguait beaucoup, la narratrice se mit à rire d'une façon qui ne lui était pas ordinaire, et, comme on la questionnait, elle répondit : "J'ai vu Jean passer le Jourdain pour aller baptiser des malades. Je pensais qu'il devait avoir aussi chaud que moi. Il n'avait que son drap jeté autour du corps et son manteau sur les épaules. Il portait, suspendue d'un côté, une outre pleine d'eau pour le baptême, et, de l'autre, l'écuelle avec laquelle il y puisait. Beaucoup de malades ont été portés au bord du Jourdain, en face du lieu où Jean baptise, sur des litières et sur des espèces de brouettes. Ils n'étaient pas en état de passer l'eau sur le radeau, et ils l'ont fait prier de venir. il vint avec deux disciples. Il prépara une belle fosse séparée du Jourdain par une chaussée en terre. Il fit ce travail lui même, car il avait toujours une bêche avec lui. Il fit entrer l'eau par une rigole qu'il pouvait fermer, et il y ajouta l'eau baptismale qui était dans son outre. Il instruisit les malades et les baptisa ensuite : on les plaçait au bord de la fontaine, et il versait de l'eau sur eux Je le vois, après avoir baptisé les malades, revenir à Ainon sur la rive orientale du Jourdain.

Une fois, pendant qu'il dormait couché dans sa cabane, je vis un ange venir à lui et lui dire qu'il devait aller de l'autre côté du Jourdain, près de Jéricho, parce que celui qui devait venir était proche, et qu'il devait le faire connaître.

Je vis ensuite Jean et ses disciples, à l'endroit où il baptisait, près d'Ainon, défaire les cabanes de toile et descendre à quelques lieues plus bas sur la rive orientale du Jourdain, après avoir traversé une bourgade, ils passèrent le Jourdain et remontèrent un peu le long de la rive occidentale.

Il y avait là des endroits où l'on se baignait, des fosses dont les parois étaient blanches et comme recouvertes de maçonnerie, avec un canal qu'on ouvrait et qu'on fermait à volonté, communiquant avec le Jourdain qui, en cet endroit n'avait pas d'îles.

Il m'a été montré qu'à cette époque les hommes étaient disposés comme ils le sont à présent.

( Du 25 juillet au 14 août. ) Le 25 juillet dans l'après midi, la narratrice, tout en sommeillant, dit d'une façon toute na've, dans son patois : " Maintenant, je vais trouver Jean, l'homme qui est près du Jourdain : il fait meilleur là qu'ici. " Plus tard, elle dit ce qui suit : " L'endroit où l'on baptise est près du Jourdain, entre Jéricho et Bethagla. Jean annonce l'approche du Messie. Il y a là une centaine d'hommes, des disciples et plusieurs pa'ens. Les uns travaillent à disposer le lieu et les cabanes, les autres écoutent ce que dit Jean de la venue prochaine du Messie. "

" On comprend mal les choses quand on croit qu'il baptisa près de Bethabara (6) qui est de l'autre côté du Jourdain ; ce qui est dit, "qu'il baptisa près de Bethabara au delà du Jourdain, équivaut à ceci : en face de Bethabara, en remontant le fleuve, à deux lieues environs de Jéricho et de Bethagla. "Cette seconde place consacrée au baptême est sur la rive occidentale du Jourdain et Bethabara est un peu plus bas, sur la rive orientale.

Note 6 : Ce Bethabara est le même lieu qui est appelé Bethanie au delà du Jourdain, dans Saint Jean, 1,28.

Il y a environ cinq milles d'Allemagne (dix lieues) d'ici à Jérusalem. Le chemin direct y conduit par Bethanie, à travers un désert. On passe devant une hôtellerie qui se trouve un peu en dehors de la route. Il y a ici un très joli pays entre Jéricho et Bethagla. L'eau du Jourdain est belle ; elle est si claire quand on la laisse reposer. Dans plusieurs endroits, elle a même une odeur agréable, parce qu'il y a une quantité de boissons fleuris sur le bord et que les lieurs tombent dans l'eau. Parfois le fleuve est si bas et si exigu qu'il est à peine visible. Je vois près des bords des trous profonds creusés dans les rochers J'aime tant à être dans la Terre Promise, mais je ne sais jamais dans quelle saison on est. Quand nous sommes ici en hiver. Là tout est déjà en fleurs ; et, quand nous sommes en été, la seconde moisson fleurit déjà. il y a aussi une saison où le ciel est très nébuleux et où il pleut beaucoup. Il y a dans le pays des montagnes au haut desquelles il fait très froid, et, quand on se tourne d'un autre côte, tout est vert et plein de soleil

La montagne où Jésus jeûna n'est qu'à quatre lieues de la première grotte de Jean. Cette montagne est très sauvage et très élevée, et il y a dans les rochers des trous si profonds, que j'ai toujours peur d'y regarder. Le second désert où Jean séjourna, a huit lieues de tour. Lorsqu'il creusa la fontaine, il embellit aussi sa grotte ; elle était très spacieuse. (Elle faisait souvent de ces observations naives).

J'ai vu encore apporter toute sorte de choses ne l'endroit où l'on baptisait, près d'Ainon ; on arrange tout pour le mieux. On portait aussi des malades sur des lits.

Plusieurs événements de l'Ancien Testament ont eu lieu dans cet endroit. C'est ici qu'elle a divisé les eaux du fleuve avec son manteau, et qu'il l'a traversé avec Elisée, lequel a fait la même chose à son retour. Elisée s'est aussi reposé ici. C'est encore ici que les enfants d'Israël ont passé le fleuve.

On envoie à Jean, de Jérusalem, des gens du temple, des pharisiens et des sadducéens ; car il est maintenant en deçà du Jourdain et quelques lieues plus près de Jérusalem qu'auparavant. Il a appris leur arrivée par l'ange et il rendra témoignage de Jésus. Vers le soir, déjà, six députés de Jérusalem sont venus au Jourdain. Ils avaient envoyé un courrier devant eux, et fait dire à Jean de se rendre auprès d'eux à un endroit du voisinage. Jean ne s'inquiéta pas d'eux, et continua à baptiser et à enseigner. Il leur fit répondre par leur courrier que s'ils voulaient lui parler, ils pouvaient venir le trouver. Ils vinrent donc eux mêmes, mais Jean ne s'aboucha pas avec eux ; il continua à baptiser et a prêcher : ils entendirent sa prédication et se retirèrent. Quand il eut fini, il leur donna rendez vous sous un hangar ou sous une tente que les disciples avaient dressée.

Jean s'y rendit accompagne de ses disciples et de plusieurs autres personnes, et ils lui adressèrent différentes questions, lui demandant s'il était ceci ou cela. Je le vis toujours faire des réponses négatives. Ils demandèrent aussi qui était cet homme dont on parlait. Il existait, disaient ils, d'anciennes prophéties, et maintenant le bruit courait parmi le peuple que le Messie était venu. Jean répondit qu'il s'était levé parmi eux quelqu'un qu'ils ne connaissaient pas ; que pour lui, il ne l'avait jamais vu, mais qu'avant sa naissance, il lui avait commandé de préparer ses voies et de le baptiser. Ils n'avaient qu'à venir à un moment qu'il indiqua (dans trois semaines, je crois) : alors celui dont il parlait serait ici pour recevoir le baptême. Il parla encore avec beaucoup de sévérité, et leur dit qu'ils n'étaient pas venus pour se faire baptiser, mais pour espionner. Ils lui répondirent qu'ils savaient maintenant qui il était, qu'il baptisait sans mission, qu'il n'était qu'un hypocrite en habits grossiers, etc., etc. Après quoi ils se retirèrent.

Bientôt après il vint encore des envoyés du grand conseil de Jérusalem, cette fois au nombre de vingt. Ils étaient de toute profession ; il y avait parmi eux des prêtres avec des bonnets, de larges ceintures et de longues bandes suspendues au bras, à l'extrémité desquelles il y avait comme de la fourrure. Ils lui dirent avec beaucoup d'insistance qu'ils étaient députés par le grand conseil tout entier ; qu'il devait comparaître devant lui pour s'expliquer sur sa vocation et sa mission. s'il n'obéissait pas au grand conseil, disaient ils, c'était une marque qu'il n'avait pas de mission... J'entendis Jean leur dire nettement qu'ils n'avaient qu'à attendre, que celui qui l'avait envoyé viendrait bientôt à lui. Il désigna Jésus clairement, disant qu'il était né à Bethléem, qu'il avait été élevé à Nazareth, qu'il s'était enfui en Egypte, etc. Il ne l'avait jamais vu, ajoutait il. Ils lui reprochèrent d'être d'intelligence avec lui, de communiquer avec lui par des messagers. Jean répondit qu'il ne pouvait pas montrer à leurs yeux aveuglés les messagers qu'ils s'envoyaient réciproquement ; que ces messagers n'étaient pas visibles pour eux. Je vis les envoyés le quitter très mécontents.

Il vient de tous les côtés de nombreuses troupes d'hommes, pa'ens et juifs. Hérode aussi envoie souvent des émissaires pour écouter Jean et lui rapporter ensuite ce qu'il a dit. Maintenant tout est beaucoup mieux arrangé à l'endroit où se donne le baptême. Jean et ses disciples ont dressé une grande tente où les malades et les gens fatigués sont réconfortés, et où l'on fait aussi des instructions. Ils chantent des cantiques : je les ai entendus chanter un psaume sur le passage des enfants d'Israël à travers la mer Rouge.

Il se forme là successivement comme une petite ville de cabanes et de tentes. Elles sont couvertes en partie avec des peaux, en partie avec des joncs. Il y a là un grand passage d'étrangers venant de l'extrémité du pays où habitent les trois rois. Ils ont beaucoup de chameaux et d'ânes, et de beaux chevaux fringants. C'est toujours dans cet équipage qu'ils vont en Egypte. Ils ont tous établi leur camp autour du lieu où Jean baptise, ils écoutent ses prédications et reçoivent le baptême. D'ici ils se rendent en troupes à Bethléem. Non loin de la grotte de la crèche, en face de la plaine des Bergers, se trouvait un puits portant le nom d'Abraham. Ce patriarche avait demeuré avec Sara dans cette contrée. Etant malade, il avait éprouvé un violent désir d'avoir de l'eau de ce puits, et quand on lui en apporta dans une outre, il surmonta son désir pour honorer Dieu, s'abstint de boire, et fut récompensé par une guérison instantanée. Ce puits dut sa naissance à un miracle, mais je l'ai oublié. Il était difficile d'y puiser de l'eau, à cause de sa grande profondeur. Il y a un grand arbre à côté, et près de là est la grotte où est enterrée Maraha, nourrice d'Abraham, qui était très âgée, et qu'il conduisait avec lui sur un chameau. C'est un lieu de pèlerinage pour les juifs pieux, de même que le mont Carmel et le mont Moreb. Les trois rois aussi sont venus prier là.

