Histoire de la vie de Sainte Lutgarde de Tongres.
Vie de sainte Lutgarde de Tongres
Le prénom Lutgarde vient du germain liut, « peuple », et gard, « maison ». Lutgarde naquit à Tongres, en Belgique, en 1182. Fille de riches bourgeois, elle fut placée par sa mère, dès l'âge de 12 ans, au monastère bénédictin de Sainte-Catherine à Tongres. Adolescente coquette et enjouée, elle menait une vie assez mondaine et recevait de nombreuses visites. Lutgarde était une jeune fille tout à fait normale dirions-nous aujourd'hui. Mais le Seigneur en avait disposé autrement.
Quand elle eut atteint l'âge de dix-sept ans, et alors qu'elle pensait à se marier, Lutgarde reçut la visite du Christ qui lui présenta la plaie de son côté, teintée de sang, et lui dit : "Ne recherche plus les flatteries d'un vain amour. Regarde ici et contemple désormais ce que tu dois aimer et pourquoi tu dois l'aimer. C'est ici que je promets de te faire goûter des délices de toute pureté". Sa vie en fut complètement bouleversée et elle décida se vouer au Seigneur. Lutgarde devient moniale Bénédictine.
Lutgarde eut de nombreuses autres expériences mystiques, visions, lévitation, apparitions du Christ, extases, stigmates. Elle fut en outre favorisée de nombreux dons, comme celui de guérir les malades ou de comprendre les psaumes en latin. Lutgarde priait pour les pécheurs, les malades, les malheureux, et naturellement, méditait longuement la Passion du Christ ; ses compagnes bénédictines observaient que son propre sang coulait après une profonde extase. Lutgarde vécut dans ce couvent de Tongres l'échange des cœurs avec Notre-Seigneur. Lutgarde implorait souvent Jésus :
- Ce que je veux, disait-elle un jour à Jésus, c'est votre Cœur.
- Bien plutôt, c'est moi qui veux ton cœur, répondit le Seigneur.
Et Lutgarde acquiesça :
- Qu'il en soit ainsi, Seigneur, de telle façon cependant que vous accordiez à mon cœur l'amour de votre Cœur et qu'en vous je possède mon cœur, bien à l'abri et pour toujours sous votre garde. Le biographe de Lutgarde, le dominicain Thomas de Cantimpré écrira : "Alors eut lieu l'échange des cœurs."
Cet échange des cœurs est le premier connu de l'histoire religieuse. Le Seigneur attira à Lui Lutgarde à plusieurs reprises, l'invitant une nuit à boire à la blessure de son côté. Son biographe écrira : "de la croix il détacha un bras, il l'enlaça, la serra contre son côté droit et appliqua sa bouche à la blessure. Elle y but une douceur si puissante qu'elle fut depuis lors et jusqu'à la fin de sa vie toujours plus forte et plus alerte au service de Dieu."
Lutgarde n'avait pas 25 ans lorsqu'elle fut, en 1206, élue prieure du monastère Sainte-Catherine ; elle refusa, et entra chez les Cisterciennes d'Aywiers, près de Couture-Saint-Germain, non loin de Namur, dans le Brabant wallon. Lutgarde, qui ne connaissait que le flamand ne comprenait pas la langue romane, qui deviendra le français, langue employée par ses sœurs. Aussi Lutgarde vécut-elle isolée, dans le silence et l'humilité, et c'est dans ce contexte qu'elle entreprit, à la demande du Seigneur, trois jeûnes de sept ans, à des intentions qui lui seront à chaque fois précisées. De plus, Lutgarde aspirait à subir le martyre. Thomas de Cantimpré rapporte qu'en 1210 "une veine se rompit à son côté, à hauteur du cœur ; il en sortit tant de sang que ses tuniques et son manteau en étaient abondamment aspergés". Lutgarde gardera cette cicatrice jusqu'à la mort.
Lutgarde devint aveugle en 1235. En 1239, elle commença son troisième jeûne de sept ans, répondant à une invitation divine pour écarter de l'Église un ennemi très redoutable. Ce jeûne ne s'achèvera qu'avec sa mort, le 16 juin 1246.
Sainte Lutgarde fut l'une des plus grandes figures du courant mystique du 13ème siècle. Elle a été inscrite au martyrologe romain en 1584. Elle est fêtée le 16 juin.