Il n'y avait pas encore beaucoup de Galiléens près de Jean, excepté ceux qui devinrent plus tard disciples de Jésus. Il vient plus de monde du pays d'Hébron : il y a aussi beaucoup de pa'ens. C'est pour cela que Jésus, dans ses courses à travers la Galilée, exhorte si vivement ses auditeurs à aller au baptême de Jean.

(28 30 août.) à une petite lieue de distance de l'endroit où Jean avait coutume de baptiser, se trouvait celui où il enseignait. C'était un lieu sacré pour les Juifs à cause des souvenirs qui s'y rattachaient. Il était entouré de murs comme un jardin. Dans l'intérieur étaient des cabanes couvertes de jonc, appuyées aux murs ; au milieu se trouvait une pierre de forme oblongue terminée par des pans coupés à l'une de ses extrémités. Elle était à la place où les Israélites, après avoir passé le Jourdain, avaient déposé pour la première fois l'arche d'alliance et avaient célébré une fête d'actions de grâces. Au dessus de cette pierre Jean avait dressé pour sa prédication une grande tente soutenue par du clayonnage et couverte de roseaux. Sa chaire à prêcher était appuyée à la pierre. il enseignait là devant tous ses disciples lorsqu'Hérode arriva, mais il ne se dérangea pas pour lui.

Hérode était à Jérusalem avec la femme de son frère qui l'y avait rejoint en compagnie de sa fille Salomé, âgée d'environ seize ans. Il désirait l'épouser et il avait demandé inutilement au sanhédrin de déclarer que ce mariage était illicite : ce qui l'avait mis en lutte avec le sanhédrin. Il craignait la voix publique et voulait apaiser le peuple par une décision de Jean le prophète. Il s'imaginait que Jean, pour gagner ses bonnes grâces, se prononcerait en sa faveur.

Je vis Hérode avec Salomé, la fille d'Hérodiade, les femmes de celle ci et une suite d'environ trente personnes se diriger en grand cortège vers le Jourdain. Il était assis sur un char ainsi que les femmes. Il avait envoyé un messager à Jean. Mais celui ci ne voulait pas qu'il vint à l'endroit où il baptisait, jugeant qu'un tel homme avec sa troupe de femmes et ses suivants, profanerait la sainte cérémonie. Il discontinua donc le baptême, se rendit avec ses disciples au lieu où il enseignait et y parla en termes très sévères de l'affaire sur laquelle Hérode voulait avoir son avis. Il dit qu'il lui fallait attendre celui qui devait venir après lui, qu'il ne baptiserait plus longtemps ici, qu'il devait faire place à celui dont il était le précurseur.

Il parla contre Hérode de telle façon que celui ci vit bien que ses intentions lui étaient connues. Hérode lui fit remettre un gros rouleau qui contenait l'exposé de son affaire. On le déposa devant Jean, car il ne voulait pas souiller en le touchant sa main consacrée à baptiser. Sur quoi je vis Hérode se retirer fort mécontent avec sa suite. Il résidait encore alors aux bains de Callirrhoé, à quelques lieues de l'endroit où Jean baptisait. Il avait laissé des gens de sa suite avec le rouleau d'écritures, pour engager Jean à en prendre connaissance, mais ce fut inutilement. Jean revint au lieu du baptême. Les femmes étaient magnifiquement habillées, mais assez décemment. Madeleine avait quelque chose de plus original dans ses ajustements.

Il y a maintenant une fête de trois jours, près de la pierre de l'arche d'alliance, où est la tente de Jean. Je ne sais plus bien si c'est en mémoire du passage du Jourdain par les Israélites ou si c'est à quelque autre occasion. Les disciples de Jean ornent le lieu de la fête avec des arbres, dès guirlandes de feuillage et des fleurs. Pierre, André, Philippe, Jacques le Mineur, Simon et Thaddée se trouvent là ainsi que plusieurs autres futurs disciples de Jésus. Ce lieu n'avait pas cessé d'être un lieu sanctifié aux yeux des Juifs pieux, toutefois on l'avait un peu oublié et négligé. Jean l'avait remis de nouveau en honneur. Je vis le précurseur et quelques uns de ses disciples revêtus d'habits sacerdotaux. Jean portait sur un habit de dessous de couleur grise, un vêtement blanc, long et large, attaché autour du corps par une espèce d'écharpe, marquetée de jaune et de blanc : il y avait des franges à l'extrémité. Sur les deux épaules étaient fixées comme deux pierres précieuses longues et recourbées sur chacune desquelles étaient les noms de six tribus d'Israël. Sur sa poitrine était un pectoral carré, jaune r et blanc, maintenu aux quatre angles par des chaînettes d'or et où étaient incrustées douze pierres précieuses de différentes couleurs sur lesquelles étaient gravés les noms des douze tribus. Sur ses épaules était jetée une espèce d'étole, marquetée de jaune et de blanc, avec des franges aux extrémités. Au bas de la robe pendaient des boutons de soie jaune et blanche. Sa tête était découverte, mais il avait sous ses vêtements autour du cou une pièce d'étoffe légère qu'il pouvait ramener sur sa tête comme un capuchon et qui alors descendait en pointe sur le front.

Devant la pierre de l'arche d'alliance était un petit autel, pas tout à fait carré, creusé au milieu et recouvert d'un grillage. Au dessous était un trou destiné à recevoir les cendres et aux quatre coins des tuyaux creux recourbes en forme de cornes. Plusieurs disciples étaient là avec des vêtements blancs et de larges ceintures, habillés comme les apôtres dans leurs premières réunions pour la célébration du culte divin. Il y avait une espèce de sacrifice auquel ils prenaient part comme servants. On encensait et Jean brûlait sur l'autel de l'encens qui était portatif, des herbes et des aromates de diverses espèces, et, aussi, je crois, des épis de blé. Tout était orné de guirlandes de fleurs et de feuillage. Il y avait là une multitude d'aspirants au baptême.

Les habits sacerdotaux et les ornements que portait Jean Baptiste avaient été préparés à l'endroit où il baptisait actuellement. Il y avait là des femmes qui vivaient à part au bord du Jourdain : on ne leur donnait pas le baptême, mais elles confectionnaient toute sorte d'objets et de vêtements de cérémonie pour le précurseur. (La narratrice explique dans deux récits postérieurs d'où venaient les pierres précieuses.)

En tout Jean semblait inaugurer une nouvelle Eglise. Il ne faisait plus ici de ces travaux manuels auxquels il se livrait auparavant et pour baptiser il mettait une longue robe blanche. Il n'y eut que le lieu où fut baptisé Jésus, qu'il prépara encore de ses propres mains avec l'aide de ses disciples.

Je vis Jean prêcher longtemps et avec beaucoup de feu au lieu où l'on célébrait la fête. Il se tenait au haut de sa tente revêtu de ses ornements sacerdotaux. Cette tente était construite avec des galeries à l'entour comme les tentes des rois en Arabie. Tout autour, au pied des murs dont ce lieu était entouré, on avait disposé des sièges en amphithéâtre pour les auditeurs dont le nombre était immense. Il parla du Sauveur qui l'avait envoyé et qu'il n'avait jamais vu, et du passage à travers le Jourdain. Il y eut encore dans la tente une offrande d'encens et on y brûla des herbes. Je vois qu'on avait annoncé depuis Maspha jusque dans la Galilée, que Jean ferait aujourd'hui une grande instruction et il était venu une grande quantité de monde Les esséniens étaient presque tous présents. La plupart des assistants avaient de longs vêtements blancs. Je vis arriver des hommes et des femmes. Ces femmes étaient assises sur des ânes que les hommes conduisaient, entre des paniers où étaient des colombes. Les hommes présentaient des pains comme offrandes et les femmes des colombes. Jean se tenait derrière une grille et recevait les pains : on enlevait la farine qui s'y était attachée au dessus d'une longue table à claire voie et on les empilait sur des plats : après quoi Jean les bénissait et les élevait comme pour l'oblation. Ces pains étaient en suite coupés en morceaux pour être distribués et les gens qui venaient de plus loin en recevaient davantage comme en ayant plus besoin. La farine enlevée de dessus lés pains et ce qui tombait quand on les coupait allait se rendre dans une boîte placée sous la table à claire voie : tout cela était brûlé sur l'autel. On distribua aussi les colombes que les femmes avaient apportées. Cela dura bien une demi journée. Toute la fête, le sabbat compris, avait duré trois jours. Je vis après cela Jean reprendre ses occupations dans l'endroit où il baptisait.

(23 et 24 août.) Je vis aujourd'hui Jean faire près du Jourdain (7) à ses disciples une instruction sur l'approche du moment où le Messie recevrait le baptême. il dit encore qu'il ne l'avait jamais vu, etc. Il ajouta : " En témoignage de ce que je dis, je vais vous faire voir la place où il sera baptisé.

Note 7 : La narratrice communiqua l'apparition de l'île du baptême comme ayant eu lieu avant la fête de trois jours : mais l'éditeur l'a placée ici parce qu'elle se lie à ce qui suit immédiatement :

Voici que les eaux du Jourdain vont se diviser et qu'il va se former une île. "Au même instant je vis les eaux du fleuve se diviser et une petite île blanche de forme ovale paraître à la surface de l'eau, sans en dépasser le niveau. C'est là la place où les Israélites traversèrent le Jourdain avec l'arche d'alliance : c'est aussi là qu'Elie divisa les eaux du fleuve avec son manteau.

Je vis une grande émotion parmi les assistants : ils prièrent et entonnèrent des cantiques de louange. Jean et les disciples placèrent de grosses pierres dans l'eau, et par dessus des arbres et des branches : ils firent ainsi un pont jusqu'à l'île, et jetèrent dessus de petits cailloux blancs. Quand il fut fini, l'eau put passer au dessous en murmurant. Jean et ses disciples plantèrent douze petits arbres autour de l'île : ils étaient vivants, et ils les réunirent par le haut de manière à former un berceau de feuillage.

Je les vis en outre placer entre ces arbres des arbrisseaux qui croissaient en abondance sur les bords du Jourdain. Ils avaient des fleurs blanches et rouges, et des fruits jaunes avec une petite couronne comme des nèfles. C'était très agréable à voir : car les uns étaient en fleurs, les autres étaient chargés de fruits.

L'île qui s'était élevée sur l'eau à l'endroit où l'arche d'alliance s'était arrêtée lors du passage du Jourdain paraissait rocailleuse ; comme le lit du fleuve était plus découvert et les eaux plus basses qu'au temps de Josué, je ne sais pas si l'eau se retira ou si l'île s'éleva lorsque Jean l'appela pour être le lieu du baptême de Jésus.

A gauche, en avant du pont non pas au milieu de l'île, mais plus près du bord, on fit une fosse dans laquelle monta une eau limpide ; quelques marches y conduisaient, et au niveau de la surface de l'eau était une pierre rouge et polie, de forme triangulaire, sur laquelle Jésus devait se tenir pour le baptême. à droite de cette pierre était un beau palmier couvert de fruits, autour duquel Jésus avait le bras passé lorsqu'il fut baptisé. Le bord de la fontaine était orné d'une marqueterie élégante : tout ce travail était très bien exécuté. Je le décrirai une autre fois plus en détail.

Lorsque Josué conduisit les Israélites à travers le Jourdain, je vis que les eaux du fleuve étaient très gonflées. L'arche d'alliance fut portée bien en avant du peuple jusqu'au Jourdain. Parmi les douze hommes qui l'accompagnaient et la portaient (j'ai su les noms de tous), se trouvaient Josué, Caleb et un autre dont le nom ressemblait à Eno'. Au bord du Jourdain, l'un d'eux se plaça tout seul à la partie antérieure de l'arche, que deux hommes portaient auparavant : les autres la soutenaient par derrière. Quand il mit les pieds de l'arche dans le fleuve, l'eau qui arrivait s'arrêta aussitôt : elle se gonfla, parut consistante comme de la gelée, et s'accumula en s'élevant comme une montagne, à une telle hauteur, qu'on pouvait la voir d'auprès de la ville de Zarthan, qui est assez éloignée. Les eaux de la partie intérieure s'écoulèrent vers la mer Morte, et l'on put traverser à pied sec le lit du fleuve. Les Israélites qui étaient éloignés de l'arche d'alliance allèrent passer plus bas.

L'arche d'alliance fut portée par les lévites dans le lit du fleuve jusqu'à une place où quatre pierres quadrangulaires se trouvaient posées régulièrement. Elles étaient d'un rouge sanguin, et de chaque côté étaient deux rangées de six pierres triangulaires, aussi polies que si on les eût taillées ; il y en avait par conséquent douze de chaque côté. Les douze lévites déposèrent l'arche sur les quatre pierres du milieu, et se placèrent, six à droite, six à gauche, sur les douze pierres triangulaires les plus rapprochées, lesquelles étaient enfoncées en terre par la pointe.

Plus loin étaient douze autres pierres, également triangulaires, très grandes et très grosses, avec des veines de différentes couleurs, qui formaient sur quelques unes des figures et des fleurs. Josué choisit dans les douze tribus douze hommes qu'il chargea de porter ces pierres sur le bord et de les déposer sur deux rangs, pour servir de souvenir, à une place assez éloignée, près de laquelle un village se forma plus tard. Les noms des douze tribus et ceux des porteurs y furent gravés. Les pierres sur lesquelles se tenaient les lévites étaient plus grosses, et quand ils quittèrent le lit du fleuve elles furent dressées, la pointe en haut. Les pierres portées à terre n'étaient plus visibles du temps de Jean. Je ne sais pas si elles avaient été enterrées ou détruites pendant la guerre. Jean avait dressé sa tente au milieu d'elles.(8) Plus tard, une église fut bâtie là, par Sainte Hélène, à ce que je crois.

Note 8 : Peut être le séjour de Jean en ce lieu fut il cause qu'elles furent remises au jour ou restaurées plus tard : saint Jérôme notamment raconte que sainte Paule étant allée à Galgala, y avait vu ces pierres. Eusèbe aussi en fait mention dans son Onomasticon à l'article Galgala, comme existant encore de son temps. Quelques Pères de l'Eglise croient que lorsque Jean Baptiste dit aux pharisiens : " Dieu peut de ces pierres susciter des enfants à Abraham, " il leur montra ces mêmes pierres. Jean Moschus, dans la vie des anciens Pères, livre II, chapitre XI, dit que l'abbé Agiodule avait obtenu de Dieu la grâce de voir les douze pierres érigées dans le Jourdain.

La place où l'arche d'alliance avait reposé dans le Jourdain est précisément le lieu de la fontaine baptismale de Jésus sur l'île qui a paru récemment au dessus des eaux.

Lorsque les Israélites et l'arche d'alliance eurent traversé le fleuve, et que les douze pierres eurent été dressées, le Jourdain recommença à couler comme auparavant.

(29 août.) Le niveau de l'eau de la fontaine baptismale était à une telle profondeur, que du bord le baptisé ne pouvait être vu plus bas que la poitrine. L'enfoncement n'était pas très marqué, et le bassin octogone, qui avait environ cinq pieds de diamètre, était entouré d'un rebord coupé en cinq endroits, sur lequel il y avait place pour plusieurs personnes.

J'ai vu encore que les douze pierres triangulaires sur lesquelles les lévites s'étaient tenus, et qu'ils avaient dressées la pointe en haut, comme douze petites pyramides, montraient leurs pointes hors de terre des deux côtés de la fontaine baptismale de Jésus. Dans la fontaine même, au dessous de l'eau, se trouvaient ces quatre pierres carrées sur lesquelles avait reposé l'arche d'alliance. Je pensai alors qu'elles devaient s'être enfoncées ou que les pierres des lévites s'étaient élevées, car, lors du passage du Jourdain, elles étaient de niveau. Ces pierres, à une époque antérieure. avaient montré leurs pointes hors du Jourdain, au temps des basses eaux.

Tout près du bord de la fontaine était une pierre en forme de pyramide, placée la pointe en bas, sur laquelle Jésus se tenait pendant le baptême lorsque le Saint Esprit descendit sur lui ; à sa droite, tout près du bord, s'élevait le beau palmier autour duquel il passait le bras. Jean Baptiste se tenait à sa gauche.

Cette pierre triangulaire où se tenait le Christ n'était pas, autant qu'il m'en souvient, une des douze pierres dont j'ai parlé : je crois que Jean l'avait apportée. Il y avait aussi quelque chose de mystérieux qui s'y rapportait : elle était veinée et fleurie. Les douze autres pierres étaient de couleurs différentes : elles étaient également veinées et fleuries d'une façon variée. Elles étaient plus grosses que celles qui avaient été apportées sur le rivage. J'ai un souvenir qui n'est pas bien précis en ce moment, mais qui me fait croire que ces pierres étaient des pierres précieuses, ayant quelque chose de mystérieux, et que Melchisédech les avait posées là toutes petites à une époque où le Jourdain n'y coulait pas encore. C'est ainsi qu'en divers lieux il avait posé comme des fondements qui longtemps couverts de terre ou cachés sous des marécages, parurent ensuite au jour et devinrent des lieux sanctifiés par quelque événement.

Plus tard, dans une autre occasion, Anne Catherine compléta cette communication en ces termes : "Melchisédech prit possession de plusieurs points de la Terre Promise, qu'il désigna d'une certaine façon. il mesura l'emplacement de la piscine de Bethesda. Avant que Jérusalem existât, il posa une pierre à l'endroit où le temple devait s'élever. Je le vis également semer comme des grains de blé les douze pierres qui étaient dans le Jourdain, et où se tinrent les prêtres avec l'arche d'alliance lors du passage des enfants d'Israël : à la longue elles prirent des accroissements.

On laissa reposer tranquillement ces précieuses pierres, considérées comme sacrées : plus tard, elles cessèrent d'être visibles et elles furent oubliées. à une époque postérieure elles furent employées à orner des églises.

Je crois aussi me rappeler, quoique confusément, que c'était de ces douze pierres ou de celles qui avaient été portées sur le rivage qu'étaient tirées les pierres précieuses qui ornaient le pectoral du précurseur à la fête actuelle.

(Du 3 au 17 septembre.) Après la fête, lorsque Jean était revenu de nouveau à l'endroit où il baptisait, je vis encore s'approcher de lui une vingtaine de personnes envoyées par toutes les autorités de Jérusalem, pour lui demander compte de sa façon d'agir. Ils attendirent à l'endroit où la fête avait été célébrée et mandèrent Jean près d'eux ; mais il ne vint pas. Je les vis le jour d'après à une petite demi lieue en avant du lieu du baptême. Jean ne les fit pas même entrer dans l'enceinte formée par les nombreuses habitations qui se trouvaient à l'entour. Cette enceinte était fermée par une barrière. Je vis Jean, après son travail, s'entretenir avec eux en se tenant à une certaine distance. Il leur parla comme à l'ordinaire, ne répondit pas à toutes leurs interrogations et s'en référa à celui qui devait bientôt venir à son baptême, qui lui était supérieur et qu'il n'avait jamais vu.

Je vis ensuite Hérode assis sur un mulet dans une espèce de caisse, et aussi la femme de son frère avec laquelle il vivait, assise également sur un mulet : elle était pompeusement et effrontément ajustée et portait un vêtement ample et plissé. Ils vinrent ainsi, accompagnés de quelques serviteurs, jusque dans le voisinage du lieu où Jean baptisait. La femme resta à quelque distance sur son mulet. Hérode descendit e s'approcha davantage ; et Jean se tenant assez loin, entra en pourparler avec lui. Hérode discuta avec Jean : car celui ci avait prononcé récemment une excommunication contre lui après qu'il lui eut présenté l'écrit qui contenait l'apologie de son union illicite. Jean l'avait exclu de toute participation au baptême et au salut apporté par le Messie, à moins qu'il ne renonçât à ces relations scandaleuses. Hérode lui demanda s'il connaissait un certain Jésus de Nazareth dont on parlait dans le pays, s'il recevait des messages de sa part, si c'était là celui dont il annonçait toujours la venue : il le priait de lui dire ce qui en était parce qu'il voulait s'adresser à lui pour son affaire. Jean répondit que celui dont il parlait l'écouterait aussi peu que lui même ; qu'il était et restait un adultère, qu'il pouvait exposer son cas à qui il voudrait, que ce ne serait jamais autre chose qu'un adultère. Alors Hérode lui ayant demandé pourquoi il ne s'approchait pas de lui davantage et pourquoi il lui criait toujours de loin ce qu'il avait à lui dire ; Jean répondit : " vous étiez déjà aveugle et l'adultère vous a rendu plus aveugle encore : plus je m'approcherais de vous, plus votre aveuglement augmenterait : mais quand je serai en votre pouvoir, vous ferez une chose dont vous vous repentirez, etc. C'était une prophétie touchant sa mort. Hérode et la femme quittèrent Jean très irrités.

J'ai vu ces derniers jours Jean dans une grande tristesse. Il semble que sa mission touche à sa fin, car il n'agit plus avec la même ardeur autour de lui. J'ai vu qu'il était très tourmenté On est venu successivement tantôt de Jéricho, tantôt de Jérusalem, tantôt de la part d'Hérode pour le chasser du lieu où il baptise. Ses adhérents occupaient un grand espace autour de cet endroit et ils y étaient comme campes. Maintenant on exigeait de Jean qu'il se retirât de là et allât de l'autre côté du Jourdain. Je vis même des soldats d'Hérode enlever sur une certaine étendue les enceintes qu'avaient établies les auditeurs de Jean et les en chasser. Toutefois ils ne sont pas encore venus jusqu'à la tente dressée par Jean, entre les douze pierres. Je vis le précurseur triste et abattu s'entre tenir à ce sujet avec ses disciples. Il désirait ardemment que Jésus vînt au baptême, car, disait il, il devait se retirer devant lui et aller de l'autre côté du Jourdain ; il ajoutait qu'après cela il ne resterait plus longtemps parmi eux. Ses disciples étaient très attristés de ces discours et ne voulaient pas qu'il les abandonnât.

(Du 19 au 26 septembre.) Il est venu ces jours ci près de Jean, plusieurs troupes de ceux que Jésus a dernièrement exhortés à aller au baptême : Parménas et ses parents sont arrivés ici de Nazareth ; il y a aussi des publicains. Je vis Jean, lorsqu'il apprit que Jésus allait arriver. se mettre à baptiser avec une nouvelle ardeur.

Il fit encore une belle instruction sur le Messie auquel il devait bientôt céder la place, et il se rabaissa tellement devant lui que ses disciples en furent tout contristés.

L'île où est la fontaine baptismale de Jésus, est maintenant toute verdoyante : personne n'y va, si ce n'est Jean quelquefois. Il a coupe le pont qui y mène. Après les dernières agressions d'Hérode et des Juifs Jean était tout abattu. Il était touchant de voir combien il perdait de sa véhémence à mesure que Jésus approchait : mais maintenant qu'il a eu de ses nouvelles il a repris un nouveau courage. Je crois que Jésus pourra être ici dans huit à dix jours.

Plusieurs troupes de gens qui avaient suivi Jésus et qu'il avait congédiés à Nazareth, sont arrivées près de Jean. Je les ai vus dans sa tente parler de Jésus avec lui. Il y avait une telle ardeur dans son amour pour lui, qu'il s'impatientait presque de ce que Jésus ne disait pas plus clairement qu'il était le Messie. C'était un sentiment tout à fait humain. Pendant qu'il baptisait ces gens de la suite de Jésus, il reçut l'assurance certaine que le Sauveur approchait, car une nuée lumineuse descendit sur lui et il eut une vision où Jésus lui apparut avec tous ses disciples autour de lui. Depuis ce moment Jean est plein d'une joie indicible et enflammé d'un désir ardent : il regarde toujours à l'horizon pour voir si le Seigneur n'arrive pas

 CH.5 - Jésus dans le désert. Jeûne de quarante jour.

CHAPITRE CINQUIEME.

Jésus dans le désert. Son jeûne de quarante jour.

Avant le sabbat, Jésus, accompagné de Lazare, alla à l'hôtellerie que celui ci possédait sur le chemin du désert. Il lui dit en particulier qu'il reviendrait dans quarante jours. à partir de l'hôtellerie, il continua son chemin seul et pieds nus. Il n'alla pas d'abord dans la direction de Jéricho, mais vers le midi, comme s'il eût voulu aller à Bethléhem, en passant entre la résidence des parents de sainte Anne et celle des parents de saint Joseph près de Maspha : alors il se dirigea vers le Jourdain, faisant le tour de tous les villages par des sentiers ; il passa tout contre le lieu où l'arche d'alliance s'était arrêtée, et où Jean avait célébré une fête.

Il commença à gravir la montagne à une lieue environ de Jéricho ; et il entra dans une caverne spacieuse. Cette chaîne de montagne, à partir de Jéricho, court entre le levant et le midi, et, de l'autre côté du Jourdain, elle se dirige vers Madian. Jésus commença son jeûne ici, près de Jéricho ; il le continua en divers endroits situés au delà du Jourdain et revint le terminer sur cette première montagne, qui est celle où le diable le transporta. Au sommet de cette montagne, on a une vue très étendue. Elle est en partie couverte de buissons, en partie nue et sauvage. Elle ne s'élève pas jusqu'au niveau de Jérusalem, mais sa base est située beaucoup plus bas, et elle est dans une situation plus isolée. Lé point lé plus élevé des hauteurs de Jérusalem est la colline du Calvaire qui se trouve au niveau du faîte du temple. Du côté de Bethléhem, et vers le midi, Jérusalem aboutit à des escarpements coupés à pic : de ce côté aussi il n'y a pas d'entrée, et tout l'emplacement est occupé par des palais.

Jésus gravit pendant la nuit la montagne escarpée et sauvage qu'on appelle aujourd'hui montagne de la Quarantaine. Il y a trois crêtes et trois grottes placées l'une au dessus de l'autre. Derrière la grotte supérieure dans laquelle entra Jésus, l'oeil plongeait dans les sombres profondeurs d'un précipice escarpé : toute la montagne était pleine de fentes effroyables et dangereuses. Cette même grotte, quatre siècles auparavant avait été habitée par un prophète dont j'ai oublié le nom. Elle aussi, à une époque, a longtemps résidé ici en secret : il élargit même l'une des grottes. Il descendit de là parmi le peuple sans que personne sût d'où il venait ; il prophétisait et pacifiait. Cent cinquante ans avant Jésus, des Esséniens, au nombre d'environ vingt cinq, y avaient fait leur demeure. Le camp des Israélites était au pied de cette montagne lorsqu'ils firent le tour de Jéricho en portant l'Arche d'alliance au son des trompettes. La fontaine dont Elisée rendit douces les eaux amères, est aussi dans les environs. Sainte Hélène fit disposer des chapelles dans ces grottes. J'ai vu sur le mur de l'une d'elles une peinture représentant la Tentation. Il y eut plus tard un couvent sur cette hauteur. Je ne puis m'imaginer comment les ouvriers pouvaient venir travailler là.

Sainte Hélène a fait construire des églises dans beaucoup de lieux saints de la Palestine. Ce fut elle qui bâtit l'église placée au lieu de la naissance de sainte Anne, deux lieues avant Séphoris. Les parents d'Anne avaient aussi une maison à Séphoris même. Combien il est triste que la plupart de ces saints lieux aient été tellement dévastés, que le souvenir même s'en est perdu ! Lorsque étant jeune fille, j'allais avant le jour dans la neige à l'église de Coesfeld, je voyais distinctement tous ces lieux sanctifiés, et je vis souvent des hommes pieux qui se prosternaient à terre dans le chemin devant les guerriers qui les dévastaient, afin de les préserver de la destruction.

Les paroles de l'Ecriture : " II fut conduit par l'Esprit dans le désert, "doivent s'interpréter ainsi : " Le Saint Esprit qui vint sur lui dans le baptême " , en ce sens que Jésus fit participer son humanité à tout ce qui appartient à la Divinité, le poussa à aller dans le désert, et à se préparer, en tant qu'homme, en présence de son Père céleste, aux souffrances auxquelles il était appelé.

(27 et 28 octobre.) Je vis Jésus à genoux et les bras étendus dans la grotte. Il demandait à son Père céleste de le fortifier et de le consoler dans toutes les souffrances qui lui étaient préparées. Il vit d'avance toutes ses souffrances, et demanda la grâce nécessaire pour chacune d'elles en particulier. Je vis cette vision depuis deux heures jusqu'à quatre heures trois quarts du matin : elle contenait tant de choses, que c'était comme si elle eut duré pour moi une année.

Je vis des représentations de toutes les peines, de toutes les douleurs de Jésus jusqu'à sa mort. Je le vis implorer son Père, et recevoir pour chacune d'elles la force, la consolation et tout ce qui la rendait méritoire. Je vis s'abaisser sur lui une nuée blanche et lumineuse aussi grande qu'une église, et après chacune de ses prières, s'approcher de lui de grandes figures incorporelles, lesquelles prenaient la forme humaine quand elles étaient près de lui, lui rendaient hommage et lui apportaient chacune une consolation et une promesse. Je ne puis exprimer tout ce que je vis et comment je le vis. Je vis que Jésus conquit pour nous dans le désert tout ce qui nous est donné de consolations, d'encouragements, de secours, de victoires dans les luttes que nous avons à soutenir ; qu'il acheta pour nous tout ce qui peut rendre méritoires nos combats et nos triomphes ; qu'il prépara d'avance pour nous tout ce qui fait la valeur de nos mortifications et de nos jeûnes ; qu'enfin il offrit à Dieu le Père tous les travaux et toutes les souffrances qui l'attendaient pour donner du prix aux travaux futurs, aux luttes spirituelles, aux efforts faits dans la prière par tous ceux qui croiraient en lui. Je vis aussi le trésor que Jésus amassait par là pour l'Eglise et qu'elle ouvre dans le temps du Carême. Je vis Jésus avoir une soeur de sang pendant cette prière, et je me trouvai moi même, lors de cette vision, ha tête et la poitrine inondées de sang. En ce moment, le jour commençait à poindre.

Aujourd'hui, Jésus descendit de la montagne vers le Jourdain, entre Galgala et le lieu où Jean baptisait, qui était environ une lieue plus au midi. Il s'embarqua lui même sur une poutre qui se trouvait là pour traverser le Jourdain dans cet endroit étroit et profond que je ne connaissais pas auparavant. Il passa sur la rive orientale, puis, laissant à droite Bethabara et coupant plusieurs routes qui conduisaient au Jourdain, il entra dans les montagnes par le désert, en suivant des sentiers escarpés qui se dirigeaient entre le levant et le midi il passa par une vallée qui va vers Callirrhoé, et où il traversa une petite rivière, puis il s'avança plus au nord, en suivant une arête de montagne jusqu'à un endroit où l'on a en face de soi, dans la vallée, la ville de Jachza. C'était là que les enfants d'Israël avaient battu Sehon, roi des Amorrhéens. Dans ce combat, les Israélites étaient trois contre seize : mais il y eut un miracle en leur faveur. un bruit effrayant se fit entendre au dessus des Amorrhéens et les frappa de terreur.

Jésus était alors sur des montagnes extrêmement sauvages : c'était quelque chose d'encore plus âpre que la montagne voisine de Jéricho. On se trouve à peu près en face de celle ci. Le mont du désert où est Jésus est à environ neuf lieues du Jourdain. C'est ici que Jésus fera son jeûne de quarante jours.

Ici aussi il a prié et vu dans toute leur étendue les souffrances qui l'attendent. Satan n'est pas encore venu près du Sauveur. La divinité et la mission de Jésus lui sont tout à fait cachées. Il n'a compris les paroles : ' C'est mon Fils bien aimé dans lequel je me complais, "que comme s'il s'agissait d'un homme, d'un prophète. Toutefois, Jésus a déjà à souffrir des luttes intérieures fréquentes et de diverse nature. La première tentation fut cette pensée : " Ce peuple est trop pervers : dois je souffrir tout cela pour eux, sans pourtant faire l'oeuvre complètement ". Mais sa charité et sa miséricorde infinies lui firent vaincre cette tentation causée par la vue de toutes ses souffrances.

(29 octobre.) Je vis Jésus dans une étroite grotte de montagne située dans la contrée de Jachza. Il était à genoux, priait sans relâche et parlait à son Père. Je vis tous les péchés du monde entier se présenter devant ses yeux, à partir de la chute originelle de l'homme. Tout cela vint sur lui comme de grands nuages orageux : il vit tout ce qu'il avait à souffrir pour cela, ce qui serait gagné et ce qui serait perdu. Des anges vinrent encore près de lui.

Je vis Satan se glisser près de là : il s'approcha de l'entrée de la grotte et y fit du bruit. Il avait pris la figure d'un des fils des trois veuves que Jésus affectionnait particulièrement. Il pensait que Jésus se mettrait en colère en voyant que ce disciple l'avait suivi malgré sa défense. C'était ridicule et absurde à Satan. Jésus ne tourna même pas les yeux de son côté. Satan regarda dans la grotte et se mit à tenir toute espèce de propos sur Jean Baptiste, qui, disait il, en voulait beaucoup à Jésus de ce qu'il faisait baptiser en certains endroits, ce qu'il ne lui appartenait pas de faire.

Le 30 octobre, la narratrice ne communiqua aucune vision, mais le mercredi 31 octobre, elle dit : "Jusqu'à quatre heures du matin, j'ai eu la vision qui suit. Je vins près de Jésus dans la grotte. Elle me parut cette fois plus spacieuse : hier je n'en avais vu que l'entrée. Il s'y trouvait une ouverture par laquelle entrait un air pénétrant et froid. Dans cette saison de l'année, le temps ici est très froid et très nébuleux. La grotte était âpre et rocailleuse et le sol très inégal. Elle était formée d'une pierre veinée de couleurs variées, qu'on aurait prises pour de la peinture si elle eût été polie. Aux alentours du rocher, il venait quelques broussailles : on voyait là aussi des quartiers de roc qui ressemblaient presque à des buissons. La grotte était assez spacieuse pour que Jésus put s'agenouiller et se prosterner à une place où il n'avait pas l'ouverture au dessus de sa tête.

Lorsque je vins près de Jésus, il était étendu la face contre terre. Je me tins longtemps près de lui, et je regardai ses pieds que sa robe laissait découverts jusqu'aux chevilles : ils étaient rouges et blessés par les rudes sentiers qu'il avait suivis, car il était allé pieds nus dans le désert. Je le vis tantôt se redresser, tantôt prier la face contre terre. Je pus tout voir, car il était environné de lumière. une fois un bruit partit du ciel, et une grande clarté se répandit dans la grotte : il vint toute une troupe d'anges qui portaient divers objets. Je me sentis tellement oppressée et accablée, qu'il me sembla entrer, pour ainsi dire, dans la paroi du rocher : j'eus l'impression que j'enfonçais, et je me mis à crier : "J'enfonce ! je vais enfoncer près de mon Jésus ! "Là dessus je m'éveillai, j'allumai ma lumière, j'entendis sonner l'heure, et je vis tout ce qui suit étant éveillée.

Je vis les anges s'incliner devant Jésus, lui rendre hommage et lui demander s'ils devaient lui présenter ce qu'ils étaient chargés de lui apporter ; ils lui demandèrent aussi si c'était toujours sa volonté de souffrir comme homme pour les hommes, ainsi que ç'avait été sa volonté lorsqu'il était descendu du sein de son Père céleste et s'était incarné dans le sein de la Vierge. Jésus ayant accepté de nouveau ces souffrances, les anges érigèrent devant lui une grande croix dont ils avaient apporté séparément les différentes parties. Cette croix avait la forme que je lui ai toujours vue, mais elle se composait de quatre pièces de même que les pressoirs en forme de croix, que je vois dans mes visions. Ainsi, la partie supérieure de l'arbre de la croix, qui s'élève entre les deux bras, était séparée. Je crois avoir vu là environ vingt cinq anges. Cinq portaient la partie inférieure de la croix, trois la partie supérieure, trois le bras gauche, trois le bras droit, trois le morceau de bois où posaient les pieds, trois portaient une échelle, un autre une corbeille avec des cordes et des outils, d'autres une lance, un roseau, des verges, des fouets, une couronne d'épines, des clous et aussi les habits dont il devait être revêtu par dérision ; enfin tout ce qui figura dans sa passion se trouvait là.

La croix était creuse : elle s'ouvrait comme une armoire, et elle était remplie partout d'innombrables instruments de martyre de toute espèce. Au milieu, à l'endroit où le coeur de Jésus fut percé, un assemblage des instruments de supplice les plus variés représentait toutes les tortures imaginables. La couleur de la croix était d'un rouge de sang dont la vue causait une émotion douloureuse. Toutes les parties et toutes les places de cette croix étaient teintes de couleurs différentes d'après lesquelles on pouvait reconnaître la peine qui y serait endurée ; de chacun de ces endroits partaient des rayons qui aboutissaient au coeur. Les instruments mis chacun à leur place étaient également la figure des tortures qu'ils devaient causer.

Il y avait en outre dans la croix des vases avec du fiel et du vinaigre, puis aussi de l'onguent, de la myrrhe et quelque chose qui ressemblait à des aromates ; tout cela vraisemblablement avait rapport à la mort du Sauveur et à sa sépulture. Il y avait encore une quantité de longues banderoles déroulées comme des écriteaux de différentes couleurs, de la largeur de la main, sur lesquelles étaient inscrites des souffrances de divers genres. Les couleurs indiquaient avec leur différents degrés d'épaisseur les ténèbres où les souffrances du Sauveur avaient à faire pénétrer la lumière.

La couleur noire désignait ce qui devait se perdre ; la couleur brune, ce qui était trouble, desséché, mélangé, souillé ; la couleur rouge, ce qui était appesanti, terrestre, sensuel ; la couleur jaune marquait la mollesse et la répugnance à souffrir. Il y avait des bandes moitié jaunes, moitié rouges, qui devaient devenir entièrement blanches ; d'autres étaient complètement blanches, d'une blancheur de lait, et l'écriture y était lumineuse ; on voyait à travers. Celles ci désignaient ce qui était gagné, ce qui était accompli.

Tous ces rubans avec leurs couleurs donnaient comme le compte des douleurs et des travaux de toute espèce, que Jésus aurait à supporter dans sa carrière avec ses disciples et d'autres personnes.

On lui mit aussi devant les yeux, tous les hommes par lesquels devaient lui venir le plus souvent des souffrances cachées ; ainsi les Pharisiens avec leur malignité, le traître Judas, les Juifs sans pitié pour sa mort cruelle et ignominieuse. Les anges disposèrent et firent passer tout cela sous les yeux du Sauveur avec un respect indicible et une solennité sacerdotale ; quand toute la passion fut figurée et représentée devant lui, je le vis pleurer ainsi que les anges. Ensuite les anges se retirèrent et je fus ravie dans une vision concernant les pauvres âmes du purgatoire.

(2 novembre. ) Comme j'étais près du Seigneur, je le vis prier, la face contre terre. Le diable avait fait apparaître devant lui sept à huit de ses disciples. Ils entrèrent un à un dans la grotte et dirent qu'ils avaient appris par Eustache où il était, qu'ils l'avaient cherché pleins d'inquiétude, qu'il ne devait pas les abandonner pour se réduire à la dernière détresse sur le haut de cette montagne. On tenait tant de propos sur son compte, disaient ils ; il ne devait pourtant pas se laisser imputer telle et telle chose. Mais Jésus ne répondit rien, si ce n'est : `` Retire toi de moi, Satan, le temps n'est pas encore venu. " Alors tout disparut.

(3 novembre.) Je vis le Seigneur prier dans la grotte, la face contre terre. I| était tantôt agenouillé, tantôt debout ; je l'ai vu aussi une fois couché sur le côté. Je vis un homme très vieux, très faible, d'un aspect vénérable, gravir péniblement la montagne escarpée. C'était chose si difficile pour lui que j'en avais pitié. Il s'approcha de la grotte et tomba tout épuisé à l'entrée en poussant un gémissement plaintif. J'étais presque chagrine de ce que Jésus ne venait pas à son aide ; mais il ne le regarda même pas.

Le vieillard se releva lui même et dit à Jésus qu'il était un Essénien du mont Carmel, qu'il avait entendu parler de lui et que, quoique mourant, il était venu à sa suite jusqu'ici. Il le priait donc de vouloir bien l'accueillir et s'entretenir avec lui de choses saintes ; lui aussi savait ce que c'était que jeûner et prier, disait il, quand deux personnes s'unissent ensemble en Dieu, l'édification est plus grand, etc. Jésus ne répondit que quelques mots, comme : " Arrière, Satan, le temps n'est pas encore venu. " Alors, je commençai à voir que c'était Satan, car lorsqu'il se retira et s'évanouit, je le vis devenir sombre et plein de rage. Alors je trouvai risible qu'il se fût jeté par terre et qu'il eût été obligé de se relever à lui tout seul.

Satan ne connaissait pas la divinité du Christ. Il le prenait pour un prophète ordinaire. Il avait vu sa sainteté dès sa jeunesse et aussi la sainteté de sa mère qui ne faisait aucune attention à Satan. Elle n'était accessible à aucune tentation. Il n'y avait rien en elle à quoi il pût se prendre. Elle était la plus belle des 20 vierges et des femmes, mais elle n'avait jamais eu sciemment de prétendants, sinon lors de l'épreuve qui fut faite dans le temple avec des branches d'arbre, et à la suite de laquelle il lui fallut prendre un mari. Ce qui induisait le mauvais esprit en erreur, c'était que Jésus n'avait point vis à vis de ses disciples la même sévérité que les pharisiens, en ce qui touchait certains usages de peu d'importance. Il le croyait un homme parce que quelques irrégularités de ses disciples scandalisaient les Juifs. Comme il avait souvent vu Jésus plein de feu et d'ardeur, il chercha d'abord à l'irriter en lui montrant ses disciples le suivant malgré lui ; l'ayant vu plein de miséricorde, il voulut le toucher en se montrant sous la figure d'un pauvre vieillard tombant en défaillance, puis entrer en discussion avec lui en qualité d'Essénien.

(4 et 5 novembre.) Je vis près de la grotte une nuée lumineuse dans laquelle j'aperçus comme des visages. Il en sortit des anges qui avaient la forme humaine. Ils allèrent à Jésus, le fortifièrent et le consolèrent.

Le dixième jour, 5 novembre, je vis Jésus prosterné dans la grotte, la face contre terre. Je le vis prier agenouillé et debout et je vis des anges entrer et sortir.

(6 novembre.) Je vis Jésus dans la grotte couché sur le côté et je vis apparaître l'essénien Eliud qui s'approchait de lui. C'était encore Satan, et je compris qu'il devait avoir connaissance que tout récemment la croix avait été présentée à Jésus, car il lui dit avoir appris par une révélation quels terribles combats lui avaient été montrés, combats qu'il avait bien senti être au dessus des forces de Jésus. Il n'était pas non plus, disait il, en état de jeûner quarante jours, c'est pourquoi il était venu, poussé par l'affection qu'il lui portait, pour le voir encore une fois, et pour le prier de lui permettre de lui tenir compagnie dans sa solitude, ajoutant qu'il voulait se charger d'une partie de son voeu. Jésus ne prêta aucune attention à tout cela. Il se releva, leva les mains au ciel et dit : " Mon père, retirez moi cette tentation ! " Je vis alors Satan se montrer plein de rage et disparaître.

Jésus alors se mit à genoux pour prier. Au bout de quelque temps, je vis s'approcher trois jeunes gens(1) qui l'avaient accompagné lorsqu'il était sorti pour la première fois de Nazareth et qui l'avaient quitté plus tard. Ces jeunes gens s'avancèrent d'un air timide, se prosternèrent devant Jésus et se plaignirent de ne pouvoir trouver de repos nulle part tant qu'il ne leur avait pas pardonné. Ils le prièrent de les prendre en pitié, de les admettre de nouveau et de les laisser jeûner avec lui comme pénitence. Ils voulaient, dorénavant, être les plus fidèles de ses disciples. Ils se lamentaient très haut et ils étaient entrés dans la grotte en faisant toute sorte de bruit autour de lui. Jésus se releva, étendit les mains et invoqua Dieu, et ils disparurent.

(7 et 8 novembre.) Comme je regardais Jésus qui priait à genoux dans la grotte, je vis Satan, vêtu d'une robe resplendissante, arriver à travers les airs et planer près de l'endroit où le rocher était coupé à pic. De ce côté, il n'y a pas d'entrée dans la grotte, mais seulement quelques fissures : c'est le côté du levant.

Note 1 : Il s'agit ici de ceux qui, lors de la première sortie du Sauveur, le suivirent jusqu'à Hébron. Cependant alors la narratrice n'en mentionna que deux.

Jésus ne regarda pas Satan qui voulait faire l'ange : dans ce cas, sa lumière n'est jamais transparente, mais comme étendue à la surface et sa robe fait l'effet de quelque chose de raide, tandis que la robe des anges paraît légère et diaphane. Il vola à l'entrée de la grotte et dit : Je suis envoyé par ton Père pour te consoler. "Jésus ne le regarda pas. Alors il reparut à une des ouvertures de la grotte du côté ou elle est tout à fait inaccessible et dit à Jésus qu'il devait reconnaître en lui un ange à la manière dont il planait au dessus du rocher. Mais Jésus ne tourna pas les yeux de son côté. Alors Satan entra en fureur et fit comme s'il eût voulu le saisir avec ses griffes à travers l'ouverture ; son aspect devint horrible, et il disparut. Mais Jésus ne le regarda pas. Le 8, je vis Jésus s'agenouiller et prier dans la grotte.

(9 novembre.) Remarque de l'écrivain le 8 novembre 1821 : La vision de ce jour sur le jeûne de Jésus fut continuellement mêlée à d'autres visions où la narratrice se livrait à ces travaux qu'elle avait coutume de faire la nuit dans son oraison : c'est du reste ce qui arrive le plus souvent et de là vient qu'elle a rarement le temps de faire des communications complètes.

Toute la série de ses contemplations nocturnes a la forme d'un voyage qu'elle fait sous {a conduite de son ange gardien. Le but spirituel de ce voyage se détermine d'après les travaux en oraison qui lui sont assignés, suivant les circonstances de l'époque où elle vit ou suivant le temps de l'année ecclésiastique. Le point central de ce voyage est la Terre Promise, où elle retrouve chaque jour ses visions sur la vie de Jésus et où la tâche qu'elle a pour le moment, remplir dans son oraison s'unit aux mérites de ce jour de la vie du Rédempteur. Dans ce voyage, elle passe par les contrées où ont vécu les saints dont on fait la fête ce jour là, elle se mêle à leur vie, unit leurs mérites aux mérites de Jésus, et les applique au succès des prières qu'elle a à faire pour les pays avec lesquels ces saints ont quelque relation particulière. Il en est ainsi sur tout le chemin qu'elle parcourt soit pour aller, soit pour revenir et à cela se mêle la vue de tous les besoins et de toutes les misères du présent et de l'avenir. Or depuis le 2 novembre, jour des Morts, sa principale occupation était de prier pour l'Eglise souffrante. Elle faisait ainsi l'oeuvre d'un chrétien, qui, priant et contemplant. suit, à travers le temps, comme un fit conducteur, la série des jours de l'année ecclésiastique. La vision d'aujourd'hui sur la vie de Jésus se présenta de la manière suivante :

Je vis cette nuit Jésus prier dans la grotte, tantôt couché, tantôt à genoux, tantôt debout. Pendant la plus grande partie de la nuit, j'ai été dans la grotte près de Jésus, agenouillée moi même et priant. J'ai eu une terrible nuit. Il faisait si mauvais et si froid sur cette montagne. Il y eut de l'orage et il est tombé beaucoup de pluie et de grésil. J'ai vu les misères morales du monde entier et aussi ma propre abjection. J'ai vu le triste état de l'Eglise et les chutes de tout genre des prêtres. J'ai vu les grâces et les ressources innombrables que Jésus nous a octroyées, et j'ai eu le sentiment de tout ce qu'il a déjà conduis pour nous, rien que dans ce pénible jeûne du désert. J'étais toute brisée et comme broyée : j'éprouvais en outre pour Jésus qui était près de moi, une compassion qui me déchirait le coeur, et j'avais en même temps le sentiment de ma propre méchanceté. Et pourtant au milieu de toutes ces douleurs, ma faiblesse faisait que je ne pouvais m'empêcher de me dire de temps en temps : " Pourquoi Jésus ne me dit il rien ? Pourquoi ne me dit il pas : Lève toi ! " car je me croyais hors d'état de supporter toutes ces peines.

Comme j'étais prête à m'impatienter, il ne me dit rien que ce seul mot : Patience ! et je me sentis soulagée. Je restai là encore quelque temps étendue par terre et j'eus le sentiment complet du désert, avec son âpre température et celui des douleurs de Jésus. Alors à travers le froid, il m'arriva un air tiède et une sensation agréable. Trois âmes pleuraient près de moi dans la grotte et chacune avait deux anges à côté d'elles : elles remercièrent à propos de souffrances qui les avaient soulagées et disparurent. Je les connaissais alors, maintenant je ne les connais plus. Je suis encore dans un état misérable. Il m'a été aussi ordonné de prier pour prévenir des malheurs imminents que j'ai vus, mais surtout à l'occasion des mariages mixtes à propos desquels il m'a été montré que des maux innombrables en résultent pour l'Eglise.

(10 et 11 novembre.) Je vis Jésus comme toujours prier dans la grotte prosterné, agenouillé ou debout. Il porte son vêtement ordinaire. Seulement sa robe est lâche et n'est pas attachée : il n'a pas de ceinture et il a les pieds nus. Son manteau est posé par terre avec sa ceinture et une paire de poches comme en portent les Juifs, et il s'y appuie quelquefois il ne mange ni ne boit : il souffre souvent de la faim. Des anges le réconfortent. Alors il descend sur lui comme une nuée légère, et il coule dans sa bouche comme une espèce de rosée.

Les quarante jours, dans le désert, sont un nombre mystérieux et se rapportant, comme les quarante années des Israélites dans le désert, à quelque chose que j'ai oublié. Jésus a chaque jour un nouveau travail à accomplir par sa prière ; chaque jour il conquiert pour nous de nouvelles Grâces, et ce qui a précédé ne se représente jamais. Sans ce travail auquel il s'est soumis, jamais notre résistance aux tentations n'aurait pu être méritoire. Le il j'ai vu Jésus prier comme précédemment dans différentes postures.

(12 novembre.) Je vis Satan sous la figure d'un vieil ermite du mont Sina' venir vers Jésus dans là grotte. Il gravissait péniblement la montagne ; il était à moitié nu ; son corps était couvert comme de peaux de bêtes, et il avait une longue barbe ; il y avait dans sa physionomie quelque chose de moqueur et d'astucieux. Il lui dit qu'un Essénien du mont Carmel, qui était venu le voir, lui avait parlé du baptême de Jésus, de sa sagesse, de ses miracles et du jeûne rigoureux qu'il faisait actuellement. Là dessus, malgré son grand âge, il avait entrepris ce long voyage pour venir le trouver : il voulait s'entretenir avec lui, d'autant plus qu'il avait une longue expérience de la mortification. Il pensait que Jésus en avait assez fait et devait maintenant se reposer : il voulait, lui, se charger d'une partie de ce qu'il s'était imposé. Il dit beaucoup de choses dans ce sens. Jésus regarda de côté et dit : "Retire toi de moi, Satan ! "Alors je vis Satan tout ténébreux et, sous la forme d'un globe noir, rouler avec fracas jusqu'au bas de la montagne.

Je demandai alors intérieurement comment il se faisait que la divinité de Jésus restât si parfaitement cachée pour Satan, et je reçus à ce sujet de belles et admirables instructions ; je me préoccupais vivement de savoir comment je pourrais raconter tout cela, mais je l'ai tout à fait oublié : je vis clairement l'extrême avantage qu'il y avait pour les hommes à ce que ni Satan, ni eux n'en eussent connaissance ; il leur fallait apprendre à croire. Le Seigneur me dit notamment quelque chose que j'ai retenu. "L'homme n'a pas su que le serpent qui l'a séduit était Satan, c'est pourquoi Satan, non plus, ne doit pas savoir que c'est Dieu qui rachète l'homme. c J'eus, à cette occasion, de très belles visions, et je vis que Satan ne connut la divinité du Christ que lorsqu'il délivra les âmes des limbes.

Du 14 au 16 novembre, elle fut trop malade pour pouvoir rien raconter. Le 17, elle dit : J'ai vu tous ces jours ci Jésus prier dans la grotte et jeûner. J'ai oublié les détails La grotte n'est pas tout à fait au sommet de la montagne.

(18 novembre.) Je vis aujourd'hui Satan entrer dans la grotte sous la figure d'un homme de distinction de Jérusalem (2). Il dit qu'il venait par suite du grand intérêt qu'il lui portait, car il situait que sa mission était de rendre la liberté aux Juifs. Il lui raconta en outre toutes les contestations qui avaient eu lieu à Jérusalem à son sujet et tout ce qui avait été dit. Il venait le voir pour prendre sa cause en main. Il voulait aller avec lui à Jérusalem où ils demeureraient ensemble dans le palais d'Hérode (elle croit qu'il s'agit de l'Hérode dont l'autre Hérode, qui habitait à Callirrhoé, avait enlevé la femme). Il me sembla que c'était un agent de cet Hérode. Il ajouta que Jésus pouvait faire venir là ses disciples en secret et procéder à la réalisation de ses projets. Il le pressa de venir avec lui sans retard. Il débita tout cela à Jésus très au long. Jésus ne le regarda pas, nais il pria avec ardeur, et je vis Satan se retirer ; sa figure devint hideuse, et il sortit de son nez comme du feu et de la vapeur, après quoi il disparut.

Note 2 : Dans les visions communiquées jusqu'ici, Satan démasqué par la prière apparaît toujours sous une forme hideuse qui correspond au mensonge dont il est convaincu. C'est comme dans la vie de ce monde où le menteur quand il est surpris et confondu se montre un peu différent de ce qu'il est l'ordinaire.

(19 20 novembre.) Pendant cette nuit où je fus malade à mourir, j'étais depuis la veille au soir en contemplation prés de Jésus dans la grotte, et je vis toute sa passion grandir devant lui comme un arbre qui croît. J'en vis tous les détails dans des tableaux merveilleux jusqu'à son crucifiement avec ses tortures et ses affreuses souffrances. Dans ces représentations je vis, comme toujours, la croix faite de cinq espèces de bois, avec des bras insérés dans le tronc, un coin sous chaque bras et un morceau de bois pour soutenir les pieds. La partie de l'arbre qui était au dessus de la tête et où l'écriteau était attaché était surajoutée, car d'abord l'arbre était trop court pour qu'on pût placer l'inscription au dessus de la tête. à propos de cette addition, la Soeur mentionne quelque chose comme des feuilles : elle dit aussi une fois : " C'est placé au dessus comme un couvercle sur un étui. "

Je vis tout cela dans un merveilleux tableau symbolique, et je vis en outre toutes sortes de transformations mystérieuses dans le Saint Sacrement. Je crois que Jésus eut aussi ces visions, car je vis près de lui des anges qui vénéraient ces mystères. Je m'éveillai alors dans les douleurs les plus cruelles, mais je me réjouissais toujours de m'endormir de nouveau pour éprouver ces souffrances.

Tous ces jours ci je vis Jésus dans la grotte p riant et jeûnant, et je m'unis à lui pour prier, pour renoncer et pour surmonter toute répugnance.

Le 28 novembre, elle dit : J'ai vu aujourd'hui des anges montrer à Jésus, dans plusieurs tableaux, l'ingratitude des hommes, le doute, la raillerie, l'injure, la trahison, le reniement, tout ce que devaient faire ses amis et ses ennemis jusqu'à sa mort et après sa mort, et tout ce qui devait se perdre de ses travaux et de ses peines. Il vit tout cela, et dans son angoisse, il eut une soeur de sang. Pour le consoler, ils lui montrèrent alors tout ce qui était gagné. Ils lui montraient tout du doigt, à mesure que les tableaux se succédaient.

Le 29, elle dit : J'ai vu aujourd'hui Jésus tout épuisé de ses luttes et plongé dans la tristesse, en considérant la grandeur des pertes et l'inutilité de ses efforts pour le salut d'un bien grand nombre d'hommes.

(30 novembre.) J'ai vu aujourd'hui Jésus soumis à une tentation : il commençait à avoir grand faim et surtout à souffrir beaucoup de la soif. Je le vis, il est vrai réconforté quelquefois par des anges, mais jamais manger ni boire : je ne je vis jamais non plus hors de la grotte. il n'y avait pas en lui d'amaigrissement sensible, mais il était devenu très blanc et très pâle.

Je vis Satan s'approcher de lui sous la figure d'un vieil ermite et lui dire : " J'ai bien faim, je vous prie de me donner des fruits qui sont là sur la montagne devant la grotte, car je ne peux pas en cueillir sans la permission du propriétaire (il feignait de prendre Jésus pour le propriétaire) ; asseyons nous donc ensemble et parlons de choses édifiantes. À, Il y avait, non pas à l'entrée, mais ailleurs, à quelque distance, près du côté opposé de la grotte qui regardait le levant, des figues et une espèce de fruit semblable à la noix, mais avec une enveloppe plus molle, comme celle des nèfles : il y avait aussi des baies. Jésus lui dit : " Retire toi de moi ! toi qui es menteur depuis le commencement des siècles, et n'endommage pas ces fruits '. Alors je vis l'ermite, transformé en une petite figure noire, fuir comme un trait par dessus la montagne et une vapeur sombre sortir de sa bouche. Je ne savais pas qu'il pût endommager ces fruits, quoique je pensas bien qu'il laissait après lui une odeur infecte.

Aujourd'hui, jour de la fête de saint André, elle parla de lui et raconta ceci entre autres choses : André est allé aujourd'hui chez un frère ou demi frère qu'il avait, indépendamment de Pierre, et qui est devenu disciple. André s'entretint avec lui : il était triste et inquiet de ce que Jésus était dans le désert depuis si longtemps : il était agité au sujet de son retour, et il avait des doutes à combattre. Il s'entretint aujourd'hui avec son frère à ce sujet.

(2 décembre.) Satan vint encore trouver Jésus sous la figure d'un voyageur. Il lui demanda s'il ne voulait pas manger des beaux raisins qui étaient dans le voisinage et qui étaient si bons pour apaiser la soif. Jésus ne répondit rien et ne tourna même pas les yeux de son côté. Le jour d'après, il le tenta de la même façon en lui parlant d'une source.

(3 décembre.) Vers midi, je vis Satan venir vers Jésus dans la grotte. Il vint en qualité de savant faiseur de tours : il lui dit qu'il venait à lui comme à un sage, et voulait lui montrer que lui aussi savait faire quelque chose, l'engageant à le regarder faire. Alors il lui fit voir, suspendue à son bras, une machine semblable à une boule, ou plutôt à une cage d'oiseau. Jésus ne le regarda pas, tourna le des et entra plus avant dans la grotte. Ce fut la première fois que je vis pareille chose.

J'ai vu ce qu'il y avait à voir dans la boîte. On y avait sous les yeux un paysage ravissant, un jardin de plaisance agréable, plantureux, plein de beaux ombrages, de sources fraîches, d'arbres chargés de fruits et de raisins magnifiques. Tout cela était si rapproché, qu'on semblait le toucher, et il s'y produisait des changements à vue de plus en plus attrayants. Jésus lui tourna le des, et Satan disparut.

Cette tentation avait encore pour but d'interrompre le jeûne de Jésus, qui maintenant commençait à ressentir vivement la faim et la soif. Satan ne sait pas comment s'y prendre avec lui. Il connaît les prédictions faites à son sujet, et il sent aussi que Jésus a autorité sur lui, mais ignore qu'il est Dieu, qu'il est le Messie que rien ne peut empêcher de faire son oeuvre, parce qu'il le voit jeûner, soutenir des luttes, avoir faim, en un mot, parce qu'il le voit pauvre, sujet à bien des souffrances, semblable en tout à un homme ordinaire. En cela, Satan est, à quelques égards, aussi aveugle que les pharisiens : mais il le regarde comme un saint homme que dans tous les cas il peut tenter et faire faillir.

(4 décembre.) Je vis Jésus agité et très combattu il souffrait de la faim et de la soif. Je le vis plusieurs fois devant la grotte. Je vis vers le soir Satan gravir la montagne sous la figure d'un homme grand et robuste ; il avait pris en bas deux pierres qui étaient de la grandeur de deux petits pains, mais anguleuses, et je vis qu'en montant il les maniait et leur donnait complètement la forme de pains. Il y avait dans son aspect quelque chose d'incroyablement farouche lorsqu'il vint vers Jésus dans la grotte. Il tenait une des pierres dans chaque main, et il lui parla à peu près en ces termes : " Tu fais bien de ne pas manger de fruits, ils ne font qu'irriter l'appétit ; mais si tu es le Fils bien aimé de Dieu sur qui l'Esprit est descendu à son baptême, vois ces pierres auxquelles j'ai fait prendre la forme de pains : change les maintenant en pain." Jésus ne regarda pas Satan : je l'entendis seulement prononcer ces paroles : " L'homme ne vit pas seulement de pain. "Je n'ai entendu distinctement ou retenu que ces paroles : dans l'Evangile il y en a d'autres encore qui vraisemblablement m'ont échappé, car alors je vis Satan au comble de la rage. Il étendit ses griffes vers Jésus, et je vis alors les deux pierres posées sur ses bras. Après cela il s'enfuit, et je ne pus m'empêcher de rire en le voyant obligé de remporter ses pierres.

Vers le soir du jour suivant, je vis Satan, sous la figure d'un ange puissant, voler vers Jésus avec grand bruit Il avait une espèce de vêtement de guerre, comme je le vois aux apparitions de saint Michel ; mais à travers son plus grand éclat on peut toujours distinguer quelque chose de sombre et de furieux. Il se vanta en présence de Jésus, et lui dit à peu près : " Je veux te faire voir qui je suis, ce que je puis, et comment les anges me portent dans leurs mains. Voilà Jérusalem ! voilà le temple ! Je te porterai sur son faite le plus élevé. Montre alors ce que tu peux faire : voyons si les anges te porteront jusqu'en bas. "Pendant qu'il parlait ainsi, il me sembla voir Jérusalem et le temple tout contre la montagne, mais je crois que c'était seulement une vision. Jésus ne lui fit aucune réponse. Alors Satan le prit par les épaules et le porta à travers les airs, à Jérusalem, mais en volant près de terre : il le posa sur la cime d'une des quatre tours qui s'élevaient aux quatre coins de l'enceinte du temple, et que jusqu'alors je n'avais pas remarquées.

Cette tour était du côté occidental, vis à vis la forteresse Antonia. La montagne du temple était presque à pic en cet endroit. Ces tours étaient comme des prisons : dans une d'elles on gardait les vêtements précieux du grand prêtre. Elles étaient terminées par une plate forme autour de laquelle on pouvait marcher. Au milieu s'élevait encore une coupole creuse que surmontait une grosse boule sur laquelle il y avait place pour deux personnes. On pouvait de là voir au dessous de soi le temple tout entier.

Ce fut sur ce point culminant de la tour que Satan plaça Jésus : celui ci gardait le silence. Mais Satan vola d'en haut jusqu'au sol et lui dit : "Si tu es le Fils de Dieu, montre ta puissance et descends à ton tour, car il est écrit : il ordonnera à ses anges de te porter dans leurs mains, de peur que tu ne te heurtes contre la pierre. "Mais Jésus répondit : `` il est écrit aussi : Tu ne tenteras pas ton Seigneur. "Sur quoi Satan revint à lui plein de rage, et Jésus dit : " use du pouvoir qui t'a été donné.

Alors Satan, saisi d'une nouvelle fureur, le saisit de nouveau par les épaules et vola avec lui au dessus du désert, dans la direction de Jéricho. Satan, cette fois, me parut voler plus lentement. Je le vis, dans sa colère et sa rage contre Jésus, planer tantôt haut, tantôt bas, et en vacillant, comme quelqu'un qui veut décharger sa colère, et qui n'est pas maître de le faire. Il porta Jésus à sept lieues de Jérusalem, sur cette même montagne ou il avait commencé son jeûne.

J'ai vu qu'en le portant il passa tout contre le grand et vieux térébinthe dont j'ai eu récemment près de moi une relique que j'ai reconnue. Ce bel et grand arbre s'élève dans l'ancien jardin d'un Essénien, de ceux qui ont autrefois habité ici : Elle aussi y séjourna. Le térébinthe était derrière la grotte, à peu de distance de l'escarpement à pic. Trois fois par an on fait des entailles aux arbres de celle espèce, et on en tire un baume d'assez médiocre qualité.

Satan posa le Sauveur au point culminant de la montagne sur un rocher inaccessible qui surplombait : ce point est beaucoup plus haut que la grotte. Il faisait nuit : mais pendant que Satan montrait les divers points de l'horizon, tout était éclairé, et on voyait dans toutes les directions les plus beaux pays du monde. Le démon parla à peu près en ces termes : "Je sais que tu es un grand docteur, que lu veux rassembler des disciples autour de toi et répandre ta doctrine. Vois tous ces magnifiques pays, ces puissantes nations, et vois aussi ce qu'est en comparaison d'eux la petite Judée. C'est là qu'il faut aller : Je te donnerai tous ces pays si tu te prosternes devant moi pour m'adorer. Par cette adoration, le démon entendait une posture humble et suppliante que prenaient souvent les Juifs d'alors et en particulier les Pharisiens devant de grands personnages et des rois quand ils voulaient obtenir d'eux quelque chose. Le démon présentait ici à Jésus, sur une plus grande échelle, une tentation semblable à celle par laquelle il avait cherché à le séduire lorsqu'il était venu le trouver, sous la figure de l'agent d'un Hérode de Jérusalem, et l'avait engagé à venir dans le palais que le roi avait dans cette ville, en lui promettant de l'aider dans son entreprise. Lorsque Satan montrait ainsi les divers points de l'horizon, on voyait apparaître de grands pays avec les mers qui les baignaient, puis leurs villes, puis leurs monarques dans tout l'éclat d'une pompe triomphale, avec leur cortège et leurs armées.

On voyait tout cela aussi distinctement que si l'on en eût été tout près et même encore plus distinctement ; on était réellement dans tous ces lieux, et chaque scène, chaque peuple se montrait avec la pompe et l'éclat qui lui étaient propres, avec ses moeurs et ses usages particuliers.

Satan fit ressortir les prérogatives de chaque peuple et montra avec une insistance particulière un pays où l'on voyait de grands et beaux hommes magnifiquement vêtus, ressemblant presque à des géants. Je crois que c'était la Perse : il conseilla à Jésus d'aller de préférence enseigner là. Il lui montra là Palestine comme une petite contrée insignifiante. C'était un spectacle merveilleux : on voyait tant de choses et si clairement, et tout était si brillant et si magnifique !

Jésus ne dit que ces mots : "Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul. Retire toi de moi, Satan. Alors je vis Satan, sous une forme incroyablement hideuse, s'élancer du haut du rocher dans le précipice, et disparaître comme si la terre l'eut englouti.

Aussitôt après, je vis une troupe d'anges s'approcher de Jésus et s'incliner devant lui : ils le portèrent, je ne sais de quelle manière, comme sur leurs mains, et, planant doucement avec lui près du rocher, ils le ramenèrent dans la grotte où il avait commencé son jeûne de quarante jours. Il y avait douze anges principaux avec d'autres troupes d'assistants qui formaient aussi un nombre déterminé : je ne sais plus bien s'ils étaient soixante douze, mais je suis portée à le croire : car il y eut dans toute cette vision quelque chose qui me rappela les apôtres et les disciples. Il y eut alors dans la grotte comme une fêle d'actions de grâces pour une victoire et comme un festin solennel. Je vis la grotte tapissée intérieurement de feuilles de vigne par les anges : elle était ouverte, et une couronne triomphale de feuillage était suspendue en l'air au dessus de la tête de Jésus. Tout cela se fit avec un ordre et une solennité merveilleuse : tout y était clair, symbolique et lumineux, et ce fut promptement fait, car ce qui était planté ou apporté dans une intention répondait comme de soi même à cette intention et se développait suivant la destination qui lui était assignée.

Les anges apportèrent aussi une table couverte d'aliments célestes qui, petite au commencement, s'accrut et grandit rapidement. Les mets et les vases étaient semblables à ceux que je vois toujours sur les tables du ciel : je vis Jésus, les douze anges principaux et les autres aussi en prendre leur part. On ne faisait pas passer les aliments par la bouche, et pourtant on se les assimilait ; l'essence des fruits passait jans ceux qui les prenaient, et il y avait réfection et participation. C'est quelque chose qu'il est impossible d'exprimer.

A l'extrémité de la table se trouvait seul un grand calice lumineux, entouré de petites coupes : il était de la même forme que celui qui figura à l'institution de la sainte Cène ; seulement il était plus grand et avait quelque chose de plus immatériel. il y avait aussi une assiette avec des petits pains ronds très minces. Je vis Jésus verser quelque chose du calice dans les coupes et y tremper des morceaux de pain : après quoi les anges les prirent et les emportèrent. Dans ce moment, le tableau disparut, et Jésus quitta la grotte et descendit vers le Jourdain.

Les anges qui servaient Jésus parurent sous des formes différentes et suivant un ordre hiérarchique : ceux qui, en dernier lieu, disparurent avec le pain et le vin étaient en habits sacerdotaux. Je vis, dans le même instant, des consolations : merveilleuses de toute espèce arriver aux amis présents et futurs de Jésus. Je vis à Cana Jésus apparaître en vision à la sainte Vierge et la réconforter. Je vis Lazare et Marthe très émus et remplis d'un nouvel amour pour Jésus. Je vis Marie la Silencieuse recevoir réellement de la main d'un ange un aliment pris sur la table du Sauveur. Je vis l'ange près d'elle, et elle reçut ce qu'il lui apportait avec la simplicité d'un enfant. Elle avait vu constamment toutes les souffrances et les tentations de Jésus ; sa vie se passait à les contempler et à y compatir, et elle n'éprouva aucune surprise. Je vis aussi Madeleine singulièrement remuée. Elle était occupée à se parer pour une fête, lorsqu'elle fut saisie inopinément d'une vive inquiétude sur sa vie et d'un ardent désir du salut, si bien qu'elle jeta là sa parure, ce qui lui attira force moqueries de la part de son entourage. Je vis aussi plusieurs des futurs apôtres réconfortés et pleins d'ardeur. Je vis Nathanaël dans sa demeure pensant à tout ce qu'il avait entendu dire de Jésus et très ému à ce sujet, mais chassant encore ces pensées de son esprit. Je vis Pierre, André et tous les autres fortifiés et touchés. C'était une vision admirable dont je ne me rappelle que peu de chose.

Au moment où Jésus commençait son jeûne, Marie résidait dans sa maison, près de Capharnaum. Il en était alors comme à présent, et la faiblesse humaine reste toujours la même. Il venait s'installer chez la sainte Vierge des voisines indiscrètes, qui, sous prétexte de la consoler, reprochaient à Jésus de s'en aller on ne savait ou, de la négliger complètement, quoi que ce fût son devoir, depuis la mort de Joseph, de prendre une profession pour soutenir sa mère, etc. En général, on tenait beaucoup de propos sur Jésus dans tout le pays, car les circonstances merveilleuses de son baptême, le témoignage de Jean, les récits de ses disciples dispersés, tout concourait à attirer l'attention sur lui. Il n'y eut autant dé bruit à son sujet que plus tard, lors de la résurrection de Lazare et avant sa passion.

La sainte Vierge était très sérieuse et concentrée en elle même : lorsque Jésus était séparé d'elle, elle avait toujours des mouvements intérieurs et des pressentiments, et souffrait avec lui.

Vers la fin des quarante jours, Marie était allée à Cana, en Galilée, chez les parents de la fiancée de Cana. Ce sont des gens considérés et comme les principaux personnages de l'endroit : ils ont une belle maison presque au centre de la ville, qui est très agréable et bien bâtie. Elle est traversée par une route, je crois que c'est celle de Ptolémaïs : on voit la route descendre des hauteurs qui s'élèvent en face de la ville. Les rues sont moins tortueuses, et le terrain moins inégal que dans bien d'autres endroits. Le mariage doit se faire dans cette maison. Ils en ont une autre qu'ils donnent toute meublée avec leur fille. La sainte Vierge y habite pour le moment. Le fiancé est à peu près de l'âge de Jésus : c'est, je crois, un fils du premier lit d'une des trois veuves de Nazareth : il n'est pas de ceux qui suivirent une fois Jésus jusqu'à Hébron. Il est, chez sa mère, comme maître de la maison : il est à la tête de son ménage. Il est maintenant près d'elle : je crois que plus tard il doit assister son beau père dans son emploi. Ces bonnes gens consultent la sainte Vierge pour l'éducation de leurs enfants et ils lui confient tout : elle s'entretient aussi avec la fiancée, qui est une belle jeune fille. Je vois celle ci se rencontrer avec son fiancé en présence d'autres personnes, mais toujours voilée.

Je vis Jean pendant ce temps continuer toujours à baptiser. Hérode s'efforçait d'obtenir de lui qu'il vint le voir : il lui envoyait aussi des messagers pour tâcher de savoir de lui quelque chose sur Jésus. Mais Jean le traitait toujours avec aussi peu d'égards que précédemment, et il répétait ce qu'il avait dit de Jésus.

Des envoyés de Jérusalem sont encore venus près de lui pour lui faire subir un interrogatoire sur Jésus et sur lui même. Jean répondit comme toujours qu'il n'avait pas vu Jésus de ses yeux, antérieurement à son baptême, mais qu'il était envoyé pour lui préparer la voie.

Je vis que Jean, depuis ce temps, enseignait toujours que l'eau avait été sanctifiée par le baptême de Jésus et par le Saint Esprit qui était venu sur lui. J'appris que la descente du Saint Esprit sur Jésus, pendant qu'on le baptisait, avait donné plus de sainteté au baptême, et qu'il était alors sorti de l'eau beaucoup de mauvais éléments. C'était pour cela que j'avais vu la noire figure de Satan et toutes ces affreuses bêtes se presser au sein du nuage qui était sur le Jourdain, au moment où le Saint Esprit descendit. C'était comme un exorcisme de l'eau. Jésus voulut recevoir le baptême, afin que l'eau tût sanctifiée par là, car il n'en avait aucun besoin. Le baptême de Jean fut dès lors plus pur et plus saint : c'est pourquoi je vis Jésus baptisé dans un bassin séparé qu'on mit en communication avec le Jourdain et avec le réservoir où l'on baptisait tout le monde : c'est aussi pour cela que Jésus et ses disciples y prirent de l'eau et l'emportèrent avec eux pour qu'elle servît dans d'autres baptêmes.




